L'intégrité politique des élus locaux et régionaux - CG (6) 8 Partie II

Rapporteur: Viorel COIFAN (Roumanie)

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EXPOSE DES MOTIFS

remarques introductives

1. En date du 2 juillet 1996, mû par la volonté de réaffirmer que « l’obtention d’un haut degré d’autonomie locale doit aller de pair avec un grand dévouement à la cause publique et une intégrité publique à toute épreuve », et reconnaissant que « le non-respect de ces principes risque de porter atteinte à la crédibilité des élus locaux et régionaux, mais aussi à la démocratie en général », le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe a adopté une Résolution sur l’intégrité des pouvoirs locaux et régionaux.

2. Cette Résolution visait à créer un Groupe de travail « en vue d’élaborer un Code européen de déontologie (une Charte européenne des droits et des devoirs) des élus locaux et régionaux ». Le mandat confié au Groupe de travail sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux prévoyait que ce dernier devrait élaborer un code européen de déontologie (ou une charte européenne des droits et des devoirs) des élus locaux et régionaux, comme projet d’instrument juridique du Conseil de l’Europe. Le Groupe a également été chargé par le Congrès de suivre les travaux pertinents des autres secteurs du Conseil de l’Europe, notamment ceux du Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption (GMC), et de l’Union européenne.

3. En 1998 et 1999, le Groupe de travail a examiné le projet de code de conduite à l’attention des élus locaux et régionaux. Au cours de sa réunion du 28 janvier 1998, s'est tenue une audition des représentants des Secrétariats du Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption (GMC), du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR), de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et du Parlement européen. Cette audition avait pour objectif d’informer les membres du Groupe sur les travaux en cours en matière de lutte contre la corruption et d’éthique au sein du Conseil de l’Europe et au sein des autres organisations internationales. Le groupe s’est prononcé pour une coopération étroite et une action coordonnée de tous les organes du Conseil de l’Europe dans le domaine de la lutte contre la corruption. Il s’est félicité ensuite de la décision des Délégués des Ministres relative à l’autorisation de la représentation du CPLRE aux travaux du GMC et de ses groupes de travail dans les domaines liés à l’élaboration par le Congrès du projet de code de conduite européen des élus locaux et régionaux.

4. En vue d’effectuer un travail d’inventaire, le Groupe de travail a décidé, lors de sa réunion du 28 janvier 1998, d’adresser aux Etats membres un questionnaire visant à évaluer les dispositifs existants au niveau local et régional en matière d’intégrité politique, et plus précisément dans les domaines suivants: réglementation des procédés de campagne électorale; situation patrimoniale de l’élu; réglementation des conflits d’intérêts; réglementation en matière de cumul de fonctions; immunité; rémunération de l’élu; réglementation en matière de pratiques politiques; réglementation des compétences discrétionnaires; prévention de la corruption au niveau local. Pour le Groupe de travail, il s’agissait alors d’identifier clairement les domaines dans lesquels les risques de comportements non conformes aux normes éthiques ou de corruption étaient élevés.

5. Le travail du Groupe s’inscrit largement dans un mouvement de modernisation de la vie politique amorcé dans plusieurs pays membres du Conseil de l’Europe. En effet, il est apparu nécessaire de relayer ce mouvement auprès de la classe politique locale en fixant des principes qui puissent être partagés par l’ensemble des élus locaux et régionaux. Les principes proposés dans le projet de Code de conduite devraient renforcer la confiance entre la classe politique locale et les citoyens en proposant aux uns les règles de comportement à suivre et aux autres une information sur ce dont ils sont en droit de s’attendre de la part des élus locaux et régionaux. De surcroît, le Code vise à améliorer dans une certaine mesure les relations entre les administrations et les citoyens.

Intégrité politique

6. Les poursuites intentées contre des personnalités publiques, que ce soit au niveau national ou local, et les opérations « mains propres » engagées par les gouvernements de différents pays font la une des médias en Europe. Une suite logique de la prolifération des « affaires » est le sentiment de méfiance croissant des citoyens et, en conséquence, une baisse de leur confiance à l’égard de la classe politique. Les normes de bonne gestion des deniers publics sont souvent bafouées au détriment de l’intérêt général et au profit des intérêts personnels ou claniques. Par conséquent, la corruption est devenu un phénomène de société empêchant un bon fonctionnement des institutions démocratiques.

7. La notion d’«intégrité politique » est une notion extrêmement malaisée à définir. Généralement, et comme certaines notions connexes comme « moralisation politique » ou « éthique politique », elle renvoie à des normes de comportement des élus respectant un certain nombre de valeurs éthiques telles que l'honnêteté, la probité et l'objectivité. La volonté de promouvoir ces normes de comportement s’accompagne d’un mouvement général, observé tant à l’échelon national qu’international, de mesures visant à imposer aux acteurs politiques des contraintes nouvelles ou renforcées dans le but de prévenir ou de sanctionner des comportements commis dans le cadre de leurs fonctions et jugés comme inacceptables. Selon la gravité que l’on veut conférer au comportement mis en cause, la nature de la règle dont il suppose la transgression évoluera (éthique, déontologique ou pénale), et sa sanction également (sanction morale, disciplinaire ou pénale).

8. Au plan international, un large mouvement de moralisation et de modernisation de la vie publique a été amorcé dans les années 80. Plusieurs pays et organisations internationales se sont penchés sur cette question et le Groupe de travail a attentivement examiné tous les aspects de leurs activités. Le rapporteur considère que la tâche qui incombe au Congrès est de relayer ce mouvement auprès des élus locaux et régionaux de la Grande Europe, afin de diffuser les résultats de ce travail.

9. Le Groupe de travail n’a pas voulu se cantonner à l’étude des comportements des mandataires politiques érigés en infraction pénale, et en particulier à la prévention et à la répression de la corruption stricto sensu, qui fait déjà l’objet de travaux spécifiques1. Il s’est assigné plutôt comme objectif l’élaboration d’un instrument permettant aux élus locaux et régionaux d’avoir un minimum de repères éthiques ou déontologiques communs. En effet, le Groupe a estimé que l’élimination des « zones grises » des comportements qui ne relèvent pas de l’application de la loi pénale, mais qui sont tout aussi répréhensibles, est aussi importante que la lutte contre la corruption au sens étroit de ce terme qui réside dans un travail de détection et de répression. La démarche du Groupe consiste à proposer aux élus un instrument capable de les guider face à telle ou telle situation avant que l’acte de malveillance ne soit commis ou au cas où un doute de l’attitude à adopter ou une action à entreprendre subsisterait.

10. Ainsi, le comportement que le code cherchera à prévenir inclut généralement des mécanismes tels que le clientélisme, le pantouflage, la concussion, le recel d’influence, la création de réseaux ou la corruption au sens strict2. Ce sont là les fléaux qui enfreignent les règles de la démocratie.

11. Le Groupe de travail s’est proposé d’adopter un prisme d’analyse large incluant ces différents phénomènes, et en particulier, l’ensemble des devoirs ou contraintes imposés aux mandataires politiques visant à garantir que l’action politique soit opérée principalement dans le souci de l’intérêt général et non dans l’intérêt exclusif personnel direct du mandataire (professionnel, électoral, financier ou familial) ou dans l’intérêt personnel d’individus ou de groupes d’individus moyennant avantage professionnel, électoral, patrimonial ou familial du mandataire (intérêt personnel indirect).

Intégrité politique au niveau des pouvoirs locaux et régionaux

12. Les élus locaux et régionaux exercent dans certains cas des pouvoirs importants dans différents domaines, qu’il s’agisse de la gestion des deniers publics, des rapports avec leurs concitoyens ou de leur rôle dans l’élaboration des politiques locales et régionales. Le rapporteur considère que les normes éthiques sont un contrepoids nécessaire pour éviter un usage arbitraire de ce pouvoir. Elles constituent également un élément clé de la qualité de la gestion des collectivités par les élus. La pertinence de l’éthique politique au niveau local et régional ressort à la fois des expériences observées dans différents pays et des facteurs caractérisant ces échelons de pouvoirs.

13. Actuellement, les élus locaux et régionaux sont de plus en plus, et surtout dans le contexte des changements économiques, appelés à assumer de nouvelles responsabilités et fonctions. La décentralisation et l’autonomie de gestion accrue des affaires locales, les relations avec le secteur privé de plus en plus étroites et la nécessité de fournir des prestations de haute qualité avec des ressources plus limitées qu’auparavant - tous ces facteurs peuvent créer des risques de corruption ou entraîner des actes de malveillance de la part des mandataires. Le Groupe a constaté que de tels actes de malveillance ou des comportements non conformes aux normes éthiques peuvent provenir du fait que les mandataires élus abusent des compétences discrétionnaires dans des domaines tels que l’attribution des logements, la privatisation ou encore l’attribution de marchés publics par les autorités locales. Au Royaume-Uni, par exemple, ce sont des cas d’attribution de logements sociaux subordonnée à l’engagement de vote en faveur de la formation politique allocataire qui ont été révélés3 et qui ont marqué le début de la réforme dite Nolan. Ce type d’acte risque de perdurer dans un contexte de changements économiques et d’absence d’une législation pénale adéquate, combiné avec les faibles moyens de rémunération dont disposent les élus locaux et régionaux. Il en va de même des «compétences de service dont les coûts d’une décision contraire sont élevés»4 (de nombreux cas de corruption sont commis dans le cadre de compétences en matière d’octroi de logements sociaux, d’octroi de permis d’urbanisme, d’octroi d’allocations sociales).

14. Outre la nature des compétences, des facteurs spécifiques expliquent également que le niveau local soit particulièrement exposé aux risques de corruption et de création de « réseaux » (relationnels ou électoraux) qui instituent les phénomènes de corruption au sens large en tant que système et non plus en tant que comportements spécifiques et occasionnels. Les campagnes électorales ou les pratiques politiques comme le pantouflage peuvent-elles aussi donner lieu à des situations qui compromettent la confiance placée dans la classe politique.

15. D’autre part, il existe aussi des facteurs, liés principalement à l’ancrage géographique des compétences et à la taille réduite du territoire sur lequel celles-ci s’exercent.

16. La concentration des pouvoirs (politiques, économiques et intellectuels) favorise la corruption en raison de la confusion d’intérêts qu’elle suppose et de la réduction de la possibilité de contre-pouvoirs de contrôle qu’elle crée. Au niveau local, la confusion des élites est fréquemment perceptible.

18. L’importance des contrôles et des contre-pouvoirs est fréquemment relevée comme facteur déterminant préventif ou répressif de phénomènes de corruption et d’instauration de celle-ci en système. Le niveau local a forcément tendance à tourner en « microcosme » où, en raison des facteurs énumérés ci-dessus, la possibilité de contre-pouvoirs peut s’avérer faible. A noter qu’en cas d’absence totale ou de désorganisation du pouvoir central qui élimine tout contrôle de tutelle, le fonctionnement des collectivités locales peut se « féodaliser », ce qui accentue le développement des phénomènes de corruption.

19. Enfin, deux éléments objectifs spécifiques liés au statut du mandataire local peuvent également expliquer le développement de pratiques liées à la corruption. D’une part, l’identité entre corps électoral et individus destinataires du service de proximité ou de la compétence discrétionnaire assumée par l’élu local peut favoriser le développement de pratiques partisanes5. D’autre part, l’importance de l’ancrage électoral local de l’élu augmentera également les risques de volonté de se créer une assise électorale solide, qui pourrait passer par la création de réseaux de clientélisme.

20. A l’heure actuelle un certain nombre de pratiques et de règles nécessitent une remise à plat. Il s’agit du financement des partis, des campagnes électorales et du cumul des mandats. Certains pays ont entamé soit des réformes législatives, soit une réflexion visant à rendre transparentes les dépenses électorales et à limiter le cumul des mandats politiques là où cela s’avère indispensable pour le bon exercice de la mission de l’élu. Parfois, ce cumul des mandats locaux, régionaux, nationaux et européen, même s’il procure aux élus une bonne connaissance du terrain, peut toutefois altérer leur capacité d’action dans la mesure où pour l’exercice d’un mandat il faut disposer d’un certain temps. Or, souvent le cumul porte atteinte à l’exercice de la fonction principale par un élu. Limiter ou réguler le cumul pour permettre à un élu d’être suffisamment disponible pour exercer son mandat principal – voilà une solution adéquate qui mettrait fin à ce problème. Quant à la transparence du financement des partis politiques et de leurs campagnes électorales, les changements s’imposaient depuis longtemps et l’élan destiné à rendre transparents les financements des partis doit être encouragé et soutenu par l’ensemble des élus.

Codes de conduite

21. Lors de la réunion du 28 janvier 1998, la majorité des membres du Groupe de travail se sont prononcés en faveur de l’élaboration d’un Code de conduite à l’usage des élus locaux et régionaux, plutôt qu’en faveur d’une charte des droits et devoirs. Une série de garanties relatives au statut des élus locaux ont été prévues par d’autres instruments juridiques.

22. Pour être respectés les principes éthiques ne doivent pas être envisagés de façon distincte, mais comme faisant partie intégrante des pratiques politiques et du système de gestion de proximité. Dans le processus de l’incorporation de la dimension éthique dans les pratiques politiques et les systèmes de gestion aux niveaux local et régional, le rôle de premier plan appartient aux hommes politiques qui, de l’avis du rapporteur, devraient faire preuve d’un engagement politique fort, soulignant l’importance de l’éthique et donnant l’exemple de la conduite conforme aux normes éthiques.

23. En ce sens, les codes de conduite sont des instruments qui, sous forme d’énoncé de valeurs partagées et souscrites par l’ensemble de la classe politique aux niveaux local et régional, auraient la vocation et le rôle de servir de guide de bonnes pratiques.

24. De façon générale, l’élaboration d’un Code de conduite vise à définir et imposer à un public déterminé un ensemble de normes abstraites ou de comportements déterminés. Le destinataire de ce Code de conduite est censé s’engager à respecter ces normes.

25. Les règles imposées par un Code de conduite dépassent le simple rappel des règles pénales ou déontologiques qui s’imposent à son destinataire. Le Code permet de viser les « zones grises » d’incertitudes sur l’admissibilité de tel ou tel comportement6 . En général, soit les règles qu’il contient sont formulées de manière simple en se limitant à viser des comportements spécifiques, soit ils sont énoncés en terme d’objectifs, de grands principes, de « standards éthiques objectifs ». L’élaboration d'un code de conduite est un des instruments fréquemment préconisé pour lutter en amont contre les phénomènes de corruption au sens large. On doit rappeler que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a fait de l’élaboration d’un Code d’éthique pour les élus et membres des gouvernements aux niveaux local et national une priorité élevée dans le cadre de son Programme d’action contre la corruption7. L’élaboration d’un Code de conduite-type, mis à la disposition des collectivités locales et régionales des pays membres du Conseil de l’Europe, permettra de déterminer les limites pour un comportement intègre de l’élu local.

26. Actuellement, on assiste à une multiplication des Codes de conduite, et ce tant dans le domaine politique, administratif que commercial. Plusieurs pays connaissent déjà des Codes de conduite au niveau local8.

27. Au Royaume-Uni, le rapport Nolan propose que les conseils municipaux soient dans l’obligation d’adopter un Code de conduite locale en conformité avec le Code de conduite pour les conseillers locaux et dans le respect des principes généraux définis dans ce rapport. Les conseils peuvent créer un comité ad hoc chargé du respect du Code adopté. Un tribunal local est créé au niveau de la région ayant compétence pour requérir toute mesure nécessaire à l’exécution du Code.

28. En Bulgarie, les conseils adoptent des règles éthiques en conformité avec le «Règlement d’organisation des activités du conseil municipal et de l’administration municipale ». Ces règles sont très variées.

29. En Islande également, il appartient à chaque conseil de définir son propre Code de conduite, ce qui aboutit à une grande diversité de ces Codes.

30. A Malte a été préparé et mis en application un Code d’éthique à l’attention des conseillers locaux. Cet instrument est appelé à régir le comportement des conseillers dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

31. D’après les résultats de l’enquête menée par le Groupe de travail, la plupart des pays ne connaissent pas de Codes de conduite élaborés à l’attention des élus locaux et régionaux. En ce qui concerne le Code de conduite européen pour les élus locaux et régionaux, il apparaît qu’il devrait servir de modèle aux Etats et autorités locales et régionales soucieuses de promouvoir les valeurs éthiques. Par conséquent, il ne doit pas revêtir un caractère trop détaillé, laissant ainsi une marge d’appréciation aux organismes compétents chargés d’élaborer de tels codes dans les Etats membres en tenant compte de la diversité des situations géographiques, humaines, culturelles, institutionnelles et juridiques des collectivités locales et régionales. La volonté de proposer un Code de conduite trop détaillé, selon le rapporteur, se heurterait à cette diversité et pourrait amener à son non application. En définie, l’initiative d’élaborer des codes doit revenir aux autorités locales et régionales elles-mêmes, attachées à la préservation d’un lien privilégié avec les citoyens et attentives au renforcement de la confiance publique dans la classe politique.

32. Un tel Code-modèle constitue un minimum de normes que tout élu devrait respecter. Il reviendra aux collectivités de fixer ce minimum et de l'amender, le cas échéant, par des dispositions complémentaires en fonction des situations particulières.

33. Il se pose fréquemment le problème de la nature exacte du Code de conduite, et plus particulièrement de la sanction qu’entraînerait sa violation. De cette sanction découle également l’effectivité du respect de celui-ci. Selon le rapporteur, il ne devrait pas y avoir de sanction dans le sens que la législation pénale donne à ce terme. Au cas ou un élu violerait un code pénal, une procédure judiciaire devrait être engagée. En revanche, si un élu enfreint les règles d'un code de déontologie, un tel acte de malveillance devrait faire l’objet d’un examen devant ses pairs. C’est pour cette raison que le rapporteur appelle les associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux à mettre en place des instances compétentes pour connaître de ce type d’affaires. Elles pourraient se faire assister dans cette tâche par les "Ombudsman" locaux ou régionaux, là où ils existent.

Travaux pertinents au sein des organisations internationales

34. La nécessité de suivre les travaux pertinents en matière de lutte contre la corruption traduit la volonté de marquer la spécificité du Code de conduite pour les élus locaux et régionaux. Actuellement plusieurs instances internationales travaillent sur l’élaboration des normes et des garanties internationales pour lutter contre la corruption. La multiplicité des actions menée par les organisations européennes et internationales témoigne de l’ampleur du phénomène de corruption. Ces travaux ont été initiés non seulement parce que les dispositifs nationaux ne sont plus opérationnels et nécessitent un « toilettage » conformément aux normes internationales, mais également parce que le phénomène de la corruption ne peut plus être circonscrit à l'intérieur des Etats nationaux. Par conséquent, son extension au-delà des frontières nécessite la concertation et la solidarité entre les Etats.

Travaux du Conseil de l’Europe

35. Sans aucun doute, les travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la lutte contre la corruption comportent le caractère le plus interdisciplinaire permettant d’y associer plusieurs acteurs. Les activités du Groupe de travail s’inscrivent dans cette démarche et visent à compléter les travaux du GMC. Un tour d’horizon de ces activités permet de mieux situer la démarche du Congrès.

Convention pénale sur la corruption

36. Le 6 novembre 1997, lors de sa 101e session, le Comité des Ministres a adopté la Résolution (97) 24 portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, demandant notamment aux autorités nationales des Etats membres d’appliquer ces principes dans leur législation nationale et dans les pratiques de leur pays. Cette Résolution faisait écho à la mise en œuvre du Programme d’action contre la corruption, adopté par le Comité des Ministres à sa 578e réunion (18-21 novembre 1996) et au Plan d’action établi à l’occasion du IIe Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe.

37. Ensuite, le GMC a élaboré en priorité la Convention pénale, qui vise principalement à harmoniser les législations nationales concernant certaines infractions en matière de corruption, bien qu’il ne donne pas de ce terme une définition uniforme. D’autre part, ce texte servira à améliorer la coopération internationale en la matière. En ce qui concerne le mécanisme de suivi de l’application de la Convention, jugé comme une clé de voûte du succès de cette dernière, l’article 24 du projet de Convention stipule que le Groupe d’Etat contre la Corruption (GRECO) assurera le suivi de la mise en œuvre de la Convention par les parties contractantes. Comme le dit expressément l’article 1 de l’accord sur l’instauration du GRECO, le Groupe a pour objet d’améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en veillant à la mise en œuvre des engagements qu’ils ont pris dans ce domaine, par le biais de processus dynamiques d’évaluation et de pressions mutuelles.

38. Il faut noter que la Convention du Conseil de l’Europe se fixe un objectif plus vaste que les autres conventions existantes dans ce domaine, comme par exemple celle de l’OCDE. En effet, elle a pour but la protection des droits de l’homme et en particulier du droit à l’égalité, à la prééminence du droit, à la stabilité des institutions démocratiques et au développement économique et social. La Convention cherche à empêcher les formes de comportements corrompus les plus dangereux, indépendamment du contexte dans lequel ils se situent et elle vise ainsi à protéger la probité, la transparence et l’honnêteté. La Convention entend s’appliquer à diverses catégories de personnes qui toutes peuvent abuser, d’une façon ou d’une autre, de leurs fonctions ou de leurs positions (la Convention emploie le terme d’« agent public »). Elle inclut donc la corruption des fonctionnaires et élus nationaux, des fonctionnaires et élus étrangers, la corruption dans le secteur privé (national et étranger), la corruption des fonctionnaires et des représentants des organisations internationales et le commerce d’influences.

39. Le rapporteur note que les auteurs du rapport explicatif de la Convention entendaient étendre son application à un éventail très large d’agents publics, en incluant dans cette catégorie les maires, car ces derniers sont assimilés dans beaucoup de pays à des agents publics, aux fins de l’application des infractions pénales commises dans l’exercice de leurs fonctions. Le rapporteur juge importante une référence expresse aux maires faite dans l’article 1, paragraphe a, qui vise à empêcher que ne subsiste la moindre lacune qui risquerait d’exclure du champ d’application de la Convention des personnages publics locaux.

40. En ce qui concerne l’application de la Convention aux élus, le rapporteur relève que, selon ses auteurs, le champ des infractions de corruption active et passive des articles 2 et 3 se trouve étendu aux membres d’assemblées publiques non seulement au niveau national, mais également aux niveaux local et régional, qu’ils soient élus ou nommés.

41. Cette Convention du Conseil de l’Europe ouverte à la signature des Etats membres à l’occasion de la session de l’Assemblée Parlementaire (janvier 1999) constitue un pas important dans la lutte contre la corruption quel que soit le niveau des personnes impliquées : national, régional ou local. C’est pour cette raison que le rapporteur appelle les Etats à la signer et à la ratifier dans les meilleurs délais.

42. En outre, le GMC, comme son mandat le précise, est chargé d’élaborer un autre instrument important de la lutte contre la corruption - Convention européenne sur les actions civiles en indemnisation des dommages résultant de faits de corruption. Elle aura pour objectif de recourir au mécanisme du droit civil pour lutter contre la corruption sous toutes ses formes.

Code de conduite modèle pour les agents publics

43. En vertu du mandat confié par le Comité des Ministres au GMC, le Groupe de travail sur le droit administratif (GMCA) fut constitué en vue de la préparation d’un projet de Code de conduite européen pour les agents publics. Ce Code sera adopté prochainement par le GMC. D’ailleurs, les participants à la 3e Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre la corruption sur le trafic d’influence et le financement illégal des partis politiques (Madrid, 28-30 octobre 1998) ont appelé à adopter sans tarder un Code-modèle pour les agents élus.

Union européenne

44. Depuis quelque temps, l’Union européenne s'est engagée dans le processus du renforcement de sa politique anticorruption. La première impulsion aux travaux de l’Union européenne a été donnée par le Parlement européen qui, dans sa Résolution du 15 décembre 1995 sur la corruption (rapporteur Mme Salisch), a invité la Commission et les Etats membres à prendre des mesures contre la corruption dans un grand nombre de domaines. Ce rapport, qui ne portait pas seulement sur la corruption au détriment des intérêts financiers de la Commission européenne, a mis l’accent sur la menace que représente la corruption, sur ces liens avec le crime organisé et sur la nécessité d’une politique de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption.

45. En mai 1997, la Commission européenne a adopté une «Communication » à l’intention du Conseil des Ministres de l’Union européenne (UE) et du Parlement européen sur une politique de l’Union contre la corruption. Ce document décrit en détail une politique exhaustive de l’UE sur la corruption au sein de la communauté, ainsi que dans ses relations avec des pays non membres. Il traite d’un large éventail d’actions, y compris la ratification de Conventions aux termes desquelles, entre autres, la corruption des fonctionnaires de l’UE et de ses pays membres constituera désormais une infraction, la déductibilité des pots-de-vin sera abrogée, les procédures des marchés publics et les systèmes comptables et d’audit feront l’objet de réformes.

46. Deux conventions du droit pénal ont été établies dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de lutte contre la corruption. Il s’agit de la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, établie par le Conseil européen le 27 septembre 1996 et de la Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Etats membres de l’Union européenne, établie par le Conseil européen le 26 mai 1997.

47. Cette deuxième Convention a été élaborée suite à une proposition de l’Italie qui visait à faire incriminer toute corruption active ou passive impliquant des fonctionnaires des institutions européennes ou des Etats membres de l’UE, même si les intérêts financiers de l’UE n’étaient pas en jeu. L’accord sur le contenu de cette Convention a été trouvé assez rapidement.

48. Dans sa “Communication”, la Commission suggère que les Etats membres s’engagent à ratifier rapidement la Convention relative à la lutte contre la corruption.

Organisation de Coopération et de Développement Economiques

49. L’expérience de l’OCDE dans le domaine de la promotion de l’éthique dans les secteurs publics et privés s’avère particulièrement intéressante.

50. D’une part, depuis la fin des années 1980, l’OCDE travaille sur la question de la corruption dans les transactions commerciales internationales. Ces activités sont concentrées sur la protection des intérêts commerciaux dans les transactions commerciales internationales, dans le but de prévenir des pratiques de concurrence injustes. La Convention sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signées en décembre 1997 entend garantir un contexte de concurrence loyale, dans lequel les relations commerciales internationales, notamment en matière de marchés publics, reposent sur les principes sains et non sur les pots-de-vin et autres avantages irréguliers proposés par des opérateurs économiques privés. Cette Convention s’attaque dans la conduite d’affaires internationales à une forme de corruption spécifique lorsqu’elle a pour but d’obtenir ou de conserver des marchés ou de disposer de tout autre avantage irrégulier. La Convention est entrée en vigueur le 15 février 1999.

51. D’autre part, il est important de souligner ici que l’OCDE avait entamé une série de travaux dans le cadre du Service de la gestion publique (PUMA) se rapportant à la promotion de l’éthique dans le secteur public, qui ont abouti à l’adoption des Recommandations en avril 1998.

52. A partir des enquêtes menées sur les pays membres, le PUMA a défini un ensemble d’instruments indispensables aux pouvoirs publics pour promouvoir l’intégrité et prévenir la corruption, qui a été dénommé «infrastructure de l’éthique» avec comme principal objectif l’élaboration des moyens destinés à aider les détenteurs d’une charge publique à respecter les normes les plus élevées d’intégrité et d’éthique sans altérer l’efficience et l’efficacité de l’action publique.

53. Cette infrastructure est appelée à fournir un cadre pour le service public qui favorise certaines normes de comportement. Chaque élément de l’infrastructure fait partie de l’ensemble et est à la fois un élément distinct important, mais tous sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Les éléments doivent agir les uns sur les autres de manière à obtenir l’effet indispensable pour devenir une infrastructure cohérente et intégrée. Les éléments de l’infrastructure sont classés suivant leurs principales fonctions - orientation, gestion et contrôle – en notant que certains éléments peuvent remplir plusieurs fonctions.

54. L’orientation doit être fournie par un engagement fort des dirigeants politiques et par un énoncé des valeurs sous la forme de codes de conduite. L’adoption d’un code de conduite-modèle à l’attention des élus locaux et régionaux, dans ce sens, pourrait fournir un tel engagement de la part des élus locaux et régionaux de l’Europe.

55. La gestion peut être réalisée par le biais de la coordination, assurée par un organe spécial ou un organisme de gestion existant déjà et par le biais des conditions d’emploi dans la fonction publique, des politiques et des pratiques en matière de gestion.

56. Le contrôle est assuré principalement grâce à un cadre juridique qui rend possibles enquêtes et poursuites indépendantes, grâce à des mécanismes de contrôle efficaces et grâce à la surveillance du public.

57. Le 23 avril 1998, le Conseil de l’OCDE a adopté un ensemble de douze principes éthiques et a recommandé aux pays membres de prendre des mesures de façon à veiller au bon fonctionnement des institutions et des systèmes destinés à encourager un comportement conforme à l’éthique dans le service public. Ces principes identifient les fonctions d’orientation, de gestion ou de contrôle qui permettent d’évaluer les systèmes de gestion de l’éthique. Il est important de noter que l’OCDE préconise l’utilisation de ces principes tant au niveau national qu’à l’échelon infranational, c’est-à-dire régional ou local. Les dirigeants politiques peuvent y avoir recours pour examiner les régimes de gestion de l’éthique et évaluer le degré auquel les principes éthiques sont effectivement mis en œuvre dans l’ensemble de l’administration.

58. Les principes énoncent que les normes éthiques applicables au service public doivent être claires et doivent pouvoir être présentées et diffusées d’une manière concise sous la forme de Codes de conduite destinés à promouvoir des conceptions communes des valeurs éthiques partagées.

59. Un appel est fait aux responsables politiques de maintenir un niveau élevé de rectitude dans l’exercice de leurs fonctions officielles. L’OCDE préconise de rendre le processus de prise de décision par les institutions publiques plus transparent et démocratique, de clarifier les relations entre le secteur public et le secteur privé, d'adapter les mécanismes de contrôle des actions des autorités publiques par les citoyens.

Conclusions

60. En conclusion, le rapporteur estime que :

- le Code de conduite à l’attention des élus locaux et régionaux, tout en s’inscrivant dans un mouvement visible au niveau national dans le domaine de la modernisation de la vie politique et au niveau international dans le domaine de la lutte contre la corruption, aura pour objectif de renforcer les liens entre la classe politique locale et régionale et les citoyens. La confiance des citoyens est essentielle pour qu’un élu puisse mener à bien sa mission. Cette confiance repose entre autres sur l’intégrité de l’élu ;

- l’adoption des Codes de conduite devrait contribuer à renforcer la transparence de la vie publique et à améliorer l’accès du public à l’information ;

- le CPLRE devrait diffuser auprès des collectivités locales et régionales de la Grande Europe les résultats des activités du Conseil de l’Europe liées à la lutte contre la corruption ;

- les élus, en adhérant aux principes éthiques, devraient envoyer un message clair de leur attachement aux valeurs éthiques et au respect de l’intérêt public ;

- le Congrès devrait soutenir la Convention pénale sur la corruption, instrument de lutte contre le fléau de la corruption au niveau européen ;

- les associations des collectivités locales et régionales, de par leur rôle dans le cadre institutionnel des pays membres du Conseil de l’Europe, devraient promouvoir les principes d’intégrité et de probité en adoptant des Codes de conduites à l’intention des conseillers municipaux et régionaux. Ces codes, s’inspirant du Code modèle européen, auraient pour objectif de guider les élus face à des choix ou situations difficiles où une confusion des intérêts généraux et privés pourrait avoir lieu.

Annexe I - Projet de Code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux

Préambule

Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe,

Soulignant que les élus locaux et régionaux exercent leurs fonctions dans le cadre de la loi et conformément au mandat qui leur est confié par les électeurs et qu’ils sont responsables devant l’ensemble de la population locale ou régionale, y compris devant les électeurs qui n’ont pas voté pour eux,

Considérant que le respect des termes du mandat des électeurs va de pair avec le respect des normes éthiques ;

Profondément interpellé par la multiplication des scandales judiciaires impliquant des responsables politiques en raison d’actes commis dans l’exercice de leurs fonctions et constatant que l’échelon local et régional n’échappe pas à ce phénomène;

Convaincu que la promotion des Codes de conduite à l’attention des élus locaux et régionaux permettra le renforcement de la confiance entre la classe politique locale et régionale et les citoyens ;

Persuadé que ce lien de confiance est indispensable pour qu’un élu mène à bien sa mission ;

Constatant que les dispositifs législatifs sont de plus en plus complétés par des Codes de conduite dans différents domaines tels que les relations commerciales, les relations bancaires, l’administration;

Estimant qu’il est du devoir des élus locaux et régionaux d’initier une démarche analogue dans leurs sphères de compétences;

Persuadé que la définition des obligations éthiques pesant sur les élus locaux et régionaux dans un Code de conduite est de nature à clarifier leur rôle et leur mission et de réaffirmer l’importance de celle-ci;

Convaincu qu’un tel Code doit envisager de la manière la plus large possible l’ensemble de l’action de l’élu ;

Soulignant que la définition de règles de conduite implique le respect des impératifs de l’éthique;

Rappelant également que la restauration d’un climat de confiance nécessite l’implication de l’ensemble de la société civile et soulignant à cet égard le rôle des citoyens eux-mêmes et des médias;

Réaffirmant enfin que l’imposition de devoirs ne se conçoit pas sans l’octroi de garanties permettant aux élus locaux et régionaux d’exercer leur mandat et rappelant à cet égard les dispositions pertinentes contenues en ce sens dans la Charte Européenne de l’Autonomie Locale et dans le projet de Charte Européenne de l’Autonomie Régionale;

Prenant en considération les textes en vigueur au sein des pays membres et les travaux internationaux pertinents, propose le Code de conduite relatif à l’intégrité des élus locaux et régionaux suivant :

Titre I - Champ d’application

Article 1 - Définition de l’élu

Aux fins du présent Code, le terme “ élu ” désigne tout responsable politique exerçant un mandat local ou régional conféré par élection primaire (élection par le corps électoral) ou secondaire (élection à des fonctions exécutives par le conseil local ou régional).

Article 2 - Définition des fonctions

Aux fins du présent Code, le terme “fonctions ” désigne le mandat conféré par l’élection primaire ou secondaire et l’ensemble des fonctions exercées par l’élu en vertu de ce mandat primaire ou secondaire.

Article 3 – Objet du Code

L’objet de ce code est de spécifier des normes de comportement que les élus sont censés observer dans l'exercice de leurs fonctions et d’informer les citoyens sur les normes de comportement qu’ils sont en droit d’attendre des élus.

Titre II – Principes généraux

Article 4 - Primauté de la loi et de l’intérêt général

Les élus siègent en vertu de la loi et doivent à tout moment agir conformément à celle-ci.

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu poursuit l’intérêt général et non exclusivement son intérêt personnel direct ou indirect, ou l’intérêt particulier d’individus ou de groupes d’individus dans le but d’obtenir un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 5 - Objectifs de l’exercice du mandat

L’élu garantit un exercice diligent, transparent et motivé de ses fonctions.

Article 6 - Exercice du mandat

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu respecte les compétences et prérogatives de tout autre mandataire politique ou tout agent public.

Il s’abstient d’inciter ou de concourir et s’oppose à la violation des principes énumérés au présent titre par tout autre mandataire politique ou tout agent public dans l’exercice de ses fonctions

Titre III – Obligations specifiques

Chapitre 1- Accès à la fonction

Article 7 - Règles en matière de campagne électorale

La campagne électorale du candidat vise à diffuser et expliquer le programme politique de celui-ci.

Il s’abstient d’obtenir tout suffrage par d’autres moyens que la persuasion ou la conviction.

En particulier, il s’abstient de tenter d’obtenir des suffrages par la diffamation des autres candidats, par la violence et/ou des menaces, par la manipulation des listes électorales et/ou des résultats du scrutin ainsi que par l’octroi d’avantages ou de promesses d’avantages.

Chapitre 2 - Exercice de la fonction

Article 8 - Clientélisme

L’élu s’abstient d’exercer ses fonctions ou d’utiliser les prérogatives liées à sa fonction dans l’intérêt particulier d’individus ou de groupes d’individus dans le but d’obtenir un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 9 - Exercice de compétences à son propre avantage

L’élu s’abstient d’exercer ses fonctions ou d’utiliser les prérogatives liées à sa fonction en vue de son propre intérêt particulier personnel direct ou indirect.

Article 10 - Conflit d’intérêts

Lorsqu’il a des intérêts personnels directs ou indirects dans les dossiers faisant l’objet d’un examen par le conseil local ou régional l’élu s’engage à déclarer ces intérêts avant la délibération et le vote.

L’élu s’abstient de prendre part à toute délibération ou vote ayant pour objet un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 11 - Cumul

L’élu se soumet à toute réglementation en vigueur visant à limiter le cumul de mandats politiques.

L’élu s’abstient d’exercer d’autres mandats politiques qui l’empêchent d’exercer son mandat de l’élu local ou régional.

L’élu s’abstient d’exercer des fonctions, mandats, professions ou charges qui supposent un contrôle sur ses fonctions d’élu ou que ses fonctions d’élu sont censées contrôler.

Article 12 - L’exercice des compétences discrétionnaires

Dans l’exercice de ses compétences discrétionnaires, l’élu s’abstient de s’accorder un avantage personnel direct ou indirect, ou un avantage à un individu ou à un groupe d’individus dans le but d’obtenir un avantage personnel direct ou indirect.

Il assortit sa décision d’une motivation circonstanciée reprenant l’ensemble des éléments qui a fondé sa décision, et notamment les dispositions de la réglementation applicable ainsi que les éléments qui démontrent la conformité de sa décision à cette réglementation.

En l’absence de réglementation, sa motivation comprend les éléments qui démontre le caractère proportionné, équitable et conforme à l’intérêt général de sa décision.

Article 13 - Interdiction de la corruption

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de tout comportement de corruption active ou passive tel que défini par la réglementation pénale nationale ou internationale en vigueur.

Article 14 - Respect de la discipline budgétaire et financière

L’élu s’engage à respecter la discipline budgétaire et financière, gage de la bonne gestion des deniers publics, telle qu’elle est définie par la législation nationale pertinente en vigueur.

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de tout acte destiné à détourner de leur objet les fonds et/ou les subventions publiques. Il s’abstient de toute démarche dont l’objectif serait d’utiliser à des fins personnelles directes ou indirectes des fonds et/ou des subventions publics.

Chapitre 3 - La cessation de fonctions

Article 15 - Interdiction du « pantouflage »

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel professionnel futur après la cessation de ses fonctions :

- au sein d’entités publiques ou privées qui étaient sous son contrôle pendant l’exercice de ses fonctions ;

- au sein d’entités publiques ou privées avec qui il a noué des relations contractuelles pendant l’exercice de ses fonctions ;

- au sein d’entités publiques ou privées qui ont été créées pendant l’exercice de ses fonctions et en vertu de celles-ci.

Titre IV – Moyens de contrôle

Chapitre 1 - Accès à la fonction

Article 16 - Limitation et déclaration des dépenses électorales

Dans le cadre de sa campagne électorale, le candidat limite le montant de ses dépenses électorales de manière proportionnée et raisonnable.

Il exécute toute mesure imposée par la réglementation en vigueur visant à rendre public l’origine et le montant des recettes utilisées lors de sa campagne électorale, ainsi que la nature et le montant de ses dépenses.

A défaut de réglementation en vigueur, il communique sur simple demande ces données.

Chapitre 2 - Exercice de la fonction

Article 17 - Déclaration d’intérêts

L’élu exécute avec diligence toute mesure imposée par la réglementation en vigueur visant à rendre public ou à contrôler ses intérêts personnels directs ou indirects, les mandats, fonctions et professions qu’il exerce ou l’évolution de sa situation patrimoniale.

A défaut de réglementation à ce sujet, il communique sur simple demande ces données.

Article 18 - Respect des contrôles internes et externes

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de faire obstacle à l’exercice d’un contrôle motivé et transparent de l’exercice de ses fonctions par les autorités de contrôle interne ou externe compétente.

Il exécute de manière diligente les décisions exécutoires ou définitives de ces autorités.

La motivation des actes ou décisions qui sont soumis à ces autorités de contrôle est assortie de la mention expresse de l’existence de ces contrôles et de l’identification précise des autorités compétentes.

Titre V – Relations avec les citoyens

Article 19 - Publicité et motivation des décisions

L’élu est responsable pour la durée de son mandat devant l’ensemble de la population locale.

L’élu assortit toute décision de faire ou ne pas faire d’une motivation circonstanciée reprenant l’ensemble des éléments qui l’a fondée, et notamment les dispositions de la réglementation applicable ainsi que les éléments qui démontrent la conformité de sa décision à cette réglementation.

En cas de confidentialité, il motive celle-ci en développant les éléments qui imposent cette confidentialité.

Il répond avec diligence à toute demande émanant de citoyens relative à l’exécution de ses fonctions, à la motivation de celle- ci ou au fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la transparence de ses compétences, de l’exercice de ses compétences et du fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

Titre VI- Relations avec l’administration

Article 20 - L’engagement de personnel

L’élu s’engage à empêcher tout recrutement du personnel administratif fondé sur les principes autres que la reconnaissance des mérites et des compétences professionnelles et/ou à des fins autres que les besoins du service.

En cas de recrutement ou de promotion de personnel, l’élu prend une décision objective, motivée et diligente.

Article 21 - Le respect de la mission de l’administration

Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, l’élu respecte les missions de l’administration dont il a la responsabilité, sans préjudice de l’exercice légitime de son pouvoir hiérarchique.

Il s’abstient de demander ou exiger de la part d’un agent public l’exécution de tout acte ou toute abstention lui octroyant un avantage personnel direct ou indirect, ou octroyant un avantage à des individus ou des groupes d’individus dans le but d’obtenir un avantage personnel direct ou indirect.

Article 22 - La valorisation des missions de l’administration

Dans le cadre de l’exercice de ses missions, l’élu veille à valoriser le rôle et les missions de son administration.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la performance du fonctionnement des services dont il a la responsabilité ainsi que la motivation de leur personnel.

Titre VII – Relations avec les médias

Article 23

L’élu répond de manière diligente, sincère et complète à toute demande d’informations émanant des médias relative à l’exercice de ses fonctions à l’exclusion d’informations couvertes par la confidentialité ou d’informations relatives à la vie privée de l’élu ou d’un tiers.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la diffusion dans les médias d’informations relatives à ses compétences, à l’exercice de ses fonctions et au fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

Titre VIII - information, diffusion et sensibilisation

Article 24 - Diffusion du Code auprès des élus

L’élu s’engage à avoir lu et compris l’ensemble des dispositions du présent Code ainsi que les réglementations auxquelles il renvoie et déclare avoir la volonté d’être guidé par les dispositions du Code.

Article 25 - Diffusion du Code auprès des citoyens, des agent et des médias

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la diffusion du présent Code et la sensibilisation aux principes qui y sont énumérés auprès des agents dont il assume la responsabilité, auprès des citoyens et des médias.

Annexe II

Projet de Rapport explicatif

Le présent Code consiste à énoncer sur le plan européen un certain nombre de principes éthiques approuvés par les représentants des élus locaux et régionaux de l’Europe. Il reviendra aux gouvernements nationaux et/ou associations nationales des pouvoirs locaux et régionaux des Etats membres de développer les normes et principes fixés par le Code dans leur législation nationale ou autres documents pertinents à caractère normatif ou déontologique.

Un code – modèle ne peut prétendre couvrir l’ensemble des situations fort différentes des collectivités et des élus. C’est pour cette raison que le présent Code, tout en exposant les principes éthiques qui devraient être suivis par l’ensemble des élus locaux et régionaux de l’Europe, laisse une marge de manœuvre substantielle aux collectivités locales quant à son développement et son application. Ce développement ultérieur devrait, entre autres, tenir compte de nouveaux problèmes et situations susceptibles d’apparaître un jour. Par conséquent, l’initiative de développement des principes prescrits par le Code appartient aux collectivités locales elles-mêmes.

Chaque collectivité locale ou régionale ou ses représentants devrait avoir la possibilité soit d’adopter le présent Code sans l’amender soit d’élaborer son propre Code de conduite se fondant sur le présent Code. Autrement dit, le Code européen fixe des normes–minima. Les dispositions du Code ne portent pas atteinte aux dispositions législatives des pays membres du Conseil de l’Europe visant à lutter contre la corruption ou visant à imposer un certain nombre de règles de comportement aux élus.

Le Code a une triple fonction :

d’informer les conseillers locaux et régionaux (et les candidats), dans l’exercice quotidien de leurs tâches (et notamment pendant les campagnes électorales), sur le comportement à suivre ;

d’informer le public (population locale, électeurs, presse) sur le comportement dont ils sont en droit de s’attendre de la part des élus et des candidats ;

d’aider à renforcer la confiance du public dans les élus locaux et régionaux et solidifier ainsi les rapport entre les citoyens et la classe politique locale et régionale ;

En terme de temps, le projet de Code s’efforce de couvrir la période la plus large possible en incluant différents stades de la carrière politique d’un élu : campagne électorale, exercice du mandat, abandon du mandat.

Le Titre I, article 1 prévoit que le Code s’applique à l’ensemble des élus locaux et régionaux.

Afin de donner au Code un champ d’application cohérent, il est précisé que les principes définis dans le Code s’appliquent en cas d’élection primaire (élection par le corps électoral) et en cas d’élection secondaire (élection à des fonctions exécutives par le conseil local ou régional).

L’article 2 dispose dans la même optique que l’élu devra respecter ces principes tant dans l’exécution de son mandat électif (primaire ou secondaire) que dans le cadre des fonctions découlant directement de ce mandat. On pense notamment à l’exercice de fonctions dans des associations locales ou régionales, dans des personnes morales de droit public locales ou régionales dans lesquelles l’élu siège en tant qu’élu local ou régional.

L’article 3 définit l’objet du Code. Comme il a été précisé supra, le Code aura pour vocation d’informer les élus sur les lignes de conduite qu’ils devraient suivre dans l’exercice de leurs fonctions et d’informer le public sur les modes de conduite auxquels il est en droit de s’attendre de la part des élus locaux et régionaux.

Le Titre II vise à définir les principes généraux qui doivent guider l’élu dans l’exercice de son mandat. Enoncé en termes généraux, ils créent une obligation de moyen et non de résultat. Ils doivent être lus en parallèle avec les obligations spécifiques énumérées au Titre III qui représente une liste non exhaustive de mesures en exécution de ces principes généraux.

L’article 4 vise à déclarer la primauté du cadre légal dans lequel les élus accèdent à leurs fonctions et les exercent et à exclure la poursuite d’intérêts personnels qui primeraient sur l’intérêt général. Ces intérêts personnels peuvent être de nature patrimoniale, professionnelle ou électorale. Ils sont directs ou indirects selon que l’intérêt concerne directement l’élu, ou une personne qui lui est proche (famille, amis, formation politique). De tels intérêts peuvent provenir notamment du fait de l’appartenance des élus ou des membres de leurs familles à des clubs ou associations. Est également prohibé le fait de poursuivre exclusivement l’intérêt d’individus qui ne sont pas proches à l’élu, dans le but d’en tirer in fine un intérêt personnel.

L’article 5 définit les objectifs que poursuit l’exercice du mandat électif. La transparence et l’efficacité de l’exercice du mandat permettent un contrôle effectif de celui-ci9.

L’article 6 vise à éviter l’interpénétration et la confusion des pouvoirs dans le but d’éviter une généralisation et une banalisation de la violation des principes définis par le Titre I . Il doit être lu corrélativement aux Titres III et V. Le mandataire doit respecter le rôle et les pouvoirs des autres mandataires et fonctionnaires, ce qui permet aux mécanismes de contrôle de jouer pleinement. Il doit en outre s’abstenir d’inciter d’autres personnes ou d'accepter des incitations d’autres personnes visant à adopter un comportement violant le Titre I. Il s’opposera à ce type de comportement, par exemple en veillant au respect de ces principes au sein des services dont il assume la responsabilité.

Le Titre III impose certaines obligations spécifiques à l’élu. Ces obligations poursuivent les objectifs généraux décrits dans le Chapitre 2. La définition de principes généraux d’une part, d’obligations spécifiques d’autre part permet d’éviter l’écueil d’un libellé trop général ou trop spécifique. Il va de soi qu’outre ces obligations spécifiques, l’élu est censé respecter les principes généraux énoncés au Titre II dans l’ensemble de ses actions.

L’article 7 énumère les principes applicables à la campagne électorale. Les campagnes électorales, en raison des sommes d’argent qu’elles nécessitent est un facteur de corruption à haut risque. En outre, elles peuvent être également l’occasion de pratiques électoralistes visant à l’achat de conscience. L’article vise à définir positivement la campagne (communication d’un message) en précisant les comportements dont le candidat doit s’abstenir (achat de vote en échange direct d’avantages ou de promesses d’avantages dans l’intérêt particulier personnel direct ou indirect d’un électeur, violence, diffamation ou encore manipulation des listes électorales ou des résultats du scrutin).

L’article 8 vise à aider un élu à éviter des comportements de nature clientéliste. Malaisé à définir, le clientélisme est défini en fonction des intérêts qui sont poursuivis. Est prohibé le comportement qui vise à fournir à des destinataires des biens, services, avantages ou passe-droits tant dans l’exercice des compétences que dans le cadre de ses prérogatives (nomination, utilisation de biens ou de services liés à la fonction).

Les articles 9 et 10 traitent essentiellement de la résolution des conflits d’intérêts. La résolution des conflits d’intérêts reste au cœur même de la probité de la vie publique. Le principe fondamental à respecter est clair : une personne publique ne devrait en aucune manière permettre l’interférence de ses intérêts personnels directs ou indirects évoqués dans l’article 4 avec l’intérêt général, en l’espèce celui de la commune ou de la région. Aucune décision publique ne devrait être prise sous la pression des intérêts personnels d’un (ou des) décideur(s). Le principe est que tout intérêt devrait faire l’objet d’une déclaration. Une déclaration des intérêts donne l’occasion à un élu d’exposer son point de vue sur le dossier au cours des discussions préliminaires. Toutefois, par la suite, lorsqu’un conseil municipal ou régional procèdent aux délibérations et au vote l’élu en question devrait s’abstenir de participer à ces procédures. A cet effet il convient de distinguer clairement les trois phases de la prise d’une décision par le conseil : discussion préliminaire, délibération, vote. Cette distinction permet de réconcilier l’impératif d’impartialité dans la prise des décision et le droit à la parole de tout membre du conseil. Lorsqu’un élu déclare son intérêt il participe ainsi à une discussion préliminaire au cours de laquelle il fait valider son point de vue qui pourrait être utile pour la prise d’une décision. Toutefois, à un stade ultérieur les conseillers doivent prendre la décision en toute sérénité, sans subir des pressions que la présence d’un membre ayant déclaré son intérêt pourrait susciter. De surcroît, les législation de certains pays peuvent expressis verbis interdire toute participation d’un élu ayant des intérêts à une délibération ou un vote. Les dispositions du Code ne doivent pas dans ce cas porter préjudice à ces dispositions légales.

La pratique aux niveaux local et régional est en effet très complexe en ce qui concerne la déclaration des intérêts. Quiconque exerçant des fonctions publiques peut avoir, à divers titres, des intérêts personnels. Des conseillers municipaux ou régionaux qui n’occupent parfois leurs fonctions qu’à mi-temps ou sur une base volontaire, auront certainement des intérêts personnels assez importants et peuvent même en avoir davantage que les autres membres d’une collectivité. A priori il est difficile d’écarter toute personne ayant des intérêts personnels dans un espace géographique donné de l’examen d’un dossier. Cela reviendrait à pénaliser des personnes compétentes et, en définitive, la décision en subirait des conséquences négatives.

L’article 9 a pour objectif de prévenir un élu de tout acte qui puisse entraîner le détournement de pouvoirs à des fins personnelles directes ou indirectes (nomination de proches, utilisation des biens ou services à des fins personnelles, octroi d’avantages personnels, enrichissement personnel).

A cet effet, dès qu’un de ses intérêts personnels est en jeu, l’élu devrait s’abstenir de participer de quelque manière que ce soit à la prise de décision10, ce qui est spécifié par l’article 10.

Les pouvoirs locaux et régionaux sont des autorités qui exercent de multiples fonctions et sont impliquées dans différentes activités sur un espace géographique réduit. Les collectivités sont gérées par des mandataires dont la fonction est de défendre les intérêts de la population locale et d’exécuter les termes du mandat confié par cette population. Or, les conseillers locaux et régionaux eux-mêmes font partie de la population locale ou d’une région, et à ce titre, ont été ou seront associés (avant ou après les élections) aux activités commerciales ou d’une autre nature dans leur commune ou région. Pour cette raison les risques des conflits d’intérêts potentiels sont patents et il n’est pas toujours aisé de trouver un équilibre entre les intérêts d’un mandataire et les fonctions pour lesquelles il a été élu.

Par conséquent, afin d’éviter une interférence des intérêts, lorsqu’ils accèdent aux fonctions d’élu, les mandataires devraient déclarer leurs intérêts personnels directs ou indirects que le public peut raisonnablement considérer comme étant de nature à influencer leurs actes, interventions ou vote au conseil municipal ou régional. Dans un certain nombre de cas, surtout au niveau local, une décision du conseil peut affecter un organisme (par exemple, une association qui poursuit des objectifs dont le bénéfice revient à toute la collectivité) dans lequel un élu a ou avait par le passé des intérêts personnels directs ou indirects. La décision du conseil peut apporter des effets bénéfiques à cet organisme (comme l’octroi d’une subvention ou d'une mise à disposition de locaux). L’intérêt poursuivi par une telle décision est public, il n’est pas personnel et la participation d’un élu, aux discussions préliminaires serait dans ce cas-là de nature à éclairer ses collègues lors de la prise d’une décision. L’essentiel pour la communauté (élus, population, presse) est de savoir que cet intérêt a fait l’objet d’une déclaration au préalable ou lors des discussions préliminaires de la part de l’élu. Cela permettra au public d’apprécier éventuellement par la suite la position prise par le mandataire en fonction de ses activités précédentes.

En outre, beaucoup d’autres questions relevant de la compétence d’une commune ou d’une région peuvent affecter les intérêts des mandataires qui vivent dans la collectivité où ils siègent et où ils exercent d’autres activités privées (les décisions en matière d’urbanisme, de voirie, de trafic etc.). Ceci est particulièrement vrai pour les petites communes. Une approche raisonnable visant à dénouer des conflits potentiels ou réels consisterait donc à proposer aux nouveaux élus de déclarer au préalable leurs intérêts liés au territoire où ils exercent leurs fonctions en tant qu’élu dans un registre spécial. Cela aura un effet de transparence dans la gestion des affaires locales.

L’article 11 vise à définir les principes applicables à la limitation du cumul. Si certains cumuls de mandats peuvent avoir un sens, d’autres risquent de porter préjudice à l’exercice d’un mandat politique de l’élu local ou régional, surtout en ce qui concerne les fonctions de l’exécutif. Tant le cumul qui aboutit à une indisponibilité du mandataire (alinéa 2) que le cumul qui aboutit à un conflits d’intérêts (alinéa 3) doivent être évités. Sera ainsi considérée comme des cumuls qui empêchent l’exercice du mandat de l’élu local ou régional la fonction qui crée dans le chef du mandataire une situation de conflits d’intérêts ou qui l’empêche continuellement d’exercer ses fonctions d’élu. Doit être également évitée la situation de “ contrôleur-contrôlé ”. Ces règles s’appliquent sans préjudice d’une réglementation générale plus restrictive (alinéa 1)11.

L’article 12 réglemente l’exercice des compétences discrétionnaires dont l’abus est propice à la corruption au sens large. Cet exercice doit être accompagné d’obligations de motivation précises afin de permettre le contrôle de celui-ci. En cas d’absence de réglementation régissant la matière12, l’article 12 impose une motivation circonstanciée de chacune des décisions prise par l’élu en vertu de ses compétences discrétionnaires.

L’article 13 prohibe le comportement corrompu en tant que tel. Face à la diversité de la définition de la corruption en tant qu’infraction pénale13, il est renvoyé à la réglementation pénale en vigueur dans le pays de l’élu, ainsi qu'aux instruments juridiques internationaux pertinents.

L’article 14 impose aux élus une discipline budgétaire et financière. Dans le cadre de leur mission les élus peuvent être chargés de gérer des fonds publics importants (par exemple des subventions). Le détournement de l’argent public de son objectif peut nuire à l’économie locale ou régionale et porter ainsi atteinte à la confiance des citoyens dans la classe politique locale. Par conséquent, une gestion rigoureuse, transparente et conforme à la législation en vigueur des fonds publics rend les risques de corruption moins plausibles et renforce la confiance des électeurs dans la classe politique.

Le Chapitre 3 règle le cas des malversations qui peuvent apparaître au lendemain des fonctions. La pratique du pantouflage se développe, en particulier lorsqu’il s’agit des changements économiques.

L’article 15 vise à interdire toute pratique qui permet d’utiliser ses fonctions d’élu aux fins de se garantir un emploi en suite de la cessation des fonctions d’élu. L’objectif est d’empêcher que l’élu détourne les pouvoirs que lui confère sa fonction dans son propre intérêt professionnel futur. Est donc visé par l’article 15 l’avantage professionnel (emploi, fonction, rémunération, titres ou charges) que se garantirait l’élu au sein des entités publiques ou privées sur lesquelles il détient les pouvoirs dans le cadre de ses fonctions (pouvoirs dans le cadre d’une mission de contrôle, pouvoirs dans le cadre de relations contractuelles ou pouvoirs ayant conduit l’élu a créé l’entité pendant l’exercice de ses fonctions et en vertu de celles-ci).

Le Titre IV énumère les moyens de contrôle imposés au mandataire en vue de vérifier l’exécution des principes généraux énoncés par le Titre II ainsi que les obligations spécifiques énumérées par le Titre III.

L’article 16 impose une exécution diligente de la réglementation des campagnes (quelle que soit le niveau par lequel elle est réglementée). Même en cas d’absence de réglementation14 le candidat est invité à fournir les données nécessaires afin qu’un contrôle par les citoyens puisse en tout état de cause être effectué.

L’article 17 impose à l’élu de se conformer à la réglementation relative à la transparence ou au contrôle de ses intérêts, de ses mandats ou de l’évolution de son patrimoine. La réglementation des conflits d’intérêts par des mesures de transparence et de contrôle est un des facteurs déterminants de la lutte contre les phénomènes de corruption15. A défaut de législation en ce sens16, le contrôle pourra s’effectuer par chaque citoyen sur simple demande.

L’article 18 réglemente les relations entre l’élu et ses autorités de contrôle (interne ou externe). L’observation des phénomènes de corruption au sens large démontre l’importance de l’effectivité des mécanismes de contrôle (interne ou externe). Il est imposé à l’élu de s’abstenir de faire obstruction a priori au contrôle de ces autorités, ou de s’abstenir d’exécuter a posteriori leurs décisions. Afin de rendre ces contrôles effectifs, les bénéficiaires de ces contrôles doivent être informés par l’élu lui-même de leur existence.

Le Titre V réglemente les relations de l’élu avec les citoyens. Les relations de confiance entre les citoyens et les hommes politiques sont l’un des piliers de la légitimité du mandat conféré en vertu des élections. Les électeurs confient à l’élu un mandat dont il doit exécuter fidèlement les termes. Il est responsable devant l’ensemble de la population locale, c’est-à-dire même devant les électeurs qui n’ont pas voté pour lui. La transparence du processus de décision et le contrôle des citoyens sur le fonctionnement des institutions publiques est identifié comme un des moyens privilégiés de contrôle préventif et répressif des abus commis dans le cadre de leurs fonctions par les mandataires. Des obligations précises de motivation, d’information et de diffusion d’information sont mises à sa charge.

Le Titre VI règle les relations entre l’élu et l’administration. La confusion des rôles entre administration et mandataires politiques est un des facteurs de développement de la corruption au sens large. Celle-ci résulte soit de l’utilisation des agents à des fins de corruption, soit d’installation de réseaux par le biais de recrutement partisan au sein de l’administration. Un climat de dévalorisation et de non-performance de l’administration est à la fois une source et une conséquence d’un climat de corruption au sens large. Les articles 20-22 imposent des obligations à l’élu vis à vis des agents en terme de dépolitisation du recrutement ou de la promotion, en terme de clientélisme et en terme de valorisation de la mission de l’administration. Cet article a également pour objet de réduire les risques de création d'emplois fictifs pour les proches des élus et/ou pour les représentants des formations politiques dont ils sont issus.

La presse joue un rôle important dans la lutte préventive et répressive de la corruption. Le Titre VII impose des obligations à l’élu visant à permettre à la presse d’exercer son rôle d’investigation en la matière. L’obligation de collaboration de l’élu doit cependant être limitée aux informations relatives à l’exercice de ses fonctions, à l’exclusion d’informations relatives à sa vie privée ou confidentielle.

Le Titre VIII réglemente la diffusion et la sensibilisation des acteurs concernés et du public aux principes contenus dans le présent Code. L’article 24 invite les élus à manifester leur volonté de se conformer aux dispositions du présent Code ce qui constitue un moyen actif d’adhérer aux principes éthiques énoncés dans le Code. Cet engagement pourrait être fait au cours de la première séance du nouveau conseil municipal ou régional.

 

1 En particulier les travaux menés au sein du Conseil de l’Europe par le Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption.

2 Professeur Yves Mény définit ainsi la corruption comme « un échange clandestin entre deux « marchés », le « marché politique et/ou administratif » et le marché économique et social. Cet échange est occulte car il viole des normes publiques, juridiques et éthiques et sacrifie l’intérêt général à des intérêts privés (personnels, corporatistes, partisans, etc.). Enfin, cette transaction qui permet à des acteurs privés d’avoir accès à des ressources publiques (contrats, financements, décisions, ...), de manière privilégiée et biaisée (absence de transparence, de concurrence) procure aux acteurs publics corrompus des bénéfices matériels présents ou futurs pour eux-mêmes ou pour l’organisation dont ils sont membres ». Comme constantes aux mécanismes de « corruption » ainsi définis et malgré les diversités des expériences européennes, on peut recenser les caractéristiques suivantes : - ils substituent intérêts privés à l’intérêt public; - ils sapent les fondements de l’Etat de droit; - ils nient les principes d’égalité et de transparence en favorisant l’accès privilégié et secret de certains acteurs aux ressources publiques ( Y. Mény, Introduction in Mény Y., Della Porta D. (sous la direction de), Démocratie et corruption en Europe, Paris, La Découverte, 1995, 13 et 14). La Convention pénale européenne, dans ses articles 2 et 3, donne la définition suivante de la corruption : « Corruption active » : Le fait de proposer, d’offrir ou de donner, directement ou indirectement, tout avantage indu, à l’un des agents publics, pour lui-même ou pour quelqu’un d’autre, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions. « Corruption passive » : Le fait pour un agent public de solliciter ou de recevoir, directement ou indirectement, tout avantage indu pour lui-même ou quelqu’un d’autre ou d’en accepter l’offre ou la promesse afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions.

3 Game Chr., « Public service Ethics and British local Government ; will the Nolan Committee turn from Xestminster to Westminster », Séminaire IASIA « Professionnalisme et éthique du fonctionnaire : un défi pour le XXIème siècle », Durban 30/06-05/07/1996, 4.

4 Mény Y., op. cit., 17. Au Royaume-Uni, Game Chr. (op. cit., 38) constate que la possibilité de corruption est plus grande au niveau des conseillers locaux car, contrairement aux parlementaires, ils détiennent des « pouvoirs exécutifs » en matière de permis de bâtir, d'allocations de logements sociaux, d'octroi d’avantages et de récompenses aux organisations volontaires locales, etc.

5 On notera en effet que cette identité ne se retrouve pas forcément dans d’autres mandats. Dans le cas de mandat électif national à circonscriptions électorales multiples, les compétences de l’élu concernent également des citoyens qui ne sont pas électeurs.

6 Programme d’action contre la corruption adopté par le Comité des Ministres, op.cit. , 44.

7 Ibid, pp. 46 et 47.

8 Voir le tableau doc. CG (6) 8 Partie II, Addendum 1.

9 Sur le caractère fondamental de ces critères, voir les Titres V et VI du projet de Code.

10 L’enquête du groupe de travail du Congrès sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux portant les réglementations en vigueur dans les pays membres montre que la plupart les réglementations prévoient une obligation d’abstention de cette nature.

11 Le groupe de travail du Congrès a constaté sur un échantillon de 15 pays qu’il existait peu de règles générales de limitation du cumul dans les droits internes des pays membres (à l’exception de la Belgique, la France et Malte) . Est privilégiée l’énumération précise de fonctions incompatibles.

12 L’enquête réalisée par le groupe de travail montre que de nombreuses compétences impliquant des relations contractuelles avec le secteur privé (privatisations, marchés publics) ou consistant en l’octroi de services (urbanisme, logements sociaux) ne font pas l’objet de réglementation générale et sont donc discrétionnaires.

13 Il apparaît en effet que tous les pays sont dotés d’un arsenal pénal visant à lutter contre la corruption (et ce, même s’il n’existe en général pas de dispositif spécifique à l’échelon local).

14 Cinq pays signalent qu’une réglementation des dépenses et recettes électorales existe au niveau local (Belgique, Bulgarie, Espagne, Portugal, France).

15 Le Rapport Nolan propose d’introduire une déclaration d’intérêts financiers aux mandataires locaux, déclarations consignées dans un registre public déposé auprès de la commune (recommandation n°8).

16 Six pays (Autriche, Belgique, Grande-Bretagne, Portugal, Roumanie et Malte) ont adopté une réglementation visant à imposer aux mandataires de déclarer leur situation patrimoniale ou leurs intérêts. Ces déclarations ne sont pas toujours rendues publiques.