"Un pacte pour l'intégration et la participation des personnes issues de l'immigration dans les villes et régions d'Europe" - CPL (11) 4 Partie II

Rapporteurs:
Helene LUND, Danemark,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : SOC
et
Wolfgang SCHUSTER, Allemagne,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : PPE/DC

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EXPOSE DES MOTIFS

I. Introduction

1. Travaux et manifestations précédentes du Congrès

Depuis plus de 25 ans, le Conseil de l’Europe œuvre, conformément à ses principes fondateurs liés à la protection des droits de l’homme, à la reconnaissance des droits sociaux et politiques des étrangers légalement établis sur le territoire de ses Etats membres.

En novembre 1992, le Conseil de l’Europe a ouvert à la signature et à la ratification par les Etats membres un texte fondamental en la matière : la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (http://conventions.coe.int ). Hélas, la Convention n’est, à ce jour, signée que par 10 Etats membres et ratifiée que par 7 d’entre eux : le Danemark, la Finlande, l'Islande, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. Pourtant, les mécanismes de participation proposés sont souples et progressifs, adaptables à la réalité de chacun des Etats. Il s’agit de :

- mesures destinées à informer pleinement les résidents étrangers de leurs droits et de leurs devoirs civiques ;

- la création de comités consultatifs ou d’autres mécanismes permettant aux résidents étrangers de faire valoir leurs points de vue au niveau des autorités locales ;

- l’octroi aux étrangers remplissant les conditions de résidence spécifiques, du droit de vote et d’éligibilité au niveau local.

Malheureusement, la Convention reste trop peu connue puisque d’autres pays européens mettent déjà en œuvre les mesures qu’elle préconise sans l’avoir signée ou ratifiée. Toutefois, de façon générale en Europe la participation des étrangers à la vie publique locale reste un vaste sujet de débat.

Afin de mieux faire connaître cette Convention, le Congrès a organisé plusieurs rencontres européennes :

i. la conférence de Strasbourg (5 et 6 novembre 1999) qui a réuni 400 participants dans l’hémicycle du Conseil de l’Europe, intitulée « Quelle participation des résidents étrangers à la vie publique au niveau local ? »1. A l’issue de cette conférence un Appel a été adressé aux institutions européennes, aux Etats membres du Conseil de l’Europe et à leurs pouvoirs locaux ainsi qu’aux partis politiques pour qu’ils permettent aux résidents étrangers, sans distinction de nationalité, d’obtenir le droit de vote et d’éligibilité au niveau local. Il souligne également la nécessité pour les Etats membres de signer, de ratifier et d’appliquer les dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe du 5 novembre 1992. Les conclusions de cette conférence ont été présentées par Mme Helene Lund (Danemark) à la 7ème  Session plénière du Congrès et dans la Recommandation 76 (2000) et la Résolution 92 (2000) sur la participation des résidents étrangers à la vie publique locale2.

ii. l’audition de Stuttgart3, (14 décembre 2001) à l’initiative de la Commission de la culture et de l’éducation de la Chambre des pouvoirs locaux et sur invitation du Maire de Stuttgart, M. Schuster, membre de cette Commission. Cette audition a réuni une centaine de personnes et avait, quant à elle, pour but d’approfondir la réflexion et l’échange d’expériences sur une des mesures proposées par la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des résidents étrangers à la vie publique locale, à savoir : les conseils consultatifs. Le rapport présenté par M. Schuster (Allemagne) et Mme Dirksen (Pays-Bas) à la Session plénière du Congrès en 2002 à la Chambre des pouvoirs locaux a présenté les conclusions de cette audition ainsi que la Recommandation 115 (2002) et la Résolution 141 (2002)4.

iii. Enfin, grâce à une nouvelle invitation de M Schuster, Maire de Stuttgart, la conférence de Stuttgart (15 et 16 septembre 2003), intitulée « Intégration et participation des étrangers dans les villes d’Europe » a été co-organisée par le Congrès et la ville de Stuttgart. La rencontre a été un vif succès avec plus de 400 participants en provenance de 30 pays et un programme auquel de nombreuses personnalités ont pris part (voir programme en annexe). C’est sur les conclusions de cette conférence que ce rapport se penche plus particulièrement.

2. Les objectifs de la conférence de Stuttgart 15-16 septembre 2003

La conférence de septembre 2003 voulait cette fois élargir le débat à tous les aspects de l’intégration des étrangers et personnes d’origine étrangère dans les villes que ce soir du point de vue culturel, social, économique et politique.

En effet, il faut souligner que la ville de Stuttgart développe depuis plusieurs années une politique progressiste et volontaire en la matière qu’elle présente en détail dans un document intitulé « un pacte pour l’intégration – l'expérience de Stuttgart ». La ville y présente ses objectifs, ses réalisations et les financements croisés de ces projets. La ville de Stuttgart est en Allemagne celle qui a le taux de chômage le plus bas parmi ses résidents étrangers et elle est notamment très fière de ces programmes d’apprentissage de la langue allemande pour les enfants et adultes immigrés.

Les objectifs de la conférence de Stuttgart étaient :

- promouvoir l’échange d’expériences et le dialogue entre villes européennes sur leur politique locale d’intégration et de participation des étrangers ;
- lancer un réseau de villes pour la coopération dans ce domaine ;
- adopter un projet de manuel à l’usage des autorités locales sur les structures consultatives locales pour les étrangers telles que proposées dans la Convention du Conseil de l’Europe de 1992 sur la participation des étrangers à la vie publique locale;
- adopter une déclaration à l’issue de la Conférence sur les politiques locales pour l’intégration des étrangers en Europe.

3. La coopération transversale au sein du Conseil de l’Europe

Depuis le début de la préparation de la conférence, le Congrès avait tenu à coopérer avec les autres secteurs de l’Organisation concernés et des représentants de ces secteurs ont pu contribuer aux débats durant la conférence, en particulier des membres de l’Assemblée parlementaire, du Comité Européen sur les Migrations (CDMG), de la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI) (la représentante du Comité Directeur sur la Démocratie Locale et Régionale (CDLR) étant hélas empêchée à la dernière minute de prendre part à la conférence).

Cette coopération transversale a pu être réalisée avec le soutien du projet intégré « Institutions démocratiques en action »5 du Conseil de l’Europe et sous la coordination du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (Congrès). Le projet intégré a également contribué au financement de la conférence.

4. Le Manuel sur les structures consultatives locales pour résidents étrangers

Un élément important de la conférence de Stuttgart a été la présentation d’un Manuel sur les structures consultatives locales pour résidents étrangers.

En effet, la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local datant du 5 février 1992 propose plusieurs mécanismes pour parvenir à une telle participation et en particulier, dans son article 5, la création d’organismes consultatifs pour les résidents étrangers au niveau local.

Des structures consultatives locales pour résidents étrangers ont été créées dans plus d’une dizaine d’Etats durant ces trois dernières décennies. Ces structures constituent un véritable outil de la démocratie locale en renforçant la cohésion sociale et politique des villes qui deviennent de plus en plus multiculturelles. Elles collaborent à la coexistence pacifique des différents résidents et contribuent au développement de la citoyenneté en offrant des espaces de dialogue et de concertation entre les étrangers et les nationaux.

Le manuel offre une sorte de recueil des principes directeurs à retenir pour la création et le bon fonctionnement des structures consultatives pour résidents étrangers. Il ne propose pas un historique des structures consultatives locales pour étrangers en Europe mais s’inspire des expériences passées et s’appuie surtout sur les expériences actuelles. Il vise donc à apporter des informations sur les structures qui existent au niveau local (1) afin de les inciter à s’améliorer, (2) afin que de nouvelles structures consultatives locales pour résidents étrangers soient créées et aussi (3) pour inviter les structures existantes et les nouvelles à évoluer et échanger leurs expériences. Il est donc destiné à tous les acteurs locaux (autorités municipales, conseils consultatifs, associations) qui souhaitent améliorer la participation politique de tous les citoyens au niveau local.

Grâce au soutien du projet intégré « les institutions démocratiques en action » le manuel a été préparé par deux chercheurs M. Marco Martiniello et Mme Sonia Gsir (Liège, Belgique) qui ont pu bénéficier des informations et commentaires fournis par plusieurs experts de villes dotées de telles structures ainsi que des experts du Comité Directeur sur les Migrations (CDMG), de la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI) et du Comité Ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR).

Après sa présentation à la conférence de Stuttgart, le Manuel est destiné à être publié et diffusé aussi largement que possible aux membres du Congrès, aux élus locaux et régionaux de l’Europe, aux Associations nationales et internationales de pouvoirs locaux et régionaux et aux experts gouvernementaux du Conseil de l’Europe concernés par les questions de migration, d’intégration et de participation des résidents étrangers à la vie publique locale.

Enfin, le Manuel devrait être un outil « évolutif » et à cette fin le Secrétariat du Congrès sera heureux de recevoir des commentaires et informations complémentaires sur d’autres expériences concrètes sur ces structures en Europe.

II. Le résumé des interventions à la Conférence6

DISCOURS D’OUVERTURE

Dr Wolfgang SCHUSTER, Maire de Stuttgart

Le maire de Stuttgart adresse ses salutations et remerciements au Président du Congrès et des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe, Dr van STAA, aux représentants parlementaires nationaux et régionaux et à ceux des missions diplomatiques et consulaires ainsi qu’aux représentants des trente pays qui participent à cette discussion sur les moyens de vivre en harmonie dans les villes cosmopolites.

Auparavant, Stuttgart a été une région d’émigration, ainsi les Souabes se retrouvent à divers endroits. Progressivement, Stuttgart s’est développée et a acquis une bonne situation économique caractérisée par d’importantes exportations et grâce au développement de la haute technologie. Elle est devenue une terre d’immigration recevant d’abord les Gastarbeiter puis d’autres migrants mus par diverses raisons et notamment des personnes d’origine allemande en provenance de l’ex-Union Soviétique. Environ un quart de la population est étrangère et la ville compte en moyenne cent quatre-vingts nationalités différentes. La cohabitation se passe bien. La Ville essaie, en effet, de permettre à chaque communauté de participer activement à la vie de la cité. Cependant, certaines questions posent encore problème telles que la situation des réfugiés, la création de grandes mosquées ou encore les quartiers ghettos. Toutefois, la Ville espère encore pouvoir accueillir les personnes qui migrent dans le cadre de la mondialisation.

L’intégration à Stuttgart se réalise en considérant d’emblée les migrants sur un pied d’égalité et non pas comme des assistés. Cette idée sous-tend la définition d’obligations et de droits réciproques. C’est l’objectif du Pacte pour l’Intégration. La diversité de profils des migrants nécessite aussi une politique sur mesure qui réponde mieux aux intérêts de chacun. Par ailleurs, les deux domaines d’action prioritaires de la politique d’intégration sont d’une part, la promotion de l’égalité des chances par l’apprentissage de la langue allemande et d’autre part, la réduction de l’anonymat, caractéristique fréquente de la vie citadine, par l’ouverture d’espaces de rencontres comme les clubs ou les associations culturelles et le dialogue interreligieux. L’intégration repose également sur plusieurs acteurs tels que les fonctionnaires municipaux, les Eglises et les associations sportives. Stuttgart a aussi été la première ville allemande à se doter d’un Conseil Consultatif composé d’élus. Les participants à cette Conférence sont invités à présenter leurs modèles et à réfléchir ensemble aux politiques d’intégration.
M. Walter SCHWIMMER, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

La gestion des flux de migrants et de réfugiés en particulier en provenance d’Afrique et d’Asie constitue un défi majeur pour l’ensemble des institutions d’Europe qu’elles soient locales, régionales, nationales ou internationales. Même si les politiques d’immigration relèvent de la compétence des gouvernements nationaux, c’est aux villes et aux communes que revient la gestion, au quotidien, des problèmes sociaux et culturels induits par la cohabitation de diverses et nouvelles populations. Les questions de l’intégration se posent d’emblée au niveau local. L’intégration ne concerne pas exclusivement les nouveaux venus mais touche aussi les étrangers déjà résidents et établis depuis plusieurs années dans les villes européennes. Il est donc important d’échanger des informations et des expériences entre les collectivités locales, sur le dialogue interculturel et interreligieux et sur la mise en place de mesures de prévention des conflits pour parvenir à une intégration sociale et culturelle réussie. Les migrations pendulaires existent aussi. Certains immigrants maintiennent une perspective de retour à court terme ou circulent entre leur pays d’origine et le pays hôte, ce qui peut gêner leur intégration dans la société d’accueil.

Le Conseil de l’Europe a élaboré des instruments pour aider les pays à maîtriser les flux migratoires et en particulier, à intégrer les nouveaux résidents. Une condition indispensable de l’intégration est la connaissance de la langue du pays d’accueil. Dans cette optique, le Conseil de l’Europe avait lancé un programme spécial dont la devise était « Apprends la langue de ton voisin. » L’enseignement de la langue reste une priorité pour les communes. Un outil fondamental élaboré par le Conseil de l’Europe est la Convention de 1992 sur la participation des étrangers à la vie publique à laquelle tous les Etats sont invités à adhérer. Elle comporte trois types de mesures qui sont souples et modulables en fonction des situations locales: l’information des étrangers sur leurs droits et leurs devoirs civiques, la création de structures consultatives locales pour résidents étrangers et l’octroi des droits politiques au niveau local aux résidents étrangers. Parmi ces mesures, la création de conseils consultatifs des étrangers est une étape importante pour l’intégration des étrangers et le développement de la démocratie locale. Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux vient d’ailleurs d’élaborer un guide de bonnes pratiques pour le fonctionnement de ces conseils. Il faut également associer les jeunes aux processus de consultation, et pour ce faire il existe notamment la Charte européenne sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale.

D’autres instruments existent aussi comme la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant ou la convention en cours d’élaboration sur la traite des êtres humains. De plus, un Comité d’experts a mis au point, au cours de l’année 2000, une stratégie pour la gestion des flux migratoires en Europe. Il est en outre indispensable d’associer les acteurs non étatiques à l’intégration des étrangers d’une part, et d’autre part, de communiquer les expériences pratiques des niveaux locaux et régionaux au niveau européen. Le slogan de la conférence de Rio « penser globalement, agir localement » s’applique ici et met en exergue l’importance des villes et des communes dans le dialogue politique sur la gestion des flux migratoires.

Dr Herwig van STAA , Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux et Gouverneur du Tyrol

L’intégration doit être une priorité politique pour l’Europe. Les schémas migratoires des cinquante dernières années se sont diversifiés et il est important de distinguer la question des réfugiés de celle des migrants en général. Par ailleurs, si la venue de nouveaux migrants suscitent des sentiments mélangés oscillant entre la pitié, la crainte ou l’impuissance, il faut constater qu’objectivement de nombreuses villes européennes sont déjà très cosmopolites et que les diverses cultures cohabitent paisiblement. Néanmoins, le traumatisme causé par les attentats du 11 septembre a pu alimenter des attitudes de rejets des migrants ou des minorités et a contribué à orienter le débat concernant les migrations sur le contrôle de l’immigration illégale.

Il faut tenir compte de ces tensions et encourager l’intégration des deux côtés. L’intégration est, en effet, un processus qui doit impliquer une volonté d’intégration tant des étrangers que des sociétés d’accueil, elle n’est pas un processus spontané. Cela signifie notamment la connaissance minimale de la langue et la compréhension de la culture du pays d’accueil d’une part, et une aide et un soutien pour les acquérir d’autre part. En outre, l’intégration doit se réaliser dans un contexte où le nombre des personnes à intégrer et celui du reste de la population reste équilibré.

Le concept de citoyenneté a, du reste, évolué. La citoyenneté n’est plus fondée sur la détention d’une nationalité mais plutôt sur une communauté de droits et d’obligations dans une localité. Dans cette perspective, le Congrès a élaboré la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local et plus récemment un manuel à l’usage des collectivités locales sur les structures consultatives locales pour résidents étrangers. Les participants sont invités à s’inspirer de ce manuel pour favoriser l’intégration. Tout un chacun doit pouvoir participer à la vie de la cité dans un cadre bien défini. Même si en règle générale, les programmes d’intégration nationaux sont établis par un processus de coopération entre l’Etat central, les pouvoirs locaux et régionaux, les partenaires sociaux et la société civile, les villes et les communes sont des échelons prioritaires de l’intégration. Le niveau municipal est donc idéal pour promouvoir l’intégration. Par conséquent, il est essentiel que les villes bénéficient d’un soutien financier important de l’Etat central.

Un dialogue constructif peut se réaliser à l’occasion de cette conférence entre les responsables politiques. Les débats et les prises de position en faveur de l’intégration des étrangers qui sont déjà présents sont essentiels mais il faut aussi réfléchir à l’intégration des nouveaux migrants. Il est important de mettre en place des programmes d’intégration cohérents et qui répondent aux questions particulières qui se posent sur le terrain.

LES POLITIQUES D’INTEGRATION – UN DEFI POUR L’EUROPE

Dr Dieter FILSINGER, Haute Ecole Catholique pour le Travail Social, Saarbrücken, Allemagne

La migration est un phénomène moderne des sociétés et des Etats européens qui comptent désormais des villes multiculturelles prises dans des processus d’intégration ou d’inclusion et d’exclusion. Mais, les questions de cohésion sociale ne sont pas propres à la migration en particulier. Il s’agit plus globalement de lutter contre l’exclusion et la marginalisation. En outre, le pluralisme culturel doit être intégré grâce à toutes les parties prenantes pour que les migrants bénéficient de conditions de vie, du droit à l’éducation et d’une égalité des chances. Ce sont donc les relations sociales entre les minorités et la majorité qui sont en jeu.

Il existe des phénomènes de discrimination et de ségrégation territoriale. Les politiques d’intégration montrent que les conflits diffèrent selon les régions. Des expériences positives de cohabitation pacifique existent aussi. Une approche réfléchie des différences et du caractère multiculturel s’impose. Elle passe par une définition plus précise des tâches de l’Etat d’une part, et d’autre part, des tâches des villes, des ONG et des citoyens et citoyennes. En Allemagne et dans d’autres pays, les expériences en cours visent à augmenter la participation politique. Celle-ci doit se fonder sur une politique d’intégration c’est-à-dire une politique sociale de lutte contre la marginalisation économique et sociale et où l’éducation occupe une place importante.

L’intégration est une tâche transversale et permanente qui nécessite par conséquent une stratégie concertée et la mobilisation de ressources. Les dix recommandations faites dans le cadre du programme Cities of Tomorrow lors d’un congrès qui s’est tenu à Essen en septembre 2001 sur le thème « Stratégies d’intégration– La société multiethnique et le gouvernement local» peuvent donc être rappelées. Il s’agit de
- Développer globalement une vision interculturelle ;
- Promouvoir les réseaux municipaux pour soutenir les processus d’intégration ;
- Employer des fonctionnaires d’origine immigrée dans l’administration locale ;
- Mettre en place une compétence de gestion interculturelle comme objectif politique ;
- Coordonner davantage les pratiques scolaires et les initiatives de quartier via les écoles communautaires ;
- Se focaliser sur l’enseignement de la langue en âge préscolaire et sur l’engagement accru des parents ;
- Favoriser le rôle intégratif de l’administration locale en tant qu’employeur modèle ;
- Mener des campagnes actives contre l’exclusion économique par des programmes de lutte contre la discrimination subventionnées par l’Etat ;
- Soutenir les communautés par une représentation symbolique des migrants ;
- Elargir la participation politique en soutenant les organisations propres de migrants.

Trois modules principaux de politiques d’intégration peuvent être distingués :
- Le module A : la formation et la qualification. (Les jeunes migrant(e)s doivent avoir accès à la formation qui les conduira à un métier. Les écoles doivent donc être considérées comme des instances d’intégration).
- Le module B : l’aménagement du territoire. (Il faut agir sur les quartiers ghettos qui enferment davantage les migrants dans les inégalités et les désavantages sociaux. La médiation interculturelle est un élément essentiel de ce module stratégique).
- Le module C : l’engagement des institutions. (Les groupes de population d’origine immigrée doivent se retrouver dans les institutions. Il s’agit d’ouvrir les institutions au pluralisme multiculturel).

En conclusion, une politique d’intégration doit comprendre différents éléments. Premièrement, cette politique doit accorder l’égalité des chances à tous les citoyens en ce qui concerne la recherche d’un logement ou d’un emploi. Deuxièmement, cette politique doit se greffer sur la politique sociale existante. Troisièmement, il faut se pencher sur la dialectique exclusion/ intégration pour élargir la marge de manœuvre à tous les groupes et pas uniquement les groupes minoritaires. Quatrièmement, la politique d’intégration doit créer des espaces communs, des lieux d’échanges et de contacts entre les groupes d’origines diverses. Il s’agit donc d’une politique positive et interactive qui encourage la coexistence de groupes d’origines multiples. Les conditions de cette politique d’intégration sont la volonté politique, la conception stratégique, les structures institutionnelles et les instances intermédiaires, une stratégie de la base vers le sommet ainsi que des méthodes de concertation ouverte et un monitoring social avec l’évaluation des projets. Une telle politique doit aussi reposer sur une politique nationale et gouvernementale claire et précise à la poursuite de ces mêmes objectifs. L’intégration et la participation des migrants dans les villes sont une tâche publique qui passe par un processus d’apprentissage de toute part. Apprendre à cohabiter est fondamental pour tous les habitants de la cité !

L’INTEGRATION DANS LES VILLES

La prise de décision dans une société multiculturelle

M. J.J.H.M. METZEMAKERS, Haut fonctionnaire politique de la ville de La Haye, Pays-Bas

En Hollande, la conviction d’une intégration réussie des minorités dans la société hollandaise a fait place depuis les deux dernières décennies à des discours s’accordant sur un échec de la politique d’intégration. De plus, le climat d’insécurité et d’incertitude qui prévaut a entraîné des réactions exagérées envers les étrangers comme parfois, par exemple, la suspicion des musulmans. Ces tendances appellent à s’interroger sur le type de société que l’on souhaite construire en Hollande.

La société hollandaise a souvent été décrite comme une société multiculturelle. Or une société composée de différentes nations ne peut être automatiquement qualifiée de multiculturelle. On peut parler de société multiculturelle lorsque tous les membres qui la composent bénéficient des mêmes droits, ont un égal pouvoir de décision et peuvent exprimer pleinement leur identité dans les sphères privée et publique. Ceux qui veulent atteindre cet idéal doivent concentrer leurs efforts sur l’intégration des minorités ethniques et culturelles plutôt que sur leur assimilation.

La société ne peut être clairement scindée en deux groupes, nous et eux. Il n’y a pas à proprement parler de culture dominante mais plutôt la coexistence de « sub-cultures » qui se coalisent entre elles de façon provisoire. C’est une société de négociation. Cette négociation exige donc que chacun puisse prendre part aux prises de décisions. Dans cette optique, la participation des minorités ethniques est favorisée par trois canaux. Premièrement, les étrangers qui résident en Hollande légalement depuis cinq ans ont le droit de voter et d’être élus aux élections municipales. En pratique, seulement 50% d’entre eux profitent de ce droit dans les quartiers défavorisés. Deuxièmement, depuis la fin des années septante, plusieurs villes ont instauré des conseils consultatifs pour les minorités ethniques. Ceux-ci peuvent être consultés par les conseils municipaux ou initier la consultation. Depuis l’octroi du droit de vote aux étrangers, le rôle de ces conseils a toutefois diminué. Si ces conseils sont des tremplins vers la participation politique, leurs objectifs ont parfois été trop flous. Troisièmement, les conseils de quartiers sont aussi des canaux de participation politique des minorités ethniques. Néanmoins ces dernières tout comme les jeunes y sont souvent peu représentées.

Malgré les efforts, la participation politique des minorités ethniques reste faible. Celle des nationaux laisse aussi à désirer. Il est toutefois nécessaire de promouvoir cette participation. Les minorités ethniques doivent pouvoir se faire entendre et être écoutées même si leurs avis diffèrent ou s’opposent à ceux de la majorité. Cela ne conduit pas nécessairement au relativisme culturel car le cadre du dialogue reste celui de la loi hollandaise qui détermine les droits et les devoirs de chacun. Mais les lois peuvent aussi changer en fonction des circonstances. En conclusion, tous doivent être associés à la définition de cette société multiculturelle. Les communautés ethniques ne doivent pas être considérées comme des groupes mais comme des ensembles d’individus. Pour construire cette société multiculturelle, l’équité est indispensable c’est-à-dire ne pas être plus exigeant avec les minorités ethniques qu’avec les nationaux, s’ouvrir et abandonner les préjugés vis-à-vis de l’Islam notamment, impliquer des groupes comme les jeunes et les femmes et enfin, cadrer le débat sur l’intégration pour l’empêcher d’être dominé par la politique générale vis-à-vis des migrations.

L’intégration des étrangers à Moscou

M. Sergey SMIDOVICH, Premier Député Chef du Département pour la Politique Economique de la Ville de Moscou, Fédération russe

L’intégration des migrants est un processus social complexe aux multiples facettes : le logement, l’emploi, l’aide médicale, l’acquisition de nouvelles connaissances, etc. Les questions d’adaptation des migrants et des résidents étrangers dans la ville de Moscou sont devenues cruciales pour les politiques migratoires de la Russie. Le programme fédéral pour les migrations a permis à Moscou d’attribuer à des migrants forcés un certain nombre de logements hors de la ville. Cela reste néanmoins insuffisant.

Malgré la diminution actuelle des flux de migrants forcés, l’intégration de cette catégorie de citoyens reste complexe et de longue haleine. En outre, en ce qui concerne le logement, les migrants entrent en compétition avec les résidents permanents. L’éducation est aussi un élément crucial pour l’intégration des résidents étrangers. A Moscou, des écoles avec une composante ethnique et culturelle ont été créées. Les enfants s’adaptent en général plus rapidement que les adultes et acquièrent la langue rapidement.

Actuellement, le programme de contrôle des migrations de la ville de Moscou fonctionne. Il a pour but d’harmoniser les phénomènes migratoires et le développement économique et social de la ville. Il comprend notamment des dispositions pour la gestion des demandeurs d’asile et des réfugiés en coopération avec des organisations internationales comme l’Organisation Internationale pour les Migrations ou le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations-Unies.

Les migrations sont désormais un élément majeur de la politique fédérale d’intégration et il est important pour la Russie de se doter d’une politique d’immigration efficace bénéficiant à l’Etat et aux populations.

L’intégration à Walsall (Royaume-Uni)

M. Mohammed NAZIR, Membre du Congrès, Conseiller au Conseil Municipal de Walsall, Royaume-Uni

Walsall est une ville du West Midlands comptant vingt-cinq mille habitants et une multiplicité de cultures et de communautés qui cohabitent pacifiquement. Comment la Ville et ses diverses communautés ont-elles permis à cette cohabitation de se développer harmonieusement ?

Tout d’abord, pionnier en la matière, le Conseil municipal de Walsall a créé une Unité d’égalité des services afin de veiller à ce que les services de la ville soient ouverts à toutes les communautés résidentes. Il s’appuie sur la nouvelle loi sur les relations raciales de 2000 qui exige que chaque commune instaure un programme pour promouvoir l’égalité raciale pour les usagers de services administratifs. Le but est donc que les employés de Walsall assurent tous les services communaux en garantissant l’égalité de droit de tous les usagers. Ce programme sensibilise les politiciens et augmente aussi la confiance des minorités ethniques dans les services publiques. C’est un réel soutien pour développer les bonnes pratiques et éviter les plaintes de discrimination.

Néanmoins, des difficultés subsistent tant à Walsall que dans le reste du Royaume-Uni mais l’approche de Walsall demeure sereine. Différents projets sont développés dans ce but. Tout d’abord, les zones les plus pauvres où sont d’ailleurs concentrées des communautés ethniques sont réhabilitées par l’allocation d’un budget spécifique qui est discuté avec les communautés. Ensuite, l’attribution des logements sociaux se base sur une approche de la base vers le sommet qui permet aux communautés locales de participer à la politique des logements sociaux. Enfin, malgré la tendance à attribuer spontanément crimes et délits aux étrangers, aux demandeurs d’asile ou aux membres des communautés ethniques, les relations entre la police et les communautés ont évolué positivement. La police encourage le recrutement parmi les minorités ethniques d’une part. Et d’autre part, des forums consultatifs sont organisés entre la police et la population locale afin de trouver ensemble des pistes pour lutter contre la criminalité.

A Walsall, demeure la question des demandeurs d’asile qui sont environ 1 500 de quelque trente pays. Cette question est difficile non seulement au Royaume-Uni mais aussi dans d’autres pays de l’Union Européenne. L’avantage du Royaume-Uni est sa longue expérience d’intégration des communautés.

L’intégration et la participation des étrangers dans la ville de Lausanne (Suisse)

Mme Silvia ZAMORA, Conseillère municipale, Ville de Lausanne, Suisse

Les étrangers représentent environ 20% de la population suisse. Ils sont concentrés dans les grands centres urbains comme Bâle, Berne, Genève, Zurich et Lausanne. Leur intégration est complexe car elle se situe aux trois niveaux de pouvoir du système fédéral suisse : l’état fédéral, les vingt-six cantons et les deux mille huit cent quatre-vingts communes.

Dans le canton de Vaud, sur un total de cent soixante-neuf mille étrangers que compte le canton, un étranger sur trois vit à Lausanne. Lausanne est aussi la commune du canton qui reçoit le plus de demandeurs d’asile et elle compte 4 000 à 6 000 étrangers sans permis de séjour. L’intégration dans une ville nécessite une politique sociale adaptée à des personnes aux statuts souvent précaires.

Lausanne est une ville pionnière dans quatre domaines d’action. Au niveau de la politique scolaire, des classes d’accueil destinées aux élèves allophones ont été créées afin de favoriser l’égalité des chances des Suisses et des étrangers. Au niveau de la politique éducative, Lausanne soutient, par une importante subvention annuelle, une coordination d’associations qui dispense à des adultes une formation gratuite en connaissances élémentaires (français, lecture, calcul et logique). La formation des adultes relève pourtant des compétences cantonales. Au niveau de la politique sociale, Lausanne s’est préoccupée des migrants en situation irrégulière ou clandestins bien qu’elle n’ait pas de compétence sur le plan de la politique d’immigration. Elle a donc chargé un groupe de travail d’étudier cette problématique. Ce groupe a émis plusieurs propositions pour que les clandestins aient accès aux soins de santé de base, à la nourriture et à un hébergement d’urgence. Enfin, en ce qui concerne la participation des étrangers, il existe un organe consultatif des étrangers depuis 1977, et depuis 2003 les droits politiques ont été accordés aux étrangers au niveau cantonal. Dès lors, comme Lausanne, les villes peuvent influencer les politiques d’intégration à d’autres niveaux de gouvernement. Ce transfert d’idées peut se réaliser par des contacts bilatéraux avec les niveaux cantonal et fédéral et par des contacts multilatéraux entre les villes.

L’expérience de Bologne : La Charte des droits et des devoirs pour une cohabitation civile

M. Giovanni SALIZZONI, Vice-Maire de la ville de Bologne, Italie

Depuis deux ans, la Ville de Bologne tente de répondre aux problèmes d’intégration. Elle a promu une série d’initiatives intitulée Vivre ensemble la ville. Six mots clés décrivent ce projet : identité (l’affirmation de ce qu’on est avec comme corollaire le respect de l’autre) ; école, travail, maison (lieux d’éducation, de ressources et de vie familiale auxquels chacun a droit) ; règles (indispensables pour vivre ensemble) et moyens économiques (essentiels pour concrétiser les principes).

La présence de nouveaux instruments, les fondations communautaires permettent de recueillir des fonds auprès d’entreprises, de banques, de citoyens pour faire face aux problèmes sociaux et liés à l’immigration. La Ville de Bologne s’est aussi penchée sur des éléments saillants pour la coexistence comme l’école et la formation mais aussi le logement.

Enfin, animée par l’idée que la communauté d’accueil a aussi une identité propre, Bologne a élaboré une Charte des Droits et des Devoirs pour une cohabitation civile. Cette charte est plus un pacte qu’un instrument coercitif. Fondée sur un choix personnel, l’intégration est l’aboutissement d’un processus historique. C’est un phénomène culturel que l’on ne peut décréter. La charte comprend neuf articles. L’article 1 établit les conditions pour vivre ensemble, c’est le pacte de cohabitation. L’article 2 définit les actions qui mènent à l’intégration civique. Le troisième article décrit l’engagement de la municipalité à lutter contre toutes formes de discrimination ou de racisme. Dans l’article 4, la municipalité s’engage à veiller à l’existence d’outils pour assurer la connaissance (de l’italien notamment) et l’information des immigrés. L’article 5 définit les instruments pour la coordination des actions dans le domaine de l’immigration. Les articles suivants soulignent l’importance de l’école (art.6), de la protection de la santé (art.7) et de l’accès à l’emploi et au logement (art.8) dans le processus d’intégration. Enfin, le dernier article réfère à l’aide que la municipalité peut apporter aux réfugiés politiques (art.9). Cette charte a été traduite en neuf langues et est donc largement diffusée. En outre, elle est devenue une sorte de charte d’identité de la ville et est notamment remise à chaque Bolognais qui reçoit sa carte d’identité. Un groupe de travail a été constitué par le Conseil municipal et a rédigé une esquisse du texte de la charte. La mise au point du texte a nécessité deux ans de discussions au sein du Conseil municipal mais également avec les syndicats.

Pour les familles analphabètes, les centres d'accueil pour les nouveaux arrivants et les travailleurs doivent assurer la communication notamment sur cette Charte.

L’intégration à Barcelone

Mme Núria CARRERA, Conseillère municipale de la ville de Barcelone, Espagne

Comme la plupart des villes espagnoles, Barcelone vit une nouvelle situation caractérisée par la diversité et le mélange. Un accord politique a d’abord été réalisé, en 2002, entre toutes les forces politiques pour établir un plan de l’immigration. Il s’agit d’un pacte externe entre le gouvernement régional et le gouvernement local mais aussi avec les acteurs sociaux comme les associations et les syndicats. Ses objectifs sont la promotion de la cohésion sociale et de la cohabitation, la prise en compte de la diversité culturelle, la normalisation de l’accès à tous les services, la participation et le consensus politique. Ses trois axes stratégiques sont la cohésion, l’importance de la diversité et la cohabitation en situation de conflits.

Au niveau de la participation politique, Barcelone dispose d’une loi sur tous les conseils de participation. Depuis 1997, il existe un conseil des personnes étrangères qui est formé sur le modèle d’autres conseils comme les conseils de la femme, du tourisme, etc. Cet organe est agréé par le Conseil municipal. Après six ans d’existence, il est devenu d’une part, un groupe de pression pour améliorer la loi sur les étrangers qui a été durcie et d’autre part, un interlocuteur du Conseil municipal pour les questions qui préoccupent les étrangers. Pour l’avenir, le conseil des personnes étrangères veut augmenter sa représentativité et aussi soutenir le tissu associatif. Ce conseil est limité à une fonction consultative et n’est pas toujours représentatif de tous les immigrés, en particulier des plus récents qui n’ont pas encore mis en place d’associations. Toutefois, cet organe a aussi des avantages. Il a une certaine force politique. Il constitue un groupe de pression ainsi qu’une structure d’opportunité pour la négociation. C’est aussi une source d’information pour les étrangers. Il est donc essentiel de se doter de tels organes qui aident à promouvoir le dialogue politique. Les villes ont une fonction majeure et stratégique dans le processus de mélange (« mezcla ») qui se déroule en Europe.

Stuttgart, un Pacte pour l’intégration

M. Gari PAVKOVIC, Commissaire local pour l’intégration des résidents étrangers, Département de l’intégration de la ville de Stuttgart, Allemagne

A Stuttgart, 23% de la population est étrangère. Cela fait d’elle la deuxième ville d’Allemagne en regard de la proportion d’étrangers. Cent soixante-dix-sept nationalités y cohabitent. Des mesures d’intégration efficaces s’imposaient donc pour permettre de valoriser cette diversité. L’intégration est ici conçue comme une tâche transversale. Tous les acteurs, tant les organisations des secteurs publics et privés que les instances politiques ou les ressortissants allemands et étrangers et leurs associations doivent y collaborer. Ainsi tous les thèmes spécifiques aux migrants sont traités par chaque service municipal.

La politique d’intégration de Stuttgart poursuit trois objectifs. Tout d’abord, il s’agit de promouvoir la participation et l’égalité des chances des migrants. Des projets de promotion de l’égalité des chances sont donc encouragés car l’absence de mesure de promotion est considérée comme une discrimination. Ensuite, il s’agit de favoriser la cohabitation pacifique des différentes communautés et donc d’améliorer la cohésion sociale. Enfin, le dernier objectif vise à valoriser les ressources culturelles présentes afin d’améliorer le dialogue interculturel.

Pour réaliser ces différents objectifs, quatre principaux domaines d’action sont privilégiés. Premièrement, des cours de langue et d’intégration spécifiques à Stuttgart sont organisés. Ils se caractérisent par des cours d’intégration du Land comprenant cent cinquante heures d’allemand et deux heures de consultation individuelle par participant, et par des cours d’allemand élémentaires de cent cinquante heures qui sont également proposés dans les quartiers. Deuxièmement, l’intégration des quartiers est promue par le dialogue interculturel au quotidien et des activités réunissant différentes communautés, mais aussi par la présence de médiateurs disponibles en cas de conflits de voisinage. Troisièmement, l’apprentissage de l’allemand est soutenu chez les enfants dès le jardin d’enfants et l’école. Quatrièmement, l’utilisation des ressources culturelles est encouragée par, notamment, le recrutement de migrants qualifiés dans les services municipaux et la formation d’équipes multiculturelles qui sont plus efficaces pour répondre aux besoins d’une population diversifiée.

En ce qui concerne la participation politique, une commission consultative des étrangers existe à Stuttgart depuis vingt ans. Aujourd’hui, cette commission se nomme Commission internationale et comprend douze membres élus directement non ressortissants de l’Union Européenne et douze autres membres : quatre, originaires de l’Union Européenne et désignés par les partis et huit spécialistes. Parmi ces membres, certains siègent dans d’autres commissions consultatives. Cependant, la participation aux élections des membres de la Commission internationale et des membres élus aux séances de la commission est limitée. D’autres formes de participation plus efficaces devraient éventuellement être mises en place. Une participation réussie passe nécessairement par l’intégration sociale des migrants. La création d’une commission chargée des questions d’intégration et de migration composée de personnes compétentes s’impose pour atteindre cet objectif.

Eurocities

M. Harrie VAN ONNA, Haut fonctionnaire politique de la ville de Rotterdam, représentant d’Eurocities, Pays-Bas

Les villes européennes manquent souvent de moyens pour s’acquitter de toutes leurs obligations en ce qui concerne les migrants et leur intégration. En outre, elles sont rarement consultées par les Etats dont elles doivent cependant assurer l’application des politiques. Eurocities, un réseau d’un peu plus de cent trente villes a dès lors produit une recommandation destinée aux institutions publiques européennes dans cette perspective : Contribution pour la bonne gouvernance en ce qui concerne l’accueil et l’intégration des immigrants et des demandeurs d’asile. L’accent y est mis sur l’importance d’une démarche intégrée, multi-facettes où chacun est considéré sur un pied d’égalité par rapport aux procédures à mettre en œuvre. Ce document invite aussi à promouvoir une coordination horizontale entre les villes et insiste sur le rôle des citoyens.

Par ailleurs, un observatoire sur les questions d’intégration des grandes métropoles européennes a été mis en place. Son siège est à Barcelone et il est particulièrement soutenu par une quinzaine de villes. Cet observatoire a trois missions : être un centre de monitoring des migrations dans les grandes métropoles européennes, élaborer de nouvelles stratégies en matière d’intégration et enfin, développer des projets pilotes. Le dialogue ouvert et permanent d'Eurocities ne se réalise pas uniquement au niveau des villes, mais également avec des représentants des gouvernements.

PARTICIPATION DES ETRANGERS A LA VIE PUBLIQUE LOCALE –
LES STRUCTURES CONSULTATIVES LOCALES

Présentation du manuel sur les structures consultatives locales pour résidents étrangers

Dr Marco MARTINIELLO, Maître de Recherches au Fonds national de la Recherche Scientifique et Directeur du Centre d’Etudes de l’Ethnicité et des Migrations (CEDEM), Liège, Belgique et Mme Sonia GSIR, attachée de recherche au CEDEM, Liège, Belgique

Ce manuel pratique est destiné à promouvoir la mise en place de structures consultatives locales pour résidents étrangers (SCLRE) dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il s’appuie sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local du 5 février 1992 qui propose dans son article 5, la création d’organismes consultatifs pour les résidents étrangers au niveau local. Les structures consultatives locales pour résidents étrangers peuvent, en effet, jouer un rôle indéniable dans la cohésion sociale et politique des villes européennes qui deviennent de plus en plus multiculturelles. Elles peuvent constituer un véritable atout dans le développement de la démocratie locale et bénéficier à l’ensemble de la cité.

Le manuel présente donc les éléments constitutifs des structures consultatives et formule des propositions constructives pour les améliorer. Il est, de ce fait, destiné à tous les acteurs locaux (autorités municipales, conseils consultatifs, associations) qui souhaitent améliorer la participation politique de tous les citoyens au niveau local.

Définitions
La structure consultative locale pour résidents étrangers est un organe démocratique, mis en place au niveau local, qui institue des relations de consultation entre d’une part, les élus et d’autre part, les résidents étrangers. C’est un outil pour la participation politique, la représentation et la défense des intérêts de tous les résidents étrangers au niveau local. Pour fonctionner efficacement, la SCLRE doit donc être en communication constante avec les élus locaux et les résidents étrangers. Sans structure consultative, le dialogue entre les élus locaux et les résidents étrangers risque d’être aléatoire, informel et forcément inégalitaire surtout si ces derniers ne disposent des droits de vote et d’éligibilité au niveau local.

Objectifs
La plupart des structures consultatives existantes exposent de manière plus ou moins développée divers objectifs. Les objectifs globaux se résument comme suit. Il s’agit d’une part, d’intégrer et de faire participer les résidents étrangers à la vie publique locale et d’autre part, d’améliorer et harmoniser les relations entre les résidents étrangers et les autres composantes de la cité. Les SCLRE déterminent aussi d’autres objectifs plus spécifiques aux volontés et aux besoins locaux. Il est essentiel de déterminer précisément les objectifs que poursuit la structure consultative pour résidents étrangers. La précision et la clarté de cette définition permettront d’évaluer ses actions et son fonctionnement. Il est également indispensable de classer les objectifs en fonction des priorités et des moyens disponibles et en outre, de les réévaluer périodiquement et de les adapter.

Actions
Les structures consultatives développent différents types d’action. Outre l’action consultative qui consiste à transmettre au Conseil municipal des avis ou des recommandations sur des thèmes définis, on distingue aussi des actions politiques locales, des actions sociales et des actions culturelles. Il est suggéré que les SCLRE privilégient la consultation et les actions politiques locales tout en se limitant à promouvoir les autres types d’actions auxquels se consacrent d’autres organes comme les associations. Par ailleurs, le contenu de la consultation peut être ouvert à tous les thèmes qui concernent la gestion de la cité. Enfin, il est essentiel d’assurer le suivi et l’évaluation des actions entreprises et d’informer tous les résidents de la cité des résultats obtenus.

Membres
Les membres sont les acteurs essentiels de la SCLRE. Ils sont choisis en fonction de différents critères comme leur nationalité et de leur rôle au sein de la structure (représenter une communauté, le Conseil municipal). Vu que la fonction essentielle de l’organe consultatif est la participation politique des étrangers, les structures consultatives développent différentes pratiques pour assurer la représentativité de tous les résidents étrangers. Mais l’équation « un membre = une nationalité représentée » n’est pas toujours la panacée. Une personne n’est pas forcément représentative de sa communauté nationale d’origine. Entre ses intérêts personnels et ceux de sa communauté, le représentant « ethnique » peut privilégier les premiers. Dans cette optique, la souplesse des critères de sélection des membres est conseillée ainsi qu’un « membership » évolutif et différencié. Il faut aussi promouvoir une structure paritaire élue directement avec un équilibre entre membres féminins et masculins. Enfin, il est nécessaire d’encourager la formation des membres.

Organisation

L’initiative de créer une SCLRE vient soit des conseillers municipaux soit des résidents étrangers ou de leurs associations. Dans certains cas, la législation nationale ou régionale encourage voire oblige la mise en place de telle structure. De plus, les structures consultatives locales peuvent, selon les cas, disposer de différents types de moyens d’action : des ressources humaines, financières, administratives et des moyens de communication. Certaines SCLRE bénéficient parfois d’un organe régional qui a un rôle de coordination mais aussi de représentation. Un tel organe permet de soutenir les actions des SCLRE et constitue leur relais vers les gouvernements régionaux ou nationaux. Dans plusieurs cas, il s’est avéré qu’en dépit de la présence de la structure consultative, les élus locaux ne la sollicitaient pas ou le faisaient alors même que leurs décisions étaient déjà prises. Un fonctionnement optimal de la consultation nécessite, par conséquent, d’institutionnaliser le mécanisme de consultation. Cela passe par une mise au point des droits et des devoirs des partenaires : le Conseil municipal et la structure consultative. Il est donc fondamental d’institutionnaliser les droits d’initiative et de réponse de la SCLRE et parallèlement, d’établir formellement le devoir du Conseil municipal de consulter la SCLRE. Il est aussi essentiel d’octroyer à la SCLRE des moyens de fonctionnement durable.

Conclusions

Les SCLRE peuvent se trouver confrontées à deux limites majeures : celle de la représentativité et celle de la consultation. D’un côté, il arrive qu’une communauté étrangère ne soit pas représentée en dépit des efforts développés. D’un autre côté, la consultation en soi constitue une limite. La participation politique restreinte à une stricte consultation peut provoquer un sentiment de frustration chez les membres qui vont progressivement délaisser la structure consultative ou parfois l’utiliser à des fins individuelles.

Il est important de rappeler que l’objectif de départ est la participation politique des étrangers à la vie publique locale. Au-delà des structures consultatives locales pour résidents étrangers, il existe d’autres pratiques qui développent la participation politique des étrangers de manière transversale par exemple en intégrant des étrangers dans des conseils de quartiers. Il est donc évident que l’innovation et l’évolution de la SCLRE doivent être favorisées. La SCLRE doit être une structure souple, capable de s’adapter à la situation des résidents étrangers et de tenir compte de l’arrivée de nouveaux étrangers. Toutefois, la création et le maintien d’une SCLRE doivent se baser sur une réelle volonté politique du Conseil municipal.

Les structures consultatives locales pour résidents étrangers peuvent donc prendre des formes multiples. Elles sont sans conteste un outil souple et flexible qu’il est possible d’adapter dans chaque ville. Elles ne doivent pas être considérées comme un ersatz aux droits de vote et d’éligibilité. Elles demeurent d’ailleurs des dispositifs actifs dans des pays où les droits politiques sont accordés aux résidents étrangers. Ces structures consultatives peuvent plutôt constituer un tremplin pour la réalisation quotidienne de la démocratie locale. Elles offrent une opportunité appréciable d’améliorer la participation politique de tous les résidents locaux et de développer leur capacité d’action citoyenne, en particulier dans toutes les villes multiculturelles. Le mécanisme de consultation avec ses droits d’initiative et de réponse, se trouve au cœur du fonctionnement des structures consultatives. Institutionnalisé, ce dispositif ouvre la porte au dialogue entre élus et citoyens et favorise la participation directe de tous les citoyens à la gestion locale de la cité.

La présidente, Mme LUND, indique que le manuel est un outil qui peut être utilisé au niveau local même s’il n’y a pas, au niveau national, d’accord concret ou de ratification de la Convention. Elle recommande aux villes qui n’en disposent pas de mettre en place des structures consultatives locales pour résidents étrangers. Elle invite les participants qui en ressentent le besoin à contacter les autorités locales et à leur montrer le manuel pour les inspirer et les aider à créer de telles structures consultatives.

Le Conseil de la Citoyenneté des Parisiens non Communautaires

Mme Khedidja BOURCART, Adjointe au Maire de la ville de Paris chargée de l’intégration des étrangers non communautaires, France

La création du Conseil de la Citoyenneté des Parisiens non Communautaires (CCPNC) se fonde sur au moins deux constats. D’un côté, à Paris, un habitant sur sept est étranger. Cette présence étrangère (14,5% de la population) n’est pas nouvelle. Elle contribue à l’identité de Paris et en fait une ville cosmopolite et ouverte sur le monde. D’un autre côté, depuis l’octroi du droit de vote local aux étrangers européens, ceux qui ne sont pas ressortissants de l’Union Européenne subissent une discrimination supplémentaire. Le CCPNC a donc pour but de donner l’opportunité aux 10% de Parisiens dépourvus du droit de vote de s’exprimer sur leur ville et de favoriser la citoyenneté de résidence. Créé à la fin de l’année 2001 au Conseil communal de Paris, il a commencé à fonctionner en janvier 2002. Il comporte quatre-vingt-dix membres titulaires choisis en fonction de critères géographiques et en respect de la parité de genre. Depuis lors, de nombreuses réunions ont été organisées en fonction de commissions thématiques.

Le bilan de la première année de fonctionnement donne lieu à plusieurs recommandations. Premièrement, l’accès aux droits est une priorité. Il se base sur l’accès à la citoyenneté de résidence, la lutte contre la discrimination, l’accès à la langue française, à l’information administrative en particulier, au logement et à un emploi, vecteur majeur d’intégration. Les personnes âgées et les jeunes issus de l’immigration sont deux groupes plus fragiles auxquels une attention particulière doit être accordée. Enfin, les problèmes de mobilité concernent tous les Parisiens qu’ils soient ou non d’origine étrangère. Deuxièmement, l’apport culturel des étrangers doit être valorisé. Troisièmement, la Ville doit promouvoir la solidarité internationale et le co-développement.

Le CCPNC est associé à certaines initiatives de la Mairie voire les co-organise. Il a du reste été consulté sur des questions d’urbanisme. Ses objectifs futurs sont d’ores et déjà de poursuivre sa réflexion et ses actions au travers de trois axes transversaux (l’accès aux droits, la jeunesse et l’égalité homme/femme), d’améliorer sa visibilité et de participer à plusieurs événements majeurs comme le Forum Social Européen et enfin, d’obtenir que le droit de vote aux élections locales soit également accordé aux Parisiens non communautaires.

La Commission Consultative pour Etrangers de Luxembourg

M.Claude WISELER, Echevin de la ville de Luxembourg, Président de la Commission Consultative pour Etrangers, Luxembourg

Le Grand-Duché de Luxembourg est le pays de l’Union Européenne qui compte le taux le plus élevé d’étrangers, pour la plupart européens. Un peu plus de la moitié de la population de la ville de Luxembourg n’est pas luxembourgeoise et représente cent dix-huit nationalités. Dès 1978, les autorités communales ont été stimulées par cette situation démographique et ont pris trois initiatives relatives à l’intégration et à la participation des étrangers. Il s’agit de l’édition du bulletin Ons Stad (Notre ville) qui contient des pages d’informations quadrilingues, de l’instauration de la première commission consultative paritaire pour étrangers du pays et enfin, de la création d’un service d’information et d’accueil des étrangers.

Depuis l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 5 août 1989, chaque commune luxembourgeoise dont la population résidente compte plus de 20% d’étrangers est contrainte de constituer une commission consultative pour étrangers. Ses missions sont d’assurer la participation des étrangers à la vie de la commune, et de favoriser la compréhension mutuelle entre étrangers et Luxembourgeois et en particulier avec les services de l’administration communale. La commission peut être consultée par le conseil communal ou initier la consultation. Commission paritaire, elle est donc composée d’étrangers et de Luxembourgeois désignés par le conseil communal. Les membres luxembourgeois sont choisis de manière à ce qu’il y ait au moins parmi eux un membre du conseil communal et un membre qui n’en fait pas partie. Quant aux membres étrangers, ils sont choisis en fonction des communautés présentes et selon un critère de résidence d’un an au minimum dans la commune.

Au cours des premières années d’existence de la commission consultative pour étrangers de Luxembourg (CCEL), les ambassades étaient des relais pour le choix des membres étrangers. Cette méthode n’offrait guère de représentativité. Plus tard, les associations sont devenues les relais. En juillet 2000, douze membres (six étrangers et autant de Luxembourgeois) ont été désignés par le conseil communal de Luxembourg pour la CCEL. Un des points faibles est que l’engagement et le sérieux des membres dépendent avant tout de leur volonté individuelle. La CCEL s’est organisée en différents groupes de travail comme ceux de la scolarisation des enfants ou de la participation aux élections des étrangers communautaires. Des membres de la CCEL participent en tant que délégués à d’autres commissions consultatives communales. Cette transversalité permet notamment d’aborder d’autres questions que celles spécifiques aux étrangers de manière plus efficace et plus crédible.

La CCEL se penche aussi sur des questions comme l’information des étrangers sur les services communaux, l’organisation de cours de langues, le logement et la participation des étrangers à la vie de la communauté. Ses avis dans ces domaines sont écoutés. L’engagement de la CCEL dans de multiples activités avait pour conséquence une perte d’énergie. L’accent est désormais mis sur le politique et la CCEL se borne à soutenir d’autres types d’action. La formation des membres de la CCEL est aussi valorisée ; plusieurs séances ont été nécessaires au début du mandat, pour expliquer à ses membres le fonctionnement de la commune.

LES JEUNES MIGRANTS

M. Luis YAÑES-BARNUEVO, Rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la situation des jeunes migrants en Europe, Espagne

M. YAÑES-BARNUEVO, en tant que représentant de la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie de l’Assemblée parlementaire, rapporte une audition de jeunes migrants de vingt-sept pays d’Europe organisée par cette Commission en novembre 2001. Les jeunes migrants sont souvent confrontés à des difficultés d’intégration. Plusieurs éléments sont révélés par cette audition et conduisent à des recommandations de l’Assemblée.

Premièrement, les possibilités de participation active à la vie politique sont limitées pour les jeunes migrants. Et dans plusieurs pays européens, le débat sur le droit de vote des étrangers s’est intensifié. L’Assemblée est, d’une part, en faveur d’une citoyenneté de résidence au niveau local. D’autre part, elle considère que l’octroi de droits politiques au niveau national requiert l’acquisition de la nationalité du pays. Outre les droits politiques, l’accès aux emplois dans la fonction publique est aussi un vecteur d’intégration notamment pour les descendants d’immigrés. Deuxièmement, pour améliorer la cohésion sociale, il est primordial que des programmes d’intégration soient élaborés pour les jeunes migrants. Selon l’Assemblée, de tels programmes doivent être mis en place au niveau local, comporter un enseignement linguistique, une orientation sociale et une formation professionnelle et se baser sur une évaluation individuelle des besoins de chaque jeune. La participation à ces programmes devrait permettre l’épanouissement personnel du jeune dans la société hôte sans pour autant l’acculturer ou l’empêcher de préserver sa culture. Par conséquent, les Etats et les pouvoirs locaux doivent soutenir des activités qui valorisent les cultures des communautés immigrées et de leurs pays d’origine en coopération avec les personnes étrangères ou d’origine étrangère. En plus des activités culturelles, l’étude de la langue, de l’histoire et de la culture du pays d’origine des jeunes doit être promue. L’éducation non formelle qui se réalise par le biais de la participation des jeunes migrants à du travail associatif, des mouvements de jeunesse, du théâtre ou d’autres activités doit aussi être soutenue.

Enfin, les jeunes migrants sont les acteurs, autrement dit les électeurs, les travailleurs et l’opinion publique de la société de demain. Ils doivent donc être considérés comme un atout et un facteur d’enrichissement de la société et par conséquent, pouvoir pleinement participer à cette société en pouvant y exprimer leurs avis, leurs craintes et leurs projets.

M. YAÑES-BARNUEVO observe, de plus, que des enseignements peuvent être retirés des immigrations antérieures. Il argumente qu’auparavant, il n’existait pas de programme d’intégration et que l’intégration se produisait naturellement et progressivement. Aujourd’hui, avec la sensibilisation croissante au thème de l’immigration, les opportunités d’agir se sont multipliées. Il existe des programmes d’éducation, de formation, de civisme pour les immigrés mais il conclut qu’il faut aussi des actions en direction de la population autochtone.

Mme Fatima EL HASSOUNI, Membre du Bureau du WFM (Young Women from Minorities) et initiatrice de l’« Espace Rencontre Jeunes Filles », Strasbourg, France

L’Espace Rencontre Jeunes Filles (ERJF) est un lieu de rencontres, de détente, d’information et de formation des jeunes filles citoyennes. Créé à Strasbourg en 1996 par une association maghrébine de quartier, il a pour but d’offrir un espace convivial à des jeunes filles issues de l’immigration où elles puissent, comme les garçons, pratiquer des activités de loisirs. Les actions menées dans le cadre de l’ERJF visent aussi à développer la connaissance de l’histoire et de la culture d’origine et la participation à la vie publique.

Certaines jeunes filles d’origine immigrée, bien qu’elles soient de nationalité française continuent à se présenter comme Algériennes, Tunisiennes ou Marocaines et non comme citoyennes françaises. Finalement, ces jeunes filles ne se sentent citoyennes d’aucun pays et peuvent dans certains cas, se tourner voire se replier vers leur communauté d’origine en se vêtant du foulard ou en s’inscrivant dans des cours d’arabe ou de religion islamique. L’ERJF donne l’opportunité aux jeunes filles d’origine étrangère de s’affirmer en tant que citoyennes et est devenu une référence à Strasbourg en matière d’accueil des jeunes filles d’origine étrangère.

Mme EL HASSOUNI indique que les jeunes filles sont des autochtones (d’origine étrangère) et que par ailleurs, les actions de l’Espace Rencontre Jeunes Filles sont ouvertes à toutes les jeunes filles. Elle explique également que l’ERJF essaie de trouver un équilibre entre la culture du pays hôte et celle du pays d’origine. Il aide les jeunes filles à se forger une opinion par l’organisation de débats avec, parfois, l’intervention d’experts extérieurs. Le but est de rendre ces jeunes filles autonomes et responsables. Elle explique également que les actions de l’ERJF ne sont pas financées mais qu’en tant qu’association, il peut demander des subventions. Elle indique toutefois que la majorité des personnes engagées dans l’ERJF sont bénévoles.

Par ailleurs, comme les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent environ 40% de la population strasbourgeoise, la municipalité a voulu les impliquer dans la gestion de la vie publique par la création d’un organe consultatif : le conseil des jeunes. Composé de cent quarante jeunes élus, il permet à ceux-ci de donner des avis, des propositions pour, par exemple, améliorer la vie dans les quartiers. Il offre aussi des possibilités de discussions et d’échanges avec des élus adultes. Ces jeunes souhaitent également pouvoir se prononcer sur des problématiques plus générales comme l’emploi, les discriminations, l’Europe, etc.

M. Kerim ARPAD, Assemblée Européenne des Académies Turques, Forum germano-turc, Stuttgart

L’Assemblée Européenne des Académies Turques (AEAT) est un réseau d’étudiants turcs de l’enseignement secondaire de plusieurs pays européens. Elle cherche à développer des projets en Europe comme la manifestation pour l’intégration à Bade-Wurtemberg ou la fête internationale de l’enfance à Stuttgart.

A Stuttgart, elle a aussi développé des initiatives de formation qui sont financées par la Ville. Premièrement, le projet « modèle frère-sœur ». C’est un projet destiné aux enfants scolarisés du primaire et du secondaire. Chaque enfant est parrainé ou encadré par un jeune d’origine turque d’une classe supérieure qui devient son « grand frère » ou sa « grande sœur ». Ces derniers doivent devenir des modèles pour leurs « petits frères » ou « petites sœurs ». Deuxièmement, des séminaires actifs sont organisés pour les parents turcs. Des experts allemands et turcs y sont invités afin de répondre aux questions des parents sur des thèmes choisis comme la formation ou le système social par exemple. L’AEAT est active aussi au niveau du soutien scolaire grâce à des bénévoles et au niveau de la recherche d’emploi des jeunes étrangers grâce au soutien de la Ville.

M. ARPAD explique que l’activité « grand frère, grande sœur » vise surtout les jeunes d’origine turque pour compenser des handicaps considérables et en réponse aux besoins locaux. Mais il indique que des événements multiculturels et interculturels sont aussi organisés. Il ajoute que les autres communautés doivent aussi se mobiliser. Au niveau des quartiers, il rappelle l’existence de conseils de jeunes qui comptent des non Allemands et discutent de questions très spécifiques comme l’ouverture d’une discothèque ou d’une piste de rollers. Il suggère que des délégués de ces conseils puissent participer au Conseil des étrangers. Enfin, il indique que l’AETE reçoit des aides ponctuelles de la Ville de Stuttgart.

L’intégration n’est pas une voie à sens unique. Il est d’ailleurs dommage que des Turcs et des ex-Yougoslaves, les deux principales populations étrangères de Stuttgart, ne puissent bénéficier de droits politiques au niveau local alors qu’ils sont parfois résidents depuis quarante ans ! L’octroi du droit de vote est indispensable ainsi que la double nationalité.

Sur le terrain, il est nécessaire d’avoir des lieux d’échanges et de rencontres dans les quartiers. Il faut des institutions bien établies où les rencontres qui ont lieu ponctuellement lors des fêtes ou des festivals culturels puissent se poursuivre et s’améliorer.

M. Derek BODEN, Rapporteur du Comité des Régions de l’Union Européenne sur l’immigration, l’intégration et l’emploi, Royaume-Uni

La situation au Royaume-Uni est différente pour des raisons historiques mais il existe toutefois beaucoup de traits communs avec les autres pays. Les besoins de migrants sont similaires au niveau européen car la plupart des pays vont devoir s’appuyer sur une main d’œuvre étrangère. La presse anglaise a plutôt tendance à inciter à la xénophobie alors qu’il faut reconnaître la valeur des migrants et des immigrés déjà présents. Toutefois, il est aussi nécessaire d’accorder l’attention à d’autres groupes comme les femmes, les jeunes ou les personnes âgées. Les gouvernements locaux doivent lutter contre la discrimination. Au Royaume-Uni, des associations encouragent l’égalité des races, mais les efforts sont souvent trop limités. Il est donc essentiel de poursuivre les efforts d’intégration.

PERSPECTIVES POUR L’AVENIR : NOUVELLES FORMES DE PARTICIPATION POLITIQUE, DROIT DE VOTE AU NIVEAU LOCAL POUR TOUS LES ETRANGERS

Mme Corinna WERWIGK-HERTNECK, Ministre de la Justice et Commissaire pour l’Intégration du Bade-Wurtemberg, Allemagne

Mme Werwigk-Hertneck indique que la participation politique implique de co-déterminer certains éléments du cadre de vie, de participer aux choix pris pour la cité. D’où l’importance d’accorder aux étrangers le droit de vote au niveau local, d’autant plus que nombre d’entre eux résident depuis longtemps dans les villes européennes. Elle rappelle que les principes de nationalité et de résidence sont en jeu. Il faut remettre en question le lien traditionnel nationalité/vote. Elle plaide pour un droit de vote au niveau communal pour tous les étrangers résidents depuis cinq ans. Elle observe que ce droit au niveau communal est essentiel pour les étrangers car ils s’identifient plutôt au lieu où ils vivent : leur commune qu’à l’Etat, une entité plus abstraite.

En Allemagne, seuls les Allemands ont le droit de vote en accord avec la Loi fondamentale. Changer cette loi demanderait une majorité des deux tiers, ce qui est difficile à atteindre. Aucune commune ne peut se démarquer de la règle générale au niveau de l’Etat. Mais dans un Etat fédéral tout n’est pas dicté du sommet. Il faudrait donc des positions favorables au niveau des Etats fédérés. Elle conclut en indiquant que l’octroi du droit de vote aux niveaux communal et européen aux ressortissants de l’Union Européenne, par le Traité de Maastricht, a ébréché le dogme du droit de vote lié à la nationalité. Il faut donc poursuivre cette idée et accorder ce droit à tous les étrangers.

M. Memet KILIC, Président du Conseil consultatif fédéral des étrangers, Mayence, Allemagne

La législation allemande est toujours très restrictive et les migrants comme leurs descendants demeurent dans une position incertaine et discriminée. Le Conseil consultatif a aussi comme fonction de défendre le statut juridique des migrants.

L’intégration est un terme magique mais polysémique. Il est important aussi de se pencher sur la façon dont les migrants le définissent. Pour déterminer l’intégration, il faut prendre comme critère, l’autorisation d’accès. Il faut par exemple, évaluer dans quelle mesure les enfants des migrants sont présents dans les institutions. En Allemagne, il y a un manque de mesures et de structures pour que les migrants puissent se faire entendre. Au niveau européen, il existe deux directives contre la discrimination. Mais l’Allemagne ne les a pas encore transposées dans sa législation et a, du reste, demandé un délai pour y parvenir.

Les progrès actuels de l’Union Européenne en matière d’intégration des étrangers sont indéniables mais ils sont trop lents et trop prudents. Les propositions en matière de regroupement familial, de lutte contre la discrimination, de droits sociaux et civiques des ressortissants des pays tiers sont frileuses voire restrictives. Le Comité économique et social avait proposé à la future Convention de reconnaître également la citoyenneté de l’Union aux ressortissants non européens résidents depuis un certain temps mais il n’en a absolument pas été tenu compte.

L’Union Européenne doit déterminer un nouveau critère d’attribution de la citoyenneté de l’Union. Celle-ci ne doit pas être déterminée uniquement par la possession de la nationalité d’un Etat membre mais aussi par la résidence de longue durée dans l’Union Européenne. Il faut donc œuvrer pour une société civile européenne et même mondiale dans laquelle les droits des individus sont liés à l’endroit où ils vivent et non à leur nationalité.

Mme Ans ZWERVER, Rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les politiques pour l’intégration des immigrés dans les pays membres du Conseil de l’Europe, Pays-Bas

Les événements du 11 septembre ont modifié la teneur du débat sur l’immigration au sein de la communauté internationale et au niveau des gouvernements nationaux. Ce débat est désormais dominé par des questions de sécurité et de contrôle des frontières. Les opinions publiques ont aussi évolué dans ce sens, les minorités religieuses issues de l’immigration et les étrangers sont plutôt perçus comme des menaces. Qu’en est-il, dès lors, des millions d’immigrés légalement établis et qui souhaitent participer pleinement à la vie et au respect des règles et des valeurs démocratiques ? L’Union Européenne suit également ce changement de priorité et en dépit de son progrès concernant une politique d’asile commune, les principaux instruments adoptés dans le cadre d’une politique commune d’immigration concernent le contrôle des frontières, la lutte contre l’immigration illégale et le renfort des mesures d’expulsion ou de retour des étrangers. Les gouvernements devraient cesser de considérer le phénomène complexe des migrations avec une approche exclusivement nationale et sécuritaire. Les politiques d’intégration devraient être prioritaires parce que de telles politiques favorisent des sociétés démocratiques.

Le débat sur l’intégration est toujours abordé de manière unilatérale, sans réelle participation des migrants. Or, la non participation des immigrés à la vie politique, aux élections et aux organisations locales est révélatrice d’un déficit démocratique. L’égalité des devoirs devraient impliquer l’égalité des droits et l’égalité des chances. Au niveau local au moins, les étrangers en situation régulière devraient avoir les mêmes obligations, les mêmes devoirs et les mêmes chances que les nationaux. Comme le recommande le rapport, le droit de vote devrait être octroyé aux étrangers après trois ans de résidence. La participation politique effective des immigrés à la vie politique locale est souvent faible même quand ceux-ci ont le droit de vote parce qu’ils sont convaincus que leur vote ne peut avoir d’impact significatif. Cela s’explique par un manque d’information et de conscience politique. Les politiciens et les partis politiques ont donc dans cette voie une tâche importante d’information et de sensibilisation des immigrés, mais ces derniers doivent aussi s’impliquer. Ils doivent s’attaquer à ce manque de participation politique en allant de l’avant, en devenant actifs dans les initiatives de quartiers, en participant au débat sur l’intégration, etc. L’expérience hollandaise où les étrangers disposent du droit de vote et d’éligibilité après cinq ans de résidence révèle qu’après plusieurs années, les Conseils communaux comptent davantage d’élus étrangers. Au niveau national où la nationalité hollandaise est requise, 10% des parlementaires sont, aujourd’hui, d’origine immigrée.

La véritable intégration des immigrés passe donc par leur participation à la vie publique locale et au processus local de prise de décisions. Garantir le droit de vote est beaucoup plus facile que garantir le droit à l’emploi. Mais l’octroi du droit de vote ne solutionnera pas tous les problèmes liés à l’intégration, les autorités locales, régionales et nationales doivent poursuivre leurs politiques en matière d’emploi, de logement et d’éducation des immigrés pour assurer l’égalité des chances dans ces différents domaines. L’intégration est un débat à deux directions. La participation politique n’est pas un objectif isolé, c’est une composante d’une société saine. Elle est nécessaire pour garantir l’égalité des droits et des chances à tous les groupes de population. C’est un élément d’un mouvement plus compréhensif vers l’intégration et la lutte contre tous les types d’exclusion.

M. François SANT’ANGELO, Membre de la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance du Conseil de l’Europe (ECRI), Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, Belgique

L’ECRI est un mécanisme indépendant de monitoring dans le domaine des droits de l’homme mis en place au sein du Conseil de l’Europe. Elle a pour but de combattre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance au niveau paneuropéen. D’une part, elle coopère avec les gouvernements pour les aider et les encourager dans cette perspective. D’autre part, elle élabore des documents comme des recommandations de politique générale et des travaux de recherche et organise des activités qui sensibilisent à la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance. L’ECRI entretient également des relations avec la société civile pour lui communiquer ses objectifs et ses actions.

En ce qui concerne la participation des résidents étrangers au processus politique, l’ECRI y est tout a fait favorable et recommande non seulement la mise en place d’organes consultatifs des étrangers aux niveaux local et national mais aussi l’octroi aux étrangers du droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. L’ECRI plaide, en effet, pour une société intégrée. Il faut donc encourager l’intégration des communautés majoritaires et minoritaires. Par ailleurs, l’ECRI considère qu’il est essentiel de contrecarrer le discours raciste et xénophobe en politique et recommande pour ce faire toute une série de mesures.

RECOMMANDATIONS
POUR AMELIORER LES POLITIQUES D’INTEGRATION DES VILLES EUROPENNES

Table ronde

Mme Helene LUND, Présidente de la Commission de la culture et de l’éducation de la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès, Adjointe au Maire de Farum, Danemark

L’accès égal à l’éducation et au marché du travail est fondamental. Le problème est comment y parvenir ! Au Danemark, un débat a été lancé pour l’introduction de quotas d’immigrés. Mais il est assez difficile de discuter avec le secteur privé. Au niveau de l’éducation, il est important d’intensifier les contacts entre les parents danois et les parents immigrés. La compréhension mutuelle est très importante. Il faut aussi que les politiciens danois soient mieux informés afin d’être davantage conscients des problèmes.

Mme Luisa LAURELLI, Vice-présidente du Comité sur la cohésion sociale du Congrès, Conseillère municipale de la ville de Rome, Italie

L’intégration implique qu’au niveau communal les droits des personnes soient reconnus : le droit à vivre quelque part, les droits sociaux, économiques et les droits civils. Elle cite l’exemple de Rome où désormais quatre étrangers pourront participer au Conseil municipal. Ils n’auront pas le droit de vote mais une voix de participation. C’est déjà une étape. Il y aussi à Rome un responsable de la multi-ethnicité. Des projets sont donc mis en œuvre mais il se heurtent souvent à une certaine lourdeur des bureaucraties locales. Une volonté politique est donc nécessaire d’une part et d’autre part, il faut l’égalité entre les différents citoyens.

M. Wolfgang SCHUSTER, Maire de la ville de Stuttgart

Le droit électoral communal est inscrit dans la Constitution qui conditionne le droit de vote à la possession de la nationalité allemande. Le Conseil consultatif de Stuttgart existe depuis 20 ans. Ses membres étaient au départ cooptés et sont désormais composés d’élus. Il s’appelle maintenant Conseil International. Stuttgart est désormais une terre d’immigration durable.

Il y aussi toutefois d’autres possibilités de participation politique que le droit de vote à ouvrir comme, par exemple, la mise en place d’une politique d’égalité des chances. A Stuttgart, nous considérons que la maîtrise de l’allemand à défaut du souabe est fondamentale. Il faut absolument un moyen de communication commun. C’est pourquoi notre objectif prioritaire est l’intégration sociale par la langue. L’intégration professionnelle ne va pas non plus sans la connaissance de la langue.

M. Michel VILLAN, Président du Comité d’experts sur l’intégration et les relations intercommunautaires (MG-IN/CDMG), Directeur de la Division de l’action sociale et des immigrés, Ministère de la Région Wallonne, Belgique

L’intégration doit passer par des politiques au niveau local. C’est la base pour une politique aux niveaux régional, fédéral et européen. Il faut redonner un cadre à l’intégration, établir un état de la question basé sur l’évaluation des politiques d’intégration. Il est nécessaire de considérer les diverses dimensions de l’intégration et pas uniquement les questions d’éducation et d’emploi. Les quatre dimensions de l’intégration à prendre en compte sont la dimension économique, la dimension culturelle, la dimension sociale et la dimension environnementale. L’intégration est un processus. Elle implique de respecter les lois en vigueur et de donner les possibilités à tous d’expression et de valorisation. La participation doit se faire à différents niveaux dont celui du droit de vote et les possibilités d’expressions culturelles différentes.

DECLARATION FINALE

La Déclaration Finale de la Conférence de Stuttgart se base sur l’apport passé des migrants au continent européen et considère que les migrations présentes et à venir sont, certes, sources de défis et de questions mais aussi riches d’avantages démographiques, économiques et culturels. Elle invite, par conséquent, à mener une politique d’intégration réussie soutenue par les réseaux des différents niveaux politiques. Cette politique poursuit trois objectifs stratégiques : (1) l’intégration et la participation pour une égalité des chances et des droits, (2) la convivialité pacifique et (3) la mise en valeur de la diversité culturelle.

L’atteinte de ces objectifs requiert une coopération des niveaux politiques. Au niveau européen, il faut garantir une coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne pour veiller au respect des droits de l’homme, élaborer des politiques communes en matière d’immigration et d’asile, dialoguer avec les pays d’origine, de transit ou d’accueil des migrants et soutenir les projets de la Banque de développement du Conseil de l’Europe visant à l'intégration. Au niveau national, il est nécessaire d'accorder une priorité à la politique d’intégration, d’encourager l’échange d’expériences sur l’intégration, d’associer les communes et les régions pour déterminer les politiques de migration et d’intégration, et de ratifier en particulier la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local. Il faut aussi soutenir la formation scolaire et professionnelle, l’insertion professionnelle dans les villes et concevoir des mesures urbanistiques et de logement empêchant la formation de ghettos.

Du reste, il convient de faciliter l’acquisition de la nationalité et d’autoriser les nationalités multiples. Il faut aussi accorder le droit de vote aux élections municipales. Au niveau des collectivités territoriales, tous les groupes de la société doivent être impliqués dans le processus d’intégration. Une politique d’information de tous les habitants, les plus récents comme les plus anciens, doit être menée. L’intégration et la participation doivent aussi tenir compte des différentes situations individuelles des migrants. Des mesures doivent être prises pour faciliter l'acquisition par les migrants de la langue du pays. Enfin, il faut faciliter l’accès au logement afin de permettre une cohabitation pacifique et conviviale et créer, dans chaque quartier, des espaces de dialogue de manière à prévenir le développement de préjugés et de tensions et à favoriser le dialogue interculturel et interreligieux. Il faut également que les services municipaux fonctionnent de façon interculturelle et que des commissions d’intégration consultatives soient créées.

Dans la Déclaration Finale, il est recommandé au Conseil de l’Europe de soutenir la création et le fonctionnement d’un réseau de collectivités territoriales et de favoriser un processus d’évaluation des politiques d’intégration locales. Au Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, il est demandé de diffuser les travaux de la Conférence de Stuttgart, de poursuivre ses activités dans le domaine de l’intégration et de la participation des étrangers à la vie publique locale et de soutenir l’échange de bonnes pratiques en matière d’intégration.

III. CONCLUSIONS

Un des défis actuels de l’intégration dans les villes européennes vient probablement de la complexité et de la diversification des schémas migratoires et partant, de la diversité des migrants. Dans chaque ville, les termes migrants ou, plus communément, étrangers représentent de multiples réalité. Que recouvre dès lors le terme étrangers dans le cadre d’une discussion sur leur participation et leur intégration dans les villes européennes?

Lors de la conférence de Stuttgart, les participants ont été confrontés à cette question de manière récurrente. Au fil des exposés et des discussions, plusieurs catégories d’étrangers ont été évoquées : les immigrés légaux ou illégaux, récents ou plus anciens, les migrants forcés, les migrants pendulaires (qui vont et viennent), les demandeurs d’asile ou les réfugiés. Les termes de communautés ethniques ou minoritaires ont aussi été employés. Il ne s’agit pas d’une considération purement terminologique mais de s’interroger sur le choix des bénéficiaires des politiques d’intégration. Déterminer à qui s’adressent les politiques d’intégration est une démarche fondamentale pour les décideurs politiques et les acteurs de chaque ville. Les politiques d’intégration ne peuvent qu’y gagner en efficacité.

Les participants de la conférence se sont interrogés, en outre, sur les groupes à cibler en priorité, au sein des différentes catégories d’étrangers. Autrement dit, des politiques d’intégration doivent-elles spécifiquement viser les parents ? les enfants ? les femmes ? les jeunes ? les jeunes filles ? les personnes âgées ? les naturalisés ? etc. Les expériences révèlent qu’il est important pour que les politiques d’intégration soient efficaces qu'elles prennent en considération d’autres critères que celui de la nationalité. Il s’agit notamment des critères de genre, d’âge et d’origine ethnique.

Pour le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, les politiques locales d’intégration doivent prioritairement viser les étrangers légalement installés surtout s’ils sont résidents de longue date. Mais, ces politiques peuvent aussi s’adresser à des étrangers plus récents pour autant qu’ils disposent d’une perspective de résidence légale à long terme. Il est sans conteste plus difficile d’intégrer les étrangers qui se trouvent dans les situations les plus précaires comme les demandeurs d’asile ou les illégaux. Les allées et venues des migrants pendulaires ne facilitent pas non plus leur intégration ou leur participation. Pourtant, par leur travail, nombre de ces étrangers participent déjà activement à l’économie locale de manière informelle. Dès lors, chaque ville devrait, en fonction de la situation locale, essayer d’intégrer progressivement l'ensemble de ses résidents.

Plusieurs participants ont indiqué que le processus d’intégration ne doit pas impliquer exclusivement les étrangers mais bien la société dans son ensemble. C’est un processus à deux directions. Les étrangers ne peuvent donc s’y engager seuls. Par ailleurs, il a été souligné que tant la définition de l’intégration que l’élaboration des politiques ne peuvent être abordées de manière unilatérale mais avec la participation de ces mêmes étrangers à intégrer.

Tenter de définir l’intégration et réfléchir aux politiques d’intégration idoines comme s’y sont consacrés les participants de cette conférence conduit inévitablement à se demander au sein de quelle société multiculturelle, de quelle ville cosmopolite on souhaite vivre. La conférence a permis de discerner plusieurs caractéristiques d’une telle ville :

- Tous les résidents y sont égaux en droit.
- Les obligations et les droits des résidents y sont clairement définis.
- L’égalité des chances dans les domaines de l’éducation, du logement et de l’emploi est garantie pour tous les résidents.
- Tous les résidents peuvent participer aux prises de décisions concernant la vie de la cité notamment par l’exercice de leur droit de vote.
- Tous les résidents peuvent participer à des structures consultatives que ce soit au niveau du Conseil municipal ou au sein de leurs quartiers et sont capables de communiquer dans la langue de la ville.
- Tous les résidents sont libres d’exprimer leur identité culturelle dans les sphères publiques et privées, dans le respect des lois du pays d'accueil.

Finalement, les traits d’une telle ville révèlent que tous ses résidents, nationaux comme étrangers, y sont des citoyens à part entière. La citoyenneté est désormais basée sur un critère de résidence et non plus exclusivement sur un critère de nationalité. Il ne s’agit nécessairement d’un projet utopique. La conférence a, en effet, indiqué de nombreuses pistes et rappelé l’existence de différents instruments pour y parvenir. Trois instruments majeurs pour les politiques d’intégration ont été proposés à plusieurs reprises au cours de la conférence : la Convention de 1992 du Conseil de l'Europe, le manuel sur les structures consultatives et l’Observatoire des migrations mis en place par Eurocities. Si le premier instrument s’adresse davantage aux gouvernements nationaux, les deux autres sont destinés aux gouvernements locaux.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique de 1992 est un instrument primordial. Elle propose des mesures flexibles et adoptables de manière progressive. Les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait sont invités à la ratifier.

Le manuel sur les structures consultatives locales pour résidents étrangers est un guide pratique présenté aux gouvernements locaux . Cet outil qui s’inspire des expériences concrètes de diverses villes d’Europe peut inciter et aider les villes à créer des structures consultatives pour résidents étrangers. Les villes peuvent ainsi, à leur niveau, améliorer la participation politique de tous les résidents et avancer dans la démocratie participative.

Eurocities et, en particulier, l’Observatoire sur l’immigration et l’intégration dans les villes européennes va constituer, au niveau européen, un support pour les autorités locales dans leurs efforts d’intégration. Il est en effet essentiel que les villes européennes échangent leurs expériences locales et leurs bonnes pratiques en matière d’intégration.

Enfin, la Déclaration Finale énonce de manière explicite, les objectifs stratégiques d’une politique d’intégration réussie et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir à tous les niveaux européen, national ou des collectivités territoriales. Si les politiques générales d’intégration sont rarement définies au niveau local, plusieurs expériences évoquées lors de la conférence ont montré que les initiatives des collectivités territoriales peuvent constituer des sources d’inspiration ou des modèles pour les autres collectivités territoriales et aussi pour les gouvernements nationaux. La coopération entre ces différents niveaux de pouvoir s’avère donc essentielle pour des politiques d’intégration efficaces.

ANNEXE I

PROGRAMME

Lundi 15 septembre 2003

10h00 – 10h45 Discours d’ouverture

10h45 – 11h15 LES POLITIQUES LOCALES D’INTEGRATION – UN DEFI POUR L’EUROPE

Débat

11h15 – 13h00 L’INTEGRATION DANS LES VILLES

Communications :

- M. J. J. H. M. METZEMAKERS, « Senior Policy Officer » de la ville de La Haye, Pays-Bas
- M. Sergey SMIDOVICH, Premier Chef adjoint du Département de la politique économique de la ville de Moscou, Fédération de Russie

- Mme Silvia ZAMORA, Conseillère municipale pour la sécurité sociale et l’environnement de la ville de Lausanne, Suisse

Débat

13h00 – 14h30 Déjeuner

14h30 – 15h30 L’INTEGRATION DANS LES VILLES (suite)

Communications :

- Mme Núria CARRERA, Conseillère municipale de la ville de Barcelone, Espagne
- M. Giovanni SALIZZONI, Vice-Maire de la ville de Bologne, Italie

15h30 – 16h00 Pause café

16h00 – 18h00 Intervention de M. Harrie VAN ONNA, „Senior Policy Officer“, de la ville de Rotterdam, Représentant de Eurocities, Pays-Bas

Discussion générale

19h00 – 22h00 Programme social (sur inscription)

Mardi 16 septembre 2003

09h00 – 10h15 PARTICIPATION DES ETRANGERS A LA VIE PUBLIQUE LOCALE – STRUCTURES CONSULTATIVES LOCALES

Table ronde suivie d’une discussion générale avec la participation de représentants de structures consultatives locales :

10h15 – 10h45 Pause café

10h45 – 12h00 LES JEUNES MIGRANTS

Communication :

12h00 – 13h30 Déjeuner

13h30 – 14h30 PERSPECTIVES POUR L’AVENIR : NOUVELLES FORMES DE PARTICIPATION POLITIQUE, DROIT DE VOTE AU NIVEAU LOCAL POUR TOUS LES ETRANGERS

14h30 – 15h30 RECOMMANDATIONS POUR AMELIORER LES POLITIQUES D’INTEGRATION DES VILLES EUROPEENNES

15h30-16h30 CONCLUSIONS - DECLARATION FINALE

Présentation du projet de Déclaration finale par :

Adoption de la Déclaration finale

Clôture de la Conférence

* * * * *

A l’issue de la Conférence (facultatif et sur inscription)

16h30 – 18h30 VISITES D’ETUDE organisées par la ville de Stuttgart concernant les « projets d’intégration »

La ville de Stuttgart assurera l’interprétation de ces visites en allemand et en anglais

ANNEXE II

Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local STCE no. : 144

Traité ouvert à la signature des Etats membres et à l'adhésion des Etats non membres

Ouverture à la signature Entrée en vigueur

Lieu : Strasbourg Date : 5/2/1992 Conditions : 4 Ratifications. Date : 1/5/1997

Situation au 26/2/2004

cf : http://conventions.coe.int

1 Actes de la conférence de Strasbourg : Etudes et Travaux N° 71.

2 Voir document CG (7) 5, rapport de Mme H. LUND (Danemark).

3 Actes de la conférence de Stuttgart: Etudes et Travaux N° 78.

4 Voir document CPL (9) 5, rapport de Mme V. DIRKSEN (Pays-Bas) et M. W. SCHUSTER (Allemagne).

5 Le projet intégré triennal (2002 - 2004) "Institutions démocratiques en action" a été lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en réponse au besoin croissant de renforcer les institutions démocratiques en Europe. Les thèmes du projet sont les suivants : transparence et capacité de réaction des institutions démocratiques, participation de la société civile au processus de décision, et équité et caractère universel des scrutins. Le projet, qui recherche des solutions pragmatiques à ces problèmes, auxquels les pays membres sont actuellement confrontés, prévoit un large éventail de ressources, depuis les instruments juridiques jusqu'au matériel de formation en passant par des lignes directrices - à la fois pour les gouvernements et pour la société civile.

6 Résumé effectué par Sonia Gsir, attachée de recherche, Liège (Belgique)

7 Le CDLR est un comité intergouvernemental du Conseil de l’Europe.

8 Le CDMG est un comité intergouvernemental du Conseil de l’Europe.