Strasbourg, 8 janvier 2003.

CG/Bur (9) 80

Rapport sur les éléctions municipales au Kosovo - 26 octobre 2002

Rapporteur : M. Tomas JIRSA (République tchèque)

Document adopté par le Bureau du Congrès le 16 décembre 2002

Introduction

Mission d’observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE)

1. Lors des deuxièmes élections municipales au Kosovo1, organisées par l’OSCE (en application de la Résolution 1244 de l’ONU) et la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), le CPLRE a participé à une mission d’observation impliquant quelque 120 observateurs (et 200 observateurs internationaux indépendants), coordonnée par la MOECE III (Mission d’observation des élections du Conseil de l’Europe III). Cette dernière, créée spécialement par le Conseil de l’Europe en juillet 2002, est placée sous l’autorité de l’Ambassadeur Civiletti (Italie) et de György Bergou, membre du Secrétariat du CPLRE.

2. Huit membres du Congrès et deux membres du Secrétariat du CPLRE ont participé à l’observation de ces élections municipales, qui se sont tenues le 26 octobre 2002. Leurs noms et lieux de déploiement sont indiqués à l’annexe 1. M. Tomas Jirsa (République tchèque), qui conduisait la délégation du Congrès, a également été nommé rapporteur.

3. L’Union européenne et l’OSCE n’étaient ni l’une ni l’autre représentées par une délégation politique et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n’avait envoyé qu’une petite délégation. De ce fait, le Congrès était le principal organe politique présent pour observer ces élections.

4. Les observateurs du Congrès ont suivi une session de formation à Pristina, du 22 au 24 octobre 2002. Le 24 octobre, la délégation du CPLRE a rencontré M. Faruk Spahija, maire de Mitrovica. Le 25 octobre, un membre de la délégation (M. Tokus, Turquie, accompagné d’un représentant du Secrétariat) a tenu une réunion à Pristina avec des membres de l’Association des communes du Kosovo, sous la présidence de M. Lutfi Haziri, maire de Gjilan.

5. Le 25 octobre, un membre du Congrès (M. Tokus, Turquie) et un représentant de son Secrétariat ont participé conjointement avec la délégation de l’Assemblée parlementaire à des réunions avec les représentants politiques du Kosovo dont la liste suit :
- Ibrahim Rugova, président, LDK ;
- Ramush Haradinaj, chef de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) ;
- Hashim Thaci, chef de parti, PDK.

Ils ont également rencontré l’Ambassadeur Pascal Fieschi, chef de la Mission de l’OSCE au Kosovo.

6. S’AGISSANT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE ET DE L’ORGANISATION DES ELECTIONS, VOTRE RAPPORTEUR SOUSCRIT AUX CONSTATATIONS ET CONCLUSIONS DU RAPPORT FINAL ETABLI PAR LA MOECE III (voir annexe 2) .

7. Votre rapporteur souhaite simplement ajouter les remarques suivantes :

7.1 Les observateurs du Congrès remercient la MOECE III pour la qualité de la préparation et de l’organisation de leur mission. Cependant, concernant les documents mis à la disposition des observateurs, les membres du Congrès recommandent une simplification et une clarification des formulaires relatifs au déroulement du scrutin.

7.2 Les observateurs du Congrès partagent le point de vue selon lequel les élections se sont déroulées dans un climat pacifique et souhaitent rendre hommage à la bonne coopération établie entre la MOECE III, l’OSCE et la MINUK. Ils sont également d’avis que le processus électoral a été administré de manière extrêmement professionnelle et portent un jugement positif sur le déroulement du scrutin, au cours duquel seules des irrégularités isolées et mineures ont été signalées. Le processus électoral a été conduit conformément aux principes du Conseil de l’Europe et aux normes internationales en matière d’élections démocratiques.

7.3 Parmi les lacunes constatées, on relève :
- la mauvaise préparation de certaines commissions de vote (par exemple à Mitrovica et Strpce) ;
- des cas isolés de vote familial (par exemple à Strpce et Fushë Kosovë/Kosovo Polje).

7.4 Pour les observateurs du Congrès au Kosovo, le faible taux de participation de la population serbe a été particulièrement décevant. Après les déclarations contradictoires des leaders politiques serbes, la communauté serbe a préféré s’abstenir, sauf dans les cinq communes où elle est majoritaire (Zubin Potok, Zveçan, Leposavić, Novo Brdo et Strpce).

7.5 Votre rapporteur n’hésite pas à affirmer que, si l’on peut parler de « monde perdu » à propos des enclaves serbes, le boycott des élections dans la partie nord de Mitrovica a pour sa part donné l’impression d’une « ville perdue ». M. Michael Steiner, représentant spécial du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (RSSG), a décidé de maintenir une commune unique à Mitrovica en dépit des revendications d’autonomie des Serbes de la partie nord. L’éventualité d’un changement de structure à Mitrovica a été évoquée à maintes reprises pendant la période pré-électorale pour inciter les Serbes à participer aux élections. Peu avant le jour du scrutin, le RSSG a présenté un plan en sept points en vue d’améliorer la situation dans le nord, faisant de la participation aux élections un préalable à toute réforme. En fin de compte, les Serbes n’ont pas accepté les propositions de M. Steiner.

7.6 Concernant notre observation à l’extérieur du Kosovo, une équipe composée de Bernard Suaud, président de la Commission de la cohésion sociale du CPLRE, et d’Alessandro Mancini, membre du Secrétariat, a été déployée au sud de la Serbie, plus précisément dans la région de Kragujevac et de Kraljevo. Malgré un accident heureusement sans gravité, M. Suaud a courageusement décidé de poursuivre sa mission.

Cette région accueille encore un grand nombre de personnes déplacées du Kosovo. La veille du scrutin, l’équipe a eu la possibilité de visiter plusieurs des centres collectifs où sont hébergées ces personnes, des Serbes kosovars pour la plupart. Il s’agit principalement d’anciens hôtels, où chaque famille occupe une chambre. Les conditions de vie sont toujours très médiocres et les sentiments qui prédominent chez les personnes déplacées sont l’amertume et la tristesse.

L’ancienne génération garde espoir et souhaite rentrer au pays, tandis que les jeunes veulent commencer une nouvelle vie en Serbie, même si la situation économique y est très difficile.

Cela dit, il est évident que ces personnes déplacées n’étaient pas particulièrement motivées pour participer aux élections. Aussi la participation a-t-elle été très modeste dans cette région (7 à 8 %). Les électeurs se sont déplacés pour les cinq communes où les Serbes étaient quasi certains d’obtenir la majorité. Il s’agissait essentiellement de personnes âgées et les observateurs ont noté qu’en déposant leur bulletin dans l’urne certains électeurs déclaraient : « Nous espérons rentrer. »

Deux dernières remarques : tout d’abord, la participation aurait probablement été plus importante si des transports publics gratuits avaient été organisés entre les centres collectifs et les bureaux de vote, compte tenu de la distance et du coût des transports publics.

En second lieu, on peut regretter – mais cela était inévitable – que ces élections, même si elles ont été préparées et organisées avec efficacité, aient été si coûteuses, alors qu’une partie de ces fonds aurait pu être employée plus utilement pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées dans les centres collectifs.

7.7 L’enjeu fondamental pour la communauté internationale est maintenant d’évaluer les options et de définir des solutions propres à faciliter l’intégration des Serbes du Kosovo dans les institutions provisoires au niveau local, dans les communes où les leaders ne mobilisent pas l’électorat. Dans cette optique, le Congrès est favorable à ce que le Conseil de l’Europe apporte son aide en vue d’un nouveau processus de décentralisation, ainsi que le lui a demandé M. Steiner.

Une première mission d’information, à laquelle a participé Daniil Kochabo, du Secrétariat du Congrès, a été effectuée les 2 et 3 décembre 2002 en vue de réfléchir avec M. Steiner à une éventuelle contribution du Conseil de l’Europe aux discussions sur un nouveau concept de décentralisation au Kosovo. Un rapport final sera soumis prochainement au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Le Congrès devrait jouer un rôle important dans ce processus.

7.8 Les observateurs du Congrès conviennent que la sécurité s’est progressivement améliorée. Toutefois, les membres de la délégation du congrès ont été choqués par le meurtre de M. Ukë Bytyçi, maire de Suva Reka, le lendemain du scrutin (27 octobre 2002). A cet égard, il faut rappeler qu’en 2001 M. Bytyçi avait accueilli l’assemblée constitutive de l’Association des communes du Kosovo, avec le soutien du Congrès.

7.9 Les observateurs du Congrès estiment par ailleurs que l’absence de liberté de circulation demeure une préoccupation majeure pour les minorités, car elle les empêche de mener une vie normale et compromet les perspectives de retour des personnes déplacées. Il reste à s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité, la discrimination et l’hostilité entre groupes ethniques.

7.10 L’objectif ultime est de transférer dans un proche avenir la responsabilité de l’ensemble du processus électoral aux autorités du Kosovo et à du personnel local. C’est pourquoi les observateurs sont convaincus que la création du « groupe de travail sur les élections », chargé de mettre en place un échelon administratif local permanent et viable, est une mesure positive. Les observateurs du Congrès s’associent aux recommandations visant à faciliter ce processus qui sont présentées dans le rapport ci-annexé.

7.11 Compte tenu de la nouvelle légitimité des élus locaux (désormais investis d’un mandat de quatre ans, au lieu de deux auparavant) à l’issue de ces élections municipales, le Congrès poursuivra et approfondira sa coopération avec l’Association des communes du Kosovo. Il est à noter que cette Association, qui travaille dans un esprit multipartite et multicommunautaire, est très active au sein du Réseau des associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux d’Europe du Sud-Est (réseau NALAS) mis sur pied par le Congrès.

7.12 Le Congrès fera également tout son possible pour encourager la création et le développement d’une nouvelle Agence de la démocratie locale (ADL) au Kosovo. Cette ADL aura son siège à Gjilan, mais opérera sur l’ensemble du territoire du Kosovo. Son ouverture est prévue pour janvier 2003. Elle bénéficiera d’un concours financier du gouvernement irlandais dans le cadre du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, ainsi que du soutien de collectivités locales et d’ONG britanniques et françaises.

ANNEXE 1: Elections locales au Kosovo, 26 octobre 2002

Déploiement de la délégation du CPLRE
Fushë Kosovë/Kosovo Polje
M. Alaattin Hilmi TOKUS (Turquie) et M. Jean-Paul CHAUVET (Secrétariat du CPLRE)

Mitrovica
M. Pascal MANGIN (France) et M. Tomas JIRSA (République tchèque)

Prizren
Mme Hildur Horn ÖIEN (Norvège) et M. Carl SONNESSON (Suède)

Strpce
M. Stanislav BERNAT (République slovaque) et M. Joseph BORG (Malte)

Kraljevo (Serbie)
M. Bernard SUAUD (France) et M. Alessandro MANCINI (Secrétariat du CPLRE)

ANNEXE 2 : Council of Europe election observation mission for the 2002 Kosovo Municipal Assembly elections (CEEOM III). Final report, November 2002 (English Only)

Pour plus d’informations et annexes complètes, veuillez contacter : [email protected]

1 Pour les premières élections municipales du 28 octobre 2000, voir le document CG/Bur (7) 63, adopté par le Bureau le 15 décembre 2000.