Rapport sur la situation de la démocratie locale à Malte - CPL (9) 7 Partie II

Rapporteur: René PAAS (Pays-Bas)

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EXPOSE DES MOTIFS

I INTRODUCTION

1. Depuis 1994, le Congrès étudie de manière systématique l'état de la démocratie locale dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. A ce jour, 29 Etats ont été examinés1. Dans chaque cas, un rapporteur nommé par la Commission institutionnelle du Congrès ou d'une des Chambres dirige une équipe chargée de l'étude. Un rapport est rédigé et communiqué lors d'une session plénière du Congrès ou d'une Chambre et sert à l'adoption d'une Recommandation adressée aux autorités concernées. L'étude, le rapport et les recommandations obéissent aux principes et aux normes énoncés par la Charte européenne de l'autonomie locale de 1985.

2. Le 2 octobre 2001, la Commission institutionnelle a nommé M. Toomas Välimäe (Chambre des pouvoirs locaux, Estonie) rapporteur auprès du Congrès chargé de mener l'étude et de rédiger le rapport sur la démocratie locale à Malte. Par la suite cependant, au printemps 2002, M. Välimäe n'a pas été reconduit dans ses fonctions de membre de la délégation estonienne au Congrès. M. René Paas (Chambre des pouvoirs locaux, Pays-Bas) l'a remplacé en tant que rapporteur pour la démocratie locale à Malte.

3. Le rapporteur a bénéficié, pour s'acquitter de cette tâche, de l'aide du Prof. Eivind Smith (Norvège, membre du Groupe des experts indépendants sur la Charte européenne de l'autonomie locale), expert, et de M. Riccardo Priore (Secrétariat du Conseil de l'Europe).

4. Les 1er et 2 mars 2002, une délégation du CPLRE constituée du rapporteur, de l'expert et du représentant du Secrétariat du Conseil de l'Europe s'est rendue à Malte. Le programme de cette visite est donné en Annexe 1.

5. À la suite de cette visite, l'expert a rédigé un texte préliminaire sur la situation de la démocratie locale, en coopération avec le Secrétariat. Ce texte s'appuyait sur des documents juridiques officiels fournis par les autorités maltaises et sur des discussions qui se sont tenues lors de la première visite.

6. Placé sous la responsabilité du rapporteur, le texte préliminaire a été soumis aux autorités maltaises, pour discussion lors de la deuxième visite officielle de la délégation du CPLRE à Malte, les 1er et 2 juillet 2002. M. Paas, le Prof. Smith et M. Priore ont participé à cette visite, dont le programme est donné en Annexe 2.

7. À la suite de cette deuxième visite, le rapporteur, avec l'aide de l'expert et du Secrétariat, a rédigé un projet de rapport et un projet préliminaire de recommandation. Le 30 septembre 2002, ces textes ont été soumis pour approbation à la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux. A l'aide de ces textes, le Congrès a été invité à adopter une Recommandation et à l'adresser aux autorités maltaises ainsi qu'au Comité des Ministres et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Un exemplaire des textes a été transmis aux autorités compétentes de l'Union européenne.

II INFORMATIONS GENERALES : ORGANISATION TERRITORIALE

8. Après plus de 150 ans de domination coloniale britannique, dont une courte période de gouvernement local élu sous souveraineté britannique, Malte a atteint son indépendance en vertu de la Constitution de 1964. Dix ans après, en 1974, l'actuelle république de Malte a été instituée. Le maltais et l'anglais sont les langues officielles de l'île et l'administration peut utiliser l'une ou l'autre langue pour toutes les démarches officielles (article 5 (2) de la Constitution).

9. La République a une superficie de 316 kilomètres carrés. Elle se compose principalement des îles de Malte et de Gozo, la première ayant de loin la population la plus nombreuse. Le pays compte 395 000 habitants. 91 % de la population est de religion catholique romaine, qui est la religion officielle de Malte (article 2 de la Constitution). La parité des pouvoirs d'achat pour l'année 2000 est estimée à 14 300 dollars.

10. Par sa superficie et sa population, la République de Malte compte parmi les plus petits Etats du Conseil de l'Europe. Elle a cependant la plus forte densité de population d'Europe (1211 habitants au kilomètre carré). Ces données permettent de mieux comprendre la situation de la démocratie locale et régionale à Malte.

11. Selon la Constitution, Malte est un Etat unitaire où n'existe aucune structure fédérale. En outre, il n'y a pas de système d'autonomie locale au niveau régional. Le seul échelon d'autonomie au-dessous de la République elle-même réside dans le système des collectivités locales.

12. Jusqu'à 1993, il n'y avait à Malte aucune collectivité locale. Après l'adoption cette même année de la loi sur les collectivités locales, il en a été créé 67. Ce nombre a depuis été porté à 68 avec la création de la localité de Mtarfa. En moyenne, une localité maltaise compte moins de 6 000 habitants, ce nombre étant de 20 000 pour les plus grandes et 400 pour les plus petites.

Quelques conseils, qui possèdent des hameaux distincts de la ville ou du village principal, doivent mettre en place des comités spécifiques, accorder des fonds spéciaux et tenir des réunions annuelles de proximité dans chaque hameau.

13. En 2002, cela ne fait pas encore dix ans que les collectivités locales ont été créées. Avec le caractère unitaire et la superficie de l'île de Malte (voir ci-dessus), la jeunesse relative du système d'administration locale de l'île est une donnée essentielle pour comprendre l'état du système. La situation actuelle est le résultat d'une évolution délibérée vers un système dans lequel les collectivités locales joueront un rôle permanent dans l'administration de Malte.

III LA BASE JURIDIQUE DE L'AUTONOMIE LOCALE A MALTE

14. La loi sur les collectivités locales a été adoptée en 1993. Après son adoption, le système actuel des collectivités locales a été institué par la deuxième Annexe à cette loi. Celle-ci est encore en vigueur mais elle a été amendée à trois occasions jusqu'en 2002. Cette loi est de loin le texte juridique le plus important concernant l'autonomie locale à Malte ; celui, aussi, sur lequel porte la plus grande partie des observations qui suivent, relatives au respect par l'île des principes et des normes posés par la Charte européenne de l'autonomie locale.

15. En vertu d'un amendement de 2001 qui a ajouté un chapitre XA à la Constitution, le système des collectivités locales est maintenant ancré dans la Constitution dans les termes suivants (Article 115A) :

"L'Etat adopte un système d'administration locale selon lequel le territoire de Malte est divisé en localités dont le nombre peut être déterminé par une loi ; chaque localité est administrée par un conseil local élu par ses habitants, la création et le mode de fonctionnement de ce conseil local étant déterminés par la loi en vigueur à un moment donné."

16. À la suite de l'adoption de la loi sur les collectivités locales, le gouvernement maltais a décidé le 12 juillet 1993 de signer puis de ratifier la Charte de l'autonomie locale de 1985. La signature a eu lieu le 13 juillet 1993 et la ratification le 6 septembre de la même année.

17. D'après les instruments déposés, Malte a déclaré être liée par l'article 2, l'article 3, paragraphes 1-2, l'article 4, paragraphes 1-6, l'article 5, l'article 6, paragraphes 1-2, l'article 7, paragraphes 1 et 3, l'article 8, paragraphes 1-3, l'article 9, paragraphes 1, 2, 7 et 8, l'article 10, paragraphes 1-3 et l'article 11 de la Charte de l'autonomie locale (voir plus loin l'article 12 de la Charte). Ainsi, d'un point de vue strictement juridique, le processus de suivi devrait se limiter à l'examen du respect ou du non-respect de ces parties de la Charte.

Pour autant, ce ne sont pas seulement des dispositions spécifiques de la Charte de l'autonomie locale qui doivent guider le rapporteur lors de son examen de l'état de la démocratie locale, mais également les principes et les normes de portée plus générale que pose cette Charte. Leur tâche n'est pas purement juridique ; elle a aussi une dimension politique. Par conséquent, le présent rapport prendra en compte l'intégralité des dispositions de la Charte chaque fois que l'examen exhaustif de la démocratie locale à Malte l'exigera.

IV SUR LE RESPECT DE LA CHARTE EUROPEENNE DE L'AUTONOMIE LOCALE

18. Le texte de la Constitution et celui de la loi maltaise sur les collectivités locales ne reconnaissent ni l'un ni l'autre explicitement le principe de l'autonomie locale tel qu'il est défini par l'article 3 de la Charte, comme l'exigerait pourtant l'article 2 de ce même texte. L'article 115A de la Constitution déclare simplement qu'il doit y avoir un système d'administration locale dans lequel chaque localité est administrée par un Conseil élu par ses habitants. La loi sur les collectivités locales n'est pas plus explicite sur cette question.

On a pu expliquer, cependant, que dans le contexte historique de la République de Malte, le terme d'autonomie est communément interprété comme une référence à l'indépendance vis-à-vis de l'Empire britannique. En outre, la Constitution énonce de manière explicite que chaque localité doit être "administrée par un conseil local élu par les habitants de la localité" et elle prévoit clairement que "le mode de fonctionnement de ce conseil est déterminé par la loi en vigueur à un moment donné." La première de ces citations est probablement à interpréter comme une référence à "l'autonomie locale" sous la forme de représentants élus ; la deuxième correspond bien au principe énoncé dans les articles 3(1) et 4 de la Charte selon lesquels les pouvoirs attribués aux autorités locales s'exercent dans le cadre des limites fixées par la loi.

Au total, il semble difficile d'affirmer que dans son état actuel la loi maltaise ne respecte pas l'article 2 de la Charte.

19. Au titre de l'article 3(1) de la Charte, les pouvoirs locaux ont le droit et la capacité de réglementer et de gérer, dans le cadre des limites fixées par la loi, une part substantielle des affaires publiques. Selon le Rapport explicatif, "l'intention de la Charte est que les collectivités locales aient une vaste gamme de responsabilités de nature à être exercées au niveau local". Le terme "substantielle" n'est cependant pas défini avec plus de précision dans le texte de la Charte.

Le Rapport explicatif mentionne à nouveau la "définition de ces responsabilités" dans l'article 4 de la Charte. Ces questions seront par conséquent reprises plus loin.

20. Au titre de l'article 3(2) de la Charte, le droit des collectivités locales est exercé par des conseils élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel. Selon l'article 115A de la Constitution, chaque localité est "administrée par un Conseil local élu par les habitants de cette localité". Les normes relatives à la constitution des Conseils sont énoncées dans la Partie II de la loi sur les collectivités locales, à laquelle s'ajoute la réglementation relative aux élections incluse dans la troisième Annexe à cette loi.

A la connaissance de la délégation du CPLRE, nul n'a contesté le respect, dans l'état actuel du système électoral, du critère formulé dans les termes "élus librement à scrutin secret, sur la base du suffrage direct, égal et universel". Surtout, rien ne nous permet de croire à une insuffisance du système électoral à cet égard.

21. D'après l'article 3(2) de la Charte, les collectivités locales peuvent disposer d'organes exécutifs responsables devant elles. Au titre de la Partie III de la loi sur les collectivités locales, le maire peut être considéré comme le principal "organe exécutif" d'une collectivité locale (voir notamment les articles 26 et 27 de la loi). Le maire et son adjoint sont élus par le Conseil parmi ses membres (article 25 de la loi). Ils sont démis de leur charge par un vote de défiance émanant de la majorité absolue des conseillers (article 29 de la loi). Par conséquent, le respect du critère de la responsabilité ne fait aucun doute.

Le Secrétariat de l'exécutif d'une collectivité locale nécessiterait peut-être un examen plus approfondi quant au respect de cette dernière exigence. Cependant, il est probablement préférable d'inclure ce Secrétariat parmi les structures administratives des collectivités locales qui relèvent de l'article 6 de la Charte (voir ci-dessous).

22. Au titre de l'article 4 (1) de la Charte, les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Contrairement à la Constitution de Malte qui n'aborde pas ce sujet, la loi sur les collectivités locales comporte des dispositions très précises relatives aux compétences des collectivités locales. Concrètement, l'article 33 de cette loi dresse une liste exhaustive de leurs fonctions, une première liste ayant été amendée en 1999 afin d'étendre ces compétences. Ces dispositions correspondent bien à la partie de l'article 4(1) de la Charte selon laquelle "l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi" n'est pas exclue.

23. Fondamentalement, les fonctions transférées aux collectivités locales sont les mêmes pour toutes les collectivités. L'article 33 (a)-(l) de la loi sur les collectivités locales reflète ce principe. Pour autant, on ne peut négliger le fait que les collectivités n'ont pas toutes la même superficie ni les mêmes moyens administratifs (cette situation n'étant évidemment pas spécifique à l'île de Malte). L'égalité parfaite entre les localités quant aux tâches qu'elles doivent assumer peut donc devenir problématique si les fonctions qui leur sont confiées s'avèrent trop lourdes ou trop complexes pour les plus petites d'entre elles.

24. Concernant l'observation ci-dessus, l'article 33 (m) et (n) de la loi permet une approche diversifiée de la définition des fonctions des collectivités locales, chacune d'entre elles ayant un objectif différent et spécifique.

Au titre de l'article 33 (m), chaque collectivité a la possibilité de conclure un accord avec tout organe public ou ministère qui lui délègue l'une quelconque de ses fonctions, à la condition que l'arrêté ministériel correspondant soit publié au Journal officiel. Cette possibilité n'est utilisée qu'au cas par cas, c'est-à-dire pour une localité donnée. L'annonce légale 61 de 2000 concerne par exemple la délégation de l'administration des Jardins du Conseil de l'Europe de Gizra au Conseil de cette localité.

25. L'article 33 (n) de la loi sur les collectivités locales autorise le gouvernement, par l'intermédiaire d'un de ses ministres, à déléguer ses pouvoirs au moyen d'arrêtés publiés au Journal officiel. Les arrêtés pris sous cet article concernent l'ensemble des collectivités locales et peuvent, par principe, être adoptés unilatéralement, sans l'accord des conseils concernés. Dans la pratique, il semble que de tels arrêtés ne sont pris qu'après qu'un accord a été passé entre l'Association des conseillers locaux et l'autorité en question et que chaque collectivité est parfaitement libre de ne pas appliquer un de ces arrêtés. Par exemple, six d'entre elles ont décidé de ne pas prendre sous leur responsabilité la police locale, comme un arrêté pris en 2000 les y autoriserait.

Même si la Charte semble être respectée dans la pratique, il serait peut-être utile d'amender la loi afin de codifier de manière explicite le système, actuellement en application, de consultation ou de conclusion des accords avant l'adoption des arrêtés unilatéraux (voir aussi ci-dessous le paragraphe relatif à l'article 4 (6) de la Charte).

26. Au titre de l'article 4 (2) de la Charte, les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité. L'article 33 (o) de la loi sur les collectivités locales dit de manière explicite qu'il appartient à chaque collectivité de pourvoir à tous les travaux, objets, affaires et services, autres que ceux couverts par l'article 33 (a)-(n), s'ils ne sont ni exclus de la compétence des collectivités par une loi en vigueur ni attribués à une autre autorité. Cette disposition satisfait pleinement l'exigence de la Charte.

27. L'article 4 (3) de la Charte énonce le principe (dit de subsidiarité) selon lequel les responsabilités publiques doivent, de façon générale, incomber de préférence aux autorités les plus proches des citoyens. La question du respect ou non de cette condition par le système actuel des collectivités locales doit être traitée en liaison avec l'article 3 (1) de la Charte au titre duquel les collectivités locales sont autorisées à réglementer et gérer une "part substantielle des affaires publiques" (voir plus haut).

Jusqu'à présent, l'attribution des fonctions aux collectivités locales s'est faite de manière progressive mais prudente. Les avancées sont souvent minimes. Même si l'on les considère globalement, elles ne sont guère convaincantes, que ce soit par leur nombre ou par leur importance, lorsqu'on les compare à la situation de l'autonomie locale dans de nombreux autres Etats signataires de la Charte.

La méthode adoptée ici doit être comprise au vu de la jeunesse du système d'autonomie locale de l'île (voir plus haut). En soi, cette méthode ne peut être critiquée ; la voie suivie jusqu'à présent semble au contraire s'inscrire dans une stratégie délibérée de développement du système étape par étape.

Cependant, si Malte veut à l'avenir satisfaire pleinement les exigences de la Charte européenne de l'autonomie locale, ce développement progressif doit être poursuivi régulièrement jusqu'à ce que la part des fonctions d'administration publique confiées aux collectivités locales soit plus importante qu'actuellement.

28. L'aspect financier est une autre façon de mesurer la part des affaires publiques confiée aux collectivités locales, en d'autres termes en comparant les dépenses de l'ensemble des collectivités locales à celles des autorités nationales de l'île.

Les données fournies par le ministère maltais compétent sont extraites du Rapport d'audit des collectivités locales et du Rapport administratif annuel, tous deux accessibles au public. Les pourcentages des dépenses des collectivités locales par rapport à celles des autorités nationales sont les suivants : 1995 : 2,2 ; 1996 : 2,2 ; 1997 : 1,8 ; 1998 : 1,7 ; 1999 : 1,7 ; 2000 : 2,3. Ces chiffres montrent clairement que cette part reste modique par rapport aux chiffres des autres Etats membres de la Charte. Ils soulignent aussi le fait qu'aucune tendance notable à l'amélioration n'a pu être observée au cours de la période couverte par ces données.

Les chiffres donnés ci-dessus confirment, voire augmentent, l'inquiétude liée à la part des dépenses publiques du point de vue qualitatif, dont il a été question plus haut. Par conséquent, il est permis de se demander si le système actuel d'autonomie locale à Malte respecte l'article 3 (1) de la Charte selon lequel les collectivités locales sont autorisées à réglementer et gérer une "part substantielle des affaires publiques".

29. Au titre de l'article 4 (4) de la Charte, les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières et les autres autorités ne peuvent limiter cette liberté que dans le cadre de la loi. A la connaissance de la délégation du CPLRE, la législation actuelle n'est en aucune manière contraire à cette exigence.

30. Au titre de l'article 4 (5) de la Charte, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales. Ici encore, rien ne permet de penser que la loi actuelle ne respecte pas les exigences de la Charte.

31. Au titre de l'article 4 (6) de la Charte, les collectivités locales doivent être consultées au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement. Par ailleurs, d'autres textes législatifs principaux ou subsidiaires instituent des systèmes spécifiques de codécision et/ou de consultation. Certains de ces textes s'appliquent directement aux collectivités, d'autres de manière indirecte en ce sens qu'ils donnent à l'Association des collectivités locaux une position privilégiée en tant qu'organe représentatif dans certaines commissions ad hoc, administratives et opérationnelles, ou comme principale interlocutrice du pouvoir central pour les questions d'intérêt général pour le secteur. Le ministère de tutelle a fourni des informations sur les réglementations et les dispositifs de l'île dans ce domaine. Leur liste est considérable.

L'attitude de certains organes centraux vis-à-vis des collectivités locales, sur des questions qui les concernent directement, a néanmoins été critiquée lors de la deuxième visite de la délégation du CPLRE. L'examen détaillé d'exemples de ces critiques dépasse le cadre du Rapport de suivi. La délégation a cependant la nette impression qu'il est possible d'améliorer davantage encore le système et les pratiques de consultation et de coopération entre les autorités centrales et locales maltaises.

Certaines de ces améliorations nécessitent probablement un recours à des moyens juridiques, notamment des amendements visant à codifier les pratiques existantes, instaurer de nouveaux dispositifs de consultation ex ante ou préciser les formes de "consultation", "codécision" etc. qui sont réellement envisagées. Peut-être les améliorations nécessitent-elles qu'on encourage une compréhension meilleure encore du rôle spécifique d'interlocuteurs et de représentants des citoyens que les collectivités locales devraient jouer dans la gestion globale du secteur public.

32. Au titre de l'article 5 de la Charte, les modifications des limites territoriales entre les collectivités locales ne doivent pas être faites sans une consultation préalable des communautés concernées. A Malte, la loi prévoit que de telles modifications n'ont lieu que dans des circonstances exceptionnelles et que seule la Commission électorale peut en décider. Le droit des collectivités à être consultées préalablement à toute modification de leurs limites territoriales est énoncé expressément par l'article 3 (3) de la loi sur les collectivités locales.

33. Au titre de l'article 6 (1) de la Charte, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace, sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi. Dans le contexte maltais, cette disposition soulève deux séries de questions : les unes concernent la fonction du Secrétaire exécutif (voir aussi plus haut le paragraphe relatif à l'article 3 (1) de la Charte), les autres la réglementation actuelle sur les effectifs des personnels administratifs de chaque collectivité.

34. Concernant les Secrétaires exécutifs, il faut tout d'abord mentionner que l'article 49 (1) de la loi sur les collectivités locales oblige chaque collectivité à nommer un Secrétaire exécutif. Cette obligation ne constitue pas en soi une violation de la Charte, qui énonce clairement que des dispositions d'ordre plus général peuvent s'appliquer. De fait, de telles dispositions ne sont pas rares parmi les Etats membres, où elles visent notamment à garantir une certaine permanence de la gestion de la collectivité locale et maintenir une distinction entre les fonctions "politiques" (du ressort du Conseil et du maire) et les fonctions "administratives" (relevant principalement du Secrétaire exécutif).

Au titre de l'article 49 (1) de la loi sur les collectivités locales, celles-ci doivent consulter le ministère de tutelle avant la nomination d'un Secrétaire exécutif. Un tel processus de consultation ne doit jamais être vu comme une approbation de la part du ministre concerné. Compte tenu de ce qui précède, pourvu que les autorités locales ne soient pas liées par l’avis exprimé par le Ministre, cette obligation peut être difficilement considérée comme une violation de la Charte. Cette position pourrait évidemment changer s'il apparaissait qu'une trop grande différence sépare la pratique et le droit sur ce point.

Même l'article 53 (3) de la loi sur les collectivités locales peut poser problème dans la mesure où il soumet la révocation, la suspension, etc. d'un Secrétaire exécutif et des détenteurs d'autres fonctions locales à l'approbation du ministère. Le champ d'application de cette disposition est néanmoins très restreint, puisqu'elle n'entrave en rien le droit du conseil de ne pas reconduire son Secrétaire exécutif dans ses fonctions à la fin de la période contractuelle de trois ans. En outre, l'étude doit tenir compte du lien entre cette disposition et les exigences concernant le recrutement du personnel de haut rang énoncées dans l'article 6 (2) de la Charte (voir ci-dessous).

35. La deuxième série de questions que soulève la conciliation de la loi maltaise avec les exigences de l'article 6 (1) de la Charte concerne la limitation de l'effectif du personnel municipal. Au titre de l'article 53 (1) de la loi sur les collectivités locales, une collectivité ne peut employer plus d'une personne pour deux mille cinq cents habitants. Même si ces limites sont raisonnables, d'un point de vue financier notamment, il est permis de s'en inquiéter quand on les met en regard avec le droit des collectivités locales d'entreprendre des activités hors du cadre de la loi [article 4 (2) de la Charte] et de leur droit d'adapter l'exercice des fonctions aux conditions locales [article 4 (5) de la Charte].

Cette position doit cependant être tempérée puisque les collectivités locales ont le droit de recourir, par contrat, à des services de toute nature (y compris ceux de personnels de bureau). Il semble que les collectivités locales profitent de plus en plus souvent de cette possibilité de louer les services "d'employés", y compris dans le cadre de contrats ordinaires.

Le fait que l'effectif du personnel des collectivités soit limité en fonction du nombre de leurs habitants s'oppose indubitablement au droit qu'elles ont, au titre de l'article 6 (1) de la Charte, de définir elles-mêmes leurs structures administratives internes. Pourtant, la liberté qu'elles ont dans l'ensemble d'adapter leurs effectifs totaux aux nécessités locales ne semble pas être gravement entravée.

36. Au titre de l'article 6 (2) de la Charte, le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité et réunir, notamment, des conditions adéquates de perspectives de carrière.

La jeunesse du système d'autonomie locale de Malte et la taille très réduite d'un grand nombre de localités peuvent constituer un motif d'inquiétude concernant ces questions. C'est probablement la raison pour laquelle les dispositions telles que celles de l'article 53 (3) de la loi sur les collectivités locales, relatives à la nécessité d'un accord ministériel pour la destitution de certains employés au cours de leur contrat triennal (voir ci-dessus), ont pu être jugées compatibles avec les exigences de la Charte, du moins si on les considère comme un moyen de transition permettant de faciliter la mise en place à Malte, suivant l'approche progressive suivie jusqu'à présent, d'un système de collectivités locales dotées d'un personnel qualifié.

D'un autre côté, le gouvernement ne semble donner que de très rares possibilités de formation aux membres (potentiels) du personnel des collectivités locales. Cette situation est aux antipodes de celle à laquelle on pourrait s'attendre en raison de la nouveauté du système et de la taille modeste d'un grand nombre de localités (voir plus haut). Cette question semble mériter que les autorités maltaises lui accordent une plus grande attention.

Il a également été jugé par l'Association des secrétaires exécutifs des collectivités locales préoccupant que les collectivités locales puissent recruter les Secrétaires exécutifs (voir ci-dessus) puisque leurs conditions de service sont inadéquates pour le recrutement des personnels de haut rang. Comme il a été indiqué plus haut, le Secrétaire exécutif est employé sur la base d'un contrat triennal. Une collectivité locale n'est pas tenue de justifier sa non-reconduction et la plupart des Secrétaires exécutifs en exercice n'ont pas de position de repli dans la fonction publique nationale. Dans un contexte donné, ce statut les place dans une situation professionnelle précaire, leurs possibilités de reconversion au sein des collectivités locales étant des plus limitées. Par conséquent, peut-être faudrait-il déterminer si le compromis actuel entre la liberté plus ou moins totale des conseils de ne pas renouveler des contrats de travail relativement courts et le souhait de rendre ces positions suffisamment attrayantes sert au mieux le recrutement de personnes qualifiées en tant que Secrétaires exécutifs.

37. D'après l'article 7 (1) de la Charte, le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat. Cette disposition a soulevé plusieurs séries de questions. Les premières concernent le statut du maire et du Conseil dans son ensemble vis-à-vis d'autres autorités locales, par exemple le prêtre du village. A cet égard, l'Association des conseillers locaux a estimé que même s'il apparaît qu'aucune barrière existe en ce qui concerne le libre exercice des fonctions par les élus locaux, le protocole national ne mentionne pas les maires et de ce fait il n'assure pas un rôle prédominant au maire, en tant que représentant de la communauté locale. La délégation du CPLRE du Conseil de l'Europe ne dispose pas des informations nécessaires pour trancher sur ces questions.

La deuxième série de questions concerne la situation matérielle des élus locaux, notamment leur indemnisation pour la perte de leur activité. D'après l'article 32 (1) de la loi sur les collectivités locales, celles-ci doivent payer au maire (ou aux personnes qui exercent ces fonctions) une indemnité d'un montant qui leur paraît raisonnable, ne pouvant dépasser 33 % de celle que reçoit un parlementaire national. (En 2002, l'indemnité maximale perçue par un maire était approximativement de 2080 livres maltaises.) Selon la loi sur les collectivités locales [article 32 (2)], les conseillers locaux exercent leurs fonctions à titre purement bénévole et ils devraient bénéficier de l'assistance nécessaire par leurs employeurs afin de pouvoir exercer leurs fonctions. Il a été objecté par l'Association des conseillers locaux qu'une telle assistance est donnée dans le service public uniquement ou dans des entreprises où le gouvernement est impliqué. Mais même dans ces conditions, la procédure apparaît trop bureaucratique dans ses applications, c'est pourquoi les maires se plaignent que ce système représente une charge financière pour les municipalités.

Le droit des collectivités locales d'accorder une indemnité au maire et à d'autres membres du Conseil est limité par une réglementation assez stricte qui peut dans la pratique empêcher ces personnes de se consacrer pleinement à l'exercice de leurs responsabilités locales. Ces limites ont cependant peu de chances de réduire le libre exercice des fonctions électives au niveau local.

En outre, l'exercice de telles fonctions à titre bénévole doit être replacé dans le contexte des conditions d'emploi de l'ensemble des élus maltais (à quelques exceptions près, les ministres notamment) ; par exemple, sur l'île, même les fonctions de parlementaire sont considérées comme une activité à temps partiel et rémunérées en conséquence. Le système reflète aussi l'idée semble-t-il largement acceptée selon laquelle une distinction doit être conservée entre les fonctions "politiques" exercées par le maire et le Conseil et les fonctions "administratives" relevant principalement de la responsabilité du Secrétaire exécutif (voir aussi ci-dessus l'article 6 (1) de la Charte). Selon cette logique, une augmentation substantielle de l'indemnité accordée, en particulier, aux maires pourrait à terme rendre vaine cette distinction en leur donnant dans la gestion quotidienne de la collectivité un rôle bien plus actif que celui qui avait été envisagé lors de l'instauration du système.

D'après l'article 32 (2) de la loi sur les collectivités locales, les employeurs des conseillers locaux doivent, dans les limites du raisonnable, leur apporter toute l'aide nécessaire pour qu'ils puissent exercer leurs fonctions au sein du conseil. Dans une certaine mesure, les déclarations et les circulaires du gouvernement ont renforcé cette disposition. L'impression d'ensemble reste néanmoins que la loi maltaise ne se préoccupe pas beaucoup de la possibilité pour les élus locaux d'exercer leurs fonctions sans avoir à se soucier de tierces personnes telles que leurs employeurs. A cette fin, la loi pourrait notamment les autoriser dans les limites du raisonnable à exercer leur activité de conseillers sur le temps de travail ordinaire. Pour autant, lors de la deuxième visite de la délégation du CPLRE à Malte, les conséquences pratiques de la loi dans son état actuel n'ont pour ainsi dire suscité aucune revendication explicite.

38. D'après l'article 7 (2) de la Charte, le statut des élus locaux doit permettre la compensation financière des frais entraînés par l'exercice du mandat, des gains perdus, etc. La réglementation (financière) relative aux collectivités locales (règle 27) et la procédure (financière) de 1996, Section P1.12, relative aux notes de frais, prévoient une compensation des dépenses notamment de "transport, nourriture, logement et autres frais ne relevant pas des activités ordinaires" engagées par les conseillers. D'un autre côté, rien n'est prévu pour la compensation des gains perdus. Sur cette question, le respect de la Charte est pour le moins douteux.

39. Au titre de l'article 7 (3) de la Charte, les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux. Les dispositions incluses dans les articles 18-20 de la loi sur les collectivités locales semblent répondre de façon adéquate à cette préoccupation.

40. Au titre de l'article 8 de la Charte, le contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi ; il ne vise normalement qu'à garantir le respect de la loi et doit s'exercer de façon à ce que l'intervention de l'autorité de contrôle soit à la mesure des intérêts qu'elle entend préserver.

D'après le droit maltais, le contrôle comptable relève principalement de la responsabilité du Commissaire aux comptes, un fonctionnaire de la Chambre des députés qui agit indépendamment du pouvoir exécutif en vertu de l'article 108 de la Constitution. D'après l'article 65 de la loi sur les collectivités locales, le Commissaire aux comptes nomme un contrôleur pour les collectivités locales chargé de vérifier les comptes de chaque conseil local. Le rapport de chaque exercice financier est soumis au Commissaire aux comptes, qui en transmet des exemplaires au ministre de tutelle, au ministre des Finances et à la collectivité concernée.

Par principe, la vérification des comptes ne concerne que le respect par les collectivités locales de la réglementation financière en vigueur à un moment donné. Il en va de même du rapport présenté au Parlement. Le système semble respecter l'article 8 de la Charte, tant du point de vue juridique que dans la pratique.

Ce rapport est en outre communiqué à la Commission parlementaire des comptes publics par l'intermédiaire du ministère de tutelle. La commission examine le rapport principal du Commissaire aux comptes ; elle peut entendre des représentants des collectivités locales et adopter des recommandations relatives aux mesures devant être prises à l'avenir.

41. Le Commissaire aux comptes présente parfois au ministère de tutelle des observations sur les comptes de certaines collectivités locales. Ce ministère dispose d'autres moyens de contrôle : il peut notamment étudier le procès-verbal des réunions d'une collectivité. Si le contenu d'un procès-verbal le justifie, le ministre adresse des observations à la collectivité en question au sujet des violations de la loi et autres formes d'irrégularités présumées et tente de la convaincre de suivre ses suggestions. Au titre de plusieurs amendements à l'article 55 de la loi sur les collectivités locales actuellement (juillet 2002) examinés par le Parlement, le ministre sera également autorisé à sanctionner une collectivité locale en prélevant des sommes ne dépassant pas 1 % des crédits qui lui sont attribués pour l'année concernée. Des sanctions peuvent aussi être décidées pour la violation de quelques dispositions clairement définies de cette loi ; en cas de désaccord de la collectivité concernée, celle-ci peut s'en remettre aux tribunaux (voir ci-dessous).

Dans l'ensemble, le système maltais de contrôle administratif des collectivités locales (y compris pour la vérification des comptes) donne l'impression d'être relativement sévère. Ce système semble cependant s'intéresser surtout au respect des textes juridiques, sans se préoccuper de questions plus générales de rentabilisation des crédits ni du bien-fondé des dépenses. Aucune des procédures envisagées ne semble contraire aux dispositions exposées dans l'article 8 de la Charte.

42. Au titre de l'article 9 (1) de la Charte, les collectivités locales ont droit à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences. D'après le Rapport explicatif, cette disposition tend à garantir que les collectivités locales ne soient pas privées de leur liberté de fixer les priorités en matière de dépenses.

Les crédits sont attribués aux collectivités locales sous forme d'un versement unique, ce qui leur donne une certaine liberté pour établir des priorités entre leurs différentes responsabilités. Dans la pratique, chacune prépare un Plan d'exploitation triennal et un budget annuel, dans lesquels elle classe les dépenses ordinaires et d'investissement par ordre de priorité. La précision avec laquelle les responsabilités des collectivités sont détaillées dans l'article 33 (a)-(n) de la loi sur les collectivités locales ne semble pas limiter sensiblement cette liberté.

Les bureaux et autres équipements mis à la disposition de certaines collectivités locales paraissent être inadaptés à leur usage, mais cette situation semble s'améliorer progressivement et la délégation du CPLRE ne juge pas utile de se préoccuper davantage de cet aspect de la situation matérielle des collectivités locales de l'île.

43. Au titre de l'article 9 (2) de la Charte, les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées à leurs compétences. Dans la plupart des Etats membres, il s'agit là d'une des principales questions abordées lors des discussions sur la relation entre le droit national et le Charte.

A Malte, les collectivités locales tirent le plus gros de leurs ressources des crédits accordés par le gouvernement au titre de l'article 55 et des dispositions plus détaillées de la dixième Annexe à la loi sur les collectivités locales. A l'origine, l'attribution de fonds aux conseils était calculée sur la base de leur population et de leur superficie. En 1999 cependant, un nouveau mode de calcul a été instauré afin de refléter plus exactement les besoins financiers de chaque localité. Il s'appuie maintenant sur le coût de tous les contrats de services individuels qui relèvent de la responsabilité des collectivités locales et sur leurs dépenses de fonctionnement. En bref, le dispositif actuel est fondé sur des études ergonométriques portant sur chacune des tâches qui composent la fonction spécifique et les inventaires annuels des biens de chaque collectivité.

La délégation du CPLRE ne peut pas vérifier objectivement si le système de financement atteint réellement le but affiché, qui est de garantir que les collectivités soient financées intégralement et qu'elles puissent assumer correctement toutes les responsabilités qui leur sont confiées par les autorités nationales. En particulier, en l'absence de toute donnée sur cette question, la délégation ne peut, sans l'aide des parties concernées, déterminer si le système de financement donne aux collectivités une liberté suffisante pour entreprendre d'autres tâches que celles que la loi lui délègue ou l'oblige à effectuer. En réalité, l'article 9 (2) de la Charte doit être lu en liaison avec l'article 9 (1) (voir ci-dessus), qui requiert que les collectivités locales disposent des ressources suffisantes pour couvrir leurs dépenses obligatoires mais aussi celles qu'engendre la liberté qu'elles ont au titre de l'article 33 (o) de la loi sur les collectivités locales de pourvoir aux autres travaux, objets, affaires et services qui ne relèvent pas d'une obligation légale (voir ci-dessus le paragraphe sur l'article 4 (2) de la Charte).

A ce sujet, il est cependant intéressant de noter que lors de la deuxième visite à Malte, les représentants des collectivités locales n'ont pas signalé cette question comme susceptible de poser problème. Dans le même temps, certains maires ont donné des exemples intéressants de collectivités locales ayant réussi à entreprendre des activités supplémentaires de grande ampleur. Dans l'ensemble, la délégation du CPLRE ne voit dans le mode de fonctionnement actuel du système aucun motif d'inquiétude pour ce qui concerne cette question.

44. L'article 9 (3) de la Charte prévoit qu'une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux. A Malte, les collectivités locales ne disposent d'aucun droit de lever un impôt et le refus d'un quelconque "impôt local" semble rencontrer un consensus étonnamment large. Il paraît donc évident que cette partie de l'article 9 (3) de la Charte n'est pas respectée dans l'état actuel de la loi maltaise.

D'un autre côté, les collectivités locales peuvent proposer des amendes et en profiter au titre de l'article 36 de la loi sur les collectivités locales. En outre, une majorité de collectivités locales jouissent de pouvoirs délégués pour l'exécution des arrêtés et le recouvrement des amendes à la suite d'un accord conclu au titre de l'article 33 (n) de la loi sur les collectivités locales. Il existe d'autres sources de financement, indépendantes de celui des autorités nationales, notamment les redevances perçues pour certaines licences.

Pour l'exercice financier des collectivités locales qui s'est terminé le 31 mars 2001, le revenu provenant de telles sources s'élevait à 1,9 millions de livres maltaises, soit 20 % du financement attribué par le pouvoir central. Cette somme est assurément loin d'être négligeable. Même s'il semble qu'une partie de ce revenu provienne de parrainages ou autres sources qui peuvent difficilement être qualifiés de "redevances", on peut considérer que la partie de l'article 9 (3) de la Charte qui concerne les "redevances locales" est en fait respectée par la loi maltaise.

45. Dans le contexte maltais, le contenu des articles 9 (1) et (2) de la Charte (voir ci-dessus) est appliqué en liaison avec l'exigence énoncée dans l'article 9 (4) de ce même document, selon lequel les ressources dont disposent les collectivités locales doivent suivre l'évolution réelle des coûts. Ce dispositif paraît garantir au mieux le respect de l'article 9 (4).

46. En principe, le système de financement par le pouvoir central, tel qu'il est défini par l'article 55 et la dixième Annexe de la loi sur les collectivités locales (voir plus haut), semble permettre la mise en place du régime de péréquation et de répartition prévu par l'article 9 (5) de la Charte ; dans ce système, les modes de calcul de la répartition sont fréquemment réajustés au vu des rapports, des propositions et des discussions entre les autorités nationales et les collectivités locales (ou leurs représentants).

47. D'après l'article 9 (7) de la Charte, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. Au vu du programme général de financement prévu par l'article 55 et la dixième Annexe de la loi sur les collectivités locales, cette disposition ne semble pas poser de problèmes particuliers, puisque les subventions du pouvoir central sont accordées sous la forme d'un versement unique (voir plus haut).

48. Au titre de l'article 9 (8) de la Charte, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux afin de financer leurs dépenses d'investissement. En outre, l'article 61 de la loi sur les collectivités locales interdit toutes les activités dont le coût excède la subvention annuelle allouée pour chaque exercice financier, sauf en cas d'acceptation explicite du ministre de tutelle agissant en accord avec le ministre des Finances. Dans la pratique cependant, les collectivités ont occasionnellement l'autorisation de contracter des emprunts pour différentes raisons, notamment pour des dépenses d'investissement dépassant leur budget annuel (hôtels de ville, etc.). D'après le ministre de tutelle, aucune demande d'emprunt n'a jusqu'à présent été refusée par les autorités nationales.

49. D'après l'article 10 (1) de la Charte, les collectivités locales ont le droit de coopérer et de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun. Au titre de l'article 31 (1) de la loi sur les collectivités locales, celles-ci peuvent se regrouper par deux ou davantage pour remplir l'une quelconque de leurs fonctions ; elles peuvent aussi décider que ces fonctions seront remplies par un comité conjoint (qu'elles auront créé) ou par un agent mis à disposition par une des collectivités. L'article 31 (2) de cette loi contient des dispositions supplémentaires. Un certain nombre de collectivités locales ont largement utilisé cette possibilité dans les domaines récemment décentralisés de la police locale, de l'éclairage public, etc. Le respect de la Charte ne semble donc pas poser problème sur ce point.

50. Au titre de l'article 10 (2) de la Charte, les collectivités locales ont le droit d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales. Les dispositions contenues dans l'article 37 (3) de la loi sur les collectivités locales satisfont ces deux conditions. L'Association des collectivités locales semble même jouer sur l'île un rôle prépondérant, notamment par sa présence au sein de différents Comités et Commissions ad hoc.

51. D'après l'article 10 (3) de la Charte, les collectivités locales peuvent coopérer avec les collectivités d'autres Etats. D'après l'article 79 de la loi sur les collectivités locales, celles-ci sont autorisées à conclure des accords de jumelage avec une ville, une commune, un village ou toute autre localité dans un pays quelconque, l'approbation du ministère et l'avis de l'Association des conseillers locaux étant cependant indispensables. A ce jour (juillet 2002), quelque 30 accords de jumelage ont été conclus.

52. D'après l'article 11 de la Charte, les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.

A Malte, ce droit est accordé explicitement aux collectivités locales (voir l'article 38 de la loi sur les collectivités locales). Il est vrai que ce droit est limité au libre exercice des compétences accordées par la loi sur les collectivités locales elle-même. Cependant, cette restriction ne justifie aucune inquiétude particulière dans la mesure où les dispositions concernées sont réunies dans la loi et, plus encore, puisque cette dernière introduit dans le droit maltais les principes de la Charte. Celle-ci ne requiert pas des Etats membres qu'ils l'incorporent dans leur législation interne d'une manière qui la rende directement applicable devant le Pouvoir judiciaire national.

V CONCLUSIONS RELATIVES AU RESPECT DE LA CHARTE

53. Elles seront exposées sous trois rubriques. La première concerne le respect par Malte des parties de la Charte européenne de l'autonomie locale par lesquelles ce pays a déclaré être lié (voir plus haut, § 16). Un examen plus détaillé de ces questions est donné dans la partie IV du présent rapport. Seules les observations majeures seront soulignées ici.

54. Le respect par Malte des dispositions suivantes, par lesquelles ce pays a déclaré être lié, ne suscite aucune observation supplémentaire : l'article 2, l'article 3 (2), l'article 4 (1-2 et 4-6), les articles 5 à 8, l'article 9 (1, 2, 7 et 8), l'article 10 (1-3) et l'article 11. Même si des améliorations sont encore possibles sur un certain nombre de points (voir les paragraphes correspondants dans la partie IV), il est évident que l'autonomie locale à Malte a accompli des progrès considérables depuis l'instauration en 1993 du système actuel des collectivités locales.

55. Le respect des articles 3 (1) et 4 (3), lus conjointement, semble appeler d'autres observations. D'après l'article 3 (1), une "part substantielle des affaires publiques" doit être dévolue aux collectivités locales. L'article 4 (3) insiste sur le principe dit de subsidiarité. Sur ce point, une position moins favorable doit être adoptée.

Pour les raisons données plus haut, l'attribution des fonctions aux collectivités locales s'est faite de manière progressive mais prudente. Les avancées sont souvent minimes et, même considérées globalement, elles ne frappent ni par leur nombre ni par leur portée en comparaison avec l'état de l'autonomie locale dans de nombreux autres Etats membres de la Charte.

Ces observations corroborent le fait que les dépenses des collectivités locales restent très faibles comparées à la part du total des dépenses publiques que les autres Etats membres de la Charte accordent aux collectivités locales. En outre, aucune tendance évidente à l'amélioration n'est observable sur la période pour laquelle on dispose de statistiques (1995-2002).

Compte tenu de cette situation, on peut sérieusement s'interroger sur le respect des articles 3 (1) et 4 (3) de la Charte, par lesquels Malte est liée juridiquement. Dans tous les cas, ces observations doivent servir à Malte de tremplin pour poursuivre et accroître ses efforts dans le sens d'un élargissement du rôle des collectivités locales.

56. Indépendamment des parties de la Charte que Malte s'est engagée à respecter, le rapporteur a pour mission d'étudier l'état de la démocratie locale sous l'angle des dispositions spécifiques de la Charte européenne de l'autonomie locale mais aussi des principes et des normes de portée plus générales que pose cette Charte. Cet aspect de sa mission appelle quelques autres observations d'intérêt plus général.

Le respect par Malte des dispositions suivantes, par lesquelles ce pays n'a pas accepté d'être lié, ne suscite aucune observation supplémentaire : les articles 7 (2) et 9 (4-6). Malte pourrait par conséquent envisager de souscrire également à ces articles.

57. L'unique disposition appelant un commentaire dans la présente conclusion devient ainsi l'article 9 (3), qui prévoit qu'une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux. Si les collectivités locales maltaises peuvent effectivement percevoir des redevances, elles ne peuvent pas lever d'impôts.

Il apparaît donc clairement que cette partie de l'article 9 (3) de la Charte, relative à l'imposition locale, n'est pas respectée dans l'état actuel de la loi maltaise. Comme il a été dit plus haut, cette situation ne représente pas une violation des obligations maltaises au titre de la charte ; des explications d'ordre historique et géographique (la superficie de l'île) ont été invoquées pour justifier la situation actuelle, qui correspond à un consensus semble-t-il assez large concernant le refus de l'instauration dans le pays d'une imposition locale.

L'importance des impôts locaux pour le développement des responsabilités confiées aux collectivités locales, entre autres arguments allant dans le même sens, nécessiterait cependant de la part des autorités maltaises qu'elles réfléchissent à nouveau à l'instauration d'un système d'imposition locale. Ici aussi, il faudrait envisager une approche progressive comparable à celle qui a été utilisée, avec le succès qu'on sait, pour la mise en place du système actuel d'autonomie locale. Dans un premier temps, il faudrait par exemple transférer une portion des impôts nationaux vers un programme d'impôts locaux sans augmenter la pression fiscale globale sur la population maltaise. Celle-ci pourrait ainsi s'habituer à ce qui deviendrait par la suite un authentique système d'imposition locale conforme à l'article 9 (3) de la Charte de l'autonomie locale.

VI CONSIDERATIONS POLITIQUES ET PERSPECTIVES DE REFORMES

58. Même dans cette partie consacrée à des considérations plus explicitement politiques sur la situation actuelle et sur les perspectives de développement et de réforme (sur lesquelles le Rapporteur doit également prendre position), il convient de saluer le véritable tour de force qu'a nécessité en 1993 la construction de la démocratie locale sur des bases entièrement nouvelles. Depuis cette date, le cadre juridique et financier a connu plusieurs adaptations, toutes discutées avec les représentants des collectivités locales.

59. En outre, les lourdes contraintes qui pèsent sur la République de Malte doivent être prises en compte lors de l'examen de la démocratie locale sur l'île. De fait, de nombreuses localités européennes ont une population au moins égale à celle de Malte et n'ont pourtant qu'un maire, un conseil municipal et une administration. Le bien-fondé d'un système "d'autonomie locale" est donc loin d'être évident dans un pays qui, de surcroît, présente une des densités de population les plus fortes en Europe. Même si Malte a cependant opté pour l'autonomie locale, les conséquences logiques d'un tel choix (responsabilités variées, part substantielle des dépenses publiques, impôts locaux) ne vont pas sans problèmes, indépendamment de la question de savoir si les choix opérés sur chaque point particulier constituent du point de vue juridique une violation de la Charte.

Des contraintes extra-juridiques découlent aussi du fait que le système d'autonomie locale maltais est encore relativement récent, et d'autres facteurs d'ordre politique et culturel qui ne seront pas développés davantage dans le présent rapport.

60. D'un autre côté, des contraintes telles que celles qui sont mentionnées ci-dessus ne justifient pas à elles seules l'état actuel de l'autonomie locale à Malte. La stratégie délibérée de développement étape par étape a déjà été évoquée et ses réussites sur certains points doivent être saluées. Pour autant, la situation reste dans l'ensemble décevante. En réalité, la plupart des avancées sont minimes, tout comme l'ensemble des actions jusqu'à présent. L'impression générale sur l'autonomie locale à Malte pourrait être exprimée dans ces termes : limitation des responsabilités, des crédits et de l'effectif des personnels, exiguïté des lieux de travail, rémunération modique pour les maires et inexistante pour les conseillers, impossibilité de lever des impôts locaux et contrôle étatique omniprésent.

La part extrêmement faible des dépenses publiques globales affectée aux collectivités locales (quelque 2 %) illustre bien la situation actuelle. Ce chiffre est nettement inférieur à ce que la plupart d'entre nous qualifierions de "substantiel" (Article 3 de la Charte).

61. L'impression d'ensemble que nous nous sommes faite au cours des nombreuses rencontres semble également révéler une certaine méfiance de la part du pouvoir central : nos interlocuteurs pensent qu'on ne peut pas en toute confiance accorder des crédits aux collectivités locales. Ils invoquent une "mentalité sicilienne", des "antennes du pouvoir central" ou la nécessité de renforcer le contrôle étatique sur la légalité et l'efficacité. Les possibilités d'intervention du ministre sont loin d'être excessives, mais tous les agents du pouvoir central ne semblent pas conscients du fait que les autorités locales sont choisies par le même électorat et qu'elles ont à ce titre la même légitimité démocratique que les autorités nationales.

62. Concernant les perspectives de développement et de réforme, suite aux rencontres sur place, la Délégation a exprimé le souhait qu'au cours des prochaines cinq-dix années, un transfert substantiel de compétences, d'impôts et de personnel des autorités centrales aux collectivités locales soit mis en place. L'on peut espérer que le manque de volonté du gouvernement central en ce qui concerne l'attribution de responsabilités, argent et personnel ou l'hésitation des conseils municipaux à accepter ces moyens, ne constitue pas un obstacle à ce processus.

63. Dans le cadre de la Charte de l'autonomie locale et des valeurs qui la fondent, la seule solution est de poursuivre l'attribution ou la délégation progressive d'un plus grand nombre de responsabilités aux collectivités locales. De nombreuses personnes semblent penser que des domaines tels que l'éducation, le logement et l'urbanisme recèlent à cet égard des possibilités importantes. Du moins, puisqu'un nombre non négligeable de collectivités locales ont utilisé la possibilité qui leur était offerte d'exercer leurs responsabilités en coopération, on comprend difficilement pourquoi cette voie ne serait pas poursuivie plus avant.

Rien ne garantit cependant qu'un tel processus donnerait à terme aux collectivités locales le droit et la capacité de réglementer et de gérer, dans les limites fixées par la loi, une part substantielle des affaires publiques, comme le veut l'article 3 (1) de la Charte.

ANNEXE I

Anglais uniquement

Draft programme of the official visit to Malta by the Congress Delegation responsible for the preparation of a Monitoring Report on the Situation of Local Democracy in Malta (La Valetta, 1 to 2 March 2002)

ANNEXE II

Anglais uniquement

Ministeru tal-Íustizzja u Gvern Lokali Ministry of Justice and Local Government

MALTA

Dipartiment tal-Kunsilli Lokali Local Councils Department

PROGRAMME

COUNCIL OF EUROPE DELEGATION

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Delegates: Mr René Paas, Rapporteur

Mr Eivind Smith, Expert

Mr Riccardo Priore, Council of Europe Secretariat

1 Albanie, Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldova, République tchèque, ex-République yougoslave de Macédoine, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Turquie, Ukraine, République fédérale de Yougoslavie (liste évolutive).