Rapport sur les élections régionales en Gagaouzie, République de Moldova (16 et 30 novembre 2003) - CG/Bur (10) 89

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Rapporteur : M. Christopher NEWBURY (Royaume-Uni)

Document adopté par le Bureau du Congrès le 13 février 2004

A – RESUME DU RAPPORT

1 – LE CONTEXTE

La région de Gagaouzie a été instituée entité territoriale autonome par une loi organique adoptée par le parlement moldave le 23 décembre 1994. Cette loi prévoit la création d’une législature régionale élue (l’Assemblée du peuple) pouvant adopter des textes légaux dans les limites de ses compétences et d’un exécutif (le gouverneur de Gagaouzie appelé Bashkan). Le pouvoir exécutif de la région s’incarne dans le Comité exécutif qui est présidé par le Bashkan.

Les élections, qui se sont tenues les 16 et 30 novembre 2003, visaient à élire les trente-cinq membres de l’Assemblée du peuple de Gagaouzie.

2 – LA CAMPAGNE ELECTORALE

La désignation des candidats et l’enregistrement des candidatures se sont déroulés sans incidents. Le seul cas de refus d’enregistrement d’un candidat a abouti à une décision de justice en faveur du plaignant.

La campagne électorale s’est déroulée de manière discrète et n’a reçu que peu d’attention de la part des médias. Dans les rues de Comrat et d’autres villes, à l’exception de quelques affiches du parti communiste, pratiquement rien ne semblait indiquer qu’une campagne électorale était en cours. Les candidats ont, d’une manière générale, préféré faire du porte à porte.

Les principales plaintes recueillies par la mission d’observation du Congrès ont porté sur :

· l’exercice de pressions sur certains candidats pour les inciter à retirer leur candidature des listes des partis de l’opposition ;
· le caractère partial de la couverture de la campagne électorale et l’inégalité d’accès aux médias ;
· l’intervention de l’appareil d’Etat dans la campagne électorale ;
· l’utilisation abusive de ressources publiques au profit des candidats de la majorité au pouvoir.

3 – LE DEROULEMENT DU SCRUTIN

Le scrutin s’est déroulé dans l’ensemble sans incidents. La plupart des officiels ont fait preuve d’un professionnalisme louable. Le personnel des bureaux de vote, qui comportait un nombre important de femmes, a bien rempli ses fonctions malgré des conditions météorologiques difficiles.

Les principaux problèmes relevés sont les suivants :

· l’absence de garantie de la confidentialité du vote dans la procédure ;
· la présence de fonctionnaires de police à l’intérieur de nombreux bureaux de vote et à très grande proximité d’autres bureaux ;
· le caractère répandu du vote en famille ;
· le nombre excessif d’électeurs inscrits sur les listes électorales dans un grand nombre de bureaux de vote ;
· l’existence de listes électorales complémentaires très longues ;
· le non-affichage des résultats du scrutin dans chaque bureau de vote.

4 – LE SECOND TOUR

Le second tour, qui a eu lieu le 30 novembre 2003, a marqué un progrès par rapport au premier tour, en particulier du point de vue de l’organisation des élections qui a été, d’une manière générale, conforme aux normes internationales en matière de transparence et de contrôle. Il convient de féliciter les autorités électorales pour l’amélioration de la qualité des bulletins de vote.

Les principaux problèmes constatés au second tour ont été pratiquement identiques à ceux observés lors du premier tour : la confidentialité du vote n’a pas été respectée, des fonctionnaires de police ont encore une fois été présents à l’intérieur de nombreux bureaux de vote et le vote en famille a de nouveau été observé, bien que de manière moins fréquente. Des insuffisances importantes dans l’application de la loi électorale, en ce qui concerne l’obligation de tamponner les bulletins de vote, ont également été observées dans un certain nombre de bureaux de vote.

La campagne électorale entre le premier et le deuxième tour s’est, selon nos informations, déroulée dans le calme. Le taux de participation est resté peu élevé au second tour.

La Commission électorale centrale a rendu les résultats publics en temps opportun.

5 – CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La mission d’observation du Congrès considère que, bien que le scrutin se soit en général déroulé de manière satisfaisante, les élections n’ont pas été, sous certains aspects, conformes aux normes internationales. Le second tour a représenté un progrès par rapport au premier tour, en particulier du point de vue de l’administration des élections qui a généralement été conforme aux normes internationales en matière de transparence et de contrôle. Le dépouillement du scrutin et la proclamation des résultats ont été effectués de manière efficace et dans un esprit démocratique.

Les principales préoccupations de la mission d’observation concernent la persistance de certains problèmes liés, en particulier, à la confidentialité du vote, à la présence de fonctionnaires de police à l’intérieur de nombreux bureaux de vote et à la pratique fréquente du vote en famille. En outre, le manque d’exactitude des listes électorales est demeuré un problème dans certains bureaux de vote.

Ces problèmes sont devenus récurrents depuis un certain nombre d’élections. C’est pourquoi la délégation du Congrès souhaite attirer l’attention des autorités moldaves sur l’absence de véritables progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations antérieures à ce sujet et souligne l’importance d’une modification du cadre législatif de la Gagaouzie, afin d’harmoniser pleinement ses dispositions avec le code électoral de la République de Moldova. Il est également essentiel que le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés assurent l’entière application de la législation et des normes en vigueur afin de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres et équitables.

La délégation du Congrès est au regret d’indiquer que la campagne électorale ne s’est pas déroulée dans des conditions de neutralité et d’impartialité, comme l’exigent les normes européennes.

La délégation formule les recommandations suivantes, en particulier à l’intention du Bureau du Congrès :

B - RAPPORT

1 – INTRODUCTION

Sur l’invitation du président de la délégation nationale de Moldova, M. Serafim URECHEAN, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a décidé d’observer le déroulement des élections parlementaires des 16 et 30 novembre 2003 dans la région autonome de Gagaouzie (Moldova).

La délégation du Congrès comprenait quatre membres élus du Congrès, un expert et deux membres du Secrétariat (voir annexe I).

La délégation était dirigée par M. Yavuz MILDON (Turquie), Vice-président du Congrès et Rapporteur sur la démocratie régionale au Moldova ; M. Christopher NEWBURY (Royaume-Uni) remplissait les fonctions de rapporteur de la mission.

La délégation a bénéficié du soutien du Représentant spécial du Secrétaire Général à Chisinau, M. Vladimir FILIPOV, ainsi que de ses collègues, et elle souhaite les remercier pour leur aide précieuse et efficace.

Pour le calendrier détaillé des rencontres et des tâches de la délégation, voir annexe II.

2 - LE CONTEXTE

a) La République de Moldova et le Conseil de l’Europe

La République de Moldova est membre du Conseil de l’Europe depuis le 13 juillet 1995 et a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale le 2 octobre 1997. La situation au Moldova en général, et dans la région de Gagaouzie en particulier, est suivie de près par le Congrès depuis un certain nombre d’années, notamment sous la forme de rapports d’information et de contrôle, ainsi que par l’observation des élections.

b) La région autonome de Gagaouzie

La région de Gagaouzie a été instituée entité territoriale autonome par une loi organique adoptée par le parlement moldave le 23 décembre 1994. Cette loi prévoit la création d’une législature régionale élue (l’Assemblée du peuple) pouvant adopter des textes légaux dans les limites de ses compétences et d’un exécutif (le gouverneur de Gagaouzie appelé Bashkan). Le pouvoir exécutif de la région s’incarne dans le Comité exécutif qui est présidé par le Bashkan.

Un amendement constitutionnel adopté par le parlement national en mars 2002 stipule que la Gagaouzie est une autonomie territoriale dotée d’un statut spécial au sein de la République de Moldova.

Afin de parvenir à un règlement du conflit persistant en Transnistrie, le président VORONIN de Moldova a lancé récemment une nouvelle initiative proposant la mise en place d’une fédération au sein de laquelle le statut de la Gagaouzie serait renforcé.

c) Le cadre juridique

Le système juridique de la Gagaouzie repose, par ordre de priorité, sur les textes suivants :

Une Commission électorale centrale, basée à Comrat, est responsable de l’organisation des élections législatives en Gagaouzie. Cette commission se compose de neuf personnes : trois membres de l’Assemblée du peuple de Gagaouzie, trois membres du Comité exécutif régional et trois juges. La Commission électorale centrale de Moldova, basée à Chisinau, ne joue qu’un rôle consultatif et de coordination dans la conduite de ces élections.

L’organisation des élections au Moldova est régie par le code électoral de Moldova, tel qu’amendé en 1999, 2000, 2002 et 2003. Toutefois, la Gagaouzie dispose, en tant que région autonome, de sa propre loi sur les élections à l’Assemblée du peuple, qui a été adoptée en 1999. C’est cette loi, par conséquent, qui a fourni la base légale des élections qui se sont tenues les 16 et 30 novembre 2003.

La législation de la Gagaouzie se distingue sous deux aspects importants du code électoral de Moldova :

- la première stipule que les électeurs doivent indiquer leur choix sur le bulletin de vote en inscrivant une croix dans un cercle, tandis que le second prévoit l’utilisation d’un tampon spécial avec l’inscription « votat » ;
- selon la loi, un bulletin de vote émis en Gagaouzie doit être tamponné immédiatement avant d’être donné à l’électeur, tandis que le code électoral stipule que ceci ne doit être fait qu’après que l’électeur ait indiqué son choix et avant l’insertion du bulletin dans l’urne.

La Commission électorale centrale de Gagaouzie a cherché à résoudre ces différences en demandant aux bureaux de vote de fournir aux électeurs un tampon spécial pour le vote puis de tamponner le bulletin après que l’électeur ait effectué son choix.

La législation prévoit que, pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir une « majorité qualifiée » des suffrages exprimés, c’est-à-dire 50% + 1. Lorsque aucun des candidats ne parvient à recueillir une telle majorité, un second tour doit être organisé dans un délai de deux semaines. Seuls les deux candidats ayant reçu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent participer au second tour où une majorité relative des suffrages exprimés est suffisante pour être élu. En cas d’égalité des suffrages entre les deux candidats demeurés en lice, c’est celui qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour qui emporte l’élection, à condition qu’un tiers des électeurs ait participé à l’élection.

Les précédentes élections parlementaires en Gagaouzie s’étaient tenues le 22 août 1999. Le Congrès a également observé l’élection d’un Bashkan les 6 et 22 octobre 2002.

d) Les élections régionales des 17 et 30 novembre 2003

Les élections avaient pour but d’élire les trente cinq membres de l’Assemblée du peuple de Gagaouzie, conformément à la loi de décembre 1994.

3 – LA CAMPAGNE ELECTORALE

a) Désignation des candidats et enregistrement des candidatures

185 candidats se sont présentés aux élections, à savoir :

La désignation des candidats et l’enregistrement des candidatures par la Commission électorale centrale se sont déroulés sans incidents, malgré la crainte que certains candidats ne soient exclus des listes en étant accusés d’avoir fourni des déclarations de revenus inexactes. Ceci ne s’est pas produit. Le seul cas de refus d’enregistrement d’un candidat a abouti à une décision de justice en faveur du plaignant.

On considère généralement que, en comparaison avec l’élection du Bashkan qui a eu lieu en octobre 2002, la Commission électorale centrale de Gagaouzie a agi cette fois dans une plus grande transparence et de manière plus efficace, notamment en ce qui concerne le calendrier des élections.

La campagne électorale s’est déroulée de manière discrète et n’a reçu que peu d’attention de la part des médias. Dans les rues de Comrat et d’autres villes, à l’exception de quelques affiches du parti communiste, pratiquement rien ne semblait indiquer qu’une campagne électorale était en cours. Les candidats ont, d’une manière générale, préféré faire du porte à porte. La télévision et les stations de radio publiques étaient tenues d’assurer deux minutes d’antenne gratuites à chaque candidat. Chaque candidat avait droit à un total de 75 minutes de temps d’antenne payant à la télévision et sur les stations de radio mais ne pouvait dépasser deux minutes par jour sur chacun de ces médias.

La délégation a recueilli un certain nombre de plaintes se rapportant à d’éventuelles violations des normes de conduite des campagnes électorales et, en particulier, des normes contenues dans le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise1.

b) Intimidation de certains candidats

Un certain nombre de cas de pressions exercés sur des candidats des partis de l’opposition pour les inciter à se retirer des élections ont été portés à la connaissance de la délégation du Congrès. Plusieurs candidats occupant des emplois de la fonction publique ont déclaré avoir été menacés de perdre leur emploi après les élections ou avoir été contraints de démissionner, comme cela a été le cas d’un conseiller des services sociaux de l’administration régionale.

De tels actes d’intimidation ont créé un climat de peur parmi les candidats. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de candidats semblent s’être décidés à se présenter aux élections en tant que candidats indépendants plutôt que sous la bannière d’un parti de l’opposition.

c) Caractère partial de la couverture de la campagne et inégalité de l’accès aux médias

Un certain nombre d’informations reçues par la délégation indiquent que les dispositions s’appliquant à la campagne électorale dans les médias et, en particulier, dans les médias publics, n’ont pas été respectées. Les candidats de l’opposition n’ont pas bénéficié d’un accès égal aux médias publics et la couverture offerte par ces derniers a souvent été partiale, avantageant le parti au pouvoir.

Un cas spécifique de refus de publication de matériel électoral dans le journal de Gagaouzie, qui appartient à l’Etat, a été rapporté à la délégation.

d) Intervention de l’Etat dans la campagne électorale

Certaines faits montrent clairement que les autorités de l’Etat sont intervenues dans la campagne électorale. Le cabinet du président et le président lui-même sont, en particulier, intervenus directement dans la campagne électorale. La veille des élections, le président de la République de Moldova, M. Voronin, s’est rendu à Comrat et a donné l’assurance que son gouvernement était favorable à l’idée d’une évolution de la Gagaouzie en une région de statut autonome au sein d’une éventuelle fédération, dont le projet est en cours d’élaboration par un groupe de travail constitutionnel.

e) Utilisation de ressources publiques au cours de la campagne

La délégation a recueilli certaines allégations concernant des cas d’utilisation de la radio et de la télévision publiques, des ministères de l’Etat, des préfectures, ainsi que d’entreprises et de leur personnel, au profit de certains candidats.

La délégation a également reçu la copie d’une plainte officielle déposée auprès de la Commission électorale centrale au sujet de l’utilisation de véhicules de l’administration du district de Comrat pour le transport de matériel électoral du Parti communiste de Chisinau à Comrat. A la suite de cette plainte, la Commission électorale centrale a lancé un avertissement aux autorités publiques de Gagaouzie leur ordonnant de s’abstenir de telles pratiques à l’avenir.

f) Conclusions générales sur le déroulement de la campagne électorale

La délégation considère que, bien que le déroulement de la campagne électorale en Gagaouzie représente un progrès par rapport à celle des élections locales de mai et juin 2003, cette campagne n’a pas été, sous certains aspects, conforme aux normes européennes ; le principe fondamental de l’égalité des chances pour tous les candidats (tel que défini dans le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise) n’a, en particulier, pas été respecté.

4 – LE DEROULEMENT DU SCRUTIN

Le vote a commencé à 7 heures et s’est terminé à 21 heures. Il s’est déroulé dans 64 bureaux de vote.

Les trois équipes d’observateurs du Congrès ont visité une trentaine de bureaux de vote répartis dans les trois districts de la Gagaouzie. La délégation du Congrès a coordonné son travail avec celui d’une mission d’observation de l’OSCE/BIDDH en se servant du document du Conseil des élections démocratiques de la Commission de Venise intitulé Guide pour l’évaluation des élections.

Les principales conclusions de la délégation du Congrès au sujet du déroulement du scrutin sont présentées ci-dessous.

Aspects positifs

· Le vote s’est déroulé dans l’ensemble sans incidents.
· Les bureaux de vote étaient bien organisés ; les membres du comité électoral local, qui étaient en général presque tous présents, étaient aussi généralement bien informés des tâches à effectuer et des procédures à suivre.
· L’atmosphère des bureaux de vote était calme.
· Dans les bureaux de vote où il a été observé, le dépouillement du scrutin s’est déroulé de manière correcte.
· Un nombre important d’observateurs de différents partis et de représentants des candidats étaient présents dans tous les bureaux de vote visités.
· A l’exception du vote en famille, très répandu, les observateurs n’ont constaté ni irrégularités flagrantes dans le déroulement du scrutin, ni exercice manifeste de pressions sur les électeurs.
· Le personnel chargé de l’organisation des élections a fait preuve pour l’essentiel d’un professionnalisme louable. Le personnel des bureaux de vote, qui comportait un nombre important de femmes, a bien rempli ses fonctions malgré des conditions météorologiques difficiles.

Problèmes

a) Bureaux de vote

Selon le code électoral, le nombre d’électeurs pouvant légalement être inscrits dans chaque bureau de vote doit être au minimum de 30 et au maximum de 3.000.

Un grand nombre des soixante-quatre bureaux de vote comptaient plus de 2.000 électeurs inscrits. Il s’agit là d’un nombre très élevé, compte tenu de la lenteur de la procédure, en particulier des contrôles d’identité, et du fait que, dans beaucoup de cas, les bureaux de vote ne comptaient que deux isoloirs. Toutefois, ce problème a été atténué par le taux relativement faible de participation aux élections, ainsi que par le fait que les bureaux de vote sont restés ouverts pendant quatorze heures (de 7 heures à 21 heures).

Dans de nombreux bureaux de vote, les conditions de vote étaient inadéquates. Certains de ces bureaux étaient situés à l’étage d’un bâtiment, ce qui en rendait l’accès particulièrement difficile aux personnes âgées et aux handicapés.

b) Confidentialité du vote

La procédure de vote définie dans la loi électorale de la Gagaouzie prévoit la « validation » du bulletin de vote par un tampon après que l’électeur ait effectué son choix.

La délégation a constaté que, dans de nombreux cas, cette procédure permettait au membre du comité de bureau chargé de tamponner le bulletin ou à l’un des observateurs ou représentants des candidats, ou même au fonctionnaire de police présent, de voir comment avaient voté les électeurs.

Il s’agit là d’une violation manifeste de la confidentialité du vote et la procédure devrait donc être modifiée de l’une ou l’autre des façons suivantes :

- en tamponnant le bulletin avant que l’électeur ait voté (solution préférable) ;

- en utilisant des enveloppes qui seraient scellées et tamponnées.

c) Présence de la police

Les observateurs ont constaté la présence de fonctionnaires de police à l’intérieur de nombreux bureaux de vote ou à une très grande proximité d’autres bureaux. La présence d’un fonctionnaire de police a même été observée pendant le dépouillement du scrutin.

Cette présence a été justifiée, fréquemment, par la nécessité de « maintenir l’ordre » dans les bureaux de vote. La loi électorale, cependant, indique clairement que la police ne peut être appelée à intervenir dans un bureau de vote que sur la demande explicite du président du bureau, afin de « rétablir l’ordre » (article 65 (10)), ce qui implique que se soient produits des incidents justifiant l’entrée de la police à l’intérieur d’un bureau de vote.

Cette pratique, qui a déjà été critiquée plusieurs fois à l’occasion d’élections antérieures, constitue une violation du Code de bonne conduite en matière électorale.

d) Vote familial

Le vote familial est très répandu, en particulier dans les régions rurales. Certains comités de bureaux ont même semblé la considérer comme allant de soi. Cette pratique, qui constitue une violation manifeste du principe de la confidentialité du vote, doit être vigoureusement combattue par la stricte application de la loi électorale qui est tout à fait explicite à ce propos.

e) Listes électorales complémentaires

Les citoyens non inscrits sur les listes électorales ont la possibilité de s’inscrire sur une liste électorale « complémentaire » établie par le comité du bureau de vote sur présentation de documents attestant de leur lieu de résidence. Cette mesure est généralement favorable aux électeurs qui ont ainsi la possibilité d’exercer leur droit de vote même en cas d’erreur sur les listes électorales.

Toutefois, le nombre de personnes inscrites sur la liste complémentaire est parfois beaucoup trop élevé, allant jusqu’à représenter dans certains cas vingt pour cent des votants le jour de l’élection. Ceci a également été observé pendant les élections locales de mai et juin 2003, ce qui semble indiquer qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé à cet égard.

Il faut reconnaître, cependant, que les membres des comités de bureaux de vote que la délégation a pu observer procédaient à une vérification en bonne et due forme de l’identité de l’électeur et de son lieu de résidence avant d’inscrire son nom sur la liste électorale complémentaire.

f) Dépouillement du scrutin

Le dépouillement du scrutin s’est généralement déroulé sans incidents.

Il convient de noter, cependant, que la procédure de dépouillement est une procédure lourde. La disposition exigeant que tous les bulletins de vote non utilisés soient annulés par un tampon entraîne un travail fatiguant (chaque bureau de vote ne disposait que d’un tampon d’annulation) et son utilité est sujette à caution.

g) Proclamation des résultats

Les résultats doivent être rendus publics dans chaque bureau de vote. Toutefois, comme les résultats ne sont pas affichés à l’extérieur des bureaux de vote, il est difficile de vérifier l’information reçue des échelons supérieurs. Ce problème apparaît d’autant plus grave que la législation actuelle stipule que les exemplaires des résultats des élections peuvent être fournis aux observateurs à leurs frais. Cette disposition devrait être supprimée de la loi électorale et les résultats affichés à l’extérieur de chaque bureau de vote.

Selon la Commission électorale centrale de Gagaouzie, seuls 14 des 185 candidats qui se sont présentés pour les 35 sièges de l’Assemblée ont été élus au premier tour en obtenant au moins 50 pour cent des suffrages exprimés. Huit d’entre ces candidats représentaient le Parti communiste de Moldova et six autres étaient des indépendants.

5 – LE SECOND TOUR

Un second tour des élections a eu lieu le 30 novembre 2003 dans 21 circonscriptions électorales.

a) Campagne électorale

La campagne électorale entre le premier et le deuxième tour s’est, selon nos informations, déroulée dans le calme. Le taux de participation est resté peu élevé au second tour.

b) Déroulement du scrutin

Le 30 novembre, la mission d’observation du Congrès a été déployée dans deux districts (Comrat et Chadir-Lunga) et a visité 23 bureaux de vote sur un total de 46.

L’impression générale de la mission du Congrès est que le déroulement du second tour a marqué un progrès par rapport au premier tour, en particulier du point de vue de l’organisation des élections qui a été, d’une manière générale, conforme aux normes internationales en matière de transparence et de contrôle. Il convient de féliciter les autorités électorales pour l’amélioration de la qualité des bulletins de vote.

c) Conclusions relatives au second tour

Les observateurs du Congrès ont constaté que le second tour s’est en général déroulé de manière semblable au premier :

La délégation a relevé les mêmes problèmes importants qu’au premier tour en ce qui concerne :

Le manque d’exactitude des listes électorales est apparu de nouveau comme un problème.

La mission a constaté des différences importantes dans la mise en œuvre de la loi électorale du point de vue du tamponnage des bulletins de vote.

d) Proclamation des résultats

La Commission électorale centrale a annoncé rapidement les résultats préliminaires du second tour des élections.

Le scrutin a été invalidé dans un seul bureau de vote.

6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

a) Conclusions

La mission d’observation du Congrès considère que, d’une manière générale, le scrutin s’est déroulé de manière satisfaisante, bien que les élections n’aient pas été, sous certains aspects, conformes aux normes internationales. Le second tour a représenté un progrès par rapport au premier, en particulier du point de vue de l’organisation des élections qui a été généralement conforme aux normes internationales en matière de transparence et de contrôle. La délégation a constaté une amélioration de la qualité des bulletins de vote au second tour.

Toutefois, la mission du Congrès a observé pendant les deux tours des problèmes et insuffisances identiques en ce qui concerne la confidentialité du vote, la présence de fonctionnaires de police à l’intérieur de certains bureaux de vote ou à très grande proximité d’autres bureaux et le vote en famille. Le manque d’exactitude des listes électorales est demeuré également un problème. La mission a constaté d’importantes différences dans l’application de la loi électorale en ce qui concerne la validation par un tampon des bulletins de vote. La question de l’application simultanée de la loi électorale régionale et du code électoral moldave demande aussi à être résolue.

La délégation du Congrès a recueilli un certain nombre de plaintes concernant des cas d’intimidation de candidats de l’opposition, d’utilisation abusive des ressources publiques et d’inégalité de traitement par les médias publics. La délégation regrette que la campagne électorale, bien que dans l’ensemble assez discrète, ne se soit pas déroulée dans des conditions de neutralité et d’impartialité, comme l’exigent les normes européennes (en particulier le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise).

Ces problèmes sont devenus récurrents depuis un certain nombre d’élections. A cet égard, la délégation du Congrès souhaite attirer l’attention des autorités moldaves sur l’absence de véritables progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations antérieures à ce sujet et souligne l’importance d’une modification du cadre législatif de la Gagaouzie, afin d’harmoniser pleinement ses dispositions avec le code électoral de la République de Moldova. Il est également essentiel que le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés assurent l’entière application de la législation et des normes en vigueur afin de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres et équitables.

b) Recommandations

Sur la base de ces observations, la délégation propose au Bureau les lignes directrices suivantes :

1 – suivre de près le développement de la démocratie régionale en Gagaouzie

Eu égard à la recommandation 110 et à la résolution 132, ainsi qu’aux conclusions et recommandations contenues dans les rapports adoptés à propos des précédentes élections locales et régionales, la délégation propose au Congrès de continuer à surveiller la situation de la démocratie locale au Moldova en général, et dans la région autonome de Gagaouzie en particulier, en ce qui concerne leur mise en œuvre.

2 – examiner la loi sur les élections à l’Assemblée du peuple de la Gagaouzie et déterminer sa compatibilité avec le code électoral de Moldova

La délégation attire l’attention sur d’importantes différences entre la loi électorale de la Gagaouzie et le code électoral de Moldova, qui devraient trouver une solution sans attendre. En outre, le code électoral de Moldova, modifié de nombreuses fois au cours des dernières années, doit être réexaminé. Une nouvelle analyse, comme l’indiquaient les rapporteurs sur les élections locales de mai et juin 2003, permettrait de suggérer certaines améliorations aux autorités, afin de mettre ce texte mieux en conformité avec le Code de bonne conduite en matière électorale, en particulier du point de vue de l’assurance de la confidentialité du vote.

3 – fournir une formation aux représentants régionaux nouvellement élus

Compte tenu du nombre de nouveaux représentants élus à l’Assemblée du peuple de Gagaouzie, la délégation pense que des activités de formation portant en particulier sur les principes de la Charte européenne de l’autonomie locale et les questions de planification et de développement régional devraient être organisées de toute urgence à l’intention des nouveaux membres de l’assemblée régionale. Les initiatives en ce domaine pourraient être soutenues par le Réseau européen de formation des collectivités territoriales (ENTO) du Congrès, qui dispose d’une riche expérience en ce domaine.

De telles initiatives pourraient éventuellement être développées en coopération avec les donneurs internationaux.

4 – sensibiliser le public à la démocratie locale et régionale, favoriser le développement d’un consensus au sujet de la décentralisation et développer la coopération entre différents secteurs

L’état d’esprit « ancien », selon lequel l’échelon local se contente d’appliquer les ordres venus d’en haut, demeure très fort. Tout comme l’ensemble de la population, beaucoup de titulaires de postes officiels ne comprennent pas vraiment ce que signifie l’autonomie locale. Les activités de sensibilisation doivent donc constituer un volet important des initiatives gouvernementales et des programmes d’aide du Conseil de l’Europe.

5 – développer les capacités de leadership et renforcer les compétences du personnel et des hommes politiques régionaux et locaux

Il s’agit là d’une question importante dans la mesure où certains représentants des collectivités locales et régionales au Moldova ne disposent que de qualifications professionnelles réduites et ne parviennent pas à fournir des services d’un niveau adéquat. Ceci vaut également pour les hommes politiques, dont beaucoup n’ont pas les compétences requises pour remplir un rôle de leader adéquat au sein de leur communauté locale.

6 – diffuser les conclusions de ce rapport

Au vu de l’importance des observations et conclusions contenues dans ce rapport, la délégation propose que le Bureau en assure une large diffusion, afin de continuer à inciter les autorités moldaves à travailler à l’amélioration de la situation.

Le rapport pourrait notamment être diffusé :

C – ANNEXES

Annexe I

Composition de la délégation (premier tour)

M. Yavuz MILDON, Turquie, R, Chef de la délégation
Vice-président du CPLRE

M. Christopher NEWBURY, Royaume-Uni, L, Rapporteur
Président de la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux

M. Mykola FEDORUK, Ukraine, L

M. Joseph BORG, Malte, R

M. Dan MEDREA, Roumanie, expert

M. Vyacheslav TOLKOVANOV, Secrétariat du CPLRE

M. Ivan VOLODIN, Secrétariat du CPLRE

M. Vladimir FILIPOV, Bureau du Représentant spécial du Secrétaire Général au Moldova
Str. Bonulescu Bodoni bl.57/1

Composition de la délégation (second tour)

M. Joseph BORG, Malta, R

M. Dan MEDREA, Roumanie, expert

M. Ivan VOLODIN, Secrétariat du CPLRE

Annexe II

Mission d’observation du Congrès pour le premier tour des élections régionales en Gagaouzie (République de Moldova)

Programme des 14-17 novembre 2003

Jeudi 13 novembre

Arrivée des membres de la délégation

Vendredi 14 novembre

9.30 Rencontre avec M. Vladimir FILIPOV, Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe au Moldova

10.30 Rencontre avec M. Dumitru Nedelcu, Président de la Commission électorale centrale, et accréditation de la délégation du Congrès

11.30 Rencontre avec M. IOV, Vice-Premier ministre chargé de l’administration publique locale

12.30 Rencontre avec des représentants des partis politiques participant aux élections régionales :

M. Oleg SEREBREAN, Président du Parti social libéral
M. Yurie ROSCA, Président du Parti populaire chrétien-démocrate
M. Dumitru DIACOV, Président du Parti démocratique de Moldova 

15.00 Rencontre avec des représentants des ONG et des associations gouvernementales locales et avec des journalistes

16.30 Rencontre avec M. Seraphim URECHEAN, Maire de Chisinau et Chef de la Délégation du Moldova au Congrès

17.30 OSCE/BIDDH – Coordination et information

Samedi 15 novembre

9.00 Départ des membres de la délégation devant se rendre à Comrat

11.00 Rencontre avec le Président de la Commission électorale centrale de Gagaouzie

14.30 Rencontre avec les observateurs nationaux / internationaux

15.30 Rencontre avec les représentants des partis politiques

16.30 Rencontre avec les représentants des médias

Dimanche 16 novembre

6.30 - minuit Déploiement des équipes d’observateurs, visite des bureaux de vote et observation du dépouillement du scrutin

Lundi 17 novembre

10.30 Départ pour Chisinau

14.30 Conférence de presse

Mission d’observation du Congrès pour le second tour des élections régionales en Gagaouzie (République de Moldova)

Programme des 28-30 novembre 2003

Vendredi 28 novembre

16.00 Arrivée de M. Ivan Volodin

16.30 Séance d’information de l’OSCE/BIDDH

17.30 Rencontre avec M. Vladimir FILIPOV, Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe au Moldova

Samedi 29 novembre

16.00 Rencontre avec M. Dan MEDREA, expert
Hôtel Dedeman

16.00 Arrivée de M. Joseph BORG

17.30 Départ de la délégation pour Comrat

19.00 Installation à l’Hôtel Medelyana, Comrat

19.30 Dîner de travail avec la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH

Dimanche 30 novembre

6.30 Rencontre avec le Président de la Commission électorale centrale de Gagaouzie, M. Ivan PETROV, et accréditation de la délégation

6.45 - minuit Déploiement des équipes d’observateurs, visites des bureaux de vote et dépouillement du scrutin

Lundi 1er décembre

10.30 Départ pour Chisinau

14.30 Conférence de presse

Annexe III

COMMUNIQUE DE PRESSE

de la mission d’observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe au sujet des élections à l’Assemblée du peuple de Gagaouzie,
République de Moldova

Chisinau, le 17 novembre 2003

Les élections à l’Assemblée du peuple de la région autonome de Gagaouzie, qui ont eu lieu le 16 novembre 2003, se sont déroulées sans incidents ; toutefois, ces élections n’ont pas été sous certains aspects conformes aux normes internationales, a indiqué la mission d’observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Les principales préoccupations évoquées par la délégation concernent la persistance de certains problèmes liés, en particulier, à la confidentialité du vote, à la présence de fonctionnaires de police à l’intérieur de nombreux bureaux de vote et à très grande proximité d’autres bureaux et à la pratique très répandue du vote familial. Ces problèmes sont devenus récurrents depuis un certain nombre d’élections. C’est pourquoi la délégation du Congrès souhaite attirer l’attention des autorités moldaves sur l’absence de véritables progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations antérieures à ce sujet et souligne l’importance d’une modification du cadre législatif de la Gagaouzie, afin d’harmoniser pleinement ses dispositions avec le code électoral de la République de Moldova. Il est également essentiel que le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés assurent l’entière application de la législation et des normes en vigueur afin de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres et équitables.

La veille du jour des élections, la délégation du Congrès a reçu un certain nombre de plaintes concernant des cas d’intimidation de candidats de l’opposition, d’usage abusif des ressources publiques et d’inégalité de traitement par les médias.

Le Chef de la mission d’observation du Congrès, M. Yavuz Mildon, a déclaré : « Les responsables de l’organisation des élections ont fait preuve pour l’essentiel d’un professionnalisme louable. Le personnel des bureaux de vote, qui comportait un nombre important de femmes, a bien rempli ses fonctions malgré des conditions météorologiques difficiles. Leur attitude contribue à renforcer la confiance dans le processus électoral en Gagaouzie. »

La mission d’observation du Conseil de l’Europe s’est déployée dans les trois districts de la Gagaouzie et a visité une trentaine de bureaux de vote. La délégation se composait de MM. Yavuz Mildon (Turquie, Chef de la délégation), Christopher Newbury (Royaume-Uni, Rapporteur), Mykola Fedoruk (Ukraine), Dan P. Medrea (expert), ainsi que de MM. Ivan Volodin et Vycheslav Tolkovanov (Secrétariat du Congrès).

1 Code de bonne conduite en matière électorale, adopté par la Commission de Venise, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe (Résolution 148 - 2003).