Rapport sur l'avant-propos de convention européenne du paysage (05/05/1997) - CG (4) 6 Partie II

 

Rapporteur
M. Pierre HITIER (France)

 

I. Introduction

1. Dans sa Résolution 256 (1994), l'ancienne Conférence des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe invite le Congrès "à élaborer, sur la base de la Charte du paysage méditerranéen adoptée à Séville, une Convention-cadre sur la gestion et la protection du paysage naturel et culturel de toute l'Europe".

2. Un an plus tard, l'Agence européenne de l'environnement de l'Union Européenne publie "L'environnement de l'Europe, le Rapport de Dob_íš", document très détaillé sur l'état et les perspectives de l'environnement dans la "Grande Europe". Ce texte, issu de la première Conférence des Ministres européens de l'environnement (Dob_íš, juin 1991), consacre un chapitre entier à la question du paysage. Dans ce chapitre, il est proposé d'élaborer une Convention sur les paysages ruraux sous les auspices du Conseil de l'Europe. Cette proposition est reprise avec force par l'IUCN dans son Plan d'action européen concernant les zones protégées.

3. Sur la base de ces recommandations et fort de sa proximité des citoyens, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe relève le défi et décide d'élaborer un projet de Convention européenne du paysage. Un Groupe de travail est créé à cet effet. La première réunion de ce Groupe a lieu en novembre 1994.

4. Ce rapport présente, à l'occasion de la 4ème Session plénière du Congrès, le premier aboutissement des activités du Groupe de travail susmentionné, à savoir un avant-projet de la Convention européenne du paysage ainsi que les principes, les méthodes et les documents de travail qui ont permis sa réalisation.

5. Avec la décision d'élaborer un projet de Convention européenne du paysage, le Congrès saisit probablement l'importance du rôle du paysage dans le renforcement des identités régionales, ainsi que sa fonction de mise en valeur de l'être humain par rapport à son environnement local. Mais pas uniquement. Il comprend également que l'expression "qualité de vie" ne doit pas se référer uniquement à la dimension matérielle de l'environnement et que la santé de l'être humain n'est pas seulement une question corporelle. Il y a un quid pluris dans le concept d'environnement.

6. En particulier, en tant qu'organe représentatif des intérêts des collectivités territoriales, le Congrès est conscient de l'importance que les populations européennes octroient à leur cadre de vie. Elles exigent désormais que les politiques qui ont un impact sur le territoire où elles habitent soient reconsidérées dans le sens d'une meilleure attention à l'aspect qualitatif de l'aménagement du territoire. Elles estiment que le cadre de vie repose, entre autres, sur le sentiment issu de la perception, notamment visuelle, de l'environnement qui les entoure. Ce sentiment, cette perception de l'environnement s'appelle paysage. Il en constitue la dimension spirituelle.

7. Le paysage n'existe donc que grâce à l'esprit des individus. Il se fonde sur leur oeuvre combinée à la nature pré-existante. Le paysage est à l'environnement ce que l'épiderme est à notre corps, une surface qui témoigne de l'état de santé d'un organisme vivant. Si le paysage est souffrant, il faut en rechercher la cause dans la relation que les individus et la société ont établi avec leur environnement. Guérir un paysage dégradé passe par la compréhension et le respect total de cette relation. Afin que le paysage contribue toujours à l'équilibre spirituel des êtres humains et qu'il demeure un élément fondamental de leur identité, le développement de nos sociétés devra en tenir compte à tous les niveaux qu'il concerne.

8. Autrefois on ne parlait pas de paysage, on se limitait à le reproduire et peut-être cela était un bon signe. Aujourd'hui, le fait qu'on en parle davantage est le reflet des transformations qui l'ont perturbé, le signe que très souvent le paysage n'arrive plus à assurer la fonction que les sociétés lui reconnaissent. Les populations européennes ont conscience que la qualité et la diversité de nombreux paysages se réduisent sous l'effet de facteurs aussi nombreux que variés et que ce phénomène porte atteinte à leur qualité et leur cadre de vie.

9. En décidant de préparer un projet de Convention européenne du paysage, le Congrès répond donc aujourd'hui au souci de ces populations, et ce après avoir constaté l'absence, à l'échelle européenne, d'une référence spécifique et complète entièrement consacrée à la conservation, à la gestion et à la mise en valeur du paysage européen dans les instruments juridiques internationaux en matière d'environnement, d'aménagement du territoire et de patrimoine culturel. Les instruments existants ont souvent une portée géographique limitée et s'adressent à des aspects partiels de la problématique paysagère ou l'abordent en vue de la protection et de la gestion d'autres intérêts relatifs au territoire.

10. Le CPLRE considère très justement qu'il est temps de prendre des initiatives, au moyen d'une proposition de texte juridique international spécifique à l'évolution de l'attitude des populations européennes vis-à-vis de l'ensemble des valeurs et des aspects de leur environnement. Le paysage représente l'un de ces aspects, peut-être le plus délicat et sans doute le plus complexe, mais qui, de ce fait, est en mesure de contribuer à la satisfaction de l'un des besoins de l'être humain les plus profonds et insaisissables.

II. Le Groupe de travail et ses principes d'action

11. Les travaux du Groupe sont présidés par la personne du rapporteur. Mme Cristiana STORELLI (Suisse) a occupé cette fonction jusqu'au premier semestre de l'année 1996. En raison de l'échéance de son mandat d'élue régionale auprès du Congrès, Mme STORELLI a quitté le CPLRE en septembre dernier. Je souhaite la remercier pour son engagement dévoué. Elle a su injecter au Groupe de travail une dose formidable d'humanisme et d'ouverture d'esprit. Elle a su conduire remarquablement les travaux préparatoires relatifs à l'avant-projet de Convention qui constituent les fondements scientifique et juridique de l'ensemble des activités du Groupe. Mme STORELLI a su créer une ambiance de confiance, voire d'amitié, que le Groupe retrouve ponctuellement à chacune de ses réunions.

12. Dès sa première rencontre, le Groupe de travail, dont j'ai aujourd'hui l'honneur d'être le nouveau rapporteur, souhaite préciser les principes qui guident son action.

Ceux-ci peuvent être résumés en 9 points :

a) La protection et la gestion du paysage européen représentent un moyen permettant la consolidation de l'identité culturelle européenne, cette consolidation constituant l'un des objectifs fondamentaux de l'action du Conseil de l'Europe ;

b) étant donné les exigences de démocratie ainsi que la spécificité, la polyvalence et la variété des valeurs et des intérêts paysagers à prendre en compte, il est important qu'une convention sur le paysage puisse être conçue et élaborée, au sein du Conseil de l'Europe, par une instance représentant les collectivités territoriales telle que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe ;

c) l'initiative prise par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe d'assumer la responsabilité de la préparation d'un projet de Convention sur le paysage répond à une demande sociale et institutionnelle croissante : la protection et la gestion du paysage à l'échelle européenne ont besoin désormais d'une référence juridique internationale ;

d) le paysage représente une thématique complexe englobant tant des aspects culturels que naturels qui, dans un esprit de participation démocratique, doivent tenir compte des exigences et des intérêts d'un grand nombre d'acteurs : dans cette perspective, il est essentiel, dans toute activité concernant le paysage, d'assurer des méthodes de travail fondées sur l'interdisciplinarité, la coordination et la participation ;

e) une convention sur le paysage européen doit être conçue comme un instrument juridique très flexible : la variété des intérêts à prendre en compte et la diversité des actions à mettre en oeuvre, selon le type de paysage considéré, obligent à la plus grande souplesse juridique ; l'instrument conventionnel à mettre en place devra prendre en compte des paysages qui, selon leurs caractéristiques spécifiques, nécessiteront des interventions diversifiées qui vont de la plus stricte conservation à la protection et à la préservation, jusqu'à la gestion, à l'aménagement et à la véritable création ;

f) la gestion des problèmes du paysage européen implique l'existence d'un instrument juridique contraignant concernant la globalité des paysages européens ; le champ d'application de la Convention européenne du paysage devra être l'ensemble du territoire européen, qu'il s'agisse des espaces ruraux cultivés ou naturels, des espaces urbains et périurbains. Elle ne devra pas se limiter aux seuls éléments historiques ou artificiels, ou aux seuls éléments naturels du paysage : elle devra viser l'ensemble de ces éléments et les relations qui existent entre eux.
Dans cette même perspective, la Convention européenne du paysage ne concernera pas seulement le domaine de la protection des paysages remarquables ou exceptionnels, mais tous les paysages, car ceux-ci contribuent dans leur ensemble à la qualité de vie des populations européennes. La Convention doit porter sur ce qui est visible dans le territoire européen c'est-à-dire sur les éléments naturels et artificiels et sur leur organisation dans l'espace, sur leurs dynamiques et leurs interrelations, tels qu'ils sont perçus par l'individu et les sociétés à travers les différentes cultures locales, régionales et nationales. La Convention doit mettre l'accent sur l'idée d'un tout indissociable, et ne considère pas ces divers éléments séparément.
Dans cet esprit, les mesures d'intervention adoptées en application de la Convention à l'échelle internationale, nationale, régionale et locale devront concerner la totalité des territoires européens. Une fois entrée en vigueur, la Convention pourra avoir des conséquences dans de très nombreux domaines relevant du droit privé et public, des actes des pouvoirs publics ou des activités des personnes privées ;

g) Certains paysages revêtent un intérêt pour l'ensemble de l'Europe. Cet intérêt résulte de leur spécificité, de leur rareté, du fait qu'ils représentent des oeuvres élaborées par des activités ou des modes de vie menacés de disparition, du témoignage qu'ils fournissent des efforts de sociétés passées ou de leur inventivité particulière. Sur la base de cette considération la Convention doit assurer une "reconnaissance européenne". Par ailleurs, une forme de "reconnaissance européenne" doit être octroyée également aux paysages qui, tout en étant évalués comme ordinaires, n'en méritent pas moins une attention particulière au titre des efforts que réalisent les collectivités locales et régionales pour les entretenir ;

h) il n'est pas souhaitable de séparer au niveau conceptuel, juridique et opérationnel les intérêts afférents au paysage naturel (sans l'intervention humaine) de ceux afférents au paysage artificiel (avec l'intervention humaine) ; par paysage, on entend un espace territorial tel qu'il est perçu par les êtres humains dont l'aspect résulte de l'action de facteurs naturels et artificiels et de leurs interrelations ; rares sont les espaces non façonnés et même ces espaces présentent la composante culturelle, à savoir le regard et l'imagination humaine. Le paysage est donc toujours un produit "culturel" et les valeurs qui lui sont attribués sont éminemment variables ;

i) la Convention doit insister sur la participation des populations aux processus de décision concernant le paysage. Il convient de favoriser cette participation en informant le public, en l'associant aux consultations, en ayant recours aux médias et en menant des activités éducatives à tous les niveaux.

13. En application du principe de la consultation et de la participation, plusieurs institutions internationales, nationales et régionales sont appelés à participer aux travaux du Groupe de travail. Parmi ceux-ci rappelons ici :

L'Assemblée parlementaire, le Comité du Patrimoine Culturel - CC-PAT -, le Comité de la Diversité Biologique et Paysagère - CO-DBP - (Conseil de l'Europe), le Centre du patrimoine mondial (UNESCO), le Comité des Régions et la Commission européenne (Union Européenne), le Bureau de la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère (Conseil de l'Europe, Programme des Nations Unies pour l'Environnement, IUCN), le Ministère des biens culturels et environnementaux italien, les Régions Andalousie (Espagne), Languedoc-Roussillon (France), et Toscane (Italie).

14. Dans ce cadre, je souhaite remercier tout particulièrement MM. Régis AMBROISE et Bengt JOHANSSON, qui, en leur qualité d'observateurs représentant respectivement le CO-DBP et le CC-PAT du Conseil de l'Europe, contribuent de façon attentive, active et enrichissante aux travaux du Groupe de travail, et ce, depuis sa création. Nous espérons que les organes du Conseil de l'Europe susmentionnés puissent poursuivent leur contribution aux activités concernant la préparation du projet de Convention européenne du paysage par ces deux experts.

III. Les travaux préparatoires

15. Le Groupe de travail est conscient de la difficulté de sa tâche. Le paysage constitue, comme nous l'avons vu, un domaine pluridisciplinaire dont les caractéristiques principales sont la diversité, l'évolution permanente et les différents sentiments et interprétations qu'il inspire. D'autre part, le paysage fait l'objet de textes normatif nationaux très diversifiés qui l'abordent rarement de façon directe et qui, dans la plupart des cas, le protègent en fonction d'autres intérêts liés au territoire.

16. En raison de la complexité scientifique du sujet et de la diversité des approches juridiques nationales le concernant, le Groupe de travail décide de préparer, en tant que documents de travail préparatoires, les textes suivants :

a) une version complète du projet de Convention en termes non juridiques rédigé, au nom du Groupe de travail et sous le contrôle de son ancien Rapporteur, Mme Cristiana STORELLI, par le Prof. Michael DOWER (illo tempore Directeur de la Countryside Commission (Royaume-Uni) et par le Prof. Yves LUGINBUHL, Directeur de Laboratoire au CNRS (France) en coopération avec le Prof. Michel PRIEUR, Directeur de Laboratoire au CNRS et Doyen honoraire de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l'Université de Limoges (France), le Prof. Florencio ZOIDO NARANJO, Professeur de géographie à l'université de Séville (Espagne) et le Secrétariat du Conseil de l'Europe. Cette version a été adoptée par le Groupe de travail lors de la réunion des 29 février et 1er mars 1996 à Séville. Ce document de travail, qui est présenté ci-après à l'annexe 1, constitue le fondement scientifique de l'ensemble des activités du Groupe de travail. Ce dernier estime en fait qu'il n'est guère possible de rédiger un projet d'instrument juridique conventionnel en matière de paysage sans avoir d'abord déterminé avec exactitude les motivations, les problèmes et les solutions d'un tel instrument d'un point de vue rigoureusement et exclusivement scientifique ;

b) une étude de droit comparé européen du paysage établie afin de connaître les conditions de protection, de gestion et d'aménagement du paysage dans un bon nombre des Etats membres du Conseil de l'Europe.
Cette étude, dont une version préliminaire est présentée à l'annexe 2 ci-après, a été rédigé par le Professeur Michel PRIEUR sur la base des informations fournies par un certain nombre de Ministères européens compétents en matière de paysage ainsi que sur la base des données fournies par d'autres experts indépendants.
D'une façon générale, ce document de travail, bien que pas encore finalisé, montre que le paysage est pris en compte par le droit selon trois types de rattachement qui reflètent chacun une conception particulière du paysage :

- rattachement au droit des monuments historiques et des sites lié à un paysage conçu comme le reflet de la beauté et de l'esthétique ;

- rattachement au droit de la protection de la nature lié à un paysage conçu comme le reflet d'une vision des espaces naturels et des sites les plus remarquables à travers les parcs et réserves ;

- rattachement au droit de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme lié à un paysage conçu comme le reflet d'une vision à la fois naturelle et culturelle de l'espace et intégrant le paysage en soi, même ordinaire.

Dans dix Etats européens la Constitution fait référence au paysage directement ou implicitement, cela confirme bien que le paysage est devenu une valeur fondamentale des sociétés contemporaines.

L'étude montre que pratiquement tous les Etats européens prennent en compte certains aspects du paysage dans des législations sectorielles sur les monuments, les sites, la protection de la nature, les forêts, l'eau, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire.

En fait, la législation s'aventure rarement à définir le paysage mais souvent il y a confusion avec la notion de site. Pour mieux identifier les paysages des inventaires sont réalisés. Bien souvent ils résultent de pratiques administratives. Ces inventaires peuvent être un simple recensement de sites déjà protégés, ou bien ils sont réalisés dans le but d'identifier de futurs sites à protéger ou encore ils procèdent d'une véritable étude de terrains en vue d'éventuels plans paysagers.

La protection juridique des paysages se fait selon quatre procédés utilisés isolément ou simultanément :

- l'intégration du paysage dans les plans d'aménagement et d'urbanisme ;
- le classement de certains paysages en zones protégées avec des effets juridiques variables allant de l'interdiction de faire à la simple recommandation ;
- la prise en compte du paysage dans les décisions d'utilisation du sol permettant de refuser un permis de construire ou une autorisation d'installation industrielle ou des ouvertures de mines ou de carrières pour des motifs liés à la préservation du paysage ;
- l'élaboration de plans paysagers particuliers s'intégrant plus ou moins directement dans les plans d'urbanisme ou servent simplement de guides d'action.

Cette prise en compte s'accompagne souvent d'une étude d'impact préalable sur l'environnement qui doit mesurer les effets prévisibles d'un projet d'ouvrage ou d'installation sur un paysage et sur son évolution.

Des incitations fiscales ou financières accompagnent souvent les politiques et les mesures juridiques en matière de paysage. L'information, la participation et l'éducation sur le paysage sont incontestablement indispensables mais pas assez développées.

L'étude montre également qu'un intérêt croissant pour le paysage apparaît incontestablement au plan international aussi bien dans les conventions à caractère obligatoire que dans les déclarations ou recommandations.

La Convention de l'Unesco de 1972 sur le patrimoine mondial naturel et culturel est à l'heure actuelle l'instrument le plus opérationnel couvrant aussi bien le paysage culturel que le paysage naturel. Il existe aussi des conventions régionales mais qui ne couvrent qu'indirectement un aspect particulier du paysage. En matière de protection de la nature et de l'environnement huit conventions régionales ont été identifiées. Elles visent expressément le paysage comme un élément à prendre en considération.

Il n'en reste pas moins qu'aucune convention n'envisage le paysage en tant que tel et dans sa globalité alors que tout le monde s'accorde à considérer qu'il y a une identité des paysages européens qui mérite d'être sauvegardée et mise en valeur. Ainsi le paysage européen exige-t-il désormais une attention particulière, comme l'ont souligné l'IUCN et la Déclaration adoptée à l'occasion de la troisième Conférence des Ministres européens de l'environnement (Sofia, octobre 1995). Seule une convention européenne est donc en mesure de formaliser les principes d'une identification et d'une gestion durable des paysages européens, accompagnée d'une reconnaissance collective des paysages européens remarquables et de ceux qui sont remarquablement entretenus par les collectivités territoriales, pourrait utilement compléter et enrichir la convention mondiale de l'UNESCO.

17. Parallèlement, en vue de faciliter l'établissement d'un instrument international de nature conventionnelle en matière de paysage, le Groupe de travail fait constamment référence dans ses activités aux textes juridiques déjà existants au niveau international et national dans ce domaine. Parmi ces textes figurent - outre la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'Unesco -, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, la Charte du Paysage Méditerranéen, le Règlement des Communautés Européennes concernant les méthodes de production compatibles avec les exigences de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel, la Directive des Communautés Européennes concernant la conservation des habitats naturels et semi-naturels, la Directive des Communautés Européennes concernant l'étude d'impact environnemental ainsi que d'autres importants textes normatifs à l'échelle nationale et internationale. La liste complète des instruments et programmes internationaux pris en considération par le Groupe de Travail dans l'élaboration de l'Avant-projet de Convention européenne du paysage fait l'objet de l'annexe 3 du présent rapport.

IV. Le processus de consultation

18. Etant donné les exigences de démocratie ainsi que la spécificité, la polyvalence et la variété des intérêts et des valeurs paysagers à prendre en compte, le Groupe de travail organise en novembre 1995, dans le cadre d'une première phase de consultation publique, une audition sur le projet Convention européenne du paysage rédigé dans un langage non juridique. A cette audition participent plus de 70 experts dans le domaine du paysage, représentant les organismes publics et les organisations non gouvernementales concernés par la protection et la gestion du paysage, provenant de 28 pays européens. Ces experts se félicitent qu'une convention sur le paysage européen puisse être conçue et élaborée, au sein du Conseil de l'Europe, par une instance très proche des citoyens telle que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe. Les commentaires oraux et écrits reçus à l'occasion de cette audition permettent au Groupe de travail d'améliorer de façon considérable la version non-juridique du projet de Convention qui vous est proposée aujourd'hui en annexe de ce rapport.

19. Comme pour l'audition concernant la version "non juridique" du projet de Convention, le Groupe de travail organise en mars 1997 une deuxième audition présentant l'avant-projet de Convention. A cette deuxième audition participent les représentants des organisations, des programmes intergouvernementaux et des collectivités régionales concernés, tels que le Comité du Patrimoine mondial de l'Unesco, l'IUCN, la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère, le Comité des Régions de l'Union Européenne, les Régions Andalousie (Espagne), Languedoc-Roussillon (France) et Toscane (Italie). Les observations de ces représentants permettent au Groupe de travail d'affiner l'avant-projet de Convention qui vous est présenté aujourd'hui. A cette même occasion, le Ministère des biens culturels et environnementaux italien et le Gouvernement de la Région Andalousie présentent officiellement leur candidature pour organiser une Conférence internationale sur le projet de Convention en 1998.

20. Suite à la présentation de cet avant-projet de Convention lors de la présente Session plénière du Congrès et avant de la présentation du projet final lors de la 5ème Session, le Groupe de travail souhaite organiser une Consultation intergouvernementale des représentants des Ministères nationaux concernés par le thème du paysage dans les différents Etats membres ainsi que des principales organisations techniquement qualifiées dans ce domaine.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser, le Ministère des biens culturels et environnementaux italien et le Gouvernement de la Région Andalousie présentent officiellement leur candidature pour organiser cette Conférence internationale sur le projet de Convention au cours des trois premiers mois de 1998. Le projet définitif de la Convention devrait ensuite être soumis à la 5ème Session plénière du Congrès.

V. Le CD-Rom multimédia

Par ailleurs, toujours dans un souci d'ouverture, de participation et d'innovation, le Groupe de travail souhaite créer un CD-Rom multimédia constituant le support informatique des principes contenus dans le projet de Convention. Dans les intentions du Groupe de travail ce produit devrait constituer une représentation innovatrice du message essentiel du projet de Convention. Ce message exprime la conviction que l'ensemble de la dimension paysagère du territoire européen doit faire l'objet d'une protection, d'une gestion et/ou d'un véritable aménagement car elle constitue l'une des bases du cadre de vie des populations. Cette nouvelle conception, qui est d'ailleurs confirmée par les choix de plusieurs gouvernements européens en matière d'aménagement du territoire, peut avoir des répercussions positives sur le développement économique et social des société européennes. Dans cette perspective, l'initiative de produire un CD-Rom multimédia sur le paysage européen témoigne de la volonté du CPLRE de diffuser la conception susmentionnée auprès de tous les acteurs (particuliers, entreprises, administrations publiques, etc.) reconnaissant que la qualité du cadre de vie constitue un ingrédient essentiel de la qualité de vie et du développement économique.

22. En particulier, Cette initiative se fonde sur les points suivants :

a) le paysage se prête parfaitement à une transposition informatique de par ses liens avec l'imagination humaine, l'identité culturelle et l'esthétique ainsi qu'en raison de sa nature pluridisciplinaire ; de façon spéculaire le secteur des CD-Rom constitue un secteur en pleine expansion, doté d'énormes potentialités technologiques nécessitant d'être appliquées à des sujets capables d'en rentabiliser la production ;

b) la transposition informatique du projet de Convention européenne du paysage dans un CD-Rom multimédia constitue un moyen de sensibilisation nouveau, extraordinaire, conforme aux buts de notre Organisation et correspondant aux plus récents développements dans le secteur de la communication et de l'information ;

c) le Conseil de l'Europe ne doit pas renoncer à être présent sur le marché des nouvelles technologies informatiques ; il doit présenter ses propres initiatives comme des produits à diffuser sur les réseaux télématiques européens, voire mondiaux ;

En vue de la concrétisation de cette initiative les acteurs suivants devraient être impliqués :

- experts chargés de rassembler les différents éléments composant le CD-Rom (photos, films, textes, musiques, schémas, tableaux et d'autres matériaux interactifs) et la banque de donnée afférente ; il est souhaitable que ces experts disposent de connaissances et de contacts dans le domaine des média ;

- programmateurs et graphistes informatiques - éventuellement également compétents en matière d'environnement - chargés de l'assemblage des éléments susmentionnés à partir de la base de données ;

- expert dans le secteur de la réalisation de projets multimédia en matière de paysage chargé de la coordination scientifique et technique des experts responsables de la collecte des différents éléments composant le CD-Rom et des programmateurs informatiques chargés de l'assemblage de ces éléments ;

- société(s) chargée(s) du développement et de la gestion de l'ensemble du projet d'un point de vue pratique et de son exploitation économique.

Cette initiative est réalisée avec le soutien logistique et financier de la Direction de la Communication et du Service de l'édition et de la documentation du Conseil de l'Europe.

VI. Le projet de Convention européenne du paysage dans le cadre des principaux programmes, rapports et instruments juridiques internationaux en matière d'environnement et de patrimoine culturel

23. Le projet de Convention européenne du paysage constitue une initiative du Conseil de l'Europe s'intégrant dans le cadre des principaux instruments juridiques, programmes d'action et rapports établis à l'échelle européenne dans le domaine de l'environnement et du patrimoine culturel.
Dans cette perspective, un lien direct existe avec :

a) La Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère. Ce texte constitue un cadre international de coopération approuvé en octobre 1995 à l'occasion de la 3e Conférence des Ministres européens de l'Environnement par 55 pays européens, avec la participation des grandes organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales. La Stratégie a été élaborée par le Conseil de l'Europe, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement et le Centre européen pour la conservation de la nature. Son objectif principal est d'enrayer le processus de dégradation de la nature et du paysage en Europe.
En ce qui concerne le paysage, il est reconnu dans la Stratégie que dans un contexte européen, le problème de la diversité paysagère n'a pas encore été correctement abordé dans les mécanismes visant à protéger et à améliorer l'environnement. A ce sujet, la Stratégie nous informe que 6 % du territoire européen fait l'objet de mesures de protection paysagère, mais que ces dispositifs sont généralement peu contraignants du point de vue juridique et que plusieurs paysages d'Europe sont en train de disparaître irrémédiablement.
Ces considérations confirment qu'à l'échelle européenne il manque une référence juridique spécifique et complète consacrée entièrement au paysage et à sa conservation, sa gestion et sa mise en valeur.
Dans cette optique, le projet de Convention européenne du paysage constitue une réponse concrète à la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère dans la mesure où il encourage l'adoption de mesures pratiques et concrètes dans les cas où il n'existe pas encore d'instruments idoines.
La Stratégie précise que dans sa mise en oeuvre il conviendra également de faire appel au projet de Convention européenne du paysage du CPLRE.
La Convention européenne du paysage pourrait ainsi devenir le fondement juridique de la mise en oeuvre des actions au titre du domaine d'action concernant la "Conservation des paysages" de la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère, en matière de diversité paysagère, et ce parallèlement à la Convention relative à la protection de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (Berne, 1979), qui concerne plus particulièrement la diversité biologique.
A ce sujet, l'avant-projet de Convention européenne du paysage préconise que le Comité européen du paysage, organe responsable de la mise en oeuvre et du contrôle de l'application de la Convention, soit rattaché, en tant que sous-Comité, au Comité permanent de la Convention de Berne.
Ces considérations pourraient être reprises dans le cadre de la présentation du projet final en 1998.

b) "L'environnement de l'Europe, le Rapport de Dob_íš". Ce texte, publié en 1995 par l'Agence Européenne de l'Environnement de l'Union Européenne constitue un rapport détaillé sur l'état et les perspectives de l'environnement européen.
Comme il est mentionné au début de ce rapport, le document de Dob_íš consacre un chapitre entier à la question du paysage. Il identifie la valeur des paysages européens, en fait une description schématique, dresse une liste des facteurs préjudiciables au paysage et, dans le cadre des mesures d'intervention, comme déjà mis en évidence, propose l'élaboration d'une Convention sur les paysages ruraux sous les auspices du Conseil de l'Europe. Par ailleurs, le Rapport de Dob_íš encourage la création d'un réseau de paysages d'intérêt européen.

c) La Convention de l'Unesco pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Depuis que les paysages culturels ont été inclus dans les catégories des sites susceptibles d'être inscrits dans la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco, il existe un lien étroit entre le projet de Convention européenne du paysage et la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (Paris, 1972). A ce sujet le Comité du patrimoine mondial, responsable de la mise en oeuvre de la Convention susmentionnée, signale à maintes reprises le risque d'un surnombre de paysages européens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Dans cette perspective, une liste de paysages d'intérêt européen pourrait être établie dans le cadre de la Convention européenne du paysage en vue d'alléger la concentration de paysages européens pouvant être inscrits dans la Liste du patrimoine mondial.
A ce sujet, le Directeur du Centre du patrimoine mondial de l'Unesco, M. Bernd VAN DROSTE affirme que "la Convention du patrimoine mondial, visant à protéger les paysages naturels et culturels, et la « Convention européenne du paysage », bien que sous forme de projet, sont complémentaires". Dans cette même perspective M. VAN DROSTE informe le Secrétariat du Congrès que, lors de sa vingtième Session qui s'est tenue à Mérida (Mexique) du 2 au 7 décembre 1996, le Comité du patrimoine mondial souligne l'importance d'une étroite collaboration avec le Conseil de l'Europe sur la complémentarité de la Convention du patrimoine mondial et le projet de Convention européenne du paysage.
Dans cette perspective, le Groupe de travail décide de consacrer un article concernant la sauvegarde des paysages d'intérêt européen dans le projet de Convention, qui soit compatible et parallèle au système créé par l'Unesco.Dans cette perspective, dans le projet de Résolution il est proposé d'établir, dès à présent, une collaboration spécifique avec le Centre du patrimoine mondial de l'Unesco.

d) La Commission mondiale pour les zones protégées de l'IUCN. Par son Président, M. Adrian PHILLIPS, cette Commission informe le Groupe de travail de son soutien de principe à l'initiative du Congrès. En particulier, M. PHILLIPS reconnaît que l'avant-projet de Convention européenne du paysage du CPLRE constitue une réponse concrète aux recommandations faites par l'IUCN dans le cadre de son programme "Parks for Life". Dans ce programme il est reconnu qu'une Convention européenne pourrait constituer une contribution importante en vue de la protection des zones rurales européennes les plus remarquables.

VII. Conclusion

24. Le Groupe de travail soumet à la 4ème Session plénière du Congrès les résultats de ses activités telles qu'elles sont décrites dans le présent rapport. Ces résultats consistent notamment dans l'avant-projet de Convention européenne du paysage, mais aussi dans les documents de travail préparatoires présentés en annexe de ce rapport, à savoir le projet de Convention exprimé dans un langage non juridique, une version préliminaire de l'étude de droit comparé européen du paysage et la liste des textes juridiques internationaux pris en considération dans l'élaboration de l'Avant-projet de Convention européenne du paysage.

25. L'avant-projet de Convention européenne du paysage fait l'objet de l'annexe 1 du projet de Résolution. Ce dernier sera adoptée par le Congrès conjointement à un projet de Recommandation. Le projet de Recommandation invite l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Comité des Régions de l'Union Européenne à examiner l'avant-projet de Convention européenne du paysage contenu dans le projet de Résolution, à exprimer un Avis, et, si possible, à y apporter un soutien, en vue de la présentation du projet final de Convention. Ce dernier sera présenté au Congrès à l'occasion de sa 5ème Session plénière, en 1998, dans le cadre d'un projet de Recommandation au Comité des Ministres. Dans ce projet le Comité des Ministres sera invité à adopter le projet final de la Convention européenne du paysage et à l'ouvrir à la signature en tant que Convention du Conseil de l'Europe.

A N N E X E I

PROJET DE CONVENTION EUROPEENNE
DU PAYSAGE

(Version non juridique)

NOTE LIMINAIRE:

Le présent texte est une version complète de la proposition de Convention, rédigé en termes non juridiques au nom du Groupe de travail et sous le contrôle de son Rapporteur, Mme Cristiana STORELLI, par le Prof. Michael DOWER et le Prof. Yves LUGINBUHL en coopération avec le Prof. Michel PRIEUR, le Prof. Florencio ZOIDO NARANJO et le Secrétariat du Conseil de l'Europe, représenté par M. Riccardo PRIORE; le présent texte tient compte des observations faites lors de l'audition qui a eu lieu à Strasbourg les 8 et 9 novembre 1995; il a été adopté par le Groupe de travail lors de la réunion des 29 février et 1er mars 1996 à Séville.

I. PREAMBULE

Les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires de la présente Convention,

1. Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun;

2. Rappelant la nécessité de parvenir à un équilibre harmonieux des relations entre la société et son environnement en vue de promouvoir un développement économique durable;

3. Constatant que le paysage, en tant qu'élément complexe de l'environnement assume d'importantes fonctions d'intérêt général, tout particulièrement sur les plans culturel, social, écologique et économique et qu'il contribue à l'équilibre entre la société et son environnement;

4. Notant que les techniques de production agricole, sylvicole et industrielle et les pratiques en matière d'urbanisme, de transport, de tourisme et de loisirs ainsi que les transformations qui en dérivent, ont pour effet de modifier le paysage et de menacer son délicat équilibre;

5. Considérant qu'aucun instrument juridique international ne concerne directement, spécifiquement et globalement le paysage européen, la préservation de sa qualité, malgré son immense valeur culturelle et naturelle ainsi que les nombreux facteurs qui le menacent;

6. Convaincus que les conventions constituent des moyens d'action efficaces parce qu'elles:

- favorisent une prise de conscience publique et politique des problèmes dont elles traitent;
- établissent des lignes directrices générales applicables à différentes échelles;
- indiquent aux Etats comment gérer les ressources d'importance internationale et les encouragent à coopérer.

7. Considérant que les actions accomplies en faveur du paysage ne doivent pas dépendre uniquement des mesures prises au niveau national, mais qu'elles doivent associer, dans le cadre de la décentralisation, l'ensemble des acteurs concernés à l'échelon local et régional, qu'il s'agisse d'organismes publics ou de personnes privées;

8. Convaincus que l'établissement à l'échelle européenne des lignes directrices concernant la protection active, la gestion dynamique et l'aménagement du paysage facilitera la mise en oeuvre de mesures concrètes visant la prise en compte des valeurs propres au paysage dans le développement économique, social et culturel des populations européennes;

9. Ayant à l'esprit les textes juridiques suivants qui existent au niveau international dans le domaine de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel:

a. La Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Paris, 23 novembre 1972 (Unesco);

b. La Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, Berne, 19 septembre 1979, (Conseil de l'Europe);

c. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, Grenade, 3 octobre 1985, (Conseil de l'Europe);

d. La Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), La Vallette 16 janvier 1992, (Conseil de l'Europe);

e. La Convention Bénélux en matière de conservation de la nature et de protection des paysages, Bruxelles, 8 juin 1982;

f. La Recommandation R ENV (90) 1 sur la stratégie européenne de conservation, (Conseil de l'Europe);

g. La Recommandation R (95) 9 relative à la conservation et à la gestion des sites culturels dans le cadre des politiques du paysage (Conseil de l'Europe);

h. La Recommandation R (94) 6 pour un développement et une utilisation durables du monde rural, accordant une attention particulière à la sauvegarde de la vie sauvage et des paysages (Conseil de l'Europe);

i. La Recommandation R (94) 7 relative à une politique générale de développement d'un tourisme durable et respectueux de l'environnement (Conseil de l'Europe);

j. La Recommandation R (95) 10 relative à une politique de développement d'un tourisme durable dans les zones protégées (Conseil de l'Europe);

k. La Recommandation R (79) 9 concernant la fiche d'identification et d'évaluation des paysages naturels en vue de leur protection, (Conseil de l'Europe);

l. La Recommandation R (92) 8 sur la protection des sols (Conseil de l'Europe);

m. La Directive 337/85 concernant l'évaluation de certains projets publics et privés sur l'environnement (Union Européenne);

n. La Directive 92/43 concernant la conservation des habitats naturels et semi-naturels (Union Européenne);

o. La Charte européenne de l'aménagement du territoire, Conférence européenne des Ministres responsables de l'aménagement du territoire, Torremolinos, 20 mai 1983;

p. La Charte du Paysage Méditerranéen dans la Résolution 256 (1994) de la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, (Conseil de l'Europe).

Sont convenus de ce qui suit.
II. PRINCIPES GENERAUX

A. Champ d'application

10. La présente Convention s'applique à tout le territoire européen, qu'il s'agisse des espaces ruraux cultivés ou naturels, des espaces urbains et périurbains. Elle n'est pas limitée aux seuls éléments culturels ou artificiels, ou aux seuls éléments naturels du paysage: elle vise l'ensemble de ces éléments et les relations qui existent entre eux. Cette couverture géographique globale s'explique par le fait que paysages ruraux et urbains sont entremêlés de façon complexe, que la plupart des européens vivent dans de grandes ou de petites villes dans lesquelles la qualité des paysages exerce une forte influence sur la vie des habitants, et que les paysages ruraux et urbains revêtent une importance considérable dans la conscience européenne. Cette couverture géographique est également motivée par les profondes transformations que subissent les paysages européens, et en particulier les paysages périurbains.

11. La Convention ne concerne pas seulement le domaine de la protection des paysages remarquables ou exceptionnels, mais l'aménagement de tous les paysages, car ceux-ci contribuent à la qualité de vie des populations européennes. Elle exige une attitude prospective de la part de tous ceux dont les décisions ont une incidence sur la protection active, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages. Elle a donc des conséquences dans de très nombreux domaines relevant de la politique publique ou d'actions publiques ou privées, depuis le niveau local jusqu'au niveau européen.

B. Objet

12. Le paysage présente un caractère polysémique qui lui donne à la fois le sens d'un objet matériel et celui d'une relation sensible entre l'individu et ce qui l'entoure.

13. Les définitions du paysage sont donc éminemment variables, objectives ou subjectives. Elles peuvent ne concerner que l'ensemble des formes et couleurs visibles d'un seul point de vue. Elles peuvent renvoyer au résultat des activités humaines sur le substrat géologique et écologique. Elles peuvent aussi faire intervenir la sensibilité des individus qui, selon leur conception de la nature et de l'espace et selon leur culture personnelle, attribueront au paysage des valeurs différentes d'ordre esthétique, affectif, historique, symbolique, écologique, économique ou autre.

14. La présente Convention porte sur ce qui est visible dans le territoire c'est-à-dire sur les éléments naturels et antropiques de sa composition et sur leur organisation dans l'espace, sur leurs dynamiques et leurs interrelations, tels qu'ils sont perçus par l'individu et les sociétés à travers les différentes cultures locales, régionales et nationales. Elle met l'accent sur l'idée d'un tout indissociable, et ne considère pas ces divers éléments séparément.

15. La notion de paysage est liée à d'autres notions, avec lesquelles elle est souvent confondue et dont elle doit être distinguée, comme, l'environnement, l'écologie, le territoire, l'occupation du sol, et le site.

C. Valeurs des paysages.

16. Les populations et les responsables politiques ont pris conscience de l'importance des paysages dans les dernières années. Cet intérêt s'inscrit dans le cadre de sensibilités croissantes des sociétés européennes aux problèmes de l'environnement; il procède du sentiment que la qualité et la diversité de nombreux paysages se sont réduites sous l'effet de facteurs aussi nombreux que variés et que ce phénomène porte atteinte à la qualité de vie des personnes.

Le paysage permet la prise en compte des valeurs suivantes:

17. Qualité de vie. Les qualités esthétiques (naturelle ou artificielle), écologiques et symboliques de l'environnement ainsi que ses capacités à répondre aux nouveaux besoins des sociétés constituent un élément fondamental de la qualité de vie. Les paysages dont ces qualités sont reconnues sont synonymes d'une vie plus agréable, tandis que les paysages considérés comme médiocres sont associés à de mauvaises conditions de vie. Il existe une relation directe entre la qualité et la dynamique des paysages et le bien-être physique et mental des personnes.

18. Diversité. Les paysages reflètent la diversité des différents lieux: configuration du terrain, composantes naturelles et activités humaines présentes et passées, ainsi que leurs relations. Cette diversité est un élément fondamental du caractère distinctif d'un lieu. Les habitants valorisent cette diversité car ils considèrent qu'elle contribue à leur sentiment d'appartenance. Elle est à l'origine d'une multitude de sensibilités diverses et de manières de percevoir la réalité et constitue un des principaux atouts de l'Europe.

19. Culture. Les paysages témoignent des usages et des savoir-faire de la nature ou de la composition urbaine que les sociétés ont mis en oeuvre, traduisent une part de l'histoire locale et inspirent l'imagination des peuples souvent depuis des millénaires. Ils participent aux sentiments d'enracinement, d'appartenance et de continuité et à la mémoire collective. Ils ont inspiré les conteurs, les écrivains, les peintres et d'autres artistes et ont imprégné la culture et l'âme des peuples. Ils occupent une place prépondérante dans les traditions et les coutumes, et revêtent souvent une valeur hautement symbolique, même pour ceux qui ne les ont jamais vus.

20. Valeur scientifique. Les paysages révèlent aux disciplines scientifiques concernées le fonctionnement écologique de la nature. Ils constituent un moyen d'étudier les relations des sociétés à la nature et de comprendre les usages qu'elles ont fait des ressources naturelles; non seulement leurs révélations servent à la recherche et à l'éducation, mais elles trouvent aussi une application pratique dans la gestion contemporaine des ressources naturelles et de l'espace.

21. Valeur économique. La qualité du paysage peut contribuer à créer des activités économiques ou favoriser leur apparition, notamment dans le domaine des loisirs et du tourisme, ou lorsque des mesures sont prises pour attirer des activités dans une région donnée. Les populations s'intéressent de plus en plus aux activités de plein-air liées au paysage notamment dans les zones rurales, dans les montagnes ou sur les littoraux. L'activité touristique a récemment connu un déclin dans les régions où les paysages ont été dégradés par un développement intensif des grandes stations, aussi bien à la mer qu'à la montagne; la demande sociale s'exerce davantage sur les paysages de nature sauvage ou de campagne. Les responsables de l'industrie ou du secteur tertiaire soucieux de l'image de leur entreprise et du confort de leurs employés recherchent de préférence un cadre de qualité. La valeur ajoutée qu'un label de qualité ou une appellation confère à un produit dépend, pour une large part, de l'association que les consommateurs font entre le produit et la qualité de ses paysages. Le rôle productif des espaces ruraux conforte également la valeur des paysages. A l'échelle locale, le paysage possède effectivement une valeur économique qui intervient dans le développement local, dans la valorisation des ressources locales comme facteur de compétitivité

22. Valeur écologique. La diversité des écosystèmes de l'Europe, considérable, résulte de la variété des conditions climatiques et géographiques: substrats géologiques, exposition, altitude, rareté ou abondance de l'eau, climat océanique, continental ou méditerranéen. Ces facteurs définissent l'environnement sur lequel les sociétés ont imprimé leurs marques. Chaque grande catégorie d'utilisation du sol - villes, ports, bocages, champs ouverts, marais, terrasses, forêts, alpages, landes et garrigues, etc. - participe à la diversité des configurations naturelles et témoigne des capacités des sociétés à créer des savoirs de la nature et des savoir-faire de sa gestion. La terre n'est pas un simple support de l'activité humaine. Entre le milieu naturel, vivant et fragile, et les sociétés se sont instituées de multiples relations complexes qui sont souvent révélées dans les paysages.

23. Ces valeurs n'ont pas été reconnues d'une manière identique au cours de l'histoire. Ce n'est que ces dernières années que les sociétés leur accordent une importance croissante, à tel point que les paysages européens sont désormais considérés par les populations comme un capital culturel, écologique et économique indéniable.

24. Ces valeurs ne sont pas reconnues de la même manière dans toutes les régions et dans tous les pays. Pourtant elles sont présentes dans chacun d'entre eux. Les paysages considérés comme les plus remarquables par leur valeur écologique, ou les plus chargés d'histoire ne sont pas les seuls à présenter de telles valeurs. Les paysages considérés comme ordinaires ont une valeur aussi bien individuelle que collective pour les populations locales et pour des groupes de plus en plus importants de la société.

25. Si les valeurs d'un paysage profitent plus particulièrement et généralement aux populations locales, elles peuvent aussi profiter aux visiteurs, lorsque ceux-ci peuvent accéder à ce paysage. De nombreux groupes de personnes peuvent ainsi acquérir des intérêts sur des paysages, notamment à travers des droits de propriété ou d'autres intérêts reconnus par la loi sur les terrains. Mais ces intérêts dépassent largement ce cadre et traduisent l'importance que l'ensemble des populations accorde aux valeurs offertes par les paysages. Ils doivent être pris en compte dans les processus démocratiques décrits plus loin, qui doivent permettre d'identifier, protéger et gérer les paysages.

D. Processus préjudiciables aux paysages.

26. Les paysages européens ont été créés, dans toute leur qualité et leur diversité, par les activités humaines effectuées au cours des millénaires et par leurs interactions avec la nature. Les transformations qu'ils ont toujours subies sont dues aux changements constants que les sociétés ont imprimés aux usages du sol. Si les transformations constituent une caractéristique fondamentale des paysages, y compris les plus naturels, dans certaines conditions, elles peuvent altérer la diversité des paysages et conduire à des dysfonctionnements défavorables à la reproduction des ressources naturelles.

27. Depuis la Seconde Guerre Mondiale surtout, de nombreux paysages ont été profondément modifiés en raison de processus ou de politiques dont l'incidence sur les paysages n'avait pas été suffisamment prise en compte; certains de ces processus se sont accélérés selon les régions:

a. l'extension très importante de l'urbanisation, souvent mal contrôlée et peu organisée dans les zones de forte pression démographique, comme les littoraux ou les grandes vallées alluviales et les périphéries des grandes villes; lorsqu'elle est moins intense, cette urbanisation n'en est pas moins défavorable à la qualité des paysages car son impact visuel est plus important que la propre superficie des constructions. L'urbanisation excessive est en outre défavorable à l'accessibilité collective au paysage dans la mesure où la plupart des constructions s'installent dans des lieux privilégiant la vue sur les sites les plus ouverts. D'une manière générale, les paysages urbains et périurbains ont été également touchés profondément par des reconstructions, par l'expansion urbaine et l'évolution des grandes infrastructures de transport.

b. le développement des aires d'activité artisanale ou commerciale à proximité des villes, souvent réalisées sans considération pour l'architecture ou le paysage.

c. le développement parfois excessif des infrastructures de transport et de production d'énergie qui s'est souvent fait sans prendre en compte les caractères spécifiques des paysages.

d. l'essor massif des activités de loisirs qui touchent précisément les paysages de forte valeur sociale.

e. la simplification des paysages agraires dans les zones ayant le potentiel de production le plus élevé, due à une intensification conduite presque uniquement dans un but de productivité. A l'inverse, les régions rurales de forts handicaps naturels sont abandonnées et leurs paysages, souffrant d'un déficit d'entretien, se détériorent.

f. l'extension de forêts ou de friches mal gérées dans les régions abandonnées par l'agriculture ou la destruction de ces forêts par les incendies, tout particulièrement dans la région méditerranéenne ainsi que l'extension de forêts de monosylviculture industrielle composées d'essences défavorables à la diversité des paysages et nocives aux écosystèmes régionaux.

g. l'exploitation de ressources minières et du sol faite avec des moyens techniques permettant d'extraire des quantités considérables de matériaux sans préoccupation paysagère ni environnementale; ou l'abandon de zones minières sans reconstitution des sols et des écosystèmes.

h. l'apparition ou le développement de phénomènes écologiques mettant en péril des paysages, comme l'érosion des sols, la pollution de l'eau et de l'air, les risques majeurs, etc.

28. Les conséquences néfastes de ces changements sur le climat et la diversité des paysages se sont fait particulièrement ressentir dans les région rurales de l'Union européenne en raison des politiques agricoles, mais aussi dans les régions de la Méditerranée et des Alpes à cause du développement du tourisme et de migrations internes à l'Europe, sur les littoraux où l'occupation humaine s'est densifiée, en Europe centrale et orientale en raison des changements successifs des statuts des terres des exploitations agricoles (collectivisation et libéralisation.).

29. Ces processus de changement ont été accomplis parce que l'on croyait qu'ils allaient améliorer le bien-être économique et social des populations européennes. Ils ne procédaient pas d'un désir d'endommager délibérément les paysages. En outre, ils étaient souvent approuvés par les populations. Aujourd'hui, toutefois, celles-ci prennent progressivement conscience de ce qu'elles perdent en termes de qualité de vie et de santé; elles exigent que ces processus soient reconsidérés et que l'on accorde plus d'attention à l'aspect qualitatif de l'aménagement du territoire et aux paysages et en tenant compte d'un nouveau contexte social, culturel et économique.

30. D'autres processus de changement ne peuvent pas être facilement identifiés. Il existe toutefois des processus économiques qui agissent à l'échelle internationale et sur lesquels les pouvoirs publics nationaux ont aujourd'hui peu de prise. Les échanges économiques internationaux et la mondialisation de l'économie pèsent sur les transformations des paysages, en déplaçant les aires de production et d'exploitation de certaines denrées ou de certaines ressources naturelles.

E. Paysage et développement durable.

31. La présente Convention cherche à améliorer la place du paysage dans l'action des pouvoirs publics; elle reconnaît la légitimité et la nécessité d'un développement économique et social constant. Paysage et développement ne doivent pas être opposés mais contribuer conjointement au bien-être des sociétés. Les paysages ont toujours évolué sous l'influence des phénomènes naturels ou de la transformation des besoins de l'homme. La terre, qui constitue l'assise du paysage, sert aussi de support à toutes les activités humaines et renferme des ressources dont l'homme peut avoir besoin pour vivre et améliorer ses conditions de vie.

32. La présente Convention vise à une contribution mutuelle entre recherche de la qualité des paysages et développement et s'inscrit ainsi dans les principes de durabilité énoncés au Sommet de la Terre en 1992 à Rio-de-Janeiro. Cette durabilité passe par un développement qui réponde aux besoins actuels des sociétés sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Le développement doit être durable, aujourd'hui et dans l'avenir: il doit garantir la reproduction des ressources naturelles en vue de leur utilisation, éventuelle mais durable et équitable, par les générations futures.

33. La mise en oeuvre du développement durable en vue de la recherche de la qualité des paysages nécessite la mobilisation de tous les acteurs concernés vers l'application de principes d'action choisis selon les spécificités locales et les pressions exercées sur les paysages.

F. Principes d'action.

34. Les principes d'action ne doivent pas se résumer à des mesures de protection des paysages qui s'opposent parfois au développement économique et social. L'action sur le paysage doit être envisagée de manière dynamique et prospective selon trois orientations principales: protection active, gestion dynamique et aménagement. Ces principes impliquent que tous ceux dont les décisions ont une influence sur les paysages doivent avoir une vision prospective des paysages et déterminer quels sont les caractères des paysages qui seront transmis aux générations futures.

35. La protection active ne peut pas être exclue de l'action publique, mais elle doit être réservée notamment à des paysages dont le caractère estimé exceptionnel, en raison de la configuration naturelle ou en raison des valeurs que lui attribuent les sociétés, est menacé par des pressions nouvelles qui en outre risquent d'en interdire l'accès aux populations. Ce type d'action doit s'accompagner de mesures d'entretien et d'accessibilité garantissant cette protection.

36. La gestion dynamique des paysages consiste davantage en des actions ou des mesures visant à accompagner les transformations induites par les nécessités économiques et sociales, toujours dans une perspective de développement durable. Ces actions et mesures pourront concerner l'organisation de ces paysages ou les éléments de leur composition ou s'exercer sur les facteurs de transformation afin de maîtriser les processus d'évolution; elles devront toujours tendre à améliorer la qualité des paysages en fonction des aspirations des populations résidentes ou extérieures.

37. L'aménagement des paysages doit être envisagée comme l'élaboration de véritables projets d'aménagement paysager du territoire tenant compte des paysages existants mais présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé. C'est notamment dans les régions les plus touchées par le changement économique et social récent et fortement détériorées ou socialement défavorisées (banlieues, périurbain, littoraux) que ces projets d'aménagement territorial et paysager s'imposent, visant à restructurer profondément des paysages dégradés. Ces projets doivent en outre s'accompagner de mesures destinées à améliorer la situation des populations concernées.

G. Acteurs concernés.

38. Protection active, gestion dynamique et aménagement des paysages concernent l'ensemble des populations. Celles-ci doivent pouvoir s'exprimer selon des procédures de consultations démocratiques afin que les pouvoirs publics puissent décider et agir en fonction des aspirations des populations.

39. La responsabilité des principes d'action incombe au premier chef aux pouvoirs publics, aux niveaux local, régional et national; une telle répartition traduit ainsi le fait que la qualité des paysages dépend pour l'essentiel des mesures prises à ces niveaux, mais qui ne sont pas nécessairement de même nature et ne mobilisent pas les mêmes moyens. Les organismes publics concernés ont le pouvoir et les ressources humaines et financières nécessaires pour prendre des initiatives dans les domaines de la protection active, la gestion dynamique ou l'aménagement des paysages. Ils peuvent en outre exercer une forte influence - par des règlements, des mesures fiscales et financières, l'éducation du public et d'autres moyens - sur les mesures prises par d'autres organismes.

40. Cependant, la responsabilité n'incombe pas uniquement aux organismes publics. Les avantages des paysages profitent à chacun: la charge de les protéger et de les renforcer doit donc être partagée par tous. Chaque individu peut prendre, à son propre niveau, des mesures en faveur des paysages, par exemple lorsqu'il construit sur un terrain, ou lorsqu'il travaille dans une exploitation agricole ou forestière. Ces transformations sont le fait d'individus particuliers, mais les paysages qui en résultent sont perçus ou fréquentés par l'ensemble de la société: comme il est du devoir de chaque individu de veiller à l'entretien de son espace privatif et des autres, en particulier des espaces publics en tant qu'usager, il doit donc être vigilant et créatif dans l'exercice de ses propres activités. Les entreprises et autres organismes privés, les organisations non gouvernementales et les associations peuvent également prendre des initiatives en faveur de la protection, de la gestion dynamique et de l'aménagement des paysages.

41. Outre leur importance locale, les paysages d'Europe possèdent des valeurs pour l'ensemble de la population européenne, qui, de plus en plus mobile, est amenée à les apprécier. Ils sont estimés au-delà de l'espace qui les porte et des frontières nationales. Il est donc nécessaire de se préoccuper également des aspirations des populations extérieures. Par ailleurs, certains paysages présentent des caractères identiques de part et d'autre des frontières; ils nécessitent donc que la mise oeuvre des principes d'action se fasse selon des mesures transfrontalières. Enfin les paysages subissent les effets, positifs ou négatifs, de processus dont les causes proviennent d'espaces parfois extérieurs ou qui les englobent et qui ignorent les frontières. C'est pourquoi il est légitime de leur porter un intérêt à l'échelle européenne.

III. OBJECTIFS.

42. La présente Convention a pour objectif général d'engager les pouvoirs publics à prendre des mesures aux niveaux local, régional et national pour protéger activement, gérer de manière dynamique et aménager les paysages dans toute l'Europe afin d'en améliorer la qualité et à faire reconnaître par les peuples, les institutions et les pouvoirs locaux et régionaux les valeurs et intérêts des paysages.

43. Afin d'atteindre cet objectif général, les Parties contractantes s'engagent à prendre les mesures suivantes:

a. engagement de programmes destinés à sensibiliser et former le public, à l'associer aux décisions et à renforcer les compétences techniques des organismes responsables et en particulier promotion de la formation des élus et des personnels techniques des administrations locales, régionales et nationales aux questions concernant le paysage;

b. renforcement des moyens consacrés à la connaissance des paysages, à leur identification et à leur évaluation;

c. définition précise des objectifs de protection active, de gestion dynamique et d'aménagement des paysages, conçue de telle manière qu'ils obtiennent le soutien du public;

d. établissement de principes stratégiques susceptibles de réconcilier les objectifs relatifs au paysage d'après les aspirations des populations et de favoriser des changements pertinents permettant un développement durable;

e. élaboration de stratégies d'intervention appropriées et leur explication au public, favorisant en particulier:

- le développement de la recherche et la formation de spécialistes en la matière en vue de l'élaboration de méthodes spécifiques, selon les principes du développement durable;

- la mise en oeuvre d'instruments appropriés destinés à favoriser la protection active, la gestion dynamique ou l'aménagement des paysages et une plus grande attention accordée au paysage dans les programmes d'urbanisme et d'aménagement du territoire;

- la mise en place de mesures d'incitation financière et fiscale ainsi que d'interventions foncières de la part des pouvoirs publics;

- l'attribution de statuts particuliers à des paysages auxquels on accorde une valeur particulière et qui nécessitent des mesures spéciales de protection désignées par une terminologie appropriée.

f. encouragement de la coopération internationale dans les domaines de la protection active, de la gestion dynamique et de l'aménagement des paysages ainsi que la mise en place d'un dispositif de niveau européen permettant d'une part la mise en oeuvre de la Convention, et d'autre part d'identifier, évaluer et protéger les paysages, notamment ceux qui comportent des caractères tels qu'ils représentent un intérêt à l'échelle européenne;

44. La protection, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages sont subordonnés à l'application, dans chaque territoire concerné, selon une combinaison et dans une mesure variables en fonction des caractères des paysages, de ces mesures et stratégies d'action.

IV. PARTICIPATION, SENSIBILISATION ET FORMATION

45. Chaque citoyen est concerné par la qualité du paysage, puisque celle-ci a une incidence sur sa qualité de vie. La qualité d'un paysage peut subir les effets, positifs ou négatifs, des actions ou de l'absence d'actions de certaines personnes, notamment celles qui possèdent ou gèrent des terrains ou des bâtiments. En outre, les mesures que prennent les pouvoirs publics pour protéger ou améliorer les paysages peuvent fixer des limites aux transformations que ces personnes peuvent engager dans leur propriété.

46. Pour ces raisons et dans un objectif de démocratie, il est nécessaire d'insister sur la participation des populations aux processus d'identification, d'évaluation, de protection, de gestion dynamique et d'aménagement des paysages. Il convient de favoriser cette participation en informant le public, en associant tous les organismes représentatifs aux consultations, en ayant recours aux médias et en menant des activités éducatives à tous les niveaux. Les pouvoirs publics doivent notamment veiller à ménager des accès publics aux paysages, tout en respectant le principe du développement durable.

47. Il est également nécessaire de relever le niveau des compétences techniques, en matière de connaissance et de gestion des paysages, d'un grand nombre d'organismes publics et d'organisations représentatives. Dans ce but, les gouvernements et les organismes professionnels concernés par l'aménagement du territoire et par la gestion de l'environnement, du patrimoine, par la gestion agricole, touristique et industrielle des terres, par la construction et les équipements devraient instaurer des programmes de formation continue destinés à toutes les professions concernées, et s'assurer que celles-ci reçoivent des enseignements appropriés à leurs missions.

48. Les problèmes posés par les transformations des paysages doivent être abordés également dans les disciplines concernées et avec un matériel pédagogique adapté dans les établissements d'enseignement de tous niveaux, afin que les élèves, futurs citoyens, aient conscience des problèmes de leur futur cadre de vie.

49. L'ensemble des opérations de définition des objectifs d'action, d'identification et d'évaluation des paysages, de mise en oeuvre des stratégies d'action devront être effectuées par les pouvoirs locaux compétents, qui feront appel à:

a. des élus et des représentants des pouvoirs locaux et régionaux;

b. des experts indépendants désignés en fonction des aspects à prendre en compte;

c. des représentants des catégories socioprofessionnelles concernées;

d. des représentants des résidents et d'associations qualifiées en la matière.

Les informations qui ressortiront de ces consultations devront être rendues publiques et soumises à l'avis des populations.

V. ETUDE, IDENTIFICATION ET EVALUATION DES PAYSAGES

50. Les objectifs de cette Convention ne pourront être atteints que si l'on dispose de connaissances suffisamment approfondies sur les caractéristiques spécifiques des paysages, sur leurs transformations et sur les valeurs que les populations leur attribuent. Les Parties contractantes de cette Convention doivent donc engager à tous les niveaux des travaux de recherche et d'étude préalablement à toute action. Ces travaux devront être effectués de manière approfondie afin que les paysages puissent être protégés activement, gérés de manière dynamique et aménagés selon les principes du développement durable.

51. Les travaux de recherche doivent tirer des enseignements des échanges internationaux des expériences et des idées. Il n'existe aucune méthode universellement reconnue d'étude, d'identification et d'évaluation des paysages; toutefois, une somme considérable de connaissances a déjà été accumulée et devrait être exploitée et diffusée. La coopération internationale inciterait les pays à prendre des mesures, garantirait un échange des connaissances et des expériences sur les paysages et leurs valeurs ainsi que sur les problèmes et les politiques du moment, et permettrait de déterminer quels sont les paysages ou les problèmes qui doivent faire l'objet d'une attention internationale.

A. Identification des paysages.

52. La première mesure à prendre en vue de l'engagement d'une politique consacrée aux paysages et destinée à leur protection, leur gestion dynamique ou leur aménagement, consiste à identifier les paysages et à analyser leur particularités et leurs processus d'évolution, en tenant compte des perspectives d'avenir. Ces analyses doivent permettre de déterminer les caractères spécifiques de chaque paysage, ses éléments naturels et artificiels, l'histoire de sa formation, les divers statuts juridiques des terres concernées et les pressions qu'elles subissent. En outre, elles doivent permettre d'identifier les acteurs de ces pressions ainsi que les valeurs qu'ils attribuent aux paysages.

53. Dans les procédures d'identification des paysages des terminologies diverses peuvent être utilisées dont:

a. grands types de paysages européens: il s'agit de paysages reconnus au titre de leurs caractères généraux de relief, de climat, de végétation et de leur formation par des grands processus anthropiques, tels que bocages, openfields, terrasses, forêts de feuillus, de résineux ou mixtes, villes, périurbain, marais, etc;

b. unité de paysage: entité spatiale concrète à l'échelle locale ou régionale où le paysage présente des caractères homogènes;

c. zone paysagère d'intérêt particulier: espaces auxquels, pour des raisons paysagères, les pouvoirs publics ont attribué un statut particulier destiné à protéger les paysages.

B. Evaluation des paysages.

54. L'évaluation des paysages est indispensable pour que les mesures de protection active, de gestion dynamique ou d'aménagement soient appropriées à leurs caractères et à leurs valeurs. Or ces valeurs varient selon les individus et leurs intérêts. Il est donc difficile de faire porter l'évaluation sur des critères subjectifs qui ne seraient admis que par une partie restreinte des populations concernées. L'évaluation doit donc être effectuée d'abord selon des critères objectifs puis confrontée à la diversité des valeurs que les populations attribuent au paysage. Celles-ci doivent faire l'objet d'études appropriées.

55. L'évaluation est fondée sur la détermination de caractères spécifiques d'un paysage. Si ce paysage présente notamment des caractères de rareté, ceux-ci justifient l'attribution d'une terminologie particulière entraînant une protection forte.

56. La confrontation des caractères spécifiques de chaque paysage avec la diversité des valeurs qui lui sont attribuées par les populations concernées pourra faire l'objet d'une consultation publique dans laquelle chacun aura le droit d'intervenir et/ou d'une négociation avec les divers acteurs concernés représentant les différents groupes de cette population (organisations professionnelles, associations, organismes divers, etc.).

VI. DEFINITION DES OBJECTIFS DE PROTECTION ACTIVE, DE GESTION DYNAMIQUE ET D'AMENAGEMENT DES PAYSAGES

57. L'un des actes fondamentaux de toute mesure visant à protéger, gérer et aménager les paysages d'une région consiste à donner au public une définition claire des objectifs que l'on se propose d'atteindre. Ces objectifs doivent être établis et publiés par les pouvoirs locaux ou les autorités qui sont spécialement chargées du paysage, en consultation avec les personnes indiquées au § 49. Ils peuvent s'inscrire dans le cadre plus général d'une politique menée par les pouvoirs régionaux ou le gouvernement.

58. La définition des objectifs doit indiquer clairement:

a. les particularités et les qualités du paysage considéré;

b. l'orientation politique générale du projet de protection active, de gestion dynamique ou d'aménagement des paysages;

c. les éléments du paysage que l'on souhaite:

+ protéger de manière active,
+ gérer de manière dynamique,
+ aménager et élaborer de véritables projets paysagers.

d. les instruments auxquels on envisage de recourir pour atteindre lesdits objectifs.

59. Une relation claire doit apparaître entre les objectifs, les résultats des analyses d'identification et d'évaluation et les mesures qui sont jugées nécessaires pour atteindre ces objectifs. Mais il est également nécessaire que ces objectifs soient justifiés au regard de politiques sectorielles ou d'autres programmes de l'action publique qui ne concernent pas directement le paysage mais qui peuvent avoir, à moyen ou long terme, des conséquences sur le paysage.

60. Les Parties contractantes de la Convention s'engagent à établir et publier les objectifs pour chaque territoire concerné par une opération de protection active, de gestion dynamique et d'aménagement des paysages.

VII. PRINCIPES STRATEGIQUES

61. La protection active, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages ne dépendent pas uniquement d'une planification de l'utilisation des terres. Les paysages sont le fruit des efforts et des soins des hommes, qui doivent poursuivre leur tâche pour les conserver ou les améliorer. Une grande part des paysages traditionnels ont en effet été construits par des sociétés qui avaient élaboré, plus ou moins empiriquement, des modes d'exploitation et de gestion des ressources naturelles capables d'en assurer la reproduction et en même temps de subvenir à leurs besoins alimentaires, vestimentaires, résidentiels, etc.

62. Dans un certain nombre de territoires les modes de vie et d'exploitation qui sont à l'origine des paysages traditionnels peuvent se perpétuer tout en s'adaptant en vue d'intégrer les nouvelles méthodes de travail. A cet égard, des exemples positifs sont fournis par certains paysages viticoles ou par des terrains d'élevage où les pratiques traditionnelles sont soutenues par des subventions des pouvoirs publics. Toutefois il est vrai que dans d'autres cas les transformations des modes d'exploitation et de gestion des ressources naturelles et l'introduction de nouvelles techniques remettent en cause l'existence de certains paysages. S'il est impossible de conserver intacts les systèmes traditionnels d'exploitation et de gestion des ressources naturelles afin de préserver les paysages, il est nécessaire de s'orienter vers la mise en place de nouveaux systèmes adaptés aux savoirs et aux techniques contemporains. Néanmoins, l'analyse historique des systèmes traditionnels constitue des sources d'inspiration et d'expériences indéniables, dans lesquels la recherche scientifique et opérationnelle peuvent trouver des principes de gestion conformes à ceux du développement durable en les adaptant aux conditions sociales et économiques actuelles.

63. Par ailleurs, les sociétés européennes ont considérablement changé, dans leur composition et leur répartition sur les territoires européens. Les modes de vie ont changé, les populations sont de plus en plus mobiles, les besoins ne sont plus les mêmes, les rapports sociaux sont différents. Non seulement la protection active, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages doivent utiliser des techniques nouvelles garantissant la reproduction, dans l'avenir, des ressources naturelles, mais elles doivent également s'inspirer des aspirations nouvelles de partage équitable de ces ressources et de l'exercice permanent de la démocratie.

64. La protection active, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages seront mieux assurés si la responsabilité des opérations en est confiée aux pouvoirs les plus proches des populations qui contribuent à les construire et qui les vivent quotidiennement et des réalités matérielles des territoires concernés: les pouvoirs locaux et régionaux, à l'intérieur d'un cadre législatif tracé au niveau national, sont plus à même d'assurer la responsabilité de cette protection active, de cette gestion dynamique et de ces aménagements.

65. Ces responsabilités doivent être étroitement liées à celles qu'assurent les pouvoirs locaux et régionaux en matière de développement local. Tout programme de développement local doit ainsi insérer la dimension paysagère, afin qu'il apparaisse comme un programme global de développement économique et social et de protection active, de gestion dynamique ou d'aménagement des paysages et ne pas séparer le développement des problèmes posés par l'évolution des paysages.

66. Si la responsabilité des opérations de protection active, de gestion ou d'aménagement des paysages doit être assurée en priorité par les pouvoirs locaux et régionaux, les autres groupes d'acteurs n'y jouent pas moins un rôle essentiel: toute opération engagée doit prévoir un processus de consultation et de participation des populations et notamment des associations locales de protection de la nature, mais aussi des organisations de défense des consommateurs, des organisations professionnelles, etc.

67. La protection active, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages ne signifient pas que seul, leur aspect doit être jugé satisfaisant pour la diversité des populations et groupes d'acteurs concernés. Les techniques de protection active, de gestion dynamique et d'aménagement doivent en effet faire en sorte que le fonctionnement écologique du paysage garantisse le maintien des ressources naturelles, pour les générations actuelles et pour les générations futures. Un paysage peut être apprécié pour son esthétique et ne pas présenter les conditions qui permettent la reproduction des ressources naturelles. C'est pourquoi les opérations devront toujours faire appel à des spécialistes des diverses disciplines concernées qui travailleront dans l'interdisciplinarité avec les techniciens du domaine opérationnel.

VIII. STRATEGIES D'INTERVENTION

A. Instruments d'urbanisme et d'aménagement du territoire.

68. L'urbanisme et l'aménagement du territoire constituent un domaine d'action sur l'espace qui permet notamment d'engager et d'organiser des opérations d'équipement, de développement et de redistribuer l'usage des ressources naturelles. En ce sens, ils sont des instruments efficaces qui permettent d'éviter tout changement d'utilisation des sols et toute forme de développement des équipements ou de la construction qui seraient préjudiciables à la qualité du paysage dans une région particulière. Inversement, ils peuvent favoriser ces changements et développements en visant la protection, la gestion dynamique ou l'aménagement des paysages, à condition que ces objectifs soient assortis de politiques ou de mesures actives.

69. Il est donc primordial que la qualité et la diversité des paysages, ainsi que l'identification de territoires destinés à des opérations de protection, de gestion dynamique ou d'aménagement des paysages, et que des objectifs liés au paysage soient inscrits dans les règlements d'urbanisme et d'aménagement du territoire au niveaux national, régional et local. Chacun d'entre eux devra ainsi établir des programmes d'action hiérarchisés selon le niveau d'intervention, depuis une politique générale de planification ou une "loi cadre" nationale ou régionale jusqu'à des plans de développement local, des systèmes de contrôle du développement et des réglementations locales, en conformité avec les principes de développement durable.

70. L'importance du rôle que jouent les pouvoirs locaux et régionaux en matière de paysage implique que chaque pays définisse précisément les tâches et mesures qui sont du ressort de chaque niveau - national, régional, local - et les règles d'harmonisation de ces mesures entre les divers niveaux, en particulier pour ce qui concerne les instruments d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Ces définitions des mesures appropriées à chaque niveau ainsi que ces règles d'harmonisation relèvent des spécificités des législations des pays, qui sont diverses.

71. Pour que l'urbanisme et l'aménagement du territoire puissent jouer leur rôle de protection active, de gestion dynamique, et d'aménagement des paysages, il sera particulièrement important:

a. que les pouvoirs publics compétents soient déterminés à faire respecter, face au développement, les spécificités de chaque paysage d'une manière qui permette toutefois de répondre aux besoins actuels et futurs des populations, et donc de faire en sorte que les instruments d'urbanisme et d'aménagement du territoire soient conformes aux principes du développement durable;

b. que les pouvoirs publics compétents gèrent de manière imaginative et prospective les zones qui connaissent une évolution rapide ou un développement à petite échelle, en particulier les périphéries des grandes villes et les emplacements choisis pour construire de nouvelles infrastructures de première importance, afin que le paysage résultant corresponde aux aspirations des populations concernées. Les paysages périurbains et de banlieues feront ainsi l'objet de grands projets d'aménagement paysager associant de manière étroite les populations par la consultation et les acteurs par la négociation.

72. Les Parties contractantes s'engagent à intégrer les objectifs et les règles concernant les paysages dans:

a. leurs règles en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire et notamment dans les systèmes de contrôle du développement, dans les procédures relatives au permis de construire, dans les réglementations visant la construction, dans les évaluations de l'impact sur l'environnement, etc;

b. leurs programmes de réalisation des grands ouvrages publics et des infrastructures;

c. leurs politiques sectorielles en matière d'agriculture, de sylviculture, de transport, de développement industriel ou touristique;

d. leurs contributions aux politiques internationales, comme celle de l'Union Européenne, et en particulier au titre de la Politique Agricole Commune.

B. Incitations financières et fiscales.

73. Dans la mesure où les sociétés locales ont subi des recompositions profondes donnant aux agriculteurs une place de plus en plus réduite et où ceux-ci restent encore les gestionnaires les plus directs de la plus grande partie des territoires et des ressources naturelles, les procédures de contractualisation entre des organismes publics compétents et les agriculteurs peuvent être mises en place afin que ceux-ci continuent, moyennant une rétribution appropriée, à gérer ces ressources selon le principe du développement durable, comme c'est le cas des mesures agri-environnementales de l'Union Européenne. Tout organisme public ayant des responsabilités en matière d'aménagement du territoire et en particulier les collectivités territoriales, pourra engager de telles procédures, que ce soit avec les agriculteurs, avec des associations ou des organisations non gouvernementales; ces procédures de contractualisation préciseront, dans un cahier des charges, les devoirs et droits de chaque partie.

74. Certaines régions ou espaces ont subi des transformations très importantes qui ont conduit à des dégradations profondes des paysages notamment dans les zones périurbaines, dans les grandes vallées alluviales, sur les littoraux ou dans les grands bassins miniers. Leur aménagement demandera d'importants efforts financiers de la part des pouvoirs publics, pour encourager les divers organismes et collectivités territoriales concernés à lancer des programmes novateurs et ambitieux et à élaborer des projets d'aménagement paysagers conformes aux principes du développement durable.

75. Des mécanismes financiers ou fiscaux pourront être mis en place de manière à assurer une protection active, une gestion dynamique ou des aménagements paysagers plus efficaces. Ces mécanismes financiers pourront constituer un mode de péréquation entre les régions favorisées et les régions dégradées où un effort de solidarité est légitime.

C. Interventions foncières.

76. Lorsque les pressions qui s'exercent sur les paysages sont telles qu'elles compromettent le maintien de leur qualité ou qu'elles entraînent une appropriation contraire à un accès équitable, les pouvoirs publics pourront mettre en place des mesures d'acquisition de terrains ou de bâtiments de manière à les protéger. Cela peut être le moyen le plus efficace - voire, selon les lieux, le plus rentable - d'assurer la protection, la gestion dynamique et l'aménagement des paysages.

77. Ces acquisitions peuvent être confiées à des organismes publics ou à vocation publique (fondations, organismes caritatifs, etc.). Les pouvoirs locaux peuvent également se porter acquéreurs de terrains ou de bâtiments à titre facultatif ou obligatoire; ils doivent s'engager à agir de la sorte en vue de protéger, gérer ou aménager les paysages.

78. De nombreux terrains appartiennent déjà aux Etats, aux pouvoirs locaux ou régionaux ou à des fondations:

a. les Etats ou les pouvoirs locaux ou régionaux peuvent posséder de nombreux terrains, y compris dans les parcs nationaux, réserves naturelles ou parcs régionaux dans toute l'Europe;

b. des organismes publics, semi-publics ou à but non lucratif peuvent être propriétaires de terrains;

c. d'autres organismes publics ou privés, comme les sociétés de chemins de fer, minières, de production d'électricité ou des banques possèdent d'importantes propriétés;

d. ces propriétaires de terrains doivent s'engager à y mettre en place des techniques de protection active, de gestion dynamique ou d'aménagement du paysage et conformes aux principes du développement durable.

79. Les Parties contractantes de la convention doivent s'engager à:

a. considérer le développement de ce type de propriété comme un moyen de garantir une protection, une gestion dynamique et un aménagement efficaces des paysages, notamment lorsqu'ils sont jugés exceptionnels ou qu'ils sont gravement menacés;

b. encourager la création d'autres organismes publics, faciliter l'acquisition de terrains et de bâtiments et aider ces organismes à administrer leurs acquisitions de manière efficace et en conformité avec les principes du développement durable.

80. Chaque propriétaire de terrain, peut être amené à ouvrir une partie de sa propriété pour faciliter l'accès du public à un paysage. Des dispositions de ce type existent dans certains pays, sous certaines conditions. Ces dispositions devraient faire l'objet d'études en vue de leur généralisation, en particulier dans les régions littorales ou dans des espaces où le paysage porte un statut particulier en raison de ses caractéristiques reconnues.

D. Création de statuts particuliers.

81. Les caractères du paysage, le niveau auquel il est nécessaire d'intervenir et la nature des objectifs permettent aux pouvoirs publics de préciser quelle est la qualité de l'opération engagée et de décider s'il est nécessaire d'attribuer au paysage concerné un statut particulier désigné par une dénomination spéciale. Lorsqu'ils estimeront que la zone considérée comporte des paysages dont la qualité, le caractère de rareté et l'intérêt historique ou naturel le justifient, les pouvoirs publics pourront en effet lui attribuer un statut particulier pour lui garantir une protection forte ou une gestion particulière. Les dénominations de ces paysages de statut particuliers seront reprises dans les réglementations locales, dans la législation régionale ou nationale ou dans les conventions internationales et serviront de références quand il s'agira de déterminer les paysages destinés à ce type d'actions spécifiques.

82. Chaque pays possède souvent déjà sa propre hiérarchie de dénominations particulières pour ces zones paysagères. Néanmoins, certaines sont reconnues au niveau international. Peu nombreuses sont ces dénominations qui entraînent l'interdiction d'utiliser l'espace concerné pour des activités telles que l'agriculture, la sylviculture ou la construction de logements résidentiels. C'est pourquoi ces dénominations particulières ne se substituent pas généralement aux autres mesures d'intervention indiquées antérieurement, mais viennent les compléter. Toutefois, une dénomination pourra fréquemment signifier que la zone considérée bénéficie d'une priorité spéciale ou que les mesures d'intervention doivent lui être appliquées avec une rigueur particulière.

83. Les Parties contractantes de la convention doivent s'engager à établir, pour chaque pays, un système hiérarchisé ou compléter un système déjà existant mais partiel qui devra:

a. préciser, par le libellé et la définition juridique des zones ainsi qualifiées, les caractères reconnus à un paysage, le statut juridique qui lui est attribué ainsi que les obligations que ce statut entraîne, et les mesures envisagées;

b. affirmer que les paysages qui ne font pas l'objet de l'attribution de ces statuts particuliers sont aussi importants, surtout pour les résidents de ces zones, ou méritent d'être gérés ou aménagés;

c. favoriser, entre pays voisins, les programmes transfrontaliers d'identification, d'évaluation et d'action en faveur de ces zones paysagères.

IX. MESURES INTERNATIONALES

84. Les Parties contractantes s'engagent à mettre en place un Comité Européen des Paysages. Ce Comité se composera de représentants des Etats ayant ratifié la Convention et de leurs collectivités territoriales, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe du Conseil de l'Europe et des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales concernées, ainsi que d'experts indépendants. En vue d'accomplir ses missions, le Comité européen des paysages tiendra des réunions régulières.

85. Les missions du Comité Européen des Paysages seront de trois ordres:

a. Mise en oeuvre de la Convention;

b. Préparation d'une "Liste des paysages européens";

c. Attribution d'un label aux collectivités locales et régionales.

A. Mise en oeuvre de la convention.

86. Le Comité Européen des Paysages sera chargé de:

a. contrôler l'application de la Convention;

b. établir des directives favorisant l'identification et l'évaluation des paysages;

c. favoriser l'échange d'informations, de recherches et promouvoir la mise en place de programmes de formation en matière de paysage à tous les niveaux de
l'enseignement;

d. favoriser la mise en oeuvre de programmes destinés à sensibiliser le public à l'importance des paysages;

e. favoriser la coopération internationale dans le domaine du paysage.

B. Liste des paysages d'intérêt européen.

87. Les objectifs de protection active, de gestion dynamique et d'aménagement des paysages concernent la totalité des territoires européens. Toutefois, certains paysages présentent des caractères exceptionnels et revêtent ainsi un intérêt pour l'ensemble de l'Europe. Cet intérêt résulte de leur spécificité, de leur rareté, du fait qu'ils représentent des oeuvres élaborées par des activités ou des modes de vie menacés de disparition, du témoignage qu'ils fournissent des efforts de sociétés passées ou de leur inventivité particulière.

88. Ces qualités ont déjà été reconnues à certaines villes historiques, à de grands sites historiques ou des réserves naturelles d'intérêt historique ou culturel. Elles sont aussi reconnues à de nombreux paysages ruraux. Ces sites ont inspiré les écrivains et les artistes, attiré les voyageurs et acquis une célébrité qui s'étend bien au-delà de leur région.

89. Le Comité Européen des Paysages sera chargé:

a. de définir des critères permettant de déterminer quels sont les paysages d'intérêt européen;

b. d'examiner les propositions des autorités nationales en ce qui concerne les paysages qui sont susceptibles d'être classés "Paysages européens";

c. de déterminer, sur la base de ces critères, de cet examen et par des procédures démocratiques et ouvertes, les paysages qui présentent un intérêt à l'échelle européenne et de publier une "Liste des paysages européens";

d. de veiller à ce que les Parties contractantes garantissent l'entretien des paysages reconnus dans la "Liste des paysages européens";

e. d'utiliser la "Liste des paysages européens" comme base de réflexion et comme modèle, afin de sensibiliser le public aux questions concernant les paysages et d'assurer une bonne administration aux autres paysages;

f. d'établir des liens avec les organes compétents d'autres organisations internationales concernées.

C. Attribution d'un label aux collectivités locales et régionales.

90. La Convention portant sur l'ensemble des paysages européens et cherchant à valoriser l'idée de paysage de qualité sur la totalité des territoires, il apparaît important de ne pas réserver l'action aux paysages considérés comme exceptionnels. Certains paysages qui, selon des critères d'exception ou de rareté, pourraient apparaître comme ordinaires, n'en méritent pas moins une attention particulière au titre des efforts que réalisent les sociétés locales et régionales pour les entretenir et contribuer à ce qu'ils soient reconnus localement comme un cadre de vie acceptable.

91. Le Comité Européen des Paysages sera chargé:

a. de définir des critères permettant de déterminer quels sont les paysages qui témoignent des efforts réalisés par les collectivités locales et régionales pour assurer leur qualité et offrir aux populations concernées un cadre de vie acceptable et reproductible à long terme;

b. d'identifier les sites et régions dont les paysages sont susceptibles de répondre à ces critères;

c. d'attribuer aux collectivités locales ou régionales responsables un "Label paysager du Conseil de l'Europe";

d. de veiller à ce que ces collectivités locales ou régionales garantissent l'entretien de ces paysages et leur protection dans le temps; le "Label paysager du Conseil de l'Europe" pourra, le cas échéant, être retiré aux collectivités locales ou régionales qui n'auraient pas fait la preuve de leurs capacités à maintenir cette qualité et à répondre aux critères retenus;

e. d'utiliser ces paysages comme exemples destinés à sensibiliser d'autres collectivités locales ou régionales aux moyens politiques, administratifs, juridiques, économiques et techniques qui permettent d'assurer un entretien des paysages dont elles ont la charge.

A N N E X E II

Version préliminaire du rapport sur

LE DROIT APPLICABLE AUX PAYSAGES EN DROIT COMPARÉ
ET EN DROIT INTERNATIONAL

par le Prof. Michel PRIEUR, Université de Limoges, CRIDEAU-CNRS (France)

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RESUME

Ce rapport a été réalisé à partir d’un questionnaire général adressé à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe (28 réponses reçues) et d’un questionnaire détaillé adressé à des experts nationaux dans les pays suivants : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Suisse.

Le paysage a été objet de droit en France, Belgique, Espagne et Suisse dès le début du XXe siècle à propos de l’utilisation de l’énergie hydraulique ou des parcs nationaux. De façon générale le paysage a été pris en compte par le droit selon trois types de rattachement qui reflètent en fait chacun une conception particulière du paysage :

- rattachement au droit des monuments historiques et des sites lié à un paysage conçu comme le reflet de la beauté et de l’esthétique.

- rattachement au droit de la protection de la nature lié à un paysage conçu comme le reflet d’une vision des espaces naturels et des sites les plus remarquables à travers les parcs et réserves.

- rattachement au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme lié à un paysage conçu comme le reflet d’une vision à la fois naturelle et culturelle de l’espace et intégrant le paysage en soi, même ordinaire.

I - Le paysage en droit comparé

1) Fondements juridiques

Dans 10 Etats la Constitution fait référence au paysage directement ou implicitement, cela confirme bien que le paysage est devenu une valeur fondamentale des sociétés contemporaines.

Quatre pays ont des lois spéciales sur le paysage (Allemagne, France, Suisse, République Tchèque et Slovaque). Pratiquement tous les Etats prennent en compte certains aspects du paysage dans des législations sectorielles sur les monuments, les sites, la protection de la nature, les forêts, l’eau, l’urbanisme ou l’aménagement du territoire.

2) Connaissance juridique du paysage

La législation s’aventure rarement à définir le paysage mais souvent il y a confusion avec la notion de site. Pour mieux identifier les paysages des inventaires sont réalisés. Bien souvent il résultent de pratiques administratives. Ces inventaires peuvent être un simple recensement de sites déjà protégés, ou bien ils sont réalisés dans le but d’identifier de futurs sites à protéger ou bien ils procèdent à une véritable étude de terrains en vue d’éventuels plans paysagers.

3) Protection juridique des paysages

Elle se fait selon quatre procédés utilisés isolément ou simultanément.

- l’intégration du paysage dans les plans d’aménagement et d’urbanisme

- le classement de certains paysages en zones protégées avec des effets juridiques variables allant de l’interdiction de faire à la simple recommandation.

- la prise en compte du paysage dans les décisions d’utilisation du sol qui permet de refuser un permis de construire ou une autorisation d’installation industrielle ou une ouverture de mines ou carrières pour des motifs liés à la préservation du paysage.

Cette prise en compte s’accompagne souvent d’une étude d’impact préalable sur l’environnement qui doit mesurer les effets prévisibles d’un projet d’ouvrage ou d’installation sur un paysage et sur son évolution.

- l’élaboration de plans paysagers particuliers qui s’intègrent plus ou moins directement dans les plans d’urbanisme ou servent simplement de guides d’action.

4) Gestion des paysages

Il s’agit ici plus de pratiques que de normes juridiques.

Des incitations fiscales ou financières accompagnent souvent les politiques du paysage. L’information, la participation et l’éducation sur le paysage sont incontestablement indispensables mais pas assez développés. Une sensibilisation des décideurs et des populations devrait être encouragée.

II - Le paysage en droit international

Un intérêt croissant pour le paysage apparaît incontestablement au plan international aussi bien dans les conventions à caractère obligatoire que dans les déclarations ou recommandations.

La Convention de l’Unesco de 1972 sur le patrimoine mondial naturel et culturel est à l’heure actuelle l’instrument le plus opérationnel couvrant aussi bien le paysage culturel que le paysage naturel.

Il existe aussi des conventions régionales mais qui ne couvrent qu’indirectement un aspect particulier du paysage. En matière de protection de la nature et de l’environnement on a identifié 8 conventions régionales qui visent expressément le paysage comme un élément à prendre en considération.

Il n’en reste pas moins qu’aucune convention n’envisage le paysage en tant que tel et dans sa globalité alors que tout le monde s’accorde à considérer qu’il y a une identité des paysages européens qui mérite d’être sauvegardée et mise en valeur. Ainsi le paysage européen exige-t-il désormais une attention particulière, comme l’ont souligné l’IUCN et la déclaration pan européenne de Sofia. Seule une convention européenne est en mesure de formaliser les principes d’une identification et d’une gestion durable des paysages européens accompagnée d’une reconnaissance collective des paysages européens remarquables qui viendrait utilement compléter et enrichir la convention mondiale de l’UNESCO.

REMERCIEMENTS

Le présent rapport a été rendu possible grâce aux réponses des Etats suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie

et grâce à la contribution des experts suivants: Anne PETITPIERRE (Suisse), Michaël BOTHE (Allemagne), G. PECCOLO (Italie), Mary SANCY et A. GIBELLO (Belgique), Gabriel REAL FERRER, J. OCHOA MONZO et J. NUNEZ VALLS (Espagne), M. CASELEY-HAYFORD (Grande-Bretagne), J. SOJA (Danemark), P. GILHUIS et J. VERSCHUUREN (Pays-Bas).

Qu'ils en soient tous ici remerciés.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

1 - Le paysage étant un concept complexe généralement peu ou mal identifié et fortement marqué de prime abord par le subjectivisme, il n'est pas étonnant que le droit soit lui même très imprécis. Le présent rapport résulte du dépouillement des réponses à un questionnaire général envoyé à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe (28 réponses reçues) et des réponses à un questionnaire détaillé adressé à des experts nationaux dans les pays suivants : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande Bretagne, Italie, Pays Bas, Suisse. Les réponses ont souvent été le reflet de la perception des situations et des concepts de la part de celui qui répondait. Il est significatif de constater pour des pays où des réponses émanaient de plusieurs administrations différentes combien elles étaient elles-mêmes différentes voir contradictoires.

2 - L'information disponible a été très inégale compte tenu du fait que le paysage ne se rattache pas systématiquement à une administration ou à un service bien identifié. Les données recueillies n'ayant été que celles qui ont été envoyées, la richesse de l'information est bien entendu moindre que si des entretiens oraux avaient pu avoir lieu. Bien souvent existent des pratiques relatives à la gestion du paysage que le droit n'a pas encore pris en compte. La présente étude ne rend compte que du droit positif. On s'est aussi largement inspiré de l'étude espagnole "Paisaje y politica de Ordenacion del territorio, analisis de la experiencia internacionacomparada, Direccion del territorio y urbanismo, Andalucia", (Sevilla 1993-2 tomes, 475 p.).

3 - Un inventaire des textes et conventions internationales relatives au paysage a été élaboré pour montrer que le droit international se préoccupe lui aussi de ce nouveaux concept mais dans une mesure moindre que les droits nationaux. Cet inventaire ne prétend pas à l'exhaustivité.

INTRODUCTION

Le paysage est-il objet de droit ? Y a-t-il un droit du paysage ? Comme on le verra de très nombreux Etats intègrent l'élément paysage dans leur système juridique mais le plus souvent de façon indirecte ou implicite. On perçoit cependant que depuis peu d'années le paysage devient de plus en plus un centre d'intérêt tant en droit national qu'en droit international.

Il est frappant de constater que le paysage n'est pas rattaché de façon uniforme à un droit particulier pour la bonne raison que les politiques publiques de protection des paysages ne sont que rarement clairement énoncées. Cependant tous les pays ont ou prétendent avoir une politique en matière de paysage. Il y a donc bien un intérêt très large à s'occuper de paysage. Mais on se rend vite compte qu'il s'agit plus souvent d'une déclaration d'intention que d'une réalité car on trouve peu d'indications précises concernant le contenu de cette politique. Ceci s'explique parce que le paysage est rattaché à des préoccupations bien souvent très différentes les unes des autres du fait de l'histoire et de la culture locale et nationale.

On peut en effet trouver les approches suivantes (qui parfois ne sont pas exclusives l'une de l'autre) :

- le paysage lié à la beauté et à l'histoire des monuments historiques, et au patrimoine archéologique (Grèce, Estonie).

- le paysage lié à l'esthétique et au patrimoine des jardins historiques ou publics (Italie, Chypre, Hongrie).

- le paysage élément intrinsèque de la planification urbaine et incluant les espaces publics (espaces verts) et des paysages naturels exceptionnels (Liechtenstein, Malte).

- le paysage comme élément de la protection de la nature, reflet des écosystèmes naturels en particulier dans les espaces naturels protégés (Portugal, Estonie, Irlande, Luxembourg, Danemark, Allemagne).

- le paysage faisant intrinsèquement partie de l'environnement et traduisant l'association nature-culture (France, Belgique, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Pays-Bas).

Il y a en réalité deux visions soit concurrentes soit complémentaires qu'on retrouve dans de nombreux pays :

le paysage reflet de l'histoire et de la culture qui privilégie les monuments historiques et leur abords ou les jardins et parcs directement façonnés par l'homme

le paysage élément biophysique considéré comme lié à la vision que l'homme porte sur les espaces naturels.

Selon les pays, c'est l'énoncé d'une politique publique du paysage qui conduit à l'élaboration d'un droit du paysage (Danemark, Suisse, Allemagne) ou c'est au contraire l'existence d'un droit du paysage implicite et diffus qui conduit à une politique publique plus fermement énoncée (France, Espagne).

Il est intéressant de relever l'origine historique de la mention expresse du paysage comme expression d'un souci nouveau du législateur dans certains pays.

C'est au Danemark qu'on trouve la plus ancienne référence législative au paysage avec une loi de 1805 sur le partage des forêts communes.

Le premier texte législatif français qui vise le paysage date de 1906, il prévoit que des arrêtés devraient prendre en compte la protection du paysage pour la distribution de l'énergie (art. 19 loi du 15 juin 1906 sur la distribution d'énergie). De même depuis 1919, les cahiers des charges des entreprises hydrauliques doivent assurer la protection des paysages (art. 10.2 loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique).

De même, en Suisse, c'est une loi sur l'utilisation des forces hydrauliques du 22 décembre 1916 qui prévoient que les usines "ne doivent pas déparer ou doivent déparer le moins possible le paysage" (art. 22 al. 2). Il est remarquable de constater que c'est aussi en Suisse qu'on trouve dans une ordonnance du 7 juillet 1933 sur l'installation des lignes à haute tension le souci de veiller à "déparer le moins possible le paysage" en établissant les lignes aériennes (art. 72). En Belgique, une loi du 12 août 1911 a pour titre "La conservation de la beauté des paysages" (M.B. 19 août 1911). En Espagne, le paysage apparait la première fois dans une loi sur les parcs nationaux du 7 décembre 1916 en tant que paysage naturel remarquable.

On peut considérer que le rattachement du paysage au droit se fait selon trois méthodes :

- le rattachement au droit des monuments historiques et des sites en mettant en avant l'aspect culturel du paysage qui n'envisage que la beauté et l'esthétique de ce qui fera l'objet d'une protection de type muséographique

- le rattachement au droit de la protection de la nature étendu au droit de l'environnement en mettant en avant l'aspect naturel du paysage qui envisage ses composantes écologiques et en instituant des espaces naturels protégés du type parcs et réserves

- le rattachement au droit de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme qui envisage le paysage dans sa dimension naturelle et culturelle et donne au paysage une valeur en soi applicable même aux paysages ordinaires considérés comme des éléments de l'aménagement et de l'utilisation du sol (paysage agricole) et de l'espace tant rural qu'urbain.

On constatera que ces trois types de rattachement sont indissociables et que les politiques nouvelles de protection et de gestion des paysages s'efforcent de combiner les préoccupations à l'origine de ces trois approches qui bien souvent se sont succédées ou mélangées dans le temps.

Une première partie sera consacrée à la synthèse des réponses aux questionnaires en ce qui concerne les tendances actuelles des droits nationaux. La deuxième partie abordera le paysage tel qu'il se manifeste en droit international tant à travers les déclarations et documents non contraignants que dans les conventions internationales.

PREMIERE PARTIE
LE PAYSAGE EN DROIT COMPARE
I - LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA PRISE EN COMPTE DU PAYSAGE

A -Le paysage au niveau Constitutionnel
Il est remarquable de constater que dans 10 Etats, la constitution fait référence directement ou implicitement au paysage. Ceci prouve que malgré l'incertitude du concept et en dépit de l'absence de définition dans les Constitutions, le paysage représente bien une valeur fondamentale des sociétés contemporaines qui a mérité dans quelques pays une consécration juridique au plus haut niveau de la hiérarchie des normes.

Dans quatre Etats, le paysage est directement visé par la Constitution. Dans un sens moins global qu'aujourd'hui, on trouve d'abord une référence expresse au paysage dans des constitutions anciennes :

- Constitution italienne de 1947, art. 9.2. "la république assure la protection du paysage et du patrimoine historique et artistique de la nation".

- Constitution allemande de 1949, art. 75, "la Fédération est compétente pour légiférer sur la protection de la nature et la gestion du paysage". Cette attribution de compétence nouvelle est assez remarquable car la tendance était plutôt de réduire les compétences fédérales par rapport à la Constitution de Weimar. Cette dernière contenait déjà un article sur le paysage qui était simplement programmatoire
1

Dans un sens plus moderne la Constitution Suisse révisée en 1962 (art. 24 sexies) attribue aux cantons la compétence relative à la protection de la nature et du paysage tout en précisant que la Confédération doit, dans l'accomplissement de ses tâches, ménager l'aspect caractéristique du paysage
2.

La Constitution du Portugal (1976) contient un art. 66 qui confie à l'Etat le soin de tenir compte des paysages biologiquement équilibrés dans sa politique d'aménagement du territoire et de classer les paysages en fonction des besoins de leur protection pour garantir la conservation de la nature et des valeurs culturelles d'intérêt historique et artistique.

Dans d'autres Constitutions, la référence expresse à l'environnement, comme nouvelle responsabilité de l'Etat ou comme un nouveau droit de l'homme, inclut implicitement le paysage considéré comme partie intégrante du concept d'environnement.

- La Constitution de la Grèce de 1976 (art. 24) vise la protection de l'environnement naturel et culturel.

- La Constitution de l'Espagne de 1978 (art. 45) vise l'environnement et se réfère à l'utilisation rationnelle de toutes les ressources naturelles. Selon l'avant-projet de Constitution cela inclut la conservation du paysage.

- La Constitution Turque de 1982 (art. 56) reconnait à chacun le droit de vivre dans un environnement sain.

- La Constitution des Pays-Bas a introduit en 1983 l'environnement comme un droit fondamental (art. 21) sans référence expresse au paysage. La protection de l'environnement est déclarée faire partie des obligations importantes du gouvernement. La législation environnementale néerlandaise considère toujours l'environnement comme un tout,la beauté des paysages n'est qu'un élément mineur.

- La Constitution de la République Slovaque reconnait aux art. 44 et 45 le droit à l'environnement.

- La Constitution Belge de 1994 (art. 24) en consacrant le droit à l'environnement vise implicitement mais nécessairement le paysage car celui-ci fait partie intégrante de l'environnement comme le confirment les textes sur les études d'impact.

Si l'on examine les constitutions ou normes fondamentales des régions autonomes ou fédérées on peut aussi constater des cas de référence expresse au paysage.

Dans les landers allemands on trouve des mentions expresses du paysage liées à la protection des monuments artistiques, historiques, culturels et naturels (art.86 Const. Baden Wurtemberg, 1953 ; art. 141 Const. Bavière, 1946 ; art. 62, Const. Hesse, 1946, ; art. 18 Const. Rhénanie Nord Westhphalie 1950 ; art. 40 Rhénanie Palatinat, 1947 ; art. 34 Sarre 1947). La Bavière après une révision en 1984 prévoit dans sa constitution que la collectivité et les individus doivent conserver les images caractéristiques des villes et villages et des paysages et en prendre soin, les pouvoirs publics doivent de ce fait gérer et protéger le paysage et garantir l'accès de tous aux beautés naturelles comme à la beauté des paysages. Les nouvelles constitutions des landers de l'ex Allemagne de l'Est reconnaissent toutes la protection de l'environnement en tant que principe directeur de la politique de l'Etat. La Constitution de Brandeburg a même un art. 42-1 selon lequel "la protection de l'environnement naturel et du paysage tel qu'il a été façonné par l'homme en tant que condition indispensable à la vie des générations présentes et futures, constitue un devoir de l'Etat et du citoyen".

Dans les régions Italiennes, 15 sur 20 font une mention expresse au paysage dans leur statut. Le plus souvent le paysage est relié à la protection du patrimoine historique comme au plan national (ex. Ligurie, Molise, Toscane) mais aussi parfois à l'aménagement du territoire (Calabre), à la conservation des ressources telles que l'eau, le sol, l'air (Piemont), au développement du tourisme (Pouille).

Dans les régions Espagnoles quatre communautés autonomes mentionnent expressément le paysage comme compétence propre : Galicie, Castilla-Léon, Castilla la Mancha, Andalucia. Le terme paysage est lié soit à "espace naturel" soit à "patrimoine historico-artistique".

B -Le paysage, objet d'une législation
Les lois spécialement consacrées au paysage sont rares, on en a identifiées quatre. Le plus souvent le paysage est indirectement visé par des lois sectorielles ou des lois générales sur l'environnement. Certains pays préparant une loi consacrée au thème du paysage comme la Hongrie semblent y avoir renoncé. L'irlande a un projet législatif de protection du patrimoine naturel et historique.

1 - Le paysage protégé directement par une loi spéciale
Des lois spéciales existent au niveau de l'Etat en Allemagne, France, Suisse, Républiques Tchèque et Slovaque.

- Allemagne (loi fédérale de protection de la nature et de gestion du paysage de 1976). Bien que liée à la protection des écosystèmes naturels, cette loi envisage le paysage aussi bien en milieu urbanisé que non urbanisé et inclut les aspects culturels et historiques en fixant comme objectif le maintien de la diversité et de la beauté du paysage comme base naturelle de la vie et condition du bien-être. Parmi les principes de protection figurent la préservation des paysages façonnés par l'homme au cours de l'histoire (historische kulturlandschaften). Des mesures spécifiques doivent être prises dans les zones urbanisées dans l'intérêt de la protection de la nature et du paysage. Cette loi institue des programmes et des plans paysagers et organise une intégration de la planification paysagère dans l'aménagement du territoire et la planification urbaine. Les lois des landers reprennent et détaillent les principes fédéraux. Ainsi par exemple en Sarre en 1993 "les constructions doivent s'adapter au caractère du paysage tel qu'il est déterminé par la nature. Les tracés des transports terrestres et les lignes de transport d'énergie doivent prendre en compte le paysage. On doit éviter la fragmentation des espaces et la création d'îlots".

- France (loi sur la protection et la mise en valeur des paysages 1993). Au lieu d'une loi globale comme en Allemagne, il s'agit plutôt ici d'une loi visant à intégrer ponctuellement le souci du paysage dans plusieurs instruments juridiques préexistants (plans d'occupation des sols, remembrement,) et consacrant le rôle privilégié des parcs naturels régionaux. Cette loi a aussi pour objectif de permettre à l'Etat d'imposer aux collectivités communales compétentes en matière de planification des sols des directives de protection des paysages.

- Suisse (loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage de 1966 révisée en 1995). Son but est de ménager et protéger l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments du pays et de promouvoir leur conservation et leur entretien. Dans l'exercice de leurs compétences les autorités doivent prendre soin de respecter l'aspect caractéristique du paysage en construisant de manière appropriée et en attachant des charges ou des conditions aux autorisations et concessions ou en les refusant. Une disposition conservatoire est à mentionner à l'art. 16 de la loi, elle prévoit en cas de danger imminent menaçant un site naturel, que le département fédéral de l'intérieur peut ordonner par des mesures temporaires que des dispositions nécessaires à sa conservation soient prises. La loi fédérale prévoit à l'art. 18b que dans les régions où l'exploitation du sol est intensive (que ce soit au plan agricole ou urbanistique) les cantons doivent procéder à une "compensation écologique" qui a une fonction paysagère grâce à l'implantation ou au maintien de bosquets champêtres, de haies, de rives boisées ou de tout autre type de végétation naturelle. Le règlement du 16.1.1991 sur la protection de la nature et du paysage précise à l'art. 15 que la compensation écologique a pour but de relier les biotopes isolés entre eux, favoriser la diversité des espèces, parvenir à une utilisation du sol aussi naturelle et modérée que possible, intégrer des éléments naturels dans les zones urbanisées et "animer" le paysage.

- République Tchèque : la loi n° 114/92 du 19 février 1992 sur la protection de la nature et le paysage institue un système assez complet où le paysage fait l'objet de zonages spécifiques avec des protections spéciales pour les paysages significatifs en leur attribuant une valeur propre à la fois esthétique et géomorphologique.

- La loi n° 187 du 23 août 1994 de la République Slovaque relative à la protection de la nature et du paysage, entrée en vigueur en janvier 1995 associe étroitement nature et paysage en s'attachant aux traits caractéristiques du paysage et aux éléments qui le composent et contribuent à sa stabilité écologique tels que forêts, lac, zone humide, végétation des bords des cours d'eau, dune, vallée, marais...

On trouve au niveau régional des lois spéciales relatives au paysage en Allemagne, en Suisse et en Italie. Dans ce dernier pays, les lois régionales sur le paysage mettent en oeuvre les obligations édictées au niveau national à propos des plans paysagers prévus par la loi de 1939 et la loi Galasso de 1985 qu'on examinera plus loin. On peut ainsi citer la loi provinciale du 6 septembre 1971 sur la gestion du paysage de la province autonome de Trento ou la loi du 11 mars 1986 de la région de Veneto.

2 - Le paysage protégé indirectement par des législations sectorielles

C'est bien entendu la situation la plus répandue (Belgique, Pays-Bas, Suède, Slovaquie, Roumanie, Norvège, Finlande, Luxembourg, Grèce, Chypre, Portugal, Royaume Uni, Danemark).

C'est aussi le cas de pays ayant une loi spéciale mais qui donnent une importance telle au paysage qu'on le retrouve nécessairement pris en compte dans des lois sectorielles (Allemagne, France, Suisse).

Les législations sectorielles qui comportent le plus souvent des dispositions relatives au paysage concernent les domaines suivants :

- lois sur l'aménagement du territoire (ex. loi Suisse sur l'aménagement du territoire: art. 3 "le paysage doit être préservé", loi allemande de 1965 modifiée en 1989, loi Danoise de 1992).

- loi sur les sites et monuments naturels (Belgique 1931, France 1930).

- lois sur la protection de la nature (ex. loi Belge de 1973, France 1976, Pays-Bas, Suède, Norvège, Luxembourg, Danemark 1992, etc..)
3.

- lois sur le patrimoine historique et culturel (Suède, Slovénie, Norvège).

- lois sur la protection des eaux (loi Suisse du 24 janvier 1991 art. 1, la sauvegarde des eaux est mentionnée comme éléments du paysage ; Roumanie 1974, Allemagne 1986, Espagne 1985)

- loi sur le littoral (France 1986, Espagne 1988)

- loi sur l'urbanisme et la planification urbaine (Norvège, Grande-Bretagne, France, Belgique, Malte, Finlande, Liechtenstein, Hongrie, Chypre, Espagne, Danemark).

- loi sur les forêts (Roumanie, Lituanie, Grèce, Danemark, 1989).

- loi sur l'architecture (France 1977)

II - L'ADMINISTRATION DU PAYSAGE

Le rattachement administratif du paysage suit naturellement l'approche nationale du concept. Au niveau central les ministères intéressés sont en général de quatre sortes :

- le Ministère de la Culture et des monuments historiques (Italie)

- le Ministère de l'Urbanisme et de l'Aménagement du Territoire (Chypre)

- le Ministère de l'Environnement (France, Rép. Tchèque, Luxembourg, Slovaquie, Danemark, Allemagne).

- le Ministère de l'agriculture, des pêches et de la nature (Pays Bas).

Lorsque la politique publique des paysages n'est pas rigoureusement définie et appropriée par un ministère il y a nécessairement une pluralité de ministères qui s'occupent du paysage associant en général les trois ministères sus-mentionnés (Grèce, Slovénie, Suède, Lituanie, Norvège). Elle implique donc des structures de coordination efficaces tant au niveau de l'énoncé des principes que de leur mise en oeuvre.

Parfois un ministère prend le leadership (Ministère de l'environnement au Danemark) et anime une commission de réflexion sur le sujet (groupe de travail environnement-espace au Liechtenstein ; Institut de Conservation de la Nature au Portugal; Commission ad hoc en Belgique). En Suisse, l'Office Fédéral de l'Environnement et du Paysage est compétent, il comporte une subdivision "protection du paysage". De même en République Tchèque le paysage relève d'une Agence dite pour la conservation de la nature et du paysage. En France dès un décret du 18 août 1945 la direction générale de l’architecture avait pour attribution la protection esthétique des sites et de façon générale de «l’ensemble du paysage national».

Depuis 1971 le Ministère français de l’environnement est chargé des paysages urbains et ruraux et depuis le décret du 12 mai 1992 une de ses directions s’intitule : «direction de la nature et des paysages».

Une institution originale et très active pour la conservation du paysage mérite d'être citée tout particulièrement. Il s'agit en Grande-Bretagne de la Countryside Commission créée en 1968. Elle succède à la commission des parcs nationaux de 1949 mais avec un champ d'intervention générale qui couvre à la fois les espaces protégés et la totalité du territoire. Elle a le statut d'une agence gouvernementale indépendante qui joue un rôle d'animation, de promotion, d'information et d'éducation en liaison étroite avec tous les acteurs (Etats, collectivités locales, propriétaires, industries, associations). Elle est organisée en bureaux régionaux et est subventionnée par l'administration de l'environnement. Parmi ses multiples fonctions on citera : conseiller le Gouvernement et le Parlement sur le paysage, réaliser des enquêtes sur les évolutions du paysage, désigner les diverses zones protégées, veiller au respect du paysage dans le processus de planification du territoire, sensibiliser les divers acteurs, aider à la protection et à la gestion du paysage, collaborer avec l'agriculture et l'environnement aux programmes agri-environnementaux.

Au plan régional et local le paysage n'intervient que comme une valeur, implicite ou non, à prendre en compte dans les décisions d'urbanisme et d'aménagement du territoire et de plus en plus souvent dans les plans. Les autorités locales ont de ce fait des compétences particulières en la matière dans les Etats fédéraux mais aussi dans certains Etats Unitaires (Irlande, Grande-Bretagne, France, Danemark).

Il associe, comme en Suisse, que la coordination des politiques et des services est mieux organisée au niveau de la Fédération que des Cantons. Dans ces derniers, les services compétents pour l'environnement ne le sont pas toujours pour les paysages.

En Espagne où les Communautés autonomes sont compétentes pour l'environnement, les administrations locales (consejerias) de l'environnement s'occupent également du paysage.

En Allemagne, certains länders attribuent la compétence sur le paysage au ministère de l'agriculture plutôt qu'à celui de l'environnement.

Dans des pays où la région n'a pas de compétence spécifique sur le paysage,on trouve cependant des institutions intéressantes au titre des politiques publiques locales en la matière. Ainsi, en France, la région Provence Côte d'Azur a élaboré en 1990 un programme expérimental sur le paysage avec l'aide de l'Etat, de la Fédération française du paysage et de l'école d'architecture de Marseille. Ce programme consistait en un inventaire paysager régional, un observatoire permanent, le lancement d'un journal sur le paysage méditerranéen et d'un enseignement spécialisé de 3ème cycle.

III - LA CONNAISSANCE DES PAYSAGES

A - La notion juridique de paysage :

Le législateur s'aventure rarement à définir le paysage. On trouve exceptionnellement des textes précisant le contenu du concept. Ainsi, la convention Benelux de 1982 en matière de conservation de la nature et de protection des paysages définit le paysage comme :

"la partie perceptible de la terre définie par la relation et l'interaction entre divers facteurs : le sol, le relief, l'eau, le climat, la flore, la faune et l'homme. Au sein d'une unité paysagère déterminée ces phénomènes donnent lieu à un schéma issu de la combinaison d'aspects naturels, culturels, historiques, fonctionnels et visuels. Le paysage peut être considéré comme le reflet de l'attitude de la collectivité vis à vis de son milieu naturel et de la manière dont elle agit sur celui-ci" (art. 1-2).

Le nouveau projet de loi sur la protection de la nature aux Pays-Bas (devant le Parlement en 1995) décrit le paysage comme : espace construit ou non qui en raison de sa structure, de ses formes ou de ses éléments constitutifs ou en raison de son apparence visuelle est d'intérêt public pour des motifs historiques et esthétiques. Dans un rapport de 1992 du Ministère de l'agriculture, de la nature et des pêches sur la planification du paysage pour les 30 prochaines années, celui-ci est défini comme "la part perceptible de la surface de la terre qui résulte de l'influence combinée du climat, du relief, de l'eau, du sol, de la flore et de la faune et de la main de l'homme". La loi de la République Tchèque de 1992 définit à l'art. 3-K le paysage comme une partie de la surface de la terre avec des traits caractéristiques et formé d'un ensemble complexe d'écosystèmes intégrés et d'éléments de civilisation.

Au Portugal un paysage à protéger est un espace du territoire naturel, semi naturel ou humanisé qui résulte de l'interaction harmonieuse entre l'homme et la nature et qui possède une grande valeur esthétique ou naturelle (art. 9 décret loi n° 19/93). En Belgique le Code Wallon de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme considère à l'art. 345-5C comme site : "toute oeuvre de la nature ou toute oeuvre combinée de l'homme et de la nature constituant un espace suffisamment caractéristique et homogène pour faire l'objet d'une délimitation topographique". De façon plus classique et se rattachant au paysage comme simple site protégé, la déclaration d'intention générale du gouvernement Luxembourgeois du 24 avril 1981 relative au plan d'aménagement concernant l'environnement naturel déclare paysage protégé un territoire moins étendu qu'un parc naturel soumis à des prescriptions particulières tendant à sauvegarder les ressources naturelles, l'aspect caractéristique et la fonction récréative. Pour la Hongrie, selon les standards de 1990, le paysage est une unité territoriale complexe déterminée par l'interaction entre la nature et la société ; il est le reflet des ressources naturelles et des conditions économico-sociales et a en même temps une haute qualité au plan visuel et esthétique.

En Suisse, bien qu'il n'y ait pas de définition proprement dite dans la loi, la version 1995 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage indique qu'elle a pour but de protéger l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments dignes de protection. On notera que pour les milieux urbains, il est fait plus souvent référence aux "sites". Mais le code civil suisse dans son art. 702 utilise en français le terme "site" alors que la version allemande du code civil vise le "landschaft". Il y a bien ici analogie entre site et paysage ce que confirme la loi genevoise du 4 juin 1976 sur la protection des monuments, de la nature et des sites en indiquant à l'art. 35 que le terme site recouvre "des paysages caractéristiques tels que rives, coteaux, points de vue ainsi que des ensembles bâtis qui méritent d'être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée".

De façon très minoritaire, certains pays ne retiennent que le paysage naturel et rural et n'intègrent pas la ville (cas de la Suède).

B - Les inventaires paysagers

Un très grand nombre de pays procèdent à des inventaires. Dans la mesure où le paysage est souvent assimilé purement et simplement aux espaces naturels, on trouve d'abord des parcs et des réserves naturelles parmi ces inventaires. Il y a rarement des inventaires paysagers systématiques sauf à l'occasion de la préparation de certains plans paysagers comme on le verra plus loin

Bien souvent, les inventaires ne sont pas prévus par les textes mais résultent de la pratique des administrations concernées ou d'initiatives d'organismes de recherche ou d'associations (au Danemark, l'association danoise de défense de l'environnement et des paysages). On peut cependant tenter de regrouper les expériences actuelles en fonction de l'objectif poursuivi par les inventaires selon leurs effets juridiques.

1 - Les inventaires généraux

Ces inventaires peuvent concerner les paysages ordinaires ou les paysages déjà protégés ou classés et servir soit à une meilleure connaissance du territoire, soit à une meilleure information du public et des collectivités locales sur la richesse des paysages existants. L'inventaire, à la condition d'être lisible et accessible, pourra être utilisé comme référence lors de la préparation des plans d'aménagement ou d'urbanisme ou dans le cadre du processus de décision pour éclairer les autorités publiques. Ces inventaires peuvent être purement informatifs ou s'imposer aux autorités publiques qui devraient les prendre en compte.

Au Liechtenstein à l'occasion d'un inventaire consacré aux ressources naturelles en 1992, un inventaires des paysages a été réalisé, il sert de base de référence pour tous les plans de l'Etat et des communes et s'impose aux autorités administratives. En Irlande un inventaire a été réalisé en 1977 par An Foras Forbatha à l'occasion d'une enquête de l'IUCN de 1977 en vue du livre vert sur les paysages remarquables. Il existe par ailleurs des inventaires spécifiques par zone, par exemple sur le littoral. En Estonie on procède à des inventaires soit archéologiques soit relatifs aux paysages ruraux traditionnels. En Finlande des inventaires récents sans force obligatoire ont été réalisés en 1993. L'un identifie 171 espaces paysagers d'importance nationale et 1772 paysages à valeur historique et culturelle. Il est envisagé une base de données permanente pour les paysages remarquables. En Suède on prépare un inventaire des paysages agricoles traditionnels, la connaissance historique de ces paysages se fait grâce à des comparaisons de cartes anciennes. La Slovénie entreprend une recherche pour identifier les paysages significatifs en vue de la préparation d'un plan d'aménagement du territoire. Il s'agit d'établir une typologie des paysages slovènes et une typologie des architectures locales.

Certains inventaires sont communs à l'ensemble des éléments naturels, espaces fragiles, espèces et habitats et incluent nécessairement tous les types de paysages. Ainsi en est-il de la base de données de l'Etat central Espagnol appelée HISPANAT qui comporte 2400 sites d'intérêt écologique. Au Danemark un inventaire complet a été réalisé dans le Comté de FUNEN. En France il n'y a pas d'inventaire national organisé sur une base légale. Cependant, depuis quelques années, des initiatives administratives sont en cours pour une meilleure connaissance de la situation et des évolutions prévisibles. L'Institut Français de l'environnement (IFEN) agence nationale d'information et de documentation est chargé d'élaborer une batterie d'indicateurs sur le paysage et participe au programme Corine land Cover qui est un inventaire européen cartographique de l'occupation bio-physique des terres. Dans l'état de l'environnement en France (1994-1995. Dunod 1994 p. 67) un chapitre est consacré à "l'occupation des terres et le paysage". La direction de la protection de la nature du ministère de l'environnement a initié un observatoire photographique et la direction de l'architecture et de l'urbanisme du ministère de l'équipement et de l'urbanisme a réalisé un fichier des protections regroupant les sites classés et inscrits, les ZPPAUP et les plans de sauvegarde et de mise en valeur. La loi du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, prévoit de façon obligatoire un inventaire départemental du patrimoine naturel (art. 30) qui recense les sites, paysages et milieux naturels faisant déjà l'objet d'une protection particulière. La loi prévoit aussi, de façon facultative mais plus novatrice, un "inventaire du patrimoine paysager de la région", qui peut être élaboré par le Comité régional de l'environnement institué par cette même loi auprès du Conseil régional.

2 - Les inventaires en vue d'une protection spéciale ou d'un classement

Ces inventaires ont un objectif juridique bien précis. Ils doivent permettre d'identifier des paysages remarquables ou dignes d'intérêt soit en vue d'un classement immédiat (Suisse) soit en vue d'un classement ultérieur (Norvège).

En Suisse dès 1963 un premier inventaire des paysages et sites naturels d'importance nationale a été approuvé par le Conseil Fédéral. Une commission pour l'inventaire des paysages désigne les régions à protéger en priorité. L'art. 5 de la loi de 1966 sur la protection de la nature et des paysages prévoit un inventaire d'objets d'importance nationale décidé après avis des cantons. Cet inventaire est régulièrement mis à jour. Depuis 1977 on distingue les inventaires des biotopes des inventaires des paysages. Les effets de ces inventaires sont ceux d'un classement puisque une fois inscrit à l'inventaire le site doit être conservé intact sauf si des intérêts supérieurs d'importance nationale s'opposent à cette conservation. Une expertise obligatoire sur les mesures à prendre pour protéger le site doit être réalisée par la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage. Depuis 1987 existe un inventaire des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale suite à la votation populaire révisant la Constitution pour protéger les marais et sites marécageux.

La Norvège a entrepris un inventaire des paysages remarquables en 1992. 264 ont été identifiés en 1993 dont 104 sont prioritaires en raison de leur intérêt écologique et historique. Des plans d'aménagement vont être entrepris pour préserver la qualité environnementale de ces territoires. En République Tchèque la préparation des plans régionaux exige une cartographie des paysages liée à l'objectif de la loi de 1992 sur la nature et le paysage qui vise à l'établissement d'un système de stabilité écologique du paysage (territorial system of ecological stability).

3 - Les inventaires en vue de l'élaboration de plans paysagers

De tels plans nécessitent la mise au point d'inventaires systématiques pour identifier les types de paysages qui doivent figurer dans le plan avec d'éventuels degrés de protection différenciées selon la valeur reconnue au paysage (voir plus loin les plans paysagers tels qu'ils se présentent en Allemagne, Italie, France et Espagne).

C - La hiérarchie des paysages

Comme pour les inventaires, le droit a peu à dire sinon en distinguant une hiérarchie d'objectifs et une hiérarchie territoriale qui bien entendu se recoupent. Le droit peut décider qu'il y aura une échelle de protection à travers des qualifications d'un paysage allant du paysage banal au paysage exceptionnel. De même, au plan territorial, on déterminera les paysages d'intérêt local, régional, national, européen, international, selon la valeur donnée aux éléments constitutifs du paysage. Les critères de hiérarchisation ne résultent jamais de la loi. Ils figurent tout au plus dans des documents internes ou des recommandations des administrations.

L'IUCN a recommandé en 1977 de prendre en compte les critères suivants pour aider à sélectionner les paysages dignes d'intérêt : aspects naturels : morphologie du terrain et eau, caractéristiques de la végétation (fragilité, rareté et diversité) ; aspects culturels : utilisation traditionnelle des terres représentatives de valeurs culturelles (par ex. haies), installations caractéristiques à valeur historique.

En France, une méthodologie pour l'identification et la typologie des paysages a été élaborée à l'initiative de la direction de l'architecture et de l'urbanisme. Elle s'appuie sur une proposition de méthodologie élaborée par la SESA en 1991. Elle permet sur de vastes territoires (le département) de disposer d'une identification et d'une hiérarchisation des unités de paysage en vue de fonder une politique. Il faut enfin mentionner que des inventaires indirects des paysages résultent des inventaires du patrimoine faunistique et floristique et des zones Natura 2000 notifiées à la Commission de l'UE.

En Suisse, la loi ne confère une protection particulière qu'à deux types de paysage au niveau fédéral :

- ceux qui comportent des biotopes faisant l'objet d'une protection spéciale (prairies salées et près à litières, rives des cours d'eau, haut et bas marais)

- ceux qui sont mis à l'inventaire des objets d'importance nationale en tant que paysages "remarquables" (art. 5 loi du 1er juillet 1966)

Les autres paysages d'importance régionale ou locale font l'objet d'une protection cantonale, les cantons se montrant plus ou moins exigeants quant à la qualité des paysages à protéger. La loi genevoise exige que les paysages soient "caractéristiques". La loi allemande sur la protection de la nature et la gestion du paysage fixe en son art. 15 des critères pour la création de zones de paysage protégé : conserver ou restituer la capacité écologique de la nature, préserver la diversité, la spécificité ou la beauté du paysage, ainsi que les activités récréatives.

IV - LES MODALITES DE PROTECTION JURIDIQUE DES PAYSAGES

Le recensement des paysages qui ne serait pas suivi de mesures juridiques de protection serait peu opérationnel. C'est pourquoi, à des degrés divers, les législations introduisent des modes juridiques de protection aux effets juridiques variables. On peut distinguer grossièrement quatre instruments de protection juridique des paysages :

a) les cas d'intégration du paysage de façon plus ou moins directe dans des programmes d'aménagement ou des plans généraux ou d'occupation des sols

b) les cas des régimes de classement en zones protégées plus ou moins spécifiques aux paysages

c) les cas de prise en compte du paysage dans les décisions d'utilisation ou d'occupation du sol

d) les cas de véritables plans paysagers.

Il faut noter que dans de nombreux pays ces instruments peuvent exister simultanément.

A - L'intégration du paysage dans les plans ou programmes d'aménagement de l'espace urbain et rural

Cela concerne surtout les plans d'aménagement du territoire et les plans d'urbanisme.

En Slovénie un plan régional à long terme mentionne les éléments du patrimoine naturel et culturel les plus importants et s'impose aux plans municipaux. En Suède la planification du sol doit tenir compte de la loi sur les ressources naturelles ; le compréhensive plan (OPL) désigne sur une carte les espaces d'intérêt national naturels et culturels qui s'imposent aux entités locales. En Norvège un projet pilote vient d'être lancé par le Ministère de l'environnement pour élaborer un plan dans le Nord-Trondelag pour préserver à la fois l'environnement culturel et naturel incluant tous les types de paysage.

Aux Pays-Bas les plans municipaux instituent un zonage strict qui s'impose à toutes les activités et qui peuvent contribuer efficacement à protéger certains paysages spécialement ruraux et naturels ; les plans provinciaux qui ne s'imposent pas aux citoyens mais conditionnent les plans municipaux instituent des ensembles écologiques homogènes reliant entre eux les espaces où domine la nature en tant que succession d'unités paysagères.

En Belgique, le code Wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine de 1984 prévoit des plans régionaux, de secteur et communaux qui ont force obligatoire. Ils conçoivent l'aménagement en intégrant expressément, à côté du point de vue économique et social, le point de vue esthétique et le développement du patrimoine naturel et culturel.

En Suisse la protection des paysages faisant partie des objectifs de l'aménagement du territoire, la rédaction des plans par les cantons doit en tenir compte. Les plans directeurs des cantons intègrent le paysage de différentes manières : conservation de l'alternance entre espace bâti et non bâti pour combattre la tendance à la banalisation et à la fragmentation du paysage ; promotion des activités agricoles et forestières en montagne pour conserver le paysage en préservant l'alternance entre forêts et clairières ; préservation de l'image des bourgs et localités. Le plan directeur cantonal de Thurgan en 1985 contient une liste d'espaces visant à protéger des images des localités. Toute intervention dans ces espaces est soumise à une évaluation très stricte. En Grande-Bretagne les Plans de structures contiennent des prévisions pour les espaces protégés pour leur valeur naturelle, écologique et esthétique et pour les biens du patrimoine historique. Les caractéristiques visuelles du paysage urbain (vues extérieures de la localité, image des rues et des plans...) constituent un thème important de la plupart des plans d'urbanisme à travers les plans locaux (local plans).

Au Danemark la loi sur la planification du territoire de 1992 énonce parmi ses objectifs la protection de la nature et de l'environnement et la création et la conservation de l'environnement urbain et des paysages (art.1). Chaque Comté (au nombre de 14) possède un plan régional d'une durée de 12 ans qui fixe les objectifs pour le développement urbain, la campagne, la protection de la nature et de l'environnement et les grands équipements. Chaque municipalité (275) élabore un plan municipal qui joue un rôle central en respectant le plan régional. Il peut être accompagné de directives particulières, par exemple en matière de paysage pour la conception des façades, panneaux et enseignes. Enfin des plans locaux sont élaborés par les communes au cas par cas pour des zones particulières plus ou moins grandes ou pour des problèmes particuliers. Ainsi peut-il exister des plans locaux sur le paysage : ils peuvent préserver les caractéristiques du paysage en relation avec le développement d'une zone urbaine ou d'une zone de chalets d'été (art. 15.10 de la loi de 1992).

Au Portugal les plans régionaux d'aménagement du territoire comportent des zones d'intérêt paysager (par ex. le Plan d'Algarve de 1990) qui offrent des ressources panoramiques en raison de la diversité de leur relief, de leur valeur spectaculaire et de la présence d'éléments intéressants du patrimoine naturel ou architectural. Dans ces zones on ne peut autoriser d'opérations ou activités qui porteraient atteinte à l'ensemble paysager.

En Espagne la loi du 27 mars 1989 sur la conservation des espaces naturels et de la flore et faune sylvestres, prévoit des plans d'aménagement des ressources naturelles. Ces plans doivent entre autre "définir l'état de conservation des ressources naturelles, des écosystèmes et des paysages en formulant un diagnostic et une prévision de l'évolution future "(art. 4.4.b). Ils vont servir à édicter des normes pour la protection des paysages s'imposant aux divers plans d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Parmi ces normes on peut mentionner : l'interdiction générale de tous travaux publics ou privés susceptibles d'altérer ou modifier les éléments du paysage, le contrôle des antennes, publicités, signaux et autres structures agressives, la réalisation de programmes de traitement et restauration du paysage des lieux détériorés : revegetalisation, élimination de l'impact visuel des lignes électriques etc...

Les plans liés au remembrement rural peuvent être très utiles pour le paysage. En Belgique dans le cadre de la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement rural, une circulaire insiste (en s'inspirant des recommandations du Conseil de l'Europe de 1976) sur l'obligation de réaliser des plans d'évaluation du site préalablement aux travaux de réaménagement. Ces plans doivent servir de guide au comité de remembrement. Ils consistent à inventorier les éléments remarquables du site à l'intérieur et en bordure du périmètre du remembrement. Cette analyse doit distinguer :

a) les critères du paysage ; l'habitat, les cultures, les pâtures, les bois, les vallées...

b) l'évolution du paysage et, donc, de l'utilisation des sols en dégagent notamment les caractères permanents et les perspectives d'évolution

c) l'analyse et l'étude de l'influence des facteurs naturels tels que pédologie, topographie, hydrographie, climatologie et micro-climatologie.

d) le relevé des facteurs semi-naturels, à savoir : la faune et la flore.

e) les aspects visuels basés sur des critères de conformité, de diversité, d'équilibre des lignes, etc.. (micro et macro-analyse)

f) les zones spéciales caractérisées par leur aspect esthétique, scientifique ou historique.

Ensuite, ces éléments relatif au site sont évalués de façon objective, c'est à dire indépendante des autres opérations de remembrement sur la base :

a) de leur valeur paysagère spécifique (point de vue esthétique et social) et en tenant compte du caractère agricole propre de la région

b) de leur valeur agricole (point de vue économique, notamment de la production agricole)

c) de leur valeur écologique (point de vue biologique)

L'évaluation se fera tant au niveau de l'élément lui-même qu'au niveau de son insertion dans le paysage. Cette évaluation consistera dans un classement en différentes zones de valeur telles que :

. de très grande valeur, c'est à dire, à protéger obligatoirement. Ce sont surtout les zones spéciales caractérisées pour leur intérêt scientifique, historique, esthétique ou écologique.
. de grande valeur, à protéger dans la mesure du possible sinon à remplacer.
. de valeur moyenne
. sans valeur
. de valeur négative à supprimer ou à masquer éventuellement par un aménagement.

Le plan peut contenir quelques suggestions relatives à l'apport de nouveaux éléments ou à l'extension d'éléments existants qui se sont avérés indispensables sans que cet aspect soit étudié d'une façon intensive.

Le paysage va faire aussi l'objet en France d'une intégration dans les plans d'urbanisme en tant que valeur environnementale à prendre en compte. A ce titre c'est depuis 1976 que le rapport de présentation du POS doit prendre en compte l'environnement. Il est donc arrivé que des études paysagères préparent l'élaboration du POS et le Conseil d' Etat a même été amené à considérer que si un cabinet de paysagiste avait mené une étude sur les paysages de la commune puis était ainsi exposer ses conclusions à une commission communale, cela ne constituait pas un empiétement sur les compétences du conseil municipal (CE 2 décembre 1992, Commune du Bény-Bocage). Depuis la loi d'orientation sur la ville du 13 juillet 1991,les schémas directeurs qui fixent les orientations fondamentales de l'aménagement des territoires sub-régionaux doivent prendre en compte "la préservation des sites et paysages naturels et urbains" (L. 122.1 Code de l'Urbanisme). Il faudra attendre la loi paysage du 8 janvier 1993 pour qu'au niveau des communes les plans d'occupation des sols (POS) soient obligés de "prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution" (art. L. 123.1 Code de l'Urbanisme). Ainsi au sein des POS un zonage spécial permet de délimiter des éléments de paysage et des sites à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou écologique. Cette délimitation n'est pas simplement graphique, elle peut être accompagnée de prescriptions obligatoires (sous forme de servitudes d'urbanisme non indemnisables) figurant dans le règlement du POS.

Il faut aussi mentionner en France la prise en compte du paysage dans les plans municipaux d’environnement et les chartes locales pour l’environnement. Ces documents facultatifs et sans valeur juridique obligatoire, sont la mise en oeuvre locale des principes d’action 21. Ils conduisent les communes, et parfois les départements, à avoir une approche intégrée de l’environnement dans les autres politiques locales en vue de villes durables. Parmi les thèmes privilégiés de ces chartes, le paysage est en bonne place. En effet il met en évidence un aspect transversal du patrimoine de la collectivité. Au titre le paysage est seulement un thème fédérateur porteur de réflexion et susceptible de déclencher une multiplicité d’actions de fond en milieu urbain
4 Ainsi la charte pour l'environnement de la ville de Châteauroux prévoir d'introduire la notion de paysage à tous les niveaux d'intervention juridique : POS et autorisation d'occupation des sols.

B - Le classement des paysages en zones protégées

De façon directe ou indirecte, les paysages peuvent faire l'objet de classement en zones spéciales de protection soit dans le cadre et en exécution des plans et programmes soit par des mesures ponctuelles indépendantes.

De façon indirecte on évoquera pour mémoire tous les mécanismes protecteurs des parcs nationaux ou régionaux et des réserves naturelles ou zones sensibles diverses. Selon les circonstances, le paysage est implicitement ou explicitement inclus dans ces instruments de protection avec des effets juridiques variables qui vont de l'interdiction totale de toute modification des lieux à l'institution de servitudes ou de simple surveillance.

Mais le plus intéressant est de constater qu'un certain nombre de pays instaurent de plus en plus directement des zones de protection des paysages plus ou moins liées soit à la protection des sites, soit à la protection des monuments naturels ou historiques, ou soit à la protection de la nature.

En Belgique, le Code Wallon de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme prévoit dans les plans de secteur que les zones rurales peuvent comporter des "zones d'intérêt paysager" (art. 180) ainsi définies : ce sont des zones "soumises à certaines restrictions destinées à la sauvegarde ou à la formation du paysage. Dans ces zones peuvent être accomplis tous les actes et travaux correspondant à la destination donnée par la teinte de fond pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la valeur esthétique du paysage". Le Conseil d'Etat a considéré qu'une tour de 80 m de haut, le long d'un chemin de campagne, au milieu d'une zone d'intérêt paysager même si elle est entourée d'un rideau élevé de verdure, ne peut pas être raisonnablement considérée comme compatible avec le caractère architectonique d'une zone d'intérêt paysager et la destination générale d'une zone agricole" (C.E. 3 mars 1988, Commune de Merchtem). Ces zones sont distinctes des zones d'intérêt culturel, historique ou esthétique dans les zones d'habitat (art. 171 du Code Wallon). En Flandre le décret du 3 mars 1976 sur les monuments, sites urbains et ruraux a été modifié le 22 février 1995 en donnant une plus grande place aux ensembles immobiliers, oeuvre de l'homme et de la nature, et à leurs environs visuels directs. Un mécanisme de paysage protégé fait l'objet de servitudes du type de celles applicables aux monuments, sites urbains ou sites ruraux. Tous travaux sur le site exigent que le propriétaire obtienne un avis préalable. Le Ministre de l'environnement de Flandre prépare à titre expérimental un projet d'étude sur le paysage régional.

En Suisse figurent parmi les biotopes d'importance nationale (art. 18 a, loi du 1er juillet 1966) les zones alluviales (ordonnance sur la protection des zones alluviales d'importance nationale du 28 octobre 1992). Au titre de l'inventaire des objets d'importance nationale, l'ordonnance du 21 juin 1991 sur la protection des haut-marais et des marais de transition d'importance nationale énumère dans l'annexe 1 les marais protégés dans les divers cantons.

En Grande-Bretagne la conservation des paysages est systématiquement intégrée dans une série de zonages faisant l'objet d'une classification de la Countryside commission distinguant les zones consacrées à la protection de la nature et les zones de conservation des paysages. Parmi ces dernières, on recense ainsi les parcs nationaux, les zones de beauté naturelle exceptionnelle (areas of outstanding natural beauty), les zones nationales spectaculaires (national scenic areas), les zones littorales (heritage coasts), les parcs forestiers, les zones environnementales sensibles (environmentally sensitive areas), les nouvelles forêts, les zones lacustres (the broads), les chemins de randonnées (national trails), les parcs de loisirs (country parks). Les zones de beauté naturelle exceptionnelle (AONB) visent à la fois la protection de la faune et de la flore, les caractéristiques géologiques et paysagères, la conservation des témoignages du passé, sans oublier les intérêts de l'agriculture et la promotion du développement durable.

En France les mécanismes juridiques de protection des paysages ont été récemment renforcés grâce à la loi spéciale du 8 janvier 1993 mais une protection réglementaire ponctuelle existait déjà depuis 1930, avec la loi du 2 mai 1930 sur les monuments naturels et les sites (précédée par une loi sur les sites de 1906). S'appliquant à des espaces plus ou moins vastes, la loi de 1930 vise à préserver des sites pour des raisons artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. On distingue les sites classés et les sites inscrits. Les premiers (au nombre de 2564) ne peuvent être ni détruits ni modifiés sans autorisation expresse ministérielle. La publicité et le camping y sont totalement interdits et le propriétaire peut se voir imposer certaines servitudes. Les seconds (au nombre de 5000) ne peuvent faire l'objet de travaux ou de modifications risquant de les dégrader sans une déclaration préalable et l'avis de l'architecte des bâtiments de France.

En France on peut aussi mentionner comme instrument de protection à travers une planification locale : les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) instituées par l'art. 70 de la loi du 7 janvier 1983 et étendues au paysage en 1993. Il s'agit d'un zonage particulier qui nécessite l'accord de l'Etat et des communes, en vue de préserver et de mettre en valeur des sites possédant soit un monument historique soit un caractère esthétique ou paysager. La ZPPAUP peut être instituée dans des espaces à protéger indépendamment de l'existence d'un monument historique et pour des raisons purement paysagères (cent cinq ZPPAUP ont été créées et 400 sont à l'étude). La zone est accompagnée d'un règlement comportant des prescriptions particulières applicables en totalité ou dans certaines de ses parties et concernant la protection des paysages, l'architecture ou l'urbanisme (décret du 25 avril 1984). Ces règles impératives sont insérées dans le POS en tant que servitudes d'utilité publique et s'imposent donc au règlement du POS et aux tiers lors de la délivrance des autorisations d'occupation du sol.

En Espagne des espaces protégés peuvent être créés pour protéger des zones et éléments naturels qui offrent un intérêt particulier au point de vue scientifique, culturel, éducatif, esthétique, paysager et récréatif (art. 10.2 b, loi du 28 mars 1989). Il existe ainsi quatre catégories de protection : les parcs, les réserves naturelles, les monuments naturels et les paysages protégés. L'art. 17 de la loi définit ainsi la catégorie "paysages protégés": ce sont des lieux particuliers du milieu naturel qui du fait de leur valeur esthétique et culturelle méritent une protection spéciale. Le régime spécifique de protection de ces paysages figure dans l'acte de création et dans le plan directeur de gestion. Il convient de signaler que les paysages protégés pourront être entourés d'une zone périphérique de protection destinée à éviter des atteintes au paysage venant de l'extérieur. Ils pourront ainsi bénéficier d'une compensation socio-économique pour les populations affectées. Les zones classées en "paysage protégé" sont en Murcia (Humedal del Ajacique y Rambla : Espacio abierto e islas del mar menor ; Cuatro Calas ; Sierra de las Moreras). De plus, en Espagne, le droit de l'urbanisme intègre de façon systématique le paysage à travers les divers niveaux de plans d'utilisation des sols. La notion de paysage est mentionnée au moins 12 fois dans la loi du 26 juin 1992 sur le régime des sols et l'aménagement urbain.

Au Portugal, le décret-loi du 23 janvier 1993 institue un réseau national d'aires protégées comprenant les parcs nationaux, les réserves naturelles, les parcs naturels, les monuments naturels, les sites d'intérêt biologique. Une catégorie spéciale de "paysages protégés" d'intérêt régional ou local est prévue aux art. 9 et 26. Un tel classement a pour effet la possibilité d'adopter des mesures de protection et de valorisation des caractéristiques des paysages naturels, semi-naturels et de la diversité écologique. Les collectivités peuvent proposer de tels classements après une évaluation qualitative et quantitative du patrimoine à protéger. La décision est prise au niveau national par décret réglementaire. Tous les paysages protégés doivent disposer d'un plan d'aménagement et de gestion.

En Hongrie, le décret sur la conservation de la nature de 1982 prévoit des zones de protection des paysages distinctes des parcs et des réserves naturelles. En Allemagne la loi sur la protection de la nature de 1976 (titre IV) prévoit un système d'espaces protégés dont les zones de protection du paysage (art. 15) qui sont délimitées en vue de la conservation ou de la reconstitution des écosystèmes, pour la diversité, la beauté ou le caractère exceptionnel du paysage et pour son importance particulière pour les loisirs. Tous les actes qui portent atteinte au caractère de ces zones sont interdits. Il existe des "éléments du paysage protégé" (art. 18) qui exigent une protection particulière (des arbres, une haie, une prairie) et qui peuvent être classés en dehors d'une zone de protection des paysages. Les réserves naturelles allemandes peuvent être aussi utilisées pour protéger des valeurs esthétiques en tant que zones de beauté exceptionnelle.

Au Danemark la loi sur la protection de la nature du 3 janvier 1992 vise aussi la protection des valeurs scéniques, historiques et éducatives ainsi que celle des territoires significatifs pour le paysage (art. 1.2). Sont ainsi protégés toute une série de sites naturels ayant une valeur paysagère (habitats naturels, lacs et cours d'eau, landes, prés salés, pâturages, zones humides, prairies côtières, murs de pierres, anciens monuments, églises...).

La loi grecque de 1986 sur l'environnement introduit des catégories de paysages à protéger (paysage sauvage, paysage rural, paysage industriel, paysage urbain) mais aucun décret ne semble encore avoir été pris pour sa mise en oeuvre. Selon un décret-loi n° 996 de 1971 sont instituées des forêts esthétiques ou paysagères qui possèdent des caractères particuliers au plan esthétique, sanitaire et touristique et représentent un paysage naturel qui nécessite une protection de la faune, de la flore et des beautés naturelles. Près de 20 forêts paysagères ont été ainsi classées.

Au Luxembourg, à côté des 16 réserves naturelles, il existe des zones vertes prévues dans la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature et des ressources naturelles dont le chap. 2 s'intitule : "mesures de conservation du paysage", des zones protégées pour la sauvegarde du paysage (art. 27) et des parcs naturels de la loi du 10 août 1993.

La loi Tchèque sur la nature et le paysage de 1992 prévoit d'une part le classement ponctuel d'éléments significatifs du paysage qui impose des obligations de faire ou de ne pas faire au propriétaire (art. 6) et d'autre part des zones protégées qui peuvent être instituées : parc national, zones de paysage protégé, réserves naturelles nationales, réserves naturelles, monuments naturels nationaux, monuments naturels. En ce qui concerne les zones de paysages protégés (art. 25 à 27 de la loi) il s'agit de territoires étendus avec un paysage d'écosystèmes naturels, de forêts, de prairies, une variété d'espèces de bois et des témoignages historiques et culturels du passé. Ces zones au nombre de 23 couvrent 14 % du territoire. Elles doivent voir leur état naturel préservé et on doit s'efforcer de développer les fonctions écologiques optimales de ces territoires. La réglementation applicable à ces paysage protégés repose sur une série de règles impératives pour tout le territoire et des règles spéciales en fonction d'un zonage interne. Parmi les interdictions générales on trouve l'interdiction de déposer des déchets, de camper en dehors des sites aménagés, d'introduire des espèces et plantes exogènes, de construire des autoroutes etc... La zone est divisée en trois : la première étant une zone de protection stricte interdisant toute construction nouvelle et l'extraction de minéraux. Les méthodes agricoles d'exploitation sont contrôlées notamment l'usage d'engrais chimiques. Un plan global de gestion de 10 à 15 ans est obligatoire et s'impose aux plans sectoriels.

La loi du 23 août 1994 de la république Slovaque prévoit cinq catégories d'espaces protégés dont certaines concernent plus directement le paysage. Les zones de paysage protégés ont au moins 1000 ha de surface et comportent des paysages caractéristiques associés à des établissements humains d'intérêt historique et des écosystèmes significatifs pour leur diversité et leur stabilité ; une liste de 15 activités y est soumise à approbation administrative. Les sites protégés ont moins de 1000 ha, ils représentent des bio-corridors accompagnés d'espèces animales et végétales à protéger et comportent des parties de nature modifiées par l'homme (parcs, jardins, carrières, réservoirs d'eau). Les monuments naturels sont des objets, des alignements ou des petits écosystèmes ne recouvrant pas plus de 50 ha qui ont un intérêt scientifique, culturel, écologique, esthétique ou paysager. Cette même loi de 1994 prévoit une protection spéciale des arbres poussant en dehors des forêts et dont la conservation est importante pour le paysage et dans l'intérêt de la biodiversité (art. 31 à 34).

C - La prise en compte du paysage dans les décisions d'utilisation du sol

Cette prise en compte peut se faire soit directement et de façon générale à l'occasion de la prise de décision, spécialement à l'occasion des permis de construire ou de la délivrance de diverses autorisations (remembrement, installations industrielles, défrichement, installation de lignes électriques, panneaux publicitaires, etc..;) soit pour des travaux et activités d'une certaine importance à travers une étude d'impact sur l'environnement préalable à la décision et étudiant tout spécialement l'impact paysager d'un projet.

1 - Le paysage et la délivrance des autorisations individuelles

Les restrictions apportées au droit de propriété pour des motifs d'intérêt public sont anciennes. Elles incluent aujourd'hui la protection de l'environnement et la prise en compte du paysage. En Suisse, dès le Code Civil de 1912, l'art. 702 permettait d'apporter des restrictions au droit de propriété par des mesures destinées à "la conservation des antiquités et des curiosités naturelles ou à la protection des sites paysagers (landschaft) et des sources d'eaux minérales".

La protection des paysages aboutissant à une limitation de l'usage d'une propriété a même été considérée comme licite par la Commission européenne des droits de l'homme de Strasbourg. En effet, dans sa décision du 11 mars 1985 (req. n° 11185 84, Muriel Herrick c/Royaume Uni, DR n° 42 p. 275), la Commission a considéré qu'il n'y avait ni violation de l'art. 8 de la convention européenne des droits de l'homme ni violation de l'art. 1 parag. 2 du Protocole additionnel. La propriété de la requérante était située à Jersey dans une région d'intérêt paysager particulier. La législation locale était équivalente en matière d'aménagement à ce que bon nombre d'Etats du Conseil de l'Europe exigent "pour préserver des zones d'exceptionnelle beauté contre une exploitation impropre"... "La Commission reconnait que des contrôles d'aménagement sont nécessaires et souhaitables pour préserver les zones où la nature est d'une beauté exceptionnelle et ce au double bénéfice des habitants et des visiteurs de Jersey...". "L'existence et l'application de contrôles d'urbanisme qui délimitent les zones ou un aménagement à des fins domestiques est possible constituent une mesure légitime de contrôle propre à protéger la valeur de zones rurales bien placées et donc à protéger les droits d'autrui". On peut considérer sur la base de cette importante décision que la Commission des droits de l'homme admet non seulement que le droit du paysage puisse limiter valablement le droit de propriété mais qu'il s'agit en fait quasiment d'une reconnaissance implicite d'un droit au paysage.

Dans cet esprit, de nombreuses législations prévoient que le refus du permis de construire est possible pour des motifs liés au risque de dégradation du paysage. En France, depuis 1958 l'administration (l'Etat jusqu'en 1983, les communes après 1983) peut refuser un permis de construire si le projet par sa situation, son architecture, ses dimensions, son aspect extérieur, est de nature à porter atteinte "aux paysages naturels et urbains" (art. R.111.21 Code de l'Urbanisme), même si ces paysages ne sont ni classés ni inscrits. Une jurisprudence abondante applique cette mesure. Pour renforcer le contrôle des paysages à l'occasion de la délivrance des permis de construire, l'art. 4 de la loi du 8 janvier 1993 modifiée par l'art. 6 de la loi du 9 février 1994 complété par le décret n° 94.408 du 18 mai 1994 impose dans le dossier de demande de permis de construire un "volet paysager" précisant par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement des accès et des abords. Ceci a pour but d'obliger le demandeur à mieux apprécier lui même l'impact visuel de son projet et d'aider l'autorité compétente à mieux prendre en compte l'effet paysager d'une construction aussi bien en milieu rural qu'urbain. De même une autorisation d'ouvrir une usine polluante ou une carrière peut être considérée comme illégale si la future installation porte une atteinte excessive au paysage. Aussi le tribunal administratif de Clermont Ferrand a annulé le 17 décembre 1991 l'autorisation d'exploiter une installation de stockage de véhicules hors d'usage en raison de l'attente portée au paysage par l'installation.

Une protection directe du paysage résulte de l'art. 138 de la loi espagnole du 26 juin 1992 sur le régime des sols et l'aménagement urbain d'après lequel toutes les constructions doivent respecter l'environnement dans lequel elles se trouvent et une construction pourra être interdite si par sa localisation, son volume ou sa hauteur, elle limite le champ visuel permettant de contempler les beautés naturelles, romp l'harmonie du paysage ou défigure les perspectives.

Au Luxembourg une protection du paysage résulte directement des dispositions permettant le refus des constructions de nature à porter préjudice à la beauté des paysages. Ainsi selon le Conseil d'Etat : une bâtisse construite dans un site d'une rare beauté et d'une qualité presque unique offrant de nombreux et impressionnants points de vue et recherché par de nombreux promeneurs, porte préjudice à la beauté du paysage et atteinte au milieu naturel, quelles que soient par ailleurs la conception architecturale de la bâtisse et les précautions prises par le propriétaire pour entourer celle-ci d'un rideau de verdure approprié (Conseil d'Etat, 10 juin 1970). Le paysage magnifique de la Vallée de la Syre, libre de toute construction et complètement intact mérite protection en raison même de sa beauté naturelle (CE 8 déc. 1970). La construction d'une dizaine de chalets dans un site encore intact de toute construction, offrant de nombreux points de vue sur la vallée de l'Lour, compromettrait la beauté du paysage et porterait une atteinte grave au milieu naturel (CE 29 juillet 1971). Il faut ajouter que le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites (règlement local d'utilisation du sol) peut prévoir "les endroits auxquels est réservé un caractère spécial au point de vue du paysage" (art. 55 de la loi du 12 juin 1937 modifiée sur l'aménagement des villes). Au voisinage de ces zones les constructions nouvelles, les agrandissements, les affiches et autres installations de publicité ne seront autorisées que pour autant qu'ils ne porteront pas préjudice à la beauté du site.

2 - Le paysage et les études d'impact

La prise en compte du paysage à l'occasion de travaux ou d'opérations importantes, peut résulter d'une évaluation scientifique préalable au moyen de la procédure des études d'impact sur l'environnement.

S'il ne fait aucun doute que la directive 85/337 CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement impose que les études d'impact examinent les effets directs et indirects d'un projet notamment sur "le paysage" (art. 3), cet aspect des études d'impact ne semble pas être très souvent pris en considération et des études d'impact détaillées sur le paysage sont rares. On trouve toutefois quelques exemples d'Etats qui se sont efforcés de préciser les éléments du paysage qu'il convient d'évaluer. Ceci répond à une demande de plusieurs Etats de pouvoir disposer d'une méthodologie pertinente pour l'évaluation des impacts sur le paysage. Ainsi, en Irlande, un document indicatif énonce les types d'impacts à envisager (Voir annexe 1).

En Flandre, un document purement interne à l'administration explicite les objectifs d'une étude paysagère dans une étude d'impact. On peut trouver des documents de ce type, sans valeur juridique dans de nombreux autres pays (voir annexe 2).

En Wallonie, on notera que la valeur d'un paysage est un critère de soumission de certains projets à étude d'impact. En effet, pour les projets qui ne sont pas soumis d'office à étude d'impact, ne seront soumis que ceux figurant sur une liste dans la mesure où ils s'implantent dans une zone sensible : en zone rurale les zones d'espaces verts et celles pour lesquelles figure, au plan de secteur, une mention concernant "leur intérêt paysager" (Annexe II de l'arrêté de 1991).

Sur la base de la loi sur l'environnement de 1991, l'étude d'impact à Malte doit prendre en compte les effets sur le paysage et le patrimoine culturel (impact visuel, perte d'espace ouvert).

En Italie, le décret du 27 décembre 1988 précise les normes techniques pour la rédaction des études d'impact. Parmi les éléments environnementaux à prendre en compte figurent "les aspects morphologiques et culturels du paysage, l'identité de la communauté humaine intéressée et les liens culturels". L'annexe 2 explicite cette énumération ; l'objectif de la caractérisation de la qualité du paysage en se référant aux aspects historico-culturels mais aussi à ceux liés à la perception visuelle, est de définir les perturbations résultant du projet et les modifications introduites à la qualité de l'environnement. Le paysage est donc étudié à travers des analyses qui portent sur :

a) le paysage dans sa dynamique spontanée au moyen de l'étude des comportements naturels

b) les activités agricoles, industrielles, productives, touristiques, récréationnelles, les infrastructures, leur stratification et leurs incidences sur l'aspect naturel

c) les conditions naturelles et humaines qui ont généré l'évolution du paysage

d) l'étude strictement visuelle du rapport entre le sujet et l'environnement ainsi que les origines de la transformation et de la création du paysage par l'homme

e) les plans paysagers et territoriaux

f) les protections environnementales, archéologiques, architecturales, artistiques et historiques

Pour finir, deux points importants sont à souligner. Il faut faire en sorte que lorsqu'une étude d'impact est obligatoire, on ne se contente pas d'évaluer les impacts sur les seuls paysages remarquables, mais aussi sur tous les paysages. Mais, il faut surtout, compte tenu des grandes différences de seuils et de champ d'application des études d'impact dans les divers pays, prévoir des mesures spécifiques d'évaluation d'impact sur le paysage pour tous les projets non soumis à une étude d'impact générale. En effet, des travaux peu importants peuvent avoir un grand impact sur un paysage local même ordinaire. Pour cela, l'exemple du permis de construire paysager du type français répond bien à la nécessaire évaluation minimum des impacts d'un projet ordinaire. Une autre solution consiste à hiérarchiser les études d'impact en faisant varier leur contenu selon la nature ou l'importance du projet. Ainsi en est-il des notices d'impact en France ou de la distinction espagnole entre trois documents : étude d'impact, rapport environnemental et qualification environnementale, selon la terminologie de la loi du 18 mai 1994 de protection de l'environnement de la communauté autonome d'Andalousie.

Un mécanisme original mérite d'être relevé dans le système allemand avec la présence d'une étude d'impact territoriale qui garantit l'accomplissement des objectifs de l'aménagement du territoire à propos d'un projet donné. Pratiquée depuis longtemps par les landers, puis intégrée dans la législation fédérale de l'aménagement du territoire de 1989, cette étude d'impact territoriale est une macro-évaluation et constitue la première phase de l'étude d'impact environnementale selon l'art. 16 de la loi fédérale sur les études d'impact de 1990. La 2ème phase de l'étude d'impact proprement dite étant une micro-évaluation. Cette analyse des effets territoriaux d'un projet, exigée seulement pour les projets d'importance supramunicipale, inclut le paysage en tant qu'aspect formel et visuel du territoire et doit envisager toutes les variantes et alternatives de localisation (art. 6a al. 1 loi fédérale du 25 juillet 1991). On aboutit donc à un exemple d'intégration de l'impact territorial dans l'impact environnemental et à une coordination entre les deux politiques. Chaque lander a établi des directives pour l'exécution de la procédure d'étude d'impact en précisant la place que doit y tenir le paysage (ex. de la directive du 26 juin 1991 du land de Hesse sur la procédure intégrée d'évaluation de l'impact territorial et environnemental).

D - Les plans paysagers particuliers

Certaines pratiques et législations s'efforcent de particulariser les plans paysagers en leur donnant toutefois des contenus et des portées très contrastées. On retiendra l'Allemagne, l'Italie, la France et l'Espagne.

1 - L'Allemagne

Ce pays a probablement la plus ancienne et la plus intégrée des politiques paysagères. Elle remonte au début du XIXème siècle avec le mouvement de protection du patrimoine naturel et culturel et la réaction à la fin du siècle dernier contre la destruction de la nature visible par l'industrialisation. En vertu de la loi fédérale de protection de la nature de 1976, il est institué une hiérarchisation de plans de paysage en parallèle avec les plans d'aménagement de l'espace avec trois niveaux de plan : au niveau du land le programme paysager, au niveau de la région, le plan régional de paysage et au niveau municipal, le plan paysager. Ces plans sont indicatifs mais dans la plupart des Landers, ils sont intégrés dans les plans d'utilisation du sol et deviennent alors contraignants. Seuls les plans paysagers des villes-Etats et du land de Nord Wesphalie sont directement obligatoires. Ils sont aussi intégrés dans les plans de secteurs (plans de transport, plans des voies navigables) et dans les procédures d'approbation de projets individuels tels qu'exploitation minière et plantation forestière.

L'intégration des plans paysagers dans la planification générale de l'aménagement du territoire se fait de deux façons différentes selon les landers. Certains réalisent une intégration dite primaire, c'est-à-dire que les différents plans paysagers sont élaborés directement en tant que partie spéciale des plans territoriaux et d'urbanisme (cas de la Bavière, Hesse, Rhénanie Palatinat, Saxe). D'autres procèdent à une intégration dite secondaire dans la mesure où les différents plans paysagers sont élaborés séparément comme documents indépendants puis sont ultérieurement intégrés en partie ou en totalité dans les plans territoriaux et d'urbanisme au moyen d'un acte juridique formel (cas de la Sarre, Bade Wurtemberg, Schleswig-Holstein, Mecklemburg). Il faut noter, en tout état de cause, que dans la plupart des cas, les institutions responsables de la planification paysagère sont les mêmes que pour la planification de l'aménagement du territoire. L'unité administrative entre l'environnement et l'aménagement du territoire est un facteur déterminant de réussite de ce type de planification hiérarchisée et coordonnée.

Selon l'art. 1.sect. 1 de la loi fédérale : dans les zones habitées et non habitées, le paysage et la nature doivent être protégés, conservés et développés pour que la capacité des écosystèmes, la disponibilité des ressources naturelles, la flore et la faune, la diversité, le caractère et la beauté du paysage et de la nature, qui sont la base de la qualité de la vie et des loisirs, soient préservés de manière durable. Selon la jurisprudence et la doctrine allemande, la beauté ne se réfère pas seulement aux aspects visuels du paysage mais aussi aux aspects acoustiques et olfactifs. Parmi les treize principes de base, on peut citer : la prévention de la destruction des paysages et des éléments paysagers, la préservation de la végétation, la garantie de l'accès au paysage, la conservation des paysages culturels et historiques. La structure et le contenu des programmes paysagers et des plans régionaux de paysage sont déterminés par les lois de chaque lander. Les plans paysagers municipaux doivent déterminer les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs de protection des paysages. Pour cela, ils doivent faire un diagnostic de l'état actuel du paysage, de son évolution, de la situation du paysage après la mise en oeuvre des mesures de protection ou de restauration prévues. Le contenu de la planification paysagère allemande est très ambitieux et se veut le résultat d'une démarche globale en vue d'une planification intégrale du milieu physique. Elle est pourtant considérée comme une planification sectorielle qui doit s'intégrer dans la planification générale de l'aménagement du territoire. La loi de protection de la nature et de gestion du paysage du land de Brandebourg du 25 juin 1992 précise les objectifs prioritaires poursuivis par les plans paysagers et notamment la mise en lumière des conflits qui peuvent résulter de la situation existante par rapport au développement souhaitable ; une attention particulière est attachée à la protection des avenues bordées d'arbres, élément typique du paysage.

Les plans régionaux de paysages comportent tous un rapport présentant le résultat du diagnostic, un commentaire sur les objectifs et une estimation du coût de réalisation des objectifs prioritaires. Ils devront délimiter les aires protégées paysagères (zones de protection du paysage, monuments naturels et éléments de paysage protégé), les espaces qui doivent rester ouverts et non construits, les franges vertes, les éléments de paysage urbain à protéger, les espaces de loisirs, etc... Les plans sont accompagnés de normes de gestion par rapport au paysage concernant les installations publicitaires, les ouvrages hydrauliques, les plantations, les obligations imposées aux propriétaires et usufruitiers, la gestion agricole, les mesures de compensation ou de substitution à prévoir. Selon la loi du Brandebourg de 1992, l'utilisation agricole du sol est correcte lorsque, au moyen de techniques agricoles adaptées, on conserve le sol en évitant l'érosion et la perte d'humus, on contribue à la régénération, on ne met pas en danger les eaux et les rives, on conserve un habitat suffisant pour la faune et la flore. Il ne s'agit que de la mise en oeuvre des principes de l'utilisation durable des ressources naturelles (voir annexe 3).

2 - L'Italie

La loi pour la protection des beautés naturelles du 29 juin 1939 n° 1497, bien que ne parlant pas de paysage en tant que tel, est le texte fondateur. Le paysage n'est perçu qu'à travers les beautés naturelles et les témoignages visibles de l'histoire, ce n'est donc pas tout l'environnement mais uniquement ce qui représente l'acquis culturel. Sont soumis à cette loi, quatre catégories de biens :

a) les immeubles qui se distinguent par leur beauté naturelle caractéristique ou leur singularité géologique,

b) les villas, jardins et parcs non soumis à la loi sur le patrimoine historique et qui se distinguent par leur beauté peu commune,

c) les ensembles qui revêtent un aspect caractéristique et ayant une valeur esthétique et traditionnelle,

d) les beautés panoramiques considérées comme cadre naturel et les points de vue et belvédères accessibles au public pour jouir du spectacle de ces beautés.

Sur la base de l'établissement de listes des sites ainsi identifiés, ceux-ci sont enregistrés et une protection de ces lieux s'impose à leurs propriétaires qui ne peuvent ni les détruire, ni les modifier sauf autorisation. Un plan territorial paysager était prévu de façon facultative pour les sites relevant des points c et d qui devait être approuvé et publié et avait pour but d'empêcher l'utilisation de ces territoires de manière préjudiciable à leur beauté panoramique (art. 5 loi de 1939). La loi Galasso du 8 août 1985 a complété la loi de 1939. Elle a étendu les catégories de lieux susceptibles d'être protégés en intégrant les éléments structurants du paysage naturel et en intégrant la valorisation d'écosystèmes
5. L'évolution est donc très nette, le critère purement esthétique devient de nature paysagère et environnementale. Cette même loi de 1985 impose de plus aux régions de réaliser des plans paysagers régionaux. Ceux-ci doivent déterminer les usages du territoire compatibles avec les exigences de protection du paysage. Mais toutes les régions n'ont pas réalisé de tels plans ce qui posait le problème de la validité des mesures de protection en l'absence d'un plan paysager approuvé. La Cour de Cassation a considéré le 29 décembre 1988 que les normes de protection paysagères s'imposent même en l'absence de plans paysagers. Les plans paysagers doivent être coordonnés avec les plans d'urbanisme. Selon les lois régionales, cette coordination est ou non organisée. Dans la majorité des régions, il existe un plan paysager régional propre qui doit faire l'objet d'une intégration dans le plan territorial régional (Abruzzi, Basilicata, Emilia, Romagna, Lazio, Lombardie, Liguria, Marche). Dans d'autres régions, le plan territorial régional assume en même temps les fonctions du plan paysager (Veneto, Umbria, Piemonté, Provincia de Bolzano et de Trento). Les plans paysagers italiens abordent le paysage à la fois au plan naturel et culturel en mettant en avant trois domaines : la géomorphologie, l'écologie et l'historico-culturel. Ils mettent plus l'accent que les plans paysagers allemands sur le patrimoine historico-culturel. Il y a toutefois de grandes différences de contenu entre les régions. Certains traitent des risques naturels (Plan de Liguria). L'échelle adoptée est le 1/25000. Le plan paysager régional de la Marche de 1989 est ainsi structuré :

- norme technique de atterazione

. dispositions générales
. sous systèmes thématiques (géologique, géomorphologique, botanico-végétal, historico-culturel)
. sous-systèmes territoriaux
. catégories constitutive de paysage
. intervention entraînant une transformation
. valorisation et remise en état
. dispositions finales

- 18 cartes
- un inventaire de biens naturels
- un inventaire de biens historico-culturels

La portée juridique du plan dépend du type de dispositions adoptées. Certaines sont de simples orientations, d'autres sont des directives destinées à être adoptées dans les plans d'urbanisme, d'autres enfin, sont des règles impératives et prescriptives immédiatement applicables par les acteurs publics et privés et s'imposant à tous les instruments de planification (art. 10, loi régionale du 8 juin 1987).

3 - France
Deux instruments doivent être mentionnés. Le premier est juridiquement organisé depuis la loi paysage du 8 janvier 1993 avec les "Directives de protection et de mise en valeur des paysages" (décret du 11 avril 1994 et circulaire du 21 novembre 1994). Il s'agit de documents réalisés par l'Etat et approuvés par décret en Conseil d'Etat et qui vont s'imposer juridiquement aux collectivités locales dans leurs plans d'urbanisme et demandes d'autorisation de défrichement et d'occupation et d'utilisation du sol (permis de construire, lotissements, notamment). Ce sont en réalité des plans paysagers locaux exprimant la volonté de l'Etat d'imposer une politique paysagère aux communes après concertation, en associant à l'élaboration de la directive, les collectivités locales, les organisations professionnelles, les associations d'environnement et le public qui est consulté pendant un mois. Les territoires sur lesquels de telles directives sont élaborées à l'initiative du ministère de l'environnement sont les "territoires remarquables pour leur intérêt paysager". Il s'agit selon le décret du 11 avril 1994 "de paysages remarquables dont l'intérêt est établi, notamment soit par leur unité et leur cohérence, soit par leur richesse particulière en matière de patrimoine ou comme témoin de modes de vie et d'habitat ou d'activités et de traditions industrielles, artisanales, agricoles et forestières". Ces directives peuvent s'imposer à tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes. En dépit de son appellation de directive, ces plans ont bien un contenu normatif inséré dans "les orientations et principes fondamentaux" qui peuvent fixer des prescriptions concernant l'implantation, l'aspect extérieur, le volume ou la hauteur des constructions ainsi que les conditions de réalisation de certaines catégories de travaux ou d'aménagements. Le rapport de présentation fait l'analyse de l'état initial du paysage et expose les objectifs. Les normes impératives peuvent être complétées par un cahier de recommandations comportant de simples conseils de gestion et de restauration.

Des pratiques expérimentales ont été entreprises à partir de 1990 sur certains sites à l'occasion d'opérations d'aménagement (en particulier sur la Loire). Il s'agit des chartes de paysage visant non pas spécialement à protéger mais à réfléchir à la prise en compte du paysage à l'occasion d'un projet d'aménagement ou d'infrastructure. Le but était d'identifier les composantes d'un paysage,étudier les éléments stables et évolutifs et élaborer un projet en fonction de l'objectif à atteindre : quel paysage et pour qui ?

Selon une démarche parallèle relevant du partenariat et non juridiquement encadrée, l'Etat a entrepris en 1992 des actions contractuelles d'incitation et de sensibilisation à travers des plans de paysage. Des plans expérimentaux (une trentaine sont en cours) ont été initiés par le ministère de l'équipement (direction de l'architecture et de l'urbanisme), ils visent à la recherche d'un consensus au sein d'un comité de pilotage et s'articulent en trois étapes comme le précise une circulaire du 15 mars 1995.

1 - Comprendre et faire comprendre le paysage. Phase de re-connaissance du paysage dans ses composantes objectives et subjectives : géographie, histoire, culture des lieux, mutations en cours... permettant de déterminer les enjeux et leur territorialisation, de mettre en évidence les caractéristiques du paysage, ses points forts, ses éléments structurants. Cette étape doit permettre à chacun de partager une culture commune des paysages du plan.

2 - L'élaboration d'un projet. La détermination d'une vision d'avenir du territoire résulte d'une relation complexe entre l'identité du paysage, les forces économiques et sociales en action sur l'espace, les projets d'aménagement. La perception et la compréhension des effets sur l'espace des options possibles, des résultats des tendances prévisibles ou constatées et des décisions envisagées, doit permettre de dégager une vision partagée d'un parti d'évolution. Ce parti définira à la fois des objectifs de préservation (ligne de force à préserver, espaces à protéger...) et de dynamique (valorisation, création, requalification).

3 - La mise en oeuvre du projet de paysage passe par l'élaboration d'un programme d'action et la mobilisation de l'ensemble des partenaires concernés : Etat dans toutes ses composantes, collectivités locales, acteurs économiques.

Enfin, à l'occasion de la mise en oeuvre des mesures agri-environnementales qui selon l'U.E. doivent prendre en compte le paysage, le ministère de l'agriculture et de la pêche élabore au plan local des "plans de développement durable" suite à un diagnostic agri-environnemental d'exploitation qui intègre l'élément paysager de l'espace rural exploité (haies, berges, ruisseaux, étangs, arbres isolés, murets, terrasses, points de vue, cabanes, lavoirs,e tc...).

4 -Espagne
En Espagne, la gestion de l'urbanisme par les municipalités se fait à travers le plan général municipal qui peut être complété et précisé par des plans partiels et des plans spécifiques ou particuliers. Ces derniers peuvent porter sur les voies de communication, l'amélioration de l'environnement, la santé, mais aussi tout particulièrement sur les paysages. En effet, l'art. 86 de la loi du 26 juin 1992 sur le régime des sols et l'aménagement urbain prévoit un "plan spécial de protection du paysage" qui doit prendre en compte les espaces naturels d'intérêt paysager, les lieux pittoresques, les édifices isolés qui se remarquent par leur emplacement ou leur beauté architecturale, les parcs et jardins artistiques ou historique, les ensembles bâtis qui représentent des valeurs traditionnelles ou esthétiques. Au niveau des communautés autonomes et des sous-régions on doit mentionner les plans spéciaux de protection du milieu physique (PEPMF) qui consacrent de nombreuses dispositions à la protection du paysage (par ex. les 8 PEPMF des provinces d'Andalousie à partir de 1986). Ces plans visent à assurer la protection du milieu physique naturel dans l'aménagement urbain et font du paysage un élément du milieu physique naturel. Ils formulent des normes générales qui s'appliquent dans tout le territoire de la province et des normes particulières qui s'appliquent uniquement dans les zones de protection mentionnées dans le plan. Ce plan s'impose tant à l'administration qu'aux particuliers. Parmi les paysages soumis à un régime de protection spéciale, on distingue les paysages remarquables et les paysages agraires particuliers. Les paysages remarquables sont entendus comme étant les espaces qui se caractérisent par leur singularité paysagère fréquemment renforcée par une géomorphologie spéciale ; ils contiennent aussi un patrimoine botanique et faunistique de valeur et ce sont en général des ensembles relativement uniformes qui se comportent comme des émetteurs et des récepteurs visuels ayant un grand intérêt scientifique, culturel et esthétique. Les paysages agraires particuliers se caractérisent par le maintien d'activités et de structures agricoles traditionnelles d'intérêt social et environnemental.

V - LA GESTION DES PAYSAGES

Le droit est beaucoup moins imaginatif en ce qui concerne la gestion des paysages qui relève plus de la pratique de terrain et du rôle actif des divers acteurs intéressés. Néanmoins, un encadrement financier et fiscal des actions de protection des paysages a une place non négligeable dans les droits nationaux, alors que les sanctions spécifiques, sont très rares. On rencontre par contre de nombreuses hypothèses d'acquisition forcée de paysage et des initiatives au niveau de l'information mais bien peu de choses en matière de participation du public.

A - Les instruments juridiques incitatifs ou financiers

Aucune solution vraiment originale n'est proposée, mais les pays les plus sensibles à la protection du paysage s'efforcent depuis peu d 'années d'imaginer des instruments incitatifs ou financiers pour renforcer les mesures juridiques traditionnelles.

Bien entendu, l'accompagnement de la nouvelle politique agricole commune soucieuse de l'environnement est le moyen le plus fréquent dans les pays membres de l'Union Européenne. Ainsi en Irlande, les schémas de protection de l'environnement rural de 1994 ont notamment pour but d'améliorer la gestion du paysage rural et sont accompagnés d'aides financières particulières pour la restauration des paysages. Il en est de même en France des plans de développement durable. Aux Pays Bas, des contrats de gestion sont passés entre les autorités et les propriétaires agricoles. Le contrat précise les obligations qu'il s'engage à respecter en ce qui concerne l'exploitation écologique des sols et la conservation des paysages. En contrepartie, les agriculteurs reçoivent une compensation financière en vue d'une gestion soucieuse de la nature et du paysage. Ce programme appelé "Relatienota" couvre 200 000 ha. de terres agricoles en exploitation. Au Luxembourg, l'art. 33 de la loi du 11 août 1982 concernant la nature prévoit la possibilité de subventions ayant pour but la conservation du paysage :

- maintien et restauration de prés, de vallées à l'intérieur du massif forestier
- protection des végétations dans les sites rocheux et les escarpements, les cours d'eau et les zones tourbeuses
- plantation de haies et de bosquets
- protection de la forêt et amélioration de la structure forestière

Ces subventions peuvent être allouées pour des travaux exécutés par des associations d'importance nationale agissant dans le domaine de l'environnement. Le règlement grand-ducal du 22 octobre 1990 précise les conditions d'octroi de ces aides. Ces aides aux agriculteurs pour la préservation des paysages existent aussi en dehors de l'Union Européenne. Au Liechtenstein, des subventions sont prévues par les lois sur la sylviculture et l'aménagement des surfaces naturelles. Une loi sur l'orientation écologique de l'agriculture est en préparation. En république Tchèque, un programme spécial d'aide aux agriculteurs "care for landscape" est géré par les ministères de l'environnement et de l'agriculture pour financer une gestion écologique des activités agricoles (conversion de terres arables en prairies, gestion écologique des prairies, revitalisation des petites rivières, restauration du lit naturel et des berges) et la loi de 1992 sur la protection de la nature et du paysage prévoit en son art. 69 des subventions accompagnées de contrats avec les bénéficiaires. En Norvège, des subventions sont accordées aux agriculteurs pour le maintien des paysages par les autorités agricoles et les autorités environnementales.

Au-delà de ces aides directes aux agriculteurs souvent complétées par des aides aux remembrements soucieux de l'écologie, d'autres incitations existent. Ainsi au Portugal, l'art. 29 du décret-loi du 23 janvier 1993 accompagne les mesures prévues pour les zones de paysages protégés régionales et locales, de contrats-programmes entre le ministère de l'environnement et les collectivités locales en vue de faciliter les investissements et la cogestion des dépenses de fonctionnement des zones de paysages protégés. En Belgique, le gouvernement Flamand a édicté le 12 octobre 1994 un arrêté instaurant une prime d'entretien des sites protégés privés pour contribuer au maintien du patrimoine. Cette prime qui ne peut dépasser 40 % des dépenses peut être affectée en fonction d'une liste de travaux comportant 13 activités dont un grand nombre ont un impact sur le paysage. Ainsi en est-il :

- de l'entretien et la réparation d'éléments de sites rectilignes ou en forme de pointe tels que les mares, les enceintes boisées, les arbres, les rangées d'arbres et les haies
- la réparation des caractéristiques structurelles des cours d'eau
- l'entretien et la réparation de terrasses et de digues en terre
- le déblayage et l'enlèvement de constructions gênantes
- l'enlèvement et l'évacuation de mottes de gazon
- le taillage, l'étêtage, le tuteurage et l'entretien des arbres, arbustes et des haies

Les lands allemands on en général mis en place des instruments financiers spéciaux pour accompagner la protection des paysages, ainsi en est-il en Nord-Westphalie pour la protection des haies, des biotopes, des zones humides, du champ d'épandage et des vergers.

En Suisse, la loi fédérale de 1966 prévoit en son art. 13 des subventions pour la conservation des paysages, l'aspect des localités, des sites évocateurs du passé, des curiosités naturelles et des monuments dignes de protection. Ces subventions ne peuvent atteindre que 35 % des frais et elles ne sont accordées que si le canton y participe. Elles peuvent être liées à des conditions concernant la conservation et l'entretien du lieu protégé et de ses environs. En 1992, les crédits alloués ont été de 22 millions de Francs suisses. L'initiative la plus originale est la création en 1991 par le Parlement Suisse d'un Fonds pour la protection du paysage (fonds en faveur de la sauvegarde et la gestion de paysages ruraux et traditionnels). Ce fonds soutient des actions de protection des paysages lorsque les ressources publiques habituelles sont épuisées ou lorsque les projets ont valeur d'exemple (restauration de murets en pierres naturelles dans le parc jurassien Vaudois).

En France, diverses initiatives prouvent une volonté nouvelle pour mieux encadrer et maîtriser l'évolution du paysage. Des contrats pour le paysage lancés en 1994 sont signés entre l'Etat et une ou plusieurs collectivités locales. Ils peuvent mettre en oeuvre le programme d'un plan de paysage et sont le résultat d'une réflexion approfondie avec l'aide de professionnels du paysage. L'Etat peut financer en partie les études préalables sur la base d'un protocole. Ce contrat pour le paysage est signé pour l'Etat par le préfet du département, sa mise en oeuvre concrète suppose un comité de pilotage avec les divers services de l'Etat et les entreprises publiques intéressées (EDF, France Telecom). Le ministère de l'environnement peut apporter un soutien financier à la mise en oeuvre de ces contrats. Mais c'est surtout le fonds de gestion pour l'espace rural qui doit à l'avenir financer ces contrats ainsi que toutes actions de restauration du paysage rural. Ce fonds a été créé par la loi sur l'aménagement du territoire du 4 février 1995 (art. 38 et le décret du 5 avril 1995) pour tout projet concourant à l'entretien ou à la réhabilitation de l'espace rural. Il est affecté en priorité aux agriculteurs. Il devrait servir à la gestion d'espaces sensibles ou d'écosystèmes fragiles (zones humides, restauration de haies, entretiens d'éléments naturels susceptibles de contribuer à l'insertion paysagère des bâtiments agricoles, à l'entretien d'anciens vergers traditionnels, à l'entretien des zones naturelles d'expansion des crues, à la revégétalisation par un couvert herbacé des zones sensibles à l'érosion, à la reconstitution des bocages).
Une démarche expérimentale d'intégration du paysage dans la politique autoroutière mérite d'être signalée ici. En 1989 le gouvernement français a décidé que pour deux tronçons d'autoroute (A75 Clermont-Béziers et A20 Vierzon-Brive) l'équivalent de 1% du montant des travaux serait consacré à la valorisation paysagère et au développement économique et touristique des espaces proches de ces autoroutes. En accord avec les collectivités locales et grâce à des chartes départementales d'itinéraires, ce 1% paysage va se développer sur le terrain avec des chartes locales et un comité de pilotage départemental regroupant des représentants de l'Etat, du département, des communes concernées, des secteurs socio-économiques et des associations. La mise en oeuvre administrative et financière de cette politique du 1% a fait l'objet de notes communes aux directions respectivement intéressées du Ministère de l'équipement et des transports (direction des routes et direction de l'architecture et de l'urbanisme), du Ministère de l'environnement (direction de la nature et des paysages) et la DATAR (délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) (notes du 26 octobre 1992 et du 25 avril 1994). Parmi les instruments de mise en oeuvre de cette politique on peut mentionner l'accord conclu le 2 novembre 1994 entre la Société des autoroutes du sud de la France et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles. Une extension de cette politique date du "1% paysage et développement" a été décidé le 29 avril 1994 et entérinée par le Conseil des Ministres du 3 novembre 1994. Désormais le 1% s'applique à diverses opérations routières et ferroviaires, le financement devant être partagé entre l'Etat et les collectivités locales. De plus, pour mieux prendre en compte le paysage en matière d'urbanisme le 1% culture sur les constructions peut être utilisé pour le paysage et le gouvernement est décidé à améliorer les entrées de ville, à maîtriser mieux l'affichage et à développer les jardins familiaux dans les villes.

B - Les sanctions spécifiques

Le plus souvent, ce sont les sanctions applicables aux espaces protégés ou aux règles d'aménagement et d'urbanisme qui pourront essentiellement s'appliquer à la destruction d'un paysage. Il est rare que le paysage en soi fasse l'objet d'une protection pénale.

Ainsi, en Belgique, au Danemark, en France, des atteintes aux paysages seront probablement punies à travers les lois spéciales sur la nature et sur l'urbanisme. En Suisse,la loi sur la protection de la nature et des paysages contient des dispositions pénales qui érigent en délit punissable d'emprisonnement ou d'amende la destruction d'un paysage protégé. En outre, la violation des mesures prises pour protéger des marais et sites d'une beauté particulière est frappée également d'une amende. L'art. 24 de cette même loi prévoit une obligation de remise en état indépendante de la procédure pénale en cas d'atteinte portée à un site ou à un espace protégé. Lorsque l'atteinte ne peut être réparée, une compensation appropriée devra être fournie.

En Espagne, des sanctions administratives punissent la destruction d'habitats naturels, d'espaces protégés et des éléments les composant (loi 4 du 27 mars 1989). Au plan pénal, le paysage étant un élément de l'environnement, l'existence d'un délit général d'atteinte à l'environnement permet de poursuivre les atteintes au paysage (art. 347 bis du code pénal).

En Italie, l'art. 734 du code pénal sanctionne pénalement la destruction et l'altération des beautés naturelles faisant l'objet d'une protection spéciale. De plus, la loi du 28 février 1985 punit la construction abusive dans les zones de protection paysagère.

La loi de 1994 de la République Slovaque prévoit en son art. 64 des amendes administratives pour toute personne qui endommage un élément significatif du paysage.

C - L'acquisition forcée des paysages

Parmi les instruments juridiques classiques de protection d'un espace, l'expropriation est dans tous les pays, la mesure extrême qui peut être légalement utilisée à la condition toutefois que le but poursuivi lors de l'acquisition forcée entre bien dans les buts d'utilité publique ou générale. Dans la plupart des Etats, le droit commun de l'expropriation pourra être utilisé pour acquérir un terrain faisant partie d'un paysage particulièrement remarquable. En effet, le motif de la protection de l'environnement est généralement considéré comme une justification suffisante. Bien entendu, l'acquisition d'un paysage banal risquera de n'être pas considérée comme répondant aux exigences de l'utilité publique.

En Suisse, l'expropriation est prévue expressément par la loi sur la nature et le paysage pour l'acquisition de sites naturels, de sites évocateurs du passé ou de monuments d'importance nationale aussi bien par la Confédération que par les Cantons. En Allemagne, il n'existe aucune disposition fédérale sur ce sujet. Mais certains landers prévoient la possibilité d'exproprier des terrains nécessaires à la gestion du paysage dans l'intérêt public (art. 38 loi de Hessen). En Belgique, la loi de 1973 sur la conservation de la nature prévoit l'acquisition de biens immobiliers nécessaires à l'exécution de la loi.

Il faut aussi évoquer les acquisitions amiables de terrains privés par des organes privés tels que des associations de protection de l'environnement. En effet, cette pratique tend à développer et trouver un terrain de prédilection dans l'acquisition d'espaces naturels en vue de leur protection. Il en est ainsi aux Pays Bas où la plupart des paysages remarquables sont la propriété de l'Association pour la conservation des monuments naturels des Pays Bas ainsi qu'au plan des provinces ou des propriétés ayant une valeur paysagère sont acquises par des associations régionales de protection des paysages. En grande Bretagne, le National Trust, sous un statut très particulier, joue ce même rôle. En France, ce sont des associations spécialisées, les conservatoires régionaux des espaces naturels qui acquièrent pour les gérer des terrains à protéger à la fois pour des raisons écologiques et paysagères.

D - L'information et la participation

Il semble dans ce domaine qu'il y ait peu d'initiatives remarquables. Il existe certes un certain nombre d'associations spécialisées dans la protection du paysage qui participent souvent à la réalisation des inventaires ou à la gestion de paysages particuliers. Les actions les plus dynamiques proviennent des Etats où une agence spécialisée s'occupe du paysage et entreprend des campagnes d'éducation ou de sensibilisation du public et des professionnels concernés.

On peut évoquer deux expériences de promotion du paysage qui ont été réalisées en France. La première concerne l'attribution aux terroirs de labels de paysages. Le ministère de l'environnement a labellisé en 1992 et 1993 une centaine de lieux remarquables pour leurs diversités et leur liens avec l'histoire et l'économie de leurs habitants. Un comité de labellisation réunissant les divers partenaires sous l'autorité de la direction de la protection de la nature définit les critères du label et décide de l'accorder pour 4 ans avec un soutien financier pour sa valorisation (ex. marais de Guérande, vergers de Basse Normandie, causses de Lozère). La seconde a trait à une campagne de sensibilisation sur le paysage sous forme d'un concours "Mon paysage, nos paysages" lancée en 1992 par le ministre de l'environnement. Il proposait de présenter des photos et des textes sur des paysages familiers.Neuf mille personnes ont participé au concours et 84 photos et textes ont été sélectionnés et exposés.

Il existe ainsi dans certains pays des initiatives pédagogiques intéressantes qui ont pour but l'éducation et la sensibilisation au paysage. Ainsi en France au titre des ateliers de pratique artistique dans le second degré, depuis 1992 les collèges et lycées peuvent organiser 3H par semaine des ateliers "paysages" conçus comme carrefour de discipline dont deux composantes importantes sont d'ordre esthétique et écologique. Il existe ainsi en 1994-95, 38 ateliers du paysage (note de service du Ministère de l'Education nationale aux recteurs n°92-163 du 25 mai 1992)
6.

DEUXIEME PARTIE

LES PAYSAGES, APPROCHE INTERNATIONALE

Le paysage en tant qu'objet particulier de protection au plan international, est désormais un concept assez répandu en droit international. Il souffre cependant, comme en droit interne, de son imprécision et des approches subjectives qui lui sont inhérentes. Le paysage est naturellement rattaché à trois secteurs privilégiés : le patrimoine historique et culturel, l'environnement naturel, l'aménagement du territoire.

Pour rendre compte de l'état actuel du droit international, il a paru plus pertinent de présenter les documents existants sous ces trois rubriques en distinguant les conventions internationales ou actes à caractère juridiquement contraignant et les autres catégories d'instruments internationaux ayant une valeur moindre quant aux obligations des Etats. Certains textes portant sur plusieurs secteurs à la fois seront rattachés à la rubrique dominante et mentionnés à nouveau pour mémoire dans l'autre rubrique.

On notera au préalable que la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement et plus précisément le texte de l'Agenda 21, ne font aucune référence explicite au paysage et que ce n'est qu'indirectement qu'on peut trouver des allusions à ce concept dans le chapitre 11 sur le déboisement et le chapitre 36 sur l'éducation et la sensibilisation du public.

I - LE PAYSAGE ELEMENT DU PATRIMOINE HISTORIQUE ET CULTUREL

A - Textes à caractère obligatoire

1 - Niveau mondial
La Convention de l'UNESCO du 16/11/1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel est incontestablement l'instrument international le plus opérationnel concernant un système de protection permanent des éléments les plus remarquables du patrimoine. Le paysage est intégré dans les éléments constitutifs du patrimoine à plusieurs titres couvrant aussi bien le paysage culturel que le paysage naturel.

Ont vocation à faire partie du patrimoine culturel : les "ensembles" constitués de groupes de constructions isolées ou réunies qui en raison de "leur intégration dans le paysage" ont une valeur universelle exceptionnelle (art. 1 al. 3).

Ont vocation à faire partie du patrimoine naturel les monuments naturels ayant une valeur exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique ainsi que les sites naturels et les zones naturelles ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la conservation ou de la beauté naturelle. Les Etats s'engagent à identifier et limiter ces espaces et à les protéger. Un comité intergouvernemental inscrit les éléments les plus remarquables avec l'accord de l'Etat concerné, sur une liste du patrimoine mondial. Parmi les biens figurant sur cette liste, certains nécessitant des travaux et une aide financière internationale sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril.

Le Comité du patrimoine mondial, organisme intergouvernemental de gestion de la Convention a décidé lors de sa 16e session à Santa Fé le 13 décembre 1992 de modifier les critères sur la base desquels un bien du patrimoine culturel et naturel peut être inscrit dans l'une ou l'autre des listes des para. 2 et 4 de l'art. 11 de la Convention. C'est ainsi qu'exploitant la référence expresse au paysage de l'art. 1 de la Convention, de nouveaux critères ont été énoncés pour identifier et inscrire des paysages culturels exceptionnels relevant en fait à la fois de la catégorie naturelle et culturelle des art. 1 et 2 de la Convention. Un paysage culturel combine le travail de l'homme et de la nature. Il illustre l'évolution de la société sous l'influence des contraintes physiques et des opportunités de l'environnement naturel ainsi que des forces externes ou internes d'ordre social, économique et culturel. Le terme paysage culturel couvre une variété de manifestations de l'interaction entre l'homme et son environnement naturel. Désormais l'UNESCO peut donc inscrire sur la liste du patrimoine mondial au titre des paysages culturels, des paysages non urbains et des paysages représentant des ensembles non monumentaux.

2 - Niveau régional

La Convention du Conseil de l'Europe pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe signée à Grenade le 3 octobre 1985 ne vise qu'indirectement le paysage. Son champ d'application recouvre les monuments, les ensembles architecturaux et les sites. Ces derniers sont définis comme l'oeuvre combinée de l'homme et de la nature, partiellement construits et constituant des espaces suffisamment caractéristiques et homogènes pour faire l'objet d'une délimitation topographique. Le rapport explicatif présenté par le Conseil de l'Europe précise que les catégories peuvent naturellement se recouper et que des "zones paysagères" et des jardins historiques peuvent de ce fait relever de la catégorie "sites" ou "ensembles architecturaux". Sont ainsi évoqués des villages ou des espaces ruraux partiellement bâtis se distinguant des espaces purement naturels. L'art. 7 de la Convention peut être particulièrement utile pour le paysage même s'il reste très général "Aux abords des monuments, à l'intérieur des ensembles architecturaux et des sites, chaque partie s'engage à susciter des mesures visant à améliorer la qualité de l'environnement".

La Convention de Grenade s'efforce de prévoir des mécanismes juridiques de protection du patrimoine remarquable ou digne d'intérêt en s'en remettant largement au bon vouloir des législations nationales et en organisant la coopération et une stratégie de conservation intégrée. Son ambition est particulièrement intéressante dans une perspective culturelle et environnementale lorsqu'elle énonce dans le préambule qu'il faut transmettre un "système de références culturelles aux générations futures et améliorer le cadre de vie urbain et rural".

La Convention du Conseil de l'Europe pour la protection du patrimoine archéologique signée à Londres le 6 mai 1969 et révisée à Malte le 16 janvier 1992 vise à renforcer la sauvegarde du patrimoine archéologique face aux grands travaux d'aménagement et aux dégradations diverses et à intégrer l'archéologie dans les politiques d'aménagement urbain et rural. Bien que le paysage ne soit pas visé par cette convention, il est indirectement mis en avant compte tenu de la définition large qui est donnée du patrimoine archéologique. En effet l'art. 1 y inclut "les structures, constructions, ensembles architecturaux, sites aménagés, témoins mobiliers, monuments de toute nature, ainsi que leur contexte, qu'ils soient situés dans le sol ou sous les eaux" (art. 1-3)

B - Documents à caractère non contraignant

1 - Niveau mondial
On peut évoquer simplement ici l'importante conférence mondiale sur les politiques culturelles tenue à Mexico en 1982 qui définissant le patrimoine culturel d'un peuple y incluait l'ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie ainsi que les oeuvres matérielles et non matérielles tels que lieux et monuments. Le paysage y trouve très certainement sa place.

2 - Niveau régional

A l'initiative du Comité du patrimoine culturel du Conseil de l'Europe un groupe de spécialistes sur les sites et paysages culturels a entrepris à partir de 1991 une réflexion approfondie sur la conservation des sites culturels (cultural landscape areas) étroitement rattachée aux politiques du paysage. Il en est résulté un document d'une importance considérable dans la perspective d'une convention sur le paysage même si l'option de départ concerne le paysage culturel à l'exclusion du paysage naturel.

Un avant-projet de recommandation sur "la conservation des sites culturels intégrée aux politiques du paysage". a été élaboré en 1994 et soumis au Comité des ministres du Conseil de l'Europe Ce document a été adopté par le Comité des ministres le 11 septembre 1995 et est devenu la recommandation n° R-(95)9. Il énonce une véritable stratégie globale d'action en vue de la conservation et de la gestion des sites culturels. Les sites culturels y sont définis comme des parties spécifiques du paysage topographiquement délimitées et attestant de la présence de vestiges physiques reflétant les anciennes utilisations des sols et activités, des savoir faire, ou des traditions distinctives ou des représentations artistiques ou littéraires qu'elle ont inspirées ou encore du fait que des événements historiques s'y sont déroulés. De façon générale le paysage y est ainsi défini à l'art. 1 de l'annexe à la recommandation : "expression formelle des multiples relations existant dans une période déterminée entre l'individu ou une société et un espace topographiquement défini, dont l'aspect résulte de l'action dans le temps de facteurs naturels et humains et de leur combinaison". La protection des sites culturels et paysages ici envisagée a une vocation territoriale très large puisqu'il s'agit en fait de tous les espaces et pas uniquement de ceux qui ont un caractère tout à fait remarquable même si ces derniers doivent bien entendu être soumis à des règles de préservation spécialement adaptées.

II - LE PAYSAGE ELEMENT DE L'ENVIRONNEMENT NATUREL

A - Textes à caractère obligatoire
1 - Niveau mondial

- paysage visé directement.

Convention du patrimoine mondial (UNESCO 1972) (cf supra). Il existait au 1er janvier 1995, 97 sites naturels inscrits sur la liste du patrimoine mondial et 17 sites mixtes (naturels et culturels).

- paysage visé indirectement.

On évoquera seulement pour mémoire les statuts de l'UCIN adoptés à Fontainebleau le 10 mai 1948 qui énoncent dans le préambule au point 2 que "les beautés naturelles constituent l'une des sources d'inspiration de la vie spirituelle et le cadre indispensable à la détente qu'une existence de plus en plus mécanisée rend nécessaire". Le paysage est bien un élément constitutif et essentiel de la diversité du monde naturel. La Convention de Rio sur la diversité biologique du 5 juin 1992 le dit également sous une autre forme en soulignant l'aspect culturel et esthétique qui est étroitement lié à la conservation des écosystèmes et des complexes écologiques dont il font partie. Selon le préambule de cette Convention : les parties contractantes sont conscientes de la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique".

Les autres conventions mondiales qui intéressent le paysage sont la convention de Ramsar et dans une moindre mesure celle de Washington. La Convention de Ramsar du 2 février 1971 relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau a pour objet la conservation et la gestion des populations migratrices d'oiseaux d'eau et de leurs habitats. Elle énonce dans son préambule au point 3 : "convaincues que les zones humides constituent une ressource de grande valeur économique, culturelle, scientifique et récréative, dont la disparition serait irréparable". On connaît l'importance des zones humides dans la protection des paysages naturels et le rôle de l'inscription d'un site au titre des milieux protégés par cette convention. La Convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (ou CITES) vise à assurer la protection des espèces contre une surexploitation par suite du commerce international. Cette convention évoque l'aspect esthétique et culturel d'une telle protection, la faune et la flore étant les éléments naturels de base du paysage naturel. Il est dit au préambule (point 2) :"Conscient de la valeur toujours croissante du point de vue esthétique, scientifique, culturel, récréatif et économique de la flore et de la flore sauvage".

2 - Niveau régional

- paysage visé directement :

Il n'est pas négligeable de souligner qu'il existe à l'heure actuelle 8 conventions internationales qui visent expressément "le paysage" comme un élément à prendre en considération. Une seule (la Convention Benelux de 1982) a même introduit le paysage dans le titre même de la convention. Il faut ajouter à ces conventions les dispositions du droit dérivé communautaire qui dans trois directives se réfèrent également au paysage.

La Convention de Washington du 12 octobre 1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique vise à protéger la faune et la flore exceptionnelles des Etats d'Amérique. Son préambule précise qu'elle a pour but de "protéger et conserver les paysages d'une beauté rare, les formations géologiques frappantes, les régions et les objets naturels ayant une valeur esthétique, historique et scientifique".

La Convention d'Apia du 12 juin 1976 sur la protection de la nature dans le Pacifique Sud, prévoit qu'un parc national puisse recouvrir une zone établie pour la protection "d'un paysage naturel d'une grande beauté" (art.1). De même des zones protégées peuvent concerner "des paysages remarquables ou des régions ou objets présentant un intérêt esthétique ou une valeur historique, culturelle ou scientifique" (art. 2-1).

La Convention d'Espoo sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière du 25 février 1991 vise parmi les effets d'une activité proposée sur l'environnement les effets sur "le paysage" ainsi que sur le patrimoine culturel et l'interaction avec les effets sur les éléments naturels et culturels de l'environnement.

La Convention de Salzburg du 7 novembre 1991 sur la protection des Alpes vise à harmoniser les intérêts économiques et les exigences écologiques dans la gestion d'un des plus grands espaces naturels européens. Pour ce faire les parties s'engagent à utiliser les ressources avec discernement et de façon durable. Parmi les secteurs d'intervention de la convention on trouve, à côté de l'aménagement du territoire, de la qualité de l'air, de la protection du sol ou du régime des eaux : "la protection de la nature et l'entretien des paysages" (art. 2.2.f). Il s'agit pour les parties d'assurer la protection, la gestion et si nécessaire la restauration de la nature et des paysages en vue de garantir durablement : "la diversité, l'originalité et la beauté de la nature et des paysages dans leur ensemble". Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention sur la protection des Alpes un protocole spécial sur "la protection de la nature et l'entretien des paysages" a été adopté par la Conférence Alpine le 20 décembre 1994.

La Convention de Lugano du 23 juin 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement vise à établir un régime de responsabilité objective. L'environnement y est défini à l'art. 2 para. 10 comme incluant à côté des ressources naturelles abiotiques et biotiques, et des biens composant l'héritage culturel, "les aspects caractéristiques du paysage". Cette consécration du paysage comme élément constitutif de la notion d'environnement devrait faciliter l'acceptation d'une convention spécifique sur le paysage.

La convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, en définissant l'impact transfrontière sur l'environnement provoqué par une modification de l'état des eaux causé par une activité humaine, vise les atteintes "au paysage et aux monuments historiques ou autres constructions" (art. 1-2).

La deuxième convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur les effets transfrontières des accidents industriels mentionne aussi les conséquences nocives directes ou indirectes, immédiates ou différées d'un accident industriel sur "le paysage".

La convention jusqu'alors la plus nettement consacrée au paysage est la convention Benelux du 8 juin 1982 dont l'intitulé est "convention en matière de conservation de la nature et de protection des paysages". Le paysage y est spécialement défini à l'art. 1-2 (cf p. 9 rapport général). Les trois gouvernements concernés (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) s'engagent à coopérer pour harmoniser leur législation, échanger des informations et des données scientifiques, réaliser des recherches communes. Mais c'est surtout en ce qui concerne les zones naturelles et "les paysages de valeur transfrontaliers" que la convention prévoit des actions communes (art. 3). Il s'agit pour l'essentiel :

- d'élaborer des concepts et des critères de protection et de gestion des paysages transfrontières

- d'établir un inventaire de ces paysages, les délimiter et leur accorder un statut de protection

- d'établir des programmes de gestion de ces espaces

- de se consulter sur les projets d'aménagement risquant d'affecter ces zones transfrontières.

A côté de ces conventions internationales, le droit des communautés européennes a accordé dans six textes normatifs une attention particulière au paysage comme élément des politiques agricoles et de protection de la nature et de l'environnement7. Ce fut d'abord à l'occasion de la nouvelle politique agricole commune et du retrait des terres arables que pour la première fois "le paysage" entrait en tant que tel dans un texte obligatoire communautaire (règlement n° 797-85 du 12 mars 1985 relatif à l'amélioration de l'efficacité des structures agricoles JOCE L 93-1 du 30 mars 1985). Dans ce règlement de 1985 on trouve en effet mentionné à l'art. 19 l'entretien du paysage comme une nouvelle fonction agricole. Ce texte a été modifié en 1987 et 1991. Désormais les bases de la nouvelle politique agri-environnementale résultent du règlement 2078-92 du 30 juin 1992 concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel. Ce régime en cours d'application prévoit que les aides du FEOGA peuvent servir à favoriser une exploitation des terres agricoles prenant en compte la protection et l'amélioration du paysage (art.1) ou utilisent d'autres pratiques de productions compatibles avec le maintien du paysage (art. 2). Une aide particulière peut servir à la formation ou aux stages sur les pratiques agricoles compatibles avec le maintien des paysages (art. 6). Deux autres textes communautaires imposent une prise en compte du paysage. La directive 85-337 du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement en mettant en place une procédure harmonisée d'étude d'impact au niveau européen fait directement référence au paysage à deux niveaux. Dans la définition des projets soumis à étude d'impact l'art. 1/2 de la directive envisage des "interventions sur le paysage" autres que des travaux de construction ou ouvrages. Puis le contenu de l'étude d'impact doit évaluer les effets du projet sur plusieurs éléments de l'environnement dont le paysage fait expressément partie. Enfin la directive 92-43 du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages en instituant des zones spéciales de conservation mises en réseau écologique européen (Natura 2000) au profit de sites d'importance communautaire définis et arrêtés par la Commission8 met parallèlement en place une véritable politique communautaire paysagère. En effet l'art. 10 de la directive invite les Etats à entreprendre des actions de gestion d'éléments du paysage lorsque ceux-ci revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages. Il s'agit certes d'actions volontaires qui peuvent intervenir sur tout le territoire et pas uniquement semble-t-il dans les zones spéciales de conservation. Dans ces dernières, des obligations rigoureuses sont imposées par l'art. 6 para 2.3.4. de la directive et on peut penser que le paysage fait partie des éléments agissant sur un habitat naturel et influençant son état de conservation. L'"habitat naturel" a été défini par l'art.1.b comme une zone se distinguant par ses caractéristiques géographiques, abiotiques et biotiques qu'elle soit entièrement naturelle ou semi-naturelle. Les initiatives de gestion du paysage peuvent donc s'appliquer aussi bien dans les sites reconnus comme d'importance communautaire que dans le reste du territoire ; d'ailleurs l'art. 10 dit expressément que les Etats interviennent pour encourager la gestion d'éléments du paysage là où ils l'estiment nécessaire dans le cadre de leurs politiques d'aménagement du territoire. L'art. 10 précise les éléments du paysage méritant une attention spéciale : ceux qui par leur structure linéaire et continue (tels que les rivières avec leurs berges ou les systèmes traditionnels de délimitation des champs) ou leur rôle de relais (tels que les étangs ou les petits bois), sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l'échange génétique d'espèces sauvages. Malgré cette importance nouvelle donnée au paysage on voit bien qu'il s'agit ici du paysage étroitement lié à la protection de la nature.

- paysage visé indirectement par des conventions régionales

Plusieurs conventions régionales relatives à la protection de la nature font implicitement référence à la beauté ou à l'intérêt esthétique et culturel de certains sites ce qui revient à viser le paysage.

La Convention de Londres du 8 novembre 1933 relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel en Afrique prévoit la conservation d'objets d'intérêt esthétique, historique ou scientifique et envisager d'accorder des facilités au public pour observer la faune et la flore dans les parcs nationaux.

La Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (Alger 15 septembre 1968) proclame l'importance des ressources naturelles au point de vue esthétique et culturel et impose aux Etats de conserver les espèces végétales offrant une valeur esthétique particulière (art. 6.2.).

La Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, si elle ne mentionne pas expressément le paysage constitue néanmoins l'instrument cadre le plus important de protection des habitats et des espèces au plan européen. Son préambule considère que la flore et la faune sauvage constituent un patrimoine naturel d'une valeur esthétique, scientifique, culturelle, récréative et économique qu'il importe de préserver et de transmettre aux générations futures. Les mesures nécessaires à leur protection incluent automatiquement le paysage comme on l'a vu avec la directive CEE habitat naturel de 1992. Ceci a été clairement confirmé dans la recommandation n° 25 du Comité permanent de la convention le 6 décembre 1991. Dans cette recommandation concernant la conservation des espaces naturels à l'extérieur des zones protégées proprement dites, plusieurs références sont faites au paysage sur la base d'un rapport de C. de Klemm9. Elles sont ici reproduites :

- éléments du paysage :

Favoriser la conservation des éléments du paysage tels que les ruisseaux, les mares, les bosquets, les arbres isolés, les haies, les prairies naturelles, etc.., en prenant notamment les mesures suivantes :

1) effectuer dans chaque commune un inventaire des éléments du paysage qu'il convient de préserver ;
2) prendre ces éléments en compte lors de l'élaboration ou de la révision des plans d'occupation des sols, en les incluant dans des zones bénéficiant d'un degré de protection élevé ;
3) instituer un système de conventions de gestion pour le maintien et l'entretien éventuel des éléments du paysage ainsi protégés ;
4) mettre sur pied pour chaque unité de production agricole, avec l'accord de l'exploitant, un plan de conservation comprenant :

a) un diagnostic écologique de l'exploitation ;
b) une carte des éléments du paysage et des espaces naturels à conserver, et, le cas échéant, à remettre en état ou à reconstituer ;
c) les mesures d'"extensification" possibles et souhaitables ;
d) le gel éventuel de certaines parcelles déterminées sur la base d'une étude écologique ;
e) une convention de gestion énonçant les résultats à atteindre, les moyens éventuellement nécessaires pour les atteindre et les sommes qui seront perçues par l'exploitant à titre d'indemnités ou de rémunération de services rendus.

B - Documents à caractère non contraignant

1 - Niveau mondial Le paysage a fait sa rentrée à Rio à l'occasion de l'adoption d'un document original par son intitulé qui préfigure une future convention mondiale sur les forêts. La déclaration de principes non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, comporte à l'art. 2.b. un énoncé sur les objectifs de la gestion forestière : elle doit être gérée de façon écologiquement viable pour répondre aux besoins sociaux, économiques, écologiques, culturels et spirituels des générations actuelles et futures. Il est ajouté que l'homme a besoin de produits et services forestiers dont "la diversité des paysages".

Dans un document de 1994 de l'IUCN considéré comme un plan d'action pour les espaces protégés en Europe, il est très précisément réclamé une convention européenne sur le paysage rural (Parks for life, IUCN, Cambridge, 1994). Constatant en effet qu'il n'existe aucune convention consacrée au paysage particulièrement menacé et qu'il y a un intérêt croissant pour le paysage au plan international, ce plan d'action propose de surveiller l'évolution des paysages, de les intégrer dans le processus de planification du sol, et d'identifier les paysages ayant un intérêt européen afin de les protéger internationalement.

2 - niveau régional

Dès 1979 une recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe mettait en place un mécanisme très pragmatique d'identification des paysages. la recommandation n° R (79) 9 concerne la fiche d'identification et dévaluation des paysages naturels en vue de leur protection afin d'établir un inventaire des paysages naturels et proches de l'état naturel d'intérêt européen. Ces paysages devraient ultérieurement être mis sous protection et gérés de façon efficace selon les principes écologiques ou faire partie du réseau européen de réserves biogénétiques.

A l'occasion de la mise en oeuvre du rapport Brundtland "Notre avenir à tous" le Comité des Ministres a adopté le 12 octobre 1990 une recommandation n° R. ENV (90) 1 sur la stratégie européenne de conservation dans la perspective du développement durable. Parmi les aspects sectoriels de la stratégie européenne de conservation un paragraphe entier est consacré à "la protection du paysage" (VI) en visant à la fois le paysage agricole, forestier, rural et urbain :

"1) promouvoir une exploitation agricole et forestière durable de tout le paysage indépendamment de sa valeur, en utilisant au maximum et de façon adéquate les forces et les mécanismes naturels de production ;
2) s'assurer que toute construction ou installation soit réalisée si les clauses du besoin et de l'emplacement obligé sont satisfaites et si elles sont dans le plein respect du paysage ;
3) conserver, renforcer ou recréer dans tout le paysage - notamment dans les zones à l'intérieur et à l'extérieur des localités où l'exploitation du sol est intensive - un réseau suffisant d'aires naturelles ou proches de l'état naturel en mesure d'assurer la richesse biologique et les mécanismes d'équilibre naturel ;
4) sauvegarder les paysages ruraux traditionnels tels les cultures (notamment vignobles) en terrasses, les prairies irriguées, les vergers de haute tige, les châtaigneraies et les bocages, pour leur beauté paysagère, leur richesse naturelle et en tant qu'héritage culturel, en soutenant par des moyens publics la continuation de leur exploitation traditionnelle ;
5) conserver, restaurer et utiliser pour les besoins d'aujourd'hui les quartiers, villages, hameaux, bâtiments, voies historiques et autres éléments du paysage appartenant au patrimoine historique".

La Conférence européenne des Ministres de l'environnement de Sofia d'octobre 1995 a approuvé un document intitulé : Stratégie para-européenne sur la diversité biologique et les paysages. Reprenant en compte les principes de la Convention de Rio cette stratégie européenne se contente de lier le paysage aux facteurs de diversité biologique et renforce l'urgence d'une convention européenne spécialement consacrée au paysage dans toutes ses dimensions.

Le rapport élaboré par l'Agence européenne de l'environnement à l'occasion de la réunion de Dobris comporte un chapitre spécial consacré au paysage. Confirmant l'intérêt des pays Européens pour un tel sujet (Europe's Environment : the Dobris Assessment, Stanners and Bourdeau, ed. 1995).

Enfin deux projets de textes élaborés par le Conseil d'Europe doivent être cités. Le premier est un projet de recommandation pour un développement durable du monde rural accordant une attention particulière à la sauvegarde de la vie sauvage et des paysages de 1993 émanant du CDPE (Comité directeur pour la protection et la gestion de l'environnement et du milieu naturel). Reconnaissant que les paysages ruraux sont les illustrations des relations séculaires entre l'homme et son environnement, le projet de recommandation procède à une subtile insertion du paysage dans tous les éléments de la stratégie de développement rural durable. Un paragraphe IV précise les principes à respecter pour créer et gérer des paysages ruraux de qualité :

"1) réaliser systématiquement des inventaires des types de paysages et, au sein de chaque unité paysagère, de leurs éléments constitutifs culturels et naturels, tels que prairies naturelles, landes et steppes, zones humides, bois et bosquets, haies et bocages, rivières et ruisseaux, vergers et arbres isolés, terrasses et murs de pierres sèches, et tous les éléments individuels de valeur...etc ;
2) diffuser largement les résultats de ces inventaires auprès des autorités, des administrations, des associations, des propriétaires et des exploitants concernés afin d'attirer leur attention sur les richesses patrimoniales qu'ils doivent gérer ;
3) développer des outils adaptés à la protection et la gestion des paysages exceptionnels de par leurs valeurs naturelles, esthétiques, culturelles ou historiques, de par leur fragilité ou de par les pressions qui s'exercent sur eux ;
4) créer un véritable réseau écologique de milieux naturels au niveau national et régional et faire un réseau d'éléments structuraux du paysage au niveau local en prévoyant des moyens adaptés à la protection, à la restauration, à la gestion et à la création d'éléments naturels et structurels de valeur dans les paysages, en particulier ceux qui son énumérés ci-dessus ;
5) entretenir un maillage de sentiers et chemins d'accès et de découverte propres à limiter les impacts paysagers et environnementaux et à réduire la prolifération de la voirie ;
6) élaborer et généraliser la mise en oeuvre d'un éventail de mécanismes économiques et d'instruments réglementaires et incitatifs variés, tant au niveau national qu'international, qui pourraient faire appel :

a) aux dispositions permettant une gestion écologique sur des bases contractuelles entre agriculteurs, propriétaires et/ou associations. Pour ce faire, il faudra définir des objectifs précis de protection des ressources naturelles, des paysages et des biotopes et prévoir des rémunérations ou des compensations calculées en fonction à la fois des handicaps naturels, des pertes de rendement, du travail supplémentaire occasionné et du degré de réalisation des objectifs préalablement fixés ;
b) aux instruments économiques et fiscaux tels : allégement ou exonération de taxes foncières ou de droits de mutation-succession, taxes sur l'amélioration des structures agricoles, redevances sur les produits phytosanitaires polluants, octroi de subventions, de crédits, voire de mécénat ou de sponsoring ;
c) aux possibilités d'acquisition de sites par l'Etat ou par des associations patrimoniales ;
d) aux règlements concernant certaines activités pouvant avoir des impacts négatifs sur l'environnement et les ressources naturelles, telles que l'abus de produits chimiques, les pratiques agricoles potentiellement polluantes et peu souhaitables ;
e) aux instruments de planification tels que les plans verts ou les plans paysagers;
f) aux mesures de valorisation des produits et de création de nouvelles filières commerciales permettant de mettre en relation qualité des produits, qualité de l'environnement et des paysages ;
g) aux ajustements des mécanismes du marché pour les zones marginales afin de tenir compte des composantes économiques, sociales et écologiques des activités agricoles dans ces zones ;
h) aux mesures favorisant la pluriactivité des agriculteurs, particulièrement dans les zones à handicap naturel où l'agriculture seule n'apporte pas des revenus suffisants, en permettant le développement d'activités complémentaires telles que le tourisme rural, la récréation et les loisirs, la chasse bien comprise, la production de biomasse à des fins énergétiques, l'artisanat, les industries ou les services dans le respect et la valorisation du patrimoine naturel et culturel des zones rurales ;
i) au développement et à l'établissement d'infrastructures adéquates et de centres de formation pour l'acquisition par les populations locales des qualifications requises par ces nouvelles activités".

Le deuxième projet est relatif à une loi modèle de protection de l'environnement élaborée en 1994 sous les auspices du Conseil de l'Europe par un groupe d'expert au titre du programme de coopération avec les pays d'Europe central et oriental. On y trouve une définition de l'environnement (art. 1) qui inclut les aspects caractéristiques du paysage ainsi que la mention de zones protégées à cause de leur valeur paysagère (art. 50)

III - LE PAYSAGE EN RELATION AVEC L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

A - Textes à caractère obligatoire et de niveau régional

- paysage visé directement

La Convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution de 1976 a été assez largement modifiée à l'occasion de la réunion des parties à Barcelone les 9 et 10 juin 1995. Il en est résulté une place accrue pour le paysage qui est même expressément mentionné. La résolution adoptée par les parties sur l'environnement et le développement durable dans le bassin méditerranéen, adopte la 2e phase du plan d'action pour la Méditerranée qui a, parmi ses objectifs, "conserver la nature et protéger les espèces ainsi que les sites et paysages d'intérêt écologique et culturel". Au titre du tourisme le paysage est mentionné comme menacé par un développement non contrôlé du tourisme. Dans la convention elle-même, telle qu'elle a été amendée (elle s'intitule désormais "Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée") l'art. 4 impose aux Etats de promouvoir la gestion intégrée du littoral en tenant compte "des zones d'intérêt paysager". Cette prise en compte directe du paysage, en liaison étroite avec les zones d'intérêt écologique, est reprise dans le protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique lui aussi amendé en 1995. Les Etats doivent protéger et gérer de manière durable les espaces ayant une valeur naturelle et culturelle particulière, notamment par la création d'aires spécialement protégées, ceci s'applique, entre autres, aux sites ayant une importance particulière en raison de leur intérêt scientifique, esthétique, culturel et éducatif. Selon l'art. 6 les mesures de protection doivent contenir toute mesure "visant à sauvegarder les paysages".

Enfin deux projets de conventions européennes sont à évoquer. Il s'agit du projet de charte européenne de l'espace rural élaboré en 1995 par la Commission de l'agriculture et du développement rural de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le projet de Convention prend acte des nouvelles fonctions de l'espace rural dans la perspective de la gestion durable des ressources avec la conservation de la nature et du paysage. L'art. 5 énonce la fonction écologique de l'espace rural en visant l'entretien et la préservation des paysages façonnés par l'homme. Une annexe comporte des orientations pour une politique de l'espace rural. L'orientation 12 est consacrée à : environnement, nature et paysage. Le deuxième projet de convention en cours de discussion au sein du Conseil de l'Europe est la charte européenne des régions de montagne adoptée par le congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe le 1er juin 1995. Dans ce document le paysage figure comme une richesse des régions de montagne. L'art. 9 attire l'attention sur le contrôle des boisements afin d'éviter la fermeture des paysages et l'altération de leur beauté. L'art. 13 insiste à propos du tourisme sur la qualité paysagère et environnementale. L'art. 15 insère les sites et paysages parmi les éléments de l'environnement à protéger.

- paysage visé indirectement

Plusieurs conventions régionales visent indirectement le paysage. On peut citer à titre d'illustration :

- la convention de Luxembourg sur la canalisation de la Moselle du 27 octobre 1956. Il est prévu à l'art. 1(3) que les travaux d'aménagement et de canalisation entre Thionville et Coblence doivent être accomplis de manière à respecter dans la mesure du possible, l'harmonie des sites.
- la convention de Bonn du 3 décembre 1976 relative à la protection du Rhin contre la pollution se propose d'améliorer la qualité des eaux du Rhin en tenant compte, notamment, du fait qu'elles sont utilisées "à des fins récréatives, compte tenu des exigences de l'hygiène et de l'esthétique" (art. 1.2.)
- le protocole de Madrid au traité de l'Antarctique concernant la protection de l'environnement vise à l'art. 3 para 1 la valeur esthétique et sauvage de la région.

On rappellera pour mémoire l'importance pour l'aménagement du territoire de deux documents obligatoires déjà étudiés supra à propos de la protection de la nature : la convention d'Espoo de 1991 sur les études d'impact transfrontières et la directive CEE de 1985 sur les études d'impact.

B - Documents non contraignants au niveau régional

De très nombreux documents prennent en compte le paysage à titre de résolution ou recommandation en liaison avec l'aménagement du territoire, spécialement en zone de montagne, en zone littorale et en rapport avec le tourisme.

La résolution (76) 34 adoptée le 21 mai 1976 par le Comité des Ministres et relative à la charte écologique des régions de montagne en Europe, constate à plusieurs reprises combien la destruction et la dégradation des paysages menace gravement les systèmes biologiques vitaux indispensables à toute vie humaine. Les mesures de protection suggérées visent la protection des paysages et des milieux naturels, semi naturels et culturels en affirmant que la fonction biologique des paysages et des milieux doit être maintenue.

Dès la résolution (73) 29 du 26 octobre 1973 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe relative à la protection des zones côtières 'la conservation de l'esthétique et des paysages" figure parmi les problèmes à prendre en compte (3e considérant). Dans le même esprit la résolution (77) 8 du 21 février 1977 relative à la protection des rives et lacustres et fluviales déclare "reconnaissant le rôle fondamental que jouent les étendues d'eau, les rivières, les torrents et leurs abords dans un grande nombre de paysages européens, constituant ainsi un élément d'attraction et de détente pour l'homme et un facteur d'équilibre du paysage". La recommandation de l'OCDE C(76) 161 du 12 octobre 1976 relative à la gestion des zones côtières mentionne la protection des sites et prévoit dans son annexe au point 10 que des mesures contraignantes doivent empêcher les constructions préjudiciables à l'environnement et qui "pourraient détériorer le paysage". La charte européenne du littoral élaborée et approuvée par la Conférence des régions périphériques maritimes en Crète le 8 octobre 1981 et approuvée par une résolution du Parlement Européenne en 1982 énonce en son point 2-C : "La fonction culturelle du paysage littoral doit être intégrée comme une donnée essentielle dans l'utilisation de l'espace littoral, en tenant compte du rôle qu'elle assume pour l'ensemble de la population européenne présente et future".

La Charte européenne de l'aménagement du territoire adoptée à Torremlinos le 20 mai 1983 par la Conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire fixe parmi les objectifs fondamentaux de l'aménagement du territoire, la gestion responsable des ressources naturelles et la protection de l'environnement qui doit "accorder une attention particulière aux beautés naturelles et au patrimoine culturel et architectural". Parmi les objectifs particuliers de la Charte relatifs aux régions rurales, il est indiqué expressément qu'il faut tenir compte dans tous les domaines "des mesures de conservation et d'aménagement du paysage".

Plus récemment les régions de l'Andalousie, du Languedoc Roussillon et de la Toscane ont adopté à Séville en 1992 une charte du paysage Méditerranéen. Le paysage est ainsi défini :

"Le paysage peut être considéré comme la manifestation formelle de la relation sensible des individus et des sociétés dans l'espace et dans le temps avec un territoire plus ou moins intensément modelé par les facteurs sociaux, économiques et culturels. Le paysage est ainsi le résultat de la combinaison d'aspects naturels, culturels, historiques, fonctionnels et visuels.

Cette relation peut être d'ordre affectif, identitaire, esthétique, symbolique, spirituel ou économique. Elle implique l'attribution aux paysages par les individus ou les sociétés de valeurs de reconnaissance sociale à diverses échelles, locale, régionale, nationale ou internationale.

Plus que tout autre, le paysage méditerranéen est profondément marqué par l'empreinte de l'homme. Il est le produit d'une culture et d'une vie urbaine et rurale raffinées.

Les définitions précédentes font du paysage un concept essentiel des domaines de l'environnement, de l'aménagement du territoire, de la protection et de la gestion du patrimoine culturel ou naturel" (Annexe de la résolution 256 (1994) sur la 3ème conférence des régions méditerranéennes, Taormina, 5-7 avril 1993, Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux).

Toute une série d'actions en faveur du paysage sont envisagées : identification, insertion dans les études d'impact, plans de paysage, formation de spécialistes, sensibilisation du public. C'est en s'appuyant sur cette charte que la conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux a approuvé une résolution 256 (94) du 18 mars 1994 à la suite de la réunion de Taormina du 7 avril 1993. Cette résolution invite le Congrès à élaborer une convention cadre sur la gestion et la protection du paysage naturel et culturel de toute l'Europe.

Dans le domaine du paysage urbain l'important livre vert sur l'environnement urbain de la CEE (Com. 90.218, 27 juin 1990) mentionne la qualité environnementale du paysage urbain et l'importance écologique, sanitaire et esthétique des espaces naturels intra-urbains.

Enfin le tourisme dans sa dimension environnementale et dans la perspective d'un tourisme durable exige nécessairement un ensemble de mesures de protection des paysages tant naturels qu'urbains. Le groupe de spécialistes tourisme et environnement du comité directeur pour la protection et la gestion de l'environnement et du milieu naturel (CDPE) du Conseil de l'Europe a élaboré en août 1994 deux projets de recommandations. Le 1er concerne le tourisme durable dans les zones protégées. Elle prône le développement d'un tourisme de nature fondé sur la découverte et la faune, de la flore et des paysages, la maîtrise et la fréquentation touristique dans les zones protégées, la construction d'équipements s'intégrant dans le paysage environnant. Le 2e projet de recommandation se déclare soucieux des risques que fait peser le développement excessif et incontrôlé du tourisme sur le milieu naturel et paysager, les populations et la culture locale. Le point I8 indique que les activités et installations touristiques doivent respecter le paysage. Les autorités locales sont invitées en II B.1 à contrôler le développement du tourisme par une politique régionale d'aménagement du territoire et de protection de la nature et du paysage.

CONCLUSION

Le paysage est bien devenu un objet de droit et pas seulement l'expression d'une sensibilité. Désormais, composante essentielle de l'environnement tout autant que l'eau, l'air ou le sol, le paysage, par sa double représentation naturelle et culturelle, est aussi le symbole d'un environnement où l'homme est partie prenante de l'écosystème dans lequel il évolue. Réconciliant ainsi par sa transversalité l'homme et la nature, mais aussi l'aménagement du territoire et l'environnement, le paysage est le type même d'un facteur d'intégration du souci d'environnement dans les autres politiques sectorielles et donc de développement durable.

L'existence d'un droit du paysage est attesté par les recensements réalisés dans la présente étude. Ils ne sont sûrement pas complets mais ils témoignent au moins de l'existence en Europe de :

- 4 constitutions visant directement le paysage
- 6 constitutions consacrant implicitement le paysage à travers l'environnement
- 5 pays disposent d'une loi spéciale sur le paysage
- pratiquement tous les pays disposent d'un mécanisme de zones protégées spécialement pour le paysage
- 4 Etats ayant effectivement des procédures spéciales de plans paysagers particuliers.

Au plan international on a aussi constaté qu'il existait au moins une convention mondiale visant le paysage et 9 conventions régionales mentionnant le paysage. Mais aucune de ces conventions n'envisage le paysage en tant que tel car il s'agit de conventions qui n'abordent qu'un aspect limité du paysage. Ce constat permet donc de clairement affirmer qu'en l'absence d'une convention générale sur le paysage, il y a bien place pour une convention régionale sur le paysage qui vient à son heure compte tenu de l'intérêt grandissant des élus, des administrateurs et des populations pour ce sujet. Cette future convention sera en même temps innovante en raison de la vision globale du paysage qu'elle envisage, sans se limiter étroitement aux aspects esthétiques et monumentaux. De plus, une convention européenne sur le paysage viendra compléter la politique de la convention mondiale de l'UNESCO sur le patrimoine naturel et culturel en instituant un mécanisme spécifique de reconnaissance européenne des paysages remarquables dans la mesure où le système de l'UNESCO étant mondial, n'est plus en mesure de consacrer suffisamment des paysages d'intérêt européen.

Addendum à l'Annexe II

PAYS

Loi spéciale sur le paysage

Protection indirecte des paysages dans diverses lois

Inventaire spécifique

Classement des paysages

Etudes d’impact et paysages

Allemagne

X
Loi sur la protection de la nature et la gestion des paysages 1976

X

X

X

X

Belgique

 

X

 

X

X

Chypre

 

X

 

X

X

Danemark

 

X

X

X

X

Espagne

 

X

X

X

X

Estonie

 

X

     

Finlande

 

X

X

 

X

France

X
Loi du 8 janvier 1993 n° 93.24 sur la protection et la mise en valeur des paysages

X

X

X

X

Grèce

 

X

 

X

 

Hongrie

X10

X

 

X

X

Irlande

 

X

X11

 

X

Italie

X
Loi n°431 du 8 août 1985

   

X

X

Liechtenstein

 

X

X

   

Lituanie

 

X

 

X

 

Luxembourg

 

X

 

X

 

Malte

 

X

   

X

Norvège

 

X

X

X

X

Pays-Bas

 

X

X

X

X

Portugal

 

X

 

X

X

Roumanie

 

X

 

X

X

Slovaquie

X
Loi du 23 août 1994 sur la protection de la nature et des paysages

   

X

X

Slovénie

 

X

X

X

 

Suède

 

X

X

X

 

Suisse

X
Loi sur la protection de la nature et du paysage du 1 juillet 1966

X

X

X

X

Rép. Tchèque

X
N° 114-92 du 19 février 1992 sur la protection de la nature et des paysages

 

X

X

 

Turquie

 

X

 

X

X

A N N E X E III

Liste des textes juridiques et programmes existant au niveau international dans les domaines de la protection, de la gestion du patrimoine culturel et naturel, de l'aménagement du territoire, de l'autonomie locale et de la coopération transfrontalière pris en considération dans l'élaboration de l'Avant-projet de Convention européenne du paysage

a. la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, Paris, 23 novembre 1972 (Unesco) ;

b. la Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, juin 1992, (CNUED) ;

c. la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, Berne, 19 septembre 1979, (Conseil de l'Europe);

d. la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe, Grenade, 3 octobre 1985, (Conseil de l'Europe) ;

e. la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), La Vallette 16 janvier 1992, (Conseil de l'Europe) ;

f. la Convention sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales européennes, Madrid 21 mai 1980 (Conseil de l'Europe) ;

g. la Charte européenne de l'autonomie locale, Strasbourg, 15 octobre 1985, (Conseil de l'Europe);

h. la Convention Bénélux en matière de conservation de la nature et de protection des paysages, Bruxelles, 8 juin 1982 ;

i. la Résolution de l'Unesco portant cadre statutaire du réseau mondial de réserves de biosphère, décembre 1995 ;

j. la Recommandation R (95) 9 relative à la conservation des sites culturels intégrée aux politiques du paysage (Conseil de l'Europe) ;

k. la Recommandation R (94) 6 pour un développement et une utilisation durables du monde rural, accordant une attention particulière à la sauvegarde de la vie et des paysages (Conseil de l'Europe) ;

l. la Recommandation R (79) 9 du Comité des ministres concernant la fiche d'identification et d'évaluation des paysages naturels en vue de leur protection, (Conseil de l'Europe) ;

m. la Recommandation R (94) 7 relative à une politique générale de développement d'un tourisme durable et respectueux de l'environnement (Conseil de l'Europe) ;

n. la Recommandation R (95) 10 relative à une politique de développement d'un tourisme durable dans les zones protégées (Conseil de l'Europe);

o. la Recommandation R (92) 8 sur la protection des sols (Conseil de l'Europe) ;

p. la Recommandation R ENV (90) 1 sur la stratégie européenne de conservation, (Conseil de l'Europe);

q. la Directive 85/337 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (Union Européenne) ;

r. la Directive 92/43 concernant la conservation des habitats naturels et semi naturels ainsi que la faune et la flore sauvage (Union Européenne) ;

s. le Règlement n° 2078/92 concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel (Union Européenne) ;

t. la Charte européenne de l'aménagement du territoire, Conférence européenne des Ministres responsables de l'aménagement du territoire, Torremolinos, 20 mai 1983,

u. le programme Europe 2000+ de la Commission européenne sur la coopération pour l'aménagement du territoire ;

v. le Schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC) en cours de préparation à l'Union européenne ;

w. la Charte du paysage méditerranéen dans la Résolution 256 (1994) de la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, (Conseil de l'Europe).

x. le Rapport Dob_íš "Un environnement pour l'Europe", lère Conférence de Ministres européens de l'environnement, Dob_iš, juin 1991, (Agence européenne de l'environnement de l'Union Européenne).

y. la Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère, 3ème Conférence
des Ministres européens de l'environnement, Sofia, octobre 1995 (Conseil de l'Europe, Programme des Nations Unies pour l'environnement et Centre européen pour la conservation de la nature).

z. la Déclaration d'Helsinki sur le Patrimoine culturel, (Helsinki, juin 1996).

1 "Les monuments artistiques, historiques et de la nature ainsi que le paysage jouissent de la protection et des soins de l'Etat (art. 150 Constitution de Weimar
2 L'article 24 sexies al. 5 impose en outre directement la protection des marais et sites marécageux d'une beauté particulière en interdisant toute installation. Cette disposition adoptée le 6 décembre 1987 est l'un des rares cas d'initiative populaire ayant recueilli l'accord de la majorité du peuple et des cantons.
3 Un projet de loi sur la conservation de la nature de 1995 en Finlande inclut la protection du paysage.
4 "Urbanisme" N° 278. Nov. du 1994 p. 70.
5 Les lieux relevant de la loi sont : les zones côtières sur 300m, les lacs et leurs rivages,les rivières et cours d'eau inscrits, les montagnes au-dessus d'une certaine altitude, les glaciers, les parcs et réserves, les forêts et bois, les zones humides, les zones d'intérêt archéologique, les volcans, les Universités agricoles et les zones affectées à l'usage collectif.
6 Bilan national des ateliers du paysage 1993-94, Ministère de l'environnement, Direction de la nature et des paysages (juin 1995).
7 voir G. Thomson, la Communauté européenne et le paysage. Revue Juridique de l'Environnement, 1993 n° 4, p. 541 à 576.
8 Auxquelles sont assimilées les zones de protection spéciale classées par les Etats membres en vertu de la directive 79-409.
9 C. de Klemm, la conservation des milieux naturels en dehors des aires protégées, Conseil de l'Europe, T. PVS (90)52.1990.
10 En préparation.
11 Date de 1917 (sur la base des réponses, ne reflète pas nécessairement la réalité juridique