13ème Session Plénière du Congrès 30 mai-1er juin 2006

La promotion de l’esprit d’entreprise chez les jeunes dans les régions d’Europe


Rapporteur: Mehboob Khan, Royaume-Uni,
Chambre des régions
Groupe politique : SOC

EXPOSE DES MOTIFS

Promouvoir l’esprit d’entreprise chez les jeunes dans les régions d’Europe

I. Contexte institutionnel

Partant du principe, énoncé dans la Stratégie de 2000, qu’un emploi adapté et correctement rémunéré représente l’une des meilleurs façons de promouvoir la cohésion sociale, la Commission de la cohésion sociale a entrepris une étude sur « Les groupes vulnérables et l’emploi : le rôle des pouvoirs locaux et régionaux » qui a donné lieu, en 2003, à l’élaboration d’un rapport et à l’adoption de textes désignant huit groupes vulnérables. A la suite de la présentation de ces textes, il a été décidé de poursuivre les travaux sur l’un des groupes – les jeunes, y compris les jeunes défavorisés – en mettant l’accent sur la promotion de l’esprit d’entreprise comme moyen pour eux d’accroître leurs chances de trouver un emploi dans les différentes régions d’Europe.

Dans un rapport de 1998, intitulé « Pour une politique active des régions en matière d'emploi et de développement socio-économique », le Congrès avait déjà passé en revue plusieurs des actions concrètes engagées par les collectivités régionales pour encourager l’emploi. Le rapport concluait : « Les autorités régionales semblent particulièrement actives dans le soutien à la création de nouvelles entreprises et le soutien aux jeunes entrepreneurs. Pourtant, aucune région ne mentionne d'actions visant à promouvoir l'esprit d'entreprise ou la culture entrepreneuriale ».

En 2001, le Comité d’experts pour la promotion de l’accès à l’emploi (CS-EM) – qui est un sous-comité du CDCS – a adopté un certain nombre d’orientations sur les initiatives locales en faveur de l’emploi qui se proposent de lutter contre le chômage de longue durée, orientations parmi lesquelles figure le soutien à l’esprit d’entreprise.

Une autre contribution du Congrès, « Promouvoir les politiques régionales de cohésion sociale et territoriale » (CPR/SOC (10) 6), présentait déjà l’existence au sein d’une société d’un véritable esprit d’entreprise, c’est-à-dire d’une culture de prise de risques et de responsabilités, comme un facteur essentiel à la croissance économique et au dynamisme d’une région et l’un des moyens les plus prometteurs pour lutter contre le chômage des jeunes.

Selon cette contribution, une action stratégique de la part des pouvoirs locaux et régionaux est indispensable et le Congrès devrait chercher à promouvoir l’esprit d’entreprise au sein de son aire géographique et en particulier dans les pays en transition économique, où les traditions et les modèles de création d’entreprises sont rares. Le texte affirme entre autres qu’une telle promotion devrait englober la sensibilisation des jeunes au monde de l’entreprise.

La mondialisation des marchés, qui exigent des qualités de compétitivité, d’efficacité, de créativité et d’esprit d’entreprise, rend encore plus urgente une nouvelle politique en matière d’emploi des jeunes et d’entrée des jeunes dans le monde du travail. La promotion de l’entrepreneuriat parmi les jeunes peut être considérée comme une stratégie sur le long terme en faveur de l’innovation et de la création d’emplois et de richesses.

Le sujet est d’une grande actualité. En 2003, l’Union européenne a publié un Livre vert sur « L’esprit d’entreprise en Europe », suivi en 2004 d’un « Plan d’action : l’agenda européen de la politique de l’esprit d’entreprise » qui cite parmi les actions essentielles la promotion de l’esprit d’entreprise chez les jeunes. Ce plan d’action recense cinq domaines stratégiques pour la promotion de l’esprit d’entreprise ainsi que neuf actions clés (décomposées en une série de sous-actions) pour 2004 -2005. Un premier rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la phase I a été publié, et ses conclusions sont très positives ; le rapport final sur les résultats du plan d’action sera publié en 2006.

En outre, Eurocities et le réseau Paxis de la Commission européenne ont lancé un projet pilote visant à organiser une Journée européenne de l’entrepreneur, dont la troisième aura lieu à Turku (Finlande) le 14 juin 2006. L’une des idées de cette manifestation est de stimuler l’esprit d’entreprise au niveau local, mais aussi international. Dans ce but, les autorités nationales et régionales sont invitées à organiser des campagnes de sensibilisation, à élaborer et à diffuser des outils pédagogiques et à proposer aux enseignants des formations appropriées.

La Commission de la cohésion sociale du Conseil de l’Europe estime que le Congrès pourrait jouer un grand rôle dans la promotion de l’esprit d’entreprise au sein de sa propre zone d’influence, et au premier chef dans les pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne, où une telle initiative contribuerait grandement au progrès culturel, social et économique. L’un des buts essentiels des actions proposées est d’encourager les collectivités régionales à s’engager pleinement en faveur de la croissance et de la cohésion sociale sur leur propre territoire. Dans les endroits où les jeunes n’ont aucun contact avec l’esprit d’entreprise par manque de modèles appropriés, des actions de ce type, visant à leur expliquer la notion d’entreprise et à promouvoir une saine évolution socio-économique des marchés, sont pour les régions d’une nécessité absolument stratégique.

II. Introduction

L’objet du présent rapport1 est d’étudier la situation des jeunes et les transitions qu’ils vivent dans les régions européennes d’aujourd’hui à la lumière de l’intérêt actuellement porté à l’esprit d’entreprise, considéré comme un moyen de promouvoir l’emploi et la croissance économique.

Cette étude se concentre en particulier sur les jeunes dont les perspectives d’emploi sont ou risquent de devenir plus fragiles, et s’efforce de définir leur « place » dans le débat sur l’esprit d’entreprise – car ce ne sont pas ces jeunes-là qui se tournent spontanément vers les programmes de formation et de sensibilisation à l’entreprise. Le rapport cherche à identifier des solutions concrètes qui, avec une volonté politique, des ressources suffisantes et une planification stratégique de la part des collectivités régionales et locales, soient susceptibles d’être conçues et appliquées à relativement court terme. Le rapport présente une série d’initiatives visant à créer des liens entre les jeunes, en particulier ceux qui sont sans emploi ou menacés par le chômage, et le marché du travail. Ces cinquante dernières années, l’entrée dans la vie active est devenue de plus en plus difficile, pour plusieurs raisons : évolution démographique, migrations et mobilité, arrivée des nouvelles technologies, évolution du taux de scolarisation, phénomène de mondialisation. Notre document ne prétend pas faire le tour de ces vastes questions. Il vise plutôt à explorer certains aspects plus terre-à-terre du problème des jeunes marginalisés ou en difficulté, en se demandant comment les aider à entrer de façon plus positive dans la vie active. Nous nous pencherons en particulier sur le rôle des régions dans ce soutien (destiné aux jeunes aussi bien qu’aux infrastructures environnantes) et sur les moyens d’encourager chez les jeunes une culture de prise d’initiative, un esprit d’entreprise. Que signifie « être jeune » dans les sociétés européennes modernes ou postmodernes ? Sven Mørch, sociologue danois spécialiste de la jeunesse, a répondu à cette question à travers une relation triangulaire : la jeunesse comme faire, comme savoir et comme être (voir Stafseng, 2004). Il avance donc que la déclinaison moderne (ou postmoderne) de ce qu’il appelle le « vécu des jeunes » devrait être représentée de la façon suivante : IDENTITÉ Être développement identités personnel professionnelles préparation au travail Savoir Faire

QUALIFICATIONS COMPÉTENCES

Ce modèle simple a le mérite de pouvoir être transposé à différents niveaux : théorique, politique et pratique. Quel que soit le niveau envisagé, il est évident qu’il existe des liens et des tensions entre les trois éléments constitutifs du modèle ; dans le domaine de la pratique et de la définition des politiques, on distingue vite les interactions possibles entre le développement de soi, les aspirations personnelles et l’enseignement général et professionnel. Ces éléments, et la dynamique qui se crée entre eux, influencent à la fois le développement des politiques de jeunesse et les interventions concrètes auprès des jeunes. Ils nous en apprennent beaucoup sur notre investissement envers les jeunes et leur investissement envers nous, y compris lorsque ces jeunes sont « désengagés » ou vivent en marge de la société.

Pour les besoins de notre rapport, le modèle peut être modifié comme suit :

IDENTITÉ
Être


personnelle

sociale
développement identités
personnel professionnelles


scolaire

professionnelle

préparation au travail

Savoir Faire
QUALIFICATIONS COMPÉTENCES

Il semble en effet de plus en plus important de présenter aux jeunes, au fil de leur développement, toute la diversité des perspectives et des options qui existent sur le marché du travail. En d’autres termes, tout au long de leur formation, il faut cultiver chez les adolescents et les jeunes adultes plusieurs « identités professionnelles » potentielles au lieu de les « piéger » dans un parcours professionnel unique qui pourrait bien les mener dans l’impasse. La notion d’« entreprise » ou d’esprit d’entreprise pourrait et devrait être présente dans ce processus, bien qu’il faille manier avec prudence l’idée qu’encourager les jeunes chômeurs à entreprendre serait une solution au problème du chômage des jeunes. À cette affirmation, on peut certainement répondre que l’esprit d’entreprise doit être promu auprès d’autres groupes de jeunes, afin qu’ils créent des emplois susceptibles d’être occupés par les jeunes actuellement au chômage, et notamment les plus « exclus » et « défavorisés ». Contentons-nous, pour l’instant, d’écouter l’un d’entre eux :

Ce témoignage illustre de façon frappante à quel point les horizons professionnels des jeunes peuvent être limités. Shaun s’en est plutôt brillamment sorti par rapport à ses camarades : parmi les jeunes interrogés pour cet ouvrage, il est le seul à avoir décroché un diplôme après le bac, même si ses études n’ont pas été très poussées. Shaun a suivi une formation sur les systèmes automatisés. Après quelques coups du sort, à trente ans passés, il a fini par obtenir un diplôme en ingénierie électrique, bien qu’il ne travaille toujours « que » comme électricien. Cependant, sa remarque : « je n’avais aucune expérience de rien » est instructive. Toutes les stratégies en faveur de l’emploi des jeunes devraient commencer par chercher à élargir leurs horizons – et cela sans se limiter aux horizons professionnels.

Au pays de Galles, la politique de jeunesse mise en place s’intitule « Extending Entitlement » (« Élargir les aptitudes ») (Assemblée nationale du pays de Galles, 2000). Elle part du principe que pour définir des mesures en faveur des jeunes, il ne faut pas analyser le cas des adolescents « à problèmes », mais celui des jeunes adultes « qui s’en sont bien tirés ». Comment ont-ils été préparés à la participation à la société civile et à l’entrée dans la vie active ? Comment avons-nous été préparés ? La réponse est assez simple : nous avons eu accès à une série d’occasions et d’expériences. Par cela, on entend notamment une scolarisation suffisante complétée par des études, et ces points restent tout à fait essentiels, même s’il faudrait peut-être examiner et réviser la forme et le contenu des programmes. Mais on entend aussi les occasions d’apprendre de façon informelle (à travers des animations socio-éducatives, des organisations de jeunesse), les expériences hors du foyer parental, la pratique d’un sport ou d’une activité musicale, des conseils pertinents sur l’orientation professionnelle et, de plus en plus (phénomène plus récent), des contacts internationaux et l’accès aux nouvelles technologies de l’information.

Beaucoup de jeunes voient s’ouvrir ces perspectives grâce aux encouragements de leur famille, à l’investissement de leur établissement scolaire et à un bon tissu social ; les jeunes plus en difficulté, en revanche, peuvent avoir besoin de davantage de soutien de la part des services publics pour y accéder. En l’absence de ce soutien, il n’est pas étonnant que leur « horizon d’action » soit limité et qu’au lieu d’être ouverts aux évolutions et à la différence, ils manifestent souvent xénophobie, homophobie et repli sur soi. Sans les occasions citées plus haut, nous ne devrions pas nous étonner qu’ils aient du mal à obtenir des diplômes débouchant sur un travail et portent un regard cynique sur la participation à la société. Malheureusement pour eux et pour leur entourage, ils finissent souvent par souffrir de ce qu’Howard Williamson a appelé un « enchevêtrement de pathologies » (voir Istance et al., 1994) : mauvaise santé mentale, abus de substances, absence de logement et criminalité. Au premier regard, ce plaidoyer pour l’amélioration des « aptitudes » par l’élargissement des expériences peut sembler bien éloigné de la création d’entreprise, mais c’en est en fait le point de départ. La distance n’est peut-être pas si grande : les tenants de certaines formes d’« éducation à l’entreprise » affirment qu’elle ne peut être délivrée efficacement que par un apprentissage actif, un apprentissage par l’expérience – « apprendre en faisant ». Ce dernier repose sur un processus en quatre étapes qui a été décrit de nombreuses manières. Le cycle le plus cité, théorisé par David Kolb, comprend les étapes suivantes : expérience concrète, observation et réflexion, conceptualisation et généralisation plus abstraites, et enfin mise à l’épreuve des enseignements tirés de cette expérience dans de nouvelles situations (David Kolb, 1983). On peut le résumer plus simplement ainsi : « faire, observer, assimiler, appliquer » (Dennison et Kirk, 1990). Ce processus s’inspire nettement de la célèbre maxime de Carl Rogers : « Je sais que je ne peux rien enseigner : je ne peux que fournir un environnement dans lequel il soit possible d’apprendre » (Brandes et Ginnis, 1986). De plus, c’est ce choix pédagogique – avant tout, mais sûrement pas exclusivement prôné dans le domaine de l’éducation non formelle – qui est réputé le plus efficace pour créer des qualités humaines ou « compétences transversales » telles que l’esprit d’initiative, la communication, la résolution des problèmes et l’aptitude à prendre des décisions. Et ce sont là, après tout, les qualités présentées comme étant l’essence même de l’esprit d’entreprise (Commission européenne, 2005).

III. Quelques aspects théoriques

A. Les transitions vers l’âge adulte

De très nombreuses recherches montrent que le passage à l’âge adulte a subi plusieurs transformations au cours de la dernière génération (voir par exemple Furlong et Cartmel, 1997). Ce point reste sujet à contestation, mais on admet en général qu’autrefois, le passage de l’école au monde du travail préparait le terrain pour les transitions suivantes : départ du foyer parental et fondation d’une famille. Ces transitions étaient plus ou moins assurées, et la plupart du temps linéaires. La métaphore du voyage en train revient souvent: des jeunes de milieux sociaux différents (et de sexes différents) embarquant comme dans un train pour une destination commune, celle de leur profession – qu’elle soit manuelle ou intellectuelle. Ils ne pouvaient guère choisir leur destination, descendre ou changer de rails. C’était ainsi, et les exceptions étaient rares. Pour la période plus récente, on garde la métaphore du voyage, mais celui-ci se fait en voiture. Avec le processus d’« individualisation » le voyage est plus solitaire, et il a ses atouts et ses faiblesses. Il est plus facile de choisir son trajet, sa vitesse et sa destination, mais il y a aussi plus de chances de rester bloqué, de tomber en panne, de déraper ou d’échouer sur le bas-côté. La métaphore montre donc que les choix et les possibilités sont plus nombreux, mais que les risques et la vulnérabilité sont aussi plus grands. Pour la pousser encore plus loin, disons que pour qu’un voyage soit réussi, il faut notamment un véhicule bien entretenu, de bonnes routes, des cartes fiables et un conducteur capable de les lire. À l’inverse, le voyageur sera plus exposé au danger si les routes et le véhicule sont en mauvais état, si les cartes sont fausses ou absentes ou si le conducteur ne sait pas lire les cartes.

Nous avons donc affaire à un tableau complexe, où beaucoup de facteurs sont en jeu. Les jeunes connaissent désormais des périodes de transition multiples, prolongées et réversibles. Ils peuvent quitter le foyer parental et fonder une famille tout en étant au chômage, ou rester chez leurs parents longtemps après être entrés dans la vie active. Après une rupture ou une perte d’emploi, ils peuvent retourner chez leurs parents. Les certitudes et la stabilité du passé se sont affaiblies. Et bien que le Livre blanc de l’Union européenne sur la jeunesse (Commission européenne, 2001) appelle à une plus grande autonomie des jeunes, les recherches tendent à pointer le besoin d’un plus grand soutien. Elles montrent en effet que les jeunes ont besoin d’aide pour apprendre à « gérer leur vie » (Helve et Bynner, 1996) et ne pas se retrouver « ballottés par des forces incontrôlables » (Saarikowski, 1996), car à cette époque de transitions prolongées, il y a beaucoup plus de décisions à prendre et chacune d’elles peut ouvrir ou fermer des portes. Ainsi, les conseils, l’orientation, l’expérience et la confiance en l’avenir sont des éléments clés pour soutenir les jeunes dans un voyage qu’ils doivent, de plus en plus, entreprendre seuls.

B. Éducation et marché du travail

Comme pour le passage à l’âge adulte en général, on a vu s’atténuer les anciennes certitudes sur les liens entre études et emploi. Si les personnes les plus qualifiées ont toujours plus de choix et de « garanties » dans le monde du travail, il ne faut pas croire qu’à chaque niveau d’études correspond une profession. C’est en effet de moins en moins le cas. En outre, dans un monde de moins en moins prévisible, on s’interroge sur l’éducation nécessaire pour préparer à la vie professionnelle et, bien sûr, à la vie en général. Concernant l’avenir de l’éducation, la question qui se pose peut se résumer ainsi : « initiative ou conformisme » ? Il semble que le défi, pour l’enseignement, consiste à apprendre aux jeunes à « lire » les situations pour décider si elles appellent une attitude de conformisme ou de prise d’initiative. Il existe beaucoup de contextes sociaux et de marchés du travail différents ; une personne qui « évaluerait mal » une situation et agirait en conséquence pourrait se mettre en difficulté.

Cela fait maintenant cinq ans que l’UE a adopté sa stratégie de Lisbonne, qui vise à créer l’« économie de la connaissance » la plus avancée du monde. Une telle aspiration appelle un cursus d’enseignement élargi, insistant davantage sur les technologies. Mais elle demande aussi un changement des pratiques éducatives en général afin d’encourager une plus grande autonomie chez ceux qui apprennent. D’où l’intérêt grandissant porté à l’apprentissage « non formel » et à l’éducation par l’expérience, qui permettent d’encourager l’initiative et l’aptitude à faire face à différents défis. Cependant, sur le marché du travail, on trouve aussi ce qu’on a parfois appelé les « boulots McDo », où comportement stéréotypé et obéissance aveugle sont de mise. De telles tensions, de telles contradictions engendrent des dilemmes sur les « identités de l’apprenant » à cultiver et encourager (Ball et al., 2000), qui ne peuvent que susciter une certaine perplexité chez les jeunes et les enseignants. L’idée d’un apprentissage durant toute la vie et couvrant tous les aspects de la vie est certes séduisante, mais paradoxalement, au risque d’être accusés de déterminisme prématuré, nous dirons qu’elle pourrait finir par desservir les jeunes les plus vulnérables et marginalisés, pour qui les échelons « inférieurs » du marché du travail sont la destination la plus probable. Le désir de créer chez les jeunes une « âme d’entrepreneur » (nous reviendrons sur ce point plus tard) soulève d’importantes questions : une telle démarche permet-elle vraiment d’élargir leurs perspectives ? ou les mène-t-elle à l’échec, tout en rejetant la responsabilité sur les victimes ?

C. Acteurs ou consommateurs ?

Comme nous l’avons remarqué plus haut, l’éducation est confrontée à un défi large et complexe. Il n’en existe pas moins d’excellentes raisons – appuyées par toute une série de théories – d’encourager les jeunes à être les acteurs et les architectes de leur propre vie. De l’extrême gauche (position incarnée par l’œuvre de Paolo Freire, voir par exemple Freire 1972) à la droite ultra-libérale (qui cherche à « écarter l’État » pour laisser place à l’autonomie et à l’autodétermination de l’individu), des voix plaident pour une « participation » et un engagement accrus des jeunes dans les prises de décision : ils doivent être des producteurs, des créateurs, et non des consommateurs passifs. Cette idée s’impose très largement, du système éducatif au monde des affaires. Concernant l’éducation non formelle, Mark Smith est auteur d’un ouvrage bref, mais déterminant, qui part du sujet tout simple d’une sortie en patins à glace (Smith, 1982). Il y explique que les jeunes devraient prendre eux-mêmes l’initiative de ce type d’expérience et non se contenter de s’inscrire et de suivre le mouvement. C’était là, selon lui, l’essence de ce qu’il appelait à l’époque l’« éducation sociale ». Smith était loin d’être le premier à avancer une telle idée ; mais depuis, l’élan autour de l’« apprentissage par l’expérience » a pris de l’ampleur et a rencontré de larges échos dans les différentes déclinaisons de l’éducation à l’entreprise, où l’on apprend à la fois à faire face aux écueils et aux difficultés et à savourer ses réussites.

IV. La nature du défi

A. Les jeunes en difficulté

Il est facile de faire des déclarations catégoriques sur les jeunes « en difficulté », tout comme il est facile de les identifier à travers des critères grossiers : ce seraient, notamment, des personnes qui ont abandonné leurs études ou ont quitté, pour une raison ou pour une autre, le monde de l’éducation, de la formation ou de l’emploi. Et pourtant, tous ces jeunes ne sont pas forcément « en difficulté ». Certains font preuve de résilience et même parfois d’esprit d’entreprise, même si c’est souvent dans la mauvaise direction. Ainsi, Williamson rapporte les propos d’un jeune garçon qui expliquait s’être installé dans « un mode de vie alternatif », gagnant sa vie grâce à toute une série d’activités illégales et non déclarées. En fait, c’est ainsi que beaucoup des « gars de Milltown » présentés dans son ouvrage s’en sont sortis une fois devenus adultes, et si certains ont vécu dans l’instabilité, au gré des occasions, d’autres ont soigneusement calculé et organisé leurs sources de revenus. Bien sûr, certains étaient toujours « en difficulté », notamment parce qu’ils avaient un casier judiciaire et ne possédaient pas de diplômes ; mais ils l’étaient aussi parce qu’ils avaient vu s’effondrer les secteurs du marché du travail auxquels ils se croyaient destinés.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Tony Blair au Royaume-Uni, le gouvernement s’engage fortement en faveur de l’« insertion sociale », notamment par le biais du programme « Welfare to work » (« De l’assistance à l’emploi »). L’une des nombreuses initiatives mises en place est la « Nouvelle donne pour les jeunes » (« New Deal for Young People », NDYP), destinée aux 18-24 ans. Il n’y a pas lieu de décrire ici les principes et la structure de ce programme, mais sa pertinence et son impact pour « les plus défavorisés » ont fait l’objet d’une analyse instructive. Le document en question (Adebowale, 1998) visait à dégager le profil des jeunes défavorisés – parmi une population qui était clairement, en général, en difficulté au regard de l’emploi – et à trouver comment rendre le NDYP plus efficace pour eux. L’étude a détecté quatre grandes sources de difficultés, bien que ces catégories se recoupent souvent :

· expériences passées,
· circonstances actuelles,
· attitude,
· état de santé.

Il est clair que certains jeunes ont un passé personnel et social qui entrave leur développement et leur apprentissage actuels. Ils peuvent avoir besoin d’un soutien supplémentaire pour traiter, et donc dépasser cet héritage avant de retrouver confiance et de pouvoir aller de l’avant. Les systèmes d’accompagnement et de soutien amical sont souvent considérés comme utiles pour atteindre ce but. Souvent en lien avec ce passé difficile, certains jeunes sont confrontés à des problèmes actuels, en raison d’un manque de soutien de la part de leur famille ou de circonstances plus larges. Il faut tenir compte de ces obstacles, qui doivent être surmontés avant que la personne concernée ne puisse progresser dans ses études ou dans le monde du travail. D’autres obstacles sont plus difficiles à vaincre : ils tiennent à l’attitude de certains jeunes, qui ne croient pas à l’utilité des aides (humaines et/ou financières) qui peuvent leur être offertes. Enfin, certaines personnes souffrent d’une série de problèmes de santé, souvent non diagnostiqués et donc non traités, dont les conséquences vont de difficultés d’apprentissage (cf. la dyslexie) à l’analphabétisme en passant par l’abus de substances. Ces quatre handicaps, qui se cumulent souvent, forment d’importants obstacles, qui empêchent ces jeunes de s’engager et de persévérer dans des études ou dans un travail – sans parler de la possibilité de se mettre à leur compte.

Cependant, d’un point de vue plus optimiste, il est largement prouvé que la grande majorité des jeunes ont des aspirations modestes et conventionnelles. Très rares sont ceux qui choisissent de rester à l’écart du parcours ordinaire vers l’autonomie ; si leurs difficultés les maintiennent en marge – parfois sans que ce ne soit leur faute, parfois en raison de leur propre comportement –, la plupart préféreraient ne pas en être là. Il est néanmoins important de distinguer les différences considérables qui existent au sein de ce groupe, sous peine de réagir de façon inappropriée et souvent contre-productive. Nous proposerons la typologie suivante, élaborée au fil des travaux de la Commission de l’éducation de la Chambre des communes sur « les jeunes en rupture » (Commission de l’éducation, 1998) : ces jeunes peuvent être

· « fondamentalement égarés »,
· « provisoirement à l’écart »,
· « profondément aliénés », (1) sans but et (2) organisés.

En grande majorité, ceux qui restent en marge des parcours ordinaires vers l’âge adulte et la vie active peuvent être décrits comme « fondamentalement égarés ». Ils ont perdu leur chemin ou ont été laissés au bord du chemin. Bien qu’ils puissent être « désengagés » (terme neutre désignant leur écart par rapport à la norme), ils ne sont pas forcément « en rupture » (terme portant un jugement sur leur attitude) : des contacts et des soutiens appropriés peuvent les « réengager » assez rapidement, bien qu’il faille étudier soigneusement ce qu’on entend par « contacts et soutiens appropriés ». De la même manière, les jeunes « provisoirement à l’écart » ne sont pas complètement déconnectés de l’éducation et de l’emploi, mais ont des préoccupations personnelles qui, pour eux, passent à ce moment avant le reste. Ce peuvent être des « problèmes privés », comme s’occuper d’un membre de leur famille, ou des « circonstances publiques », comme l’absence de logement ou des problèmes psychologiques (Wright Mills, 1970). Dans tous les cas, tout réengagement reste impossible tant que ces problèmes ne sont pas résolus. Enfin, les plus intraitables, auxquels l’expression « en rupture » s’applique le plus, sont les jeunes « profondément aliénés », qui ne voient aucun avantage à se réengager dans la voie normale. Ils peuvent être « sans but », passant souvent leur temps à consommer de l’alcool ou d’autres substances, ou « organisés », c’est-à-dire occupés à mettre en place des stratégies alternatives pour gagner leur vie, utilisant des moyens illégitimes à des fins légitimes (Cloward et Ohlin, 1960). On estime souvent (et c’est certainement le cas au Royaume-Uni) qu’environ 20 % des jeunes sont d’une certaine façon « désengagés » du monde du travail, de la formation et de l’éducation. Si c’est vrai, nous affirmerons que parmi ces jeunes, bien plus de la moitié relèvent des deux premières catégories, et seulement une minorité de la dernière.

B. Hiérarchie des choix d’avenir

Au-delà de la typologie établie ci-dessus, pour les efforts de « réengagement » et de prévention du « désengagement », le défi consiste à offrir des options crédibles aux jeunes qui approchent de la fin de la scolarité obligatoire et doivent s’orienter vers un emploi ou une formation. Dans la majeure partie de l’Europe, l’option la plus valorisée est la poursuite des études et l’acquisition de qualifications supplémentaires. La deuxième, souvent de plus en plus encouragée, consiste à acquérir des diplômes professionnels à travers des programmes de formation associant pratique et cours théoriques. La troisième, plutôt mal considérée, est l’entrée précoce et sans formation dans la vie active, de plus en plus dans des emplois de service. Enfin, tout en bas de l’échelle, on trouve les solutions indésirables : travail au noir et activités illégales. Or, du point de vue des jeunes les plus défavorisés, cette hiérarchie est renversée, en particulier s’ils font passer en premier les impératifs financiers. Le florissant trafic de la drogue en est un exemple parlant : bien qu’il ne soit jamais une « solution » à long terme, il promet des gains immédiats et d’un montant qu’aucune des autres solutions ne permet d’atteindre. C’est une forme d’« esprit d’entreprise » qui ne peut être ignorée, et que l’on peut rapprocher de toute une série d’autres solutions relevant de l’économie parallèle ou informelle. En outre, ce renversement de la hiérarchie ne se limite pas au milieu urbain : en zone rurale, le fait de savoir s’adapter à divers emplois saisonniers (travail non qualifié en usine, agriculture, industrie du bois, tourisme) peut apparaître aux jeunes les plus « défavorisés » comme le meilleur moyen de gagner leur vie.

Si elles veulent avoir une chance d’orienter ces jeunes vers des parcours professionnels plus conventionnels et légitimes, il faut que les politiques publiques tiennent compte de ces réalités.

V. Modèles de développement

L’objectif de la plupart des politiques de jeunesse est d’aider les jeunes à entrer dans l’âge adulte. En Suède, point intéressant, elles cherchent aussi à les aider à « être jeunes ». À cet effet, le pays investit fortement dans les loisirs destinés aux jeunes, et en particulier dans la musique. Cela ne répond pas qu’à un simple désir de s’amuser, car la façon dont ce type de loisir est organisé donne des résultats plus larges : la musique aide les jeunes à acquérir des compétences dites « informelles », « transversales » ou « génériques » : travail en équipe, prise de décisions, résolution des problèmes, sens de la communication etc. La musique a le grand mérite de créer un contact avec la plupart des jeunes en répondant à leurs intérêts, tout en leur faisant faire un premier pas vers l’apprentissage et le développement hors du système scolaire officiel. Bien sûr, les jeunes ne peuvent pas passer leur vie à jouer de la basse et ont besoin de soutien pour franchir les étapes suivantes ; cependant, le développement personnel encouragé par ce type d’animations est important pour tisser des liens et créer des sentiments de confiance et de motivation. Au Royaume-Uni, cette méthode s’est avérée fructueuse au sein des organisations s’occupant des jeunes les moins favorisés (comme par exemple Fairbridge ou The Prince's Trust).

Bien sûr, de nombreux modèles consistent à préparer plus directement les jeunes à l’entrée dans la vie active. On estime généralement que les jeunes ne connaissent pas assez les exigences du « monde du travail » et qu’ils ont besoin de familiarisation, d’orientation et de socialisation – bien que certains affirment le contraire, à savoir que les jeunes, et en particulier les moins avantagés, n’en connaissent que trop le caractère exigeant et exploitant, à travers les emplois à temps partiel qu’ils occupent depuis l’adolescence (voir Finn, 1987). Parmi les initiatives publiques, les plus fréquentes sont les programmes de formation professionnelle, conçus pour transmettre aux jeunes des compétences spécifiques et, de plus en plus, officiellement reconnues. Cependant, le manque de débouchés valables et leur faible crédibilité auprès des employeurs les ont souvent discrédités. On a également recouru à des mesures plus ponctuelles. Avant de quitter l’école, beaucoup de jeunes sont passés par des stages en milieu professionnel, bien que là encore, la qualité (et donc la crédibilité) de ces stages varie considérablement. En milieu scolaire ou dans le cadre de formations professionnelles, des initiatives d’accompagnement et d’orientation visent à conseiller les jeunes pour les aider à trouver des métiers qui leur conviennent. Pour donner davantage d’idées aux jeunes et leur fournir un « avant-goût » des emplois possibles, des stages d’observation ou des séances d’essai sont organisés. Citons également les simulations de situations professionnelles et les formations aux compétences sociales, destinées à préparer les jeunes au monde du travail. Pour une large part, l’idée d’entreprendre n’a brillé que par son absence, bien qu’elle ait parfois été présentée comme l’une des façons possibles d’entrer sur le marché du travail (voir plus bas).

Par leur diversité et leur adaptation aux différents besoins, toutes ces propositions présentent en théorie une grande richesse. Elles risquent cependant, notamment pour les plus défavorisés, de s’avérer répétitives. C’est le syndrome largement dénoncé de la « porte tournante », dont souffrent les programmes de préparation à l’entrée dans la vie active : les jeunes qui ont le moins d’atouts et de motivation pour se lancer dans un « vrai » travail finissent par recommencer encore et encore les mêmes programmes. Bien que ces répétitions puissent être considérées comme nécessaires pour consolider les acquis, elles s’avèrent en général contre-productives et alimentent cynisme et démotivation chez ceux que les projets sont censés soutenir.

Un modèle semble avoir évité ces éternels recommencements : le Programme intégré d’activités (« Integrated Activity Programme », IAP) mis en œuvre dans certaines régions d’Australie, que l’on devrait peut-être prendre pour exemple, et qui mérite en tous cas qu’on s’y arrête. Il a été lancé au milieu des années 1990, alors qu’il devenait de plus en plus évident que les chances des jeunes après la scolarité obligatoire se polarisaient de plus en plus. Les jeunes les plus capables accédaient à la fois aux études et à des emplois (le plus souvent à mi-temps), ce qui marginalisait complètement les autres, et notamment les jeunes d’origine aborigène. L’IAP a été conçu comme un programme intégré et à long terme, crédible, évolutif et sachant éviter les offres isolées et répétitives. S’étendant sur cinq ans, il reposait sur des stages auprès d’employeurs locaux ayant des postes temporaires à pourvoir. Même s’il était facile de le dénoncer comme une mise à disposition de « main d’œuvre bon marché », le programme a été plébiscité par les jeunes, car chacun des postes occupés consolidait leur expérience sur le terrain avant leur retour au programme de formation. Les employeurs locaux ont apprécié le programme car il leur permettait de subvenir à leurs besoins immédiats en main-d’œuvre. Enfin, il a eu pour conséquence non négligeable de casser les idées reçues de beaucoup de patrons sur certains employés, et notamment les jeunes défavorisés. La plupart des participants au programme ont réussi à trouver un véritable emploi. Le programme a donc réussi à créer un cercle vertueux au lieu d’un cercle vicieux : il était crédible à la fois pour son public cible et pour les employeurs locaux, dont il dépendait pour garantir une certaine confiance envers les jeunes qu’il cherchait à aider. Bien que présenté comme coûteux (il était assuré pour le compte de l’État par des organismes de formation privés), le programme s’est avéré rentable, puisqu’il a permis d’économiser des prestations sociales et qu’il a eu des répercussions positives sur l’économie et la productivité. Les économistes ont estimé à zéro, à terme, son coût réel pour les contribuables australiens (conclusions rapportées lors de la conférence « Jobs for Young Australians », Adélaïde, 1995).

Cette étude de cas constitue un solide argument en faveur de projets intégrés et évolutifs, offrant aux jeunes les moins favorisés un mélange d’enseignement et de formations. Il est clair qu’un tel modèle peut aussi s’appliquer à la promotion de l’initiative et de l’esprit d’entreprise.

VI. Initiative et esprit d’entreprise

Le débat sur la notion d’« esprit d’entreprise » se poursuit depuis des années. Souvent, les éducateurs sans lien direct avec le marché du travail y voient surtout la capacité à prendre des initiatives, tandis que ceux qui sont liés au marché (directement ou à travers le secteur public) le rapprochent davantage de la création d’entreprise et du travail indépendant. Bien entendu, l’un n’exclut pas l’autre. En effet, il est clair que l’« initiative » est l’une des conditions nécessaires à la « création d’entreprise », bien qu’elle puisse aussi mener dans d’autres directions.

Au cours des années 1980, après l’effondrement du taux d’emploi des jeunes dans les années 1970 et le déclin plus général du plein-emploi dans les secteurs public et privé, la promotion de l’« esprit d’entreprise » est devenue un enjeu politique de plus en plus important. Au pays de Galles, par exemple, une série de mesures publiques ont été mises en place pour soutenir les « coopératives phœnix » (petites entreprises créées à la suite des licenciements massifs dans le secteur industriel) et les « initiatives locales » (community enterprise, projets sans but lucratif dans le domaine social). Leur réussite n’a été que limitée. Au milieu des années 1980, le gouvernement britannique a développé l’idée que l’« esprit d’entreprise » devait être cultivé à travers l’enseignement. Il a mis au point à cet effet un programme d’« éducation à l’entreprise », qui devait s’appliquer dans les deux ans à tous les établissements d’enseignement secondaire (voir Jamieson et al., 1988a, 1988b).

Outre la difficulté de lancer rapidement un nouveau projet dans l’enseignement, surtout lorsqu’il n’est pas piloté par le ministère de l’Éducation, mais par celui du Commerce et de l’Industrie, ce programme pose deux grandes questions particulièrement intéressantes pour notre rapport.

Premièrement, pour surmonter les réticences des professeurs face à l’idée d’un enseignement au service de l’entreprise, le programme a été conçu avec plus de souplesse et de créativité : il encourageait un enseignement pour, à travers et autour de l’esprit d’entreprise. Dans certaines branches de l’enseignement, on parlait déjà aux jeunes du monde du travail ; mais le programme ouvrait la possibilité – toujours appréciée par les professeurs les plus radicaux – de se lancer dans l’enseignement par l’expérience, encourageant un apprentissage actif à travers l’entreprise. Ainsi, l’« éducation à l’entreprise » s’est traduite de façon très diverse selon les établissements : elle différait par sa place dans les programmes (études commerciales, études sociales), sa structure (d’un cours d’une heure par semaine à un bloc d’activités hors programme), le message qu’elle cherchait à transmettre ou les réflexions qu’elle cherchait à provoquer chez ses participants. En dépit des raisons avancées par le gouvernement au moment de sa mise en place, il est clair que ce programme n’a pas toujours abouti à souligner l’importance et les avantages de l’idée d’entreprendre (voir Jamieson et al, 1988b). [Même lorsque l’accent est fortement mis sur l’« entrepreneuriat », l’existence d’un « large éventail de méthodologies » ne signifie pas forcément que les étudiants vont se familiariser avec toutes les facettes de l’esprit d’entreprise – voir Commission européenne, 2004, p.16.]

Deuxièmement, l’un des éléments clés de l’éducation à l’entreprise était l’organisation en petits groupes de « véritables » expériences marchandes. Or, ces expériences étaient souvent loin d’être authentiques si l’on considère la formation et la composition des groupes, la qualité du produit ou du service choisi par les jeunes, les bénéfices qu’ils en tiraient et le temps dont ils disposaient. Nous ne reviendrons pas ici en détail sur les faiblesses du programme : contentons-nous de souligner que, probablement parce que les établissements se sentaient obligés de montrer qu’ils faisaient quelque chose, l’expérience de « mini-entreprise » a toujours débouché sur un apprentissage faussé sur l’entrepreneuriat, bien qu’elle ait encouragé sous d’autres aspects un apprentissage actif. Les jeunes vivaient souvent cette expérience comme une façon de s’amuser, prenaient à la plaisanterie le fait de devoir être « managés » par un de leurs copains, vendaient des babioles à une clientèle gagnée d’avance (parents et professeurs complaisants) et en tiraient des bénéfices démesurés, puisqu’ils n’avaient aucun frais d’infrastructure.

Ainsi, en milieu scolaire, bien qu’il soit légitime de chercher à enseigner pour, par et autour de l’idée d’entreprendre, il convient d’aborder avec prudence celle de simuler une « expérience d’entreprise ». Presque inévitablement, les jeunes se tourneront vers des idées faciles et mal financées (on ne compte plus ceux qui ont vendu des peluches !). Bien sûr, les jeunes défavorisés se heurtent souvent aux mêmes écueils quand ils tentent réellement de monter une entreprise (voir plus bas). Cependant, de telles expériences sont peu susceptibles d’encourager la création d’entreprises novatrices. Au Royaume-Uni, cet objectif-là reste assuré par un programme extrascolaire beaucoup plus ancien, destiné à des jeunes d’un niveau d’éducation beaucoup plus élevé qui viennent d’achever leurs études : « Young Enterprise ».

Les ouvrage consacrés aux « véritables » entreprises fondées par des jeunes sont extrêmement rares. Le plus notable d’entre eux, une analyse de Macdonald et Coffield (1991), affirme que les jeunes entrepreneurs ont tendance à « courir, lutter ou chuter ». S’ils réussissent à « garder un pied » dans le monde du travail, c’est pour une grande part grâce à des aides publiques. Bien sûr, comme dans les simulations organisées à l’école, la plupart des activités imaginées par les jeunes tendent à s’appuyer avant tout sur la main-d’œuvre et à se placer dans des secteurs déjà saturés. Cela ne veut pas dire qu’elles sont toujours un échec. Ainsi, dans le sud du pays de Galles, l’un des projets les plus réussis nés dans le cadre d’un « Youth Enterprise Centre » est celui d’une jeune fille qui a continué à gagner sa vie en s’occupant d’animaux de compagnie : ses revenus sont modestes, mais corrects comparés aux salaires locaux, et c’est sa mère qui tient sa comptabilité ! D’autres « diplômés » de ce centre ont « tenu le coup » quelques années, dont un aquarelliste et deux jeunes garçons qui fabriquent des vestes à partir de vieux vêtements donnés.

L’entreprise « Instant Muscle » est un autre exemple d’initiative ayant résisté à l’épreuve du temps. Bien qu’elle compte aujourd’hui plusieurs employés, elle a été fondée par un petit groupe de cinq jeunes qui souhaitaient accomplir différentes tâches manuelles pour le compte de particuliers (jardinage, entretien, peinture, nettoyage des vitres…). Cette idée est née au sein d’une coopérative fondée par des jeunes au début des années 1980 (voir Williamson, 1986). Les cinq personnes en question avaient participé, avec d’autres, à un « cours de motivation » destiné aux jeunes chômeurs dans le cadre d’un projet local. Ils n’avaient ni expérience ni qualifications, mais ils avaient envie de se lancer. Malheureusement, comme beaucoup d’autres personnes de leur âge dans des contextes similaires, tout ce qu’ils voulaient était délivrer leur service (ou fabriquer leur produit). Ils ne comprenaient pas, ou même ne voulaient pas comprendre qu’il fallait tenir des fichiers, faire les comptes ou motiver leur « main-d’œuvre » – c’est-à-dire que leur entreprise avait aussi des aspects humains et administratifs. L’initiative échoua donc au bout de quelques années. De la même manière, le centre de soutien aux projets (« Youth Enterprise Centre ») mentionné ci-dessus a compté deux participants qui étaient des artistes très talentueux, mais n’avaient qu’une envie : peindre des tableaux. Le marketing ne les intéressait pas, pas plus qu’ils n’envisageaient de vendre leurs produits à un prix différent en fonction du type de clientèle.

Bien sûr, ces problèmes ne concernent pas que les jeunes. Au centre du pays de Galles, région rurale, de nombreux habitants sont d’anciens citadins qui ont voulu fuir le stress de la grande ville. Ils ont fondé toute une série de petites entreprises (fabrication de confitures, de vêtements en laine, d’objets traditionnels) mais ne cherchent absolument pas à les proposer à un public susceptible de les acheter un bon prix. Et pourtant, il faut bien qu’ils vendent leurs produits. Dans ce but, certains ont loué une partie d’un grand local, un café qui n’attirait plus autant de monde qu’autrefois, pour proposer ces produits aux marchands de souvenirs locaux. Chaque producteur s’occupe du « magasin » un jour par mois et vend les produits pour le compte de tous les autres.

De cette idée est née un projet de soutien aux jeunes musiciens, poètes et artistes. Il consiste à soutenir la publication et la promotion des œuvres, à travers des ouvrages, des portfolios et des cassettes ou CD, en échange d’une part des bénéfices. Les jeunes concernés sont satisfaits de l’« affaire » : ils peuvent poursuivre leurs activités, font quelques bénéfices et savent que les ressources qu’ils produisent seront réinvesties dans le projet.

Ces histoires donnent quelques exemples des idées créatives en faveur de l’esprit d’entreprise chez les jeunes et des difficultés susceptibles d’être rencontrées. Au Royaume-Uni, l’un des programmes les plus réussis en faveur de l’entrepreneuriat chez les jeunes les plus « difficiles à atteindre » vient de la fondation The Prince's Trust. Le taux d’abandon et d’échec est certes très important, mais il ne semble pas plus élevé que pour les projets de création d’entreprise en général, alors que dans ce cas les entrepreneurs sont des jeunes qui ont apparemment peu d’aptitudes et de chances de réussir. Le modèle adopté est classique mais, et c’est peut-être là son point fort, il repose sur des règles fixes, bien qu’une certaine souplesse soit permise dans son application. Les jeunes sont conseillés et épaulés lors de la mise en place de leur projet et dans les premières années de lancement. La fondation leur accorde des prêts les aidant à financer leur projet. Point essentiel, ils sont soutenus par des experts du monde de l’entreprise qui peuvent venir d’un milieu très différent du leur, mais connaissent bien les besoins, les problèmes et les aspirations des jeunes concernés. Si nous insistons sur cette qualité, c’est que les conseillers en création d’entreprise appliquent souvent à leurs clients leur propre façon de penser, sans se rendre compte que les jeunes ont souvent de toutes autres priorités. Par exemple, une série de rendez-vous fixes peut s’avérer moins pertinente qu’un calendrier plus souple.

Certains avancent que les jeunes, justement parce qu’ils sont jeunes, ne sont pas bien armés pour se mettre à leur compte ou s’aventurer dans la création d’une entreprise. Il existe bien sûr de remarquables exceptions à cette règle (Richard Branson, le fondateur de Virgin, a commencé adolescent en publiant un magazine dont il faisait la promotion depuis une cabine téléphonique !). Mais l’argument repose sur l’idée que les jeunes n’ont tout simplement pas assez d’expérience de la vie, qu’ils ne sont pas assez armés pour faire face aux aléas du travail indépendant et rebondir en cas d’échec.

D’autres soulignent qu’il est impossible d’instiller l’esprit d’entreprise chez les jeunes : ils l’ont ou ne l’ont pas, bien qu’on puisse aider ceux qui l’ont à le développer et à éviter les écueils. On peut cependant répondre que le fait de connaître des échecs ou de les surmonter fait aussi partie intégrante du « monde de l’entreprise ». Citons le cas de ce garçon qui, à seize ans, saisissait déjà toutes les occasions de gagner de l’argent (curieusement, son nom de famille était Cash ; aujourd’hui, il est multimillionnaire !). Il a commencé par s’installer en association avec des cousins avant de se lancer seul. Il travaillait très dur, à toutes les heures du jour (et de la nuit). Mais lorsque son affaire progressait et commençait à rapporter (ou plutôt ses affaires, car à vingt-et-un ans, il en était à sa troisième entreprise), elle l’intéressait de moins en moins et il se mettait à mener la belle vie et à jeter l’argent par les fenêtres. Chaque fois, l’entreprise faisait faillite, mais cela ne le décourageait pas : il était assez confiant pour recommencer. Il n’avait absolument pas fait d’études commerciales et ne bénéficiait d’aucun soutien, mais il avait montré très tôt des qualités de chef d’entreprise et prenait des initiatives chaque fois que l’occasion se présentait.

Le fait est qu’on rencontre ce type de caractère chez beaucoup de jeunes défavorisés – non chez tous, évidemment. Ils sont prêts à « pêcher » les occasions de gagner de l’argent là où elles se trouvent ou à les créer eux-mêmes. Le problème consiste à transformer ces « affaires » en activités plus durables et plus légitimes. Cela soulève la question de ce que Williamson a appelé « le quatrième côté du triangle ». On considère généralement que la création d’entreprise s’appuie sur un triangle : les circonstances personnelles (qui déclenchent l’idée de l’entreprise, comme par exemple le fait d’être au chômage), les caractéristiques personnelles (des qualités comme la motivation ou la capacité à s’engager) et les compétences dans le domaine de l’entreprise (qui se reflètent dans une idée, un projet). Cependant, et en particulier pour les jeunes, qui savent souvent mal planifier un budget, on oublie de mentionner les fluctuations de ressources et les sentiments de joie ou d’abattement qui les accompagnent. Si la coopérative mentionnée plus haut a fini par disparaître, c’est que ses jeunes fondateurs se sont trouvés face à des revenus élevés et inattendus qu’ils ont rapidement dilapidés, laissant le groupe incapable de couvrir les dépenses ultérieures. Les deux artistes également cités plus haut ont perdu courage car personne ne semblait vouloir acheter leurs tableaux (personne ne leur avait expliqué que leurs prix étaient corrects et leur thème intéressant – des portraits de stars comme Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Bob Marley – mais qu’ils étaient au mauvais endroit pour les vendre). Pour cultiver et consolider l’esprit d’entreprise, une partie du défi consiste peut-être à tester les réactions potentielles des futurs entrepreneurs dans des situations d’enthousiasme ou de désespoir.

VII. Politiques publiques, emploi des jeunes et marché du travail

Une foule de bonnes idées ont été avancées pour lutter contre le chômage chez les jeunes, de l’amélioration des compétences des jeunes chômeurs aux subventions versées aux employeurs. En général, elles semblent n’avoir eu que peu d’effet. Une fois pris en compte les impondérables, les remplacements de poste et les pertes d’emplois, les sommes d’argent et d’énergie investies par l’État n’ont souvent eu que des répercussions mineures. Les programmes en faveur de l’emploi des jeunes ont eu tendance à suivre les performances générales de l’économie : les jeunes bénéficient plus vite de la croissance économique et sont plus rapidement frappés par les récessions. Même le changement démographique (contraction de la population active) ne semble pas encourager les employeurs à « ratisser plus large » : quand ils ont fini d’embaucher les jeunes qui les intéressent, ils se tournent vers d’autres groupes de chômeurs, comme les femmes cherchant à retrouver un emploi ou les personnes de plus de cinquante ans. Les jeunes habituellement défavorisés sur le marché du travail – issus de minorités ethniques, souffrant d’un handicap, sans formation, ayant déjà un casier judiciaire – restent défavorisés, même lorsque l’économie repart à la hausse.

Du côté des demandeurs d’emploi, ce sont justement plus que jamais ces jeunes qui « veulent un boulot, rien d’autre ». Ils ne sont intéressés ni par les cursus universitaires, ni par les programmes de formation ou les sources alternatives de revenu (comme la création d’entreprise). Macdonald et Coffield (1991) signalent que ceux qui s’en sortent tant bien que mal en étant à leur compte (ceux qui « luttent ») et même beaucoup de ceux qui réussissent tout à fait bien (ceux qui « courent ») deviennent salariés dès qu’ils en ont l’occasion. Dans le cadre du New Deal pour les jeunes, qui visait à combler le fossé entre le profil des jeunes chômeurs et la pénurie de certains métiers ou l’expansion de certains secteurs, il s’est avéré que les jeunes les plus intéressés par le volet « Formation » étaient ceux qui possédaient déjà certaines qualifications. À l’inverse, ceux qui avaient peu ou pas du tout de formation se tournaient surtout vers le volet « Emploi », rejetant les autres solutions proposées, comme le travail dans le secteur associatif ou la protection de l’environnement. Le problème qui se pose ici relève donc de la quadrature du cercle.

Il n’est pas aisé de persuader les jeunes de se porter volontaires pour un projet (et nous n’entendons pas par là le travail bénévole dans des ONG ou des associations), tout comme il est difficile de les convaincre de l’intérêt de travailler dans des secteurs (privés ou publics) qui ne « collent » pas à ce que Mørch appellerait « une identité professionnelle ». Pourtant, ces deux démarches peuvent jouer un grand rôle dans le renforcement de la confiance et des compétences nécessaires à l’entrée dans la vie active. Ainsi, Williamson raconte qu’il y a plusieurs années, il a cherché à convaincre un jeune homme plutôt « difficile » d’aider une troupe de théâtre scolaire. Au début, ce dernier refusait d’être associé à des auteurs et des comédiens (le travail, pour lui, c’était le travail manuel ; il correspondait parfaitement à ces « gars » décrits par Willis (1978) qui placent au premier rang le travail manuel, le machisme et l’anti-intellectualisme). Il a cependant fini par accepter de se charger de déplacer les décors et les accessoires. Cela lui donnait une image de soi acceptable (c’était bien du travail manuel) et avec le temps, comme Williamson l’avait espéré, il s’est de plus en plus intéressé aux aspects artistiques du projet.

Il est donc possible d’élargir l’horizon professionnel de jeunes comme ce garçon. Il s’agit cependant d’une tâche délicate, qui dépend d’au moins trois grandes conditions préalables :

· des employeurs « bienveillants »,
· flexibilité et personnalisation sur le terrain,
· un soutien attentif.

Les employeurs bienveillants ne sont pas forcément de « bonnes pâtes », mais ils font preuve d’une compréhension des jeunes qui va au-delà des impératifs immédiats de leur profession. Les premiers programmes de formation des jeunes lancés au Royaume-Uni (à la fin des années 1970), en particulier lorsqu’ils visaient les jeunes défavorisés, étaient de deux grands types : soit à caractère social, soit à caractère « militaire » ou « industriel ». Les premiers toléraient presque tout au nom des difficultés personnelles que les jeunes avaient traversées ou connaissaient encore. Les deuxièmes prônaient et faisaient appliquer un strict respect de la discipline au travail, bien résumé par cette remarque de l’un des responsables : « Faut voir les choses en face, faut se battre pour s’en sortir dans la vie, alors on va les apprendre [sic] à se battre comme il faut. » Aucune de ces deux approches n’a beaucoup élargi les perspectives d’emploi de ces jeunes. Elles ne reconnaissaient pas non plus que la grande majorité des jeunes font des « compromis » avec le marché du travail, souvent selon des critères difficiles à mesurer à l’aune officielle du « bon » et du « mauvais », de l’« échec » et de la « réussite ». Williamson cite le cas d’un jeune homme qui, d’un point de vue officiel, s’est fait éhontément exploiter pendant ses six mois de stage. Lui ne voyait cependant pas les choses ainsi, puisqu’il a décroché l’emploi qu’il voulait à la fin de sa période de « formation » (un autre jeune étant embauché pour se faire exploiter à sa place). Inversement, il cite également une jeune femme poussée à s’orienter vers le travail social mais qui savait pertinemment qu’étant donné son âge et sa formation, elle avait très peu de chances de trouver un emploi dans ce domaine. Dans les milieux politiques de l’époque, on fut fort surpris de constater que certaines formations « médiocres » à l’attention des jeunes rencontraient beaucoup de succès. Vues d’en haut, elles étaient effectivement médiocres, car elles délivraient peu d’enseignements utiles et n’offraient pas beaucoup de débouchés. Cependant, elles étaient attractives vues d’en bas, par exemple parce qu’elles avaient lieu près du domicile des jeunes, qu’ils pouvaient y participer avec leurs copains et qu’ils rentraient souvent tôt à la maison. Nous ne portons pas là de jugement ; nous soulignons simplement qu’il faut être capable de se mettre à la place des jeunes pour comprendre ce qui compte à leurs yeux et connaître les compromis qu’ils sont prêts à accepter. D’où le manque de pertinence des consignes centralisées, et l’intérêt d’une souplesse adaptée au terrain et de projets de soutien personnalisés, qu’ils englobent ou non l’idée du travail indépendant.

Malgré tout, certains jeunes refuseront toujours obstinément tout ce qui n’est pas « du vrai travail ». Et parmi eux, comme nous l’avons noté plus haut, les jeunes habituellement les plus exclus du marché du travail (peu ou pas du tout formés, ayant souvent un casier judiciaire etc.) sont sur-représentés. Les enquêtes menées auprès des employeurs montrent souvent – pour des raisons tout à fait compréhensibles – de profondes réticences à embaucher ces jeunes, allant jusqu’au refus catégorique. Cependant, il se trouve toujours des employeurs prêts à le faire, non tant par altruisme que pour des motifs personnels plus secrets (par exemple leur propre parcours ou les difficultés qu’ils ont pu rencontrer à travers leurs propres enfants). Ainsi, le dirigeant d’une très florissante entreprise d’emballages a donné des milliers de boîtes en carton au profit d’une opération caritative de recyclage d’ordinateurs et proposé des stages à certains des jeunes bénévoles de l’association organisatrice. Interrogé par Williamson, il a commencé par expliquer qu’il se devait d’œuvrer pour l’intérêt général. Cependant, poussé plus loin, il a reconnu qu’il avait eu une enfance difficile et qu’un de ses fils avait failli « mal tourner », jusqu’à ce que quelqu’un lui vienne en aide. Il avait maintenant l’occasion de « rendre la pareille ». Nous sommes ici face à un double défi : trouver des personnes de ce type et les soutenir, compte tenu du risque qu’elles prennent. Aucun employeur, aussi altruiste qu’ils soit, ne souhaite mettre en danger la santé de son entreprise.

C’est ici qu’un soutien « professionnel » attentif prend tout son sens. Au moment de prendre un nouveau départ dans la vie, y compris dans le domaine de l’entreprise ou de l’emploi, les jeunes en difficulté peuvent facilement abandonner au premier revers (qui peut n’être qu’un « détail », comme une réprimande de la part d’un responsable). Pour garantir engagement et persévérance, la présence d’une personne chargée d’épauler les jeunes dans leurs efforts peut s’avérer essentielle : « mentor », « accompagnateur », « conseiller personnel », « assistant social » ou « animateur jeunesse » – les appellations varient beaucoup, les dernières expressions employées au Royaume-Uni étant « professionnel de l’accompagnement » (lead professional) et « adulte référent » (trusted adult). [Dennison et Kirk (1990) attirent l’attention sur la remarque de Mumford, selon laquelle le « cercle vertueux » de l’apprentissage actif a sa contrepartie : un « cercle vicieux » s’installe lorsqu’en l’absence de soutiens et de retours positifs, les étudiants se trouvent obligés de batailler pour appliquer ce qu’ils ont appris. Perdant de vue l’intérêt de cet apprentissage, les jeunes finissent par se démotiver… et c’en est fini de l’aspect constructif de l’apprentissage par l’expérience.] Bien sûr, il y a toujours beaucoup à faire pour mettre en place des relations positives, fondées sur la compréhension et la confiance mutuelle, et on s’interroge toujours beaucoup sur la « latitude » à laisser aux jeunes dans le choix (ou le rejet) de cette personne. S’ils ont trop de choix, les jeunes sont susceptibles de trop dicter la situation ; à l’inverse, un choix trop restreint peut anéantir les efforts pour fournir un soutien approprié. D’où l’usage du terme de « professionnel » : la personne n’est pas nécessairement rémunérée (il est même plutôt souhaitable qu’elle soit bénévole), mais elle doit être formée pour répondre au mieux aux besoins des jeunes, et non simplement leur donner ce qu’ils veulent dans l’immédiat. Nous reviendrons brièvement sur ce point dans nos conclusions.

En définitive, ceux qui cherchent à aider les jeunes défavorisés à entrer sur le marché du travail et à y rester (que ce soit à leur compte ou en tant qu’employés) ont peu de garanties pour beaucoup de chances d’échouer. Le processus dépend non seulement du caractère, des ressources et des compétences du jeune, mais aussi de ceux des personnes qui l’entourent. Devant ces relations complexes, il est impossible de prédire avec certitude si tel ou tel jeune fera une entrée timide, satisfaisante ou remarquée dans le monde du travail.

À cet égard, il peut être instructif de reprendre une théorie du changement aujourd’hui centrale dans le traitement des conduites addictives mais qui, curieusement, est rarement citée dans l’éducation et la formation. Au sujet de la dépendance à la drogue et à l’alcool, le « cycle du changement » de Prochaska et Diclemente (1986) part du principe que les personnes passent par une période de « pré-réflexion », souvent très longue, où elles pensent vaguement à changer quelque chose à leur situation, leur véritable volonté d’agir restant extrêmement faible. Cependant, de nombreux facteurs peuvent les faire entrer dans la phase de « réflexion », le désir de remédier à leur situation étant alors vraiment présent. Dans la phase de pré-réflexion, toutes les incitations, pressions ou mises en garde ne changeront probablement rien (en fait, la plupart des dépendants savent pertinemment qu’ils prennent des risques), tandis qu’une intervention dans la phase de réflexion a de grandes chances de provoquer un changement. Sans cette aide, beaucoup ne réussissent pas à atteindre leurs objectifs et rechutent rapidement – bien que les conseils et autres formes de soutien ne soient pas non plus une garantie assurée contre les rechutes. Ces personnes retournent au point de départ, tandis que d’autres réussissent à adopter un mode de vie plus positif.

Cette théorie peut s’appliquer aux relations entre les jeunes et le marché du travail, et en particulier à ceux qui ont tendance à lâcher prise et flirtent avec l’exclusion et la marginalisation. Tandis que la plupart d’entre eux déclarent aspirer à un travail et un revenu réguliers, beaucoup restent figés dans leur situation ; ils semblent rejeter les possibilités de soutien et même fuir les séances de formation obligatoires censées les aider à réaliser leurs souhaits. [Sur l’ensemble des personnes visées par le New Deal pour les jeunes, qui ne comportait pas de « Volet n° 5 : rester au chômage », presque 10 %, au lieu de participer au programme, ont simplement disparu du registre des demandeurs d’emploi. Une proportion équivalente avait refusé de participer à un programme de formation antérieur, le « Youth Training Scheme », qui visait les 16-17 ans – voir Horton, 1985.] Cependant, tôt ou tard (et d’autant plus tôt que de bonnes méthodes de soutien et d’encouragement sont employées), la plupart des jeunes atteignent la phase dite de réflexion et se montrent désireux, et parfois même impatients, d’explorer plus activement leurs perspectives de travail. C’est à ce moment que l’action concertée d’une série de professionnels et d’employeurs peut tirer le meilleur parti de cette motivation : conseillers d’orientation, animateurs socioculturels, associations, employés du secteur privé, ce que Williamson a appelé « les personnes essentielles aux moments essentiels » (voir Social Exclusion Unit, 2000). Si on peut espérer transmettre ce type de motivation peu après la fin des études, pour certains jeunes adultes, ce processus devra peut-être intervenir beaucoup plus tard. Certains « rechuteront », mais beaucoup d’autres connaîtront un véritable changement.

Sur ce point, ajoutons une chose : on croit parfois que les jeunes défavorisés doivent avoir résolu tous leurs problèmes avant d’être « aptes à travailler », d’où les programmes visant à remédier à des problèmes comme les difficultés à lire et à écrire ou l’abus de substances. Or, souvent, les jeunes concernés ne voient pas pourquoi ils devraient changer, même si on leur a souvent dit que c’était nécessaire, car ils ne voient se profiler aucune perspective d’emploi. Si ces jeunes étaient embauchés par des employeurs attentifs et compréhensifs tout en pouvant compter sur des structures de soutien, ils comprendraient vite par eux-mêmes que leur « problèmes » actuels les empêchent de travailler comme ils le voudraient. Ils seraient alors suffisamment motivés pour y remédier, puisqu’ils auraient une bonne raison de le faire, et des soutiens appropriés leur permettraient d’y arriver.

Nous nous sommes longuement éloignés du thème de l’« entrepreneuriat », mais ce dernier ne saurait être étudié séparément de la question de l’emploi en général. Les arguments avancés plus haut s’appliquent au travail indépendant, du moment qu’il fait partie de l’« horizon d’action » des jeunes. Par des encouragements extérieurs ou de leur propre initiative, certains se décideront à emprunter cette voie.

VIII. Conditions à réunir : comment mieux préparer les jeunes à la création d’entreprise ?

Il n’existe sûrement pas de « formule magique » pour promouvoir l’esprit d’entreprise auprès des jeunes chômeurs, tout comme il y a peu de certitudes sur les stratégies à adopter pour préparer les jeunes à la vie active. Cependant, il est clair que certaines conditions améliorent nettement les chances de réussite de ces projets. Ces dernières ont trait, comme on peut s’y attendre, à la formation sociale et personnelle :

· éducation et scolarisation,
· environnement social,
· formation professionnelle,
· marché du travail.

A. L’école : simulation de situations professionnelles et éducation à l’entreprise

Aujourd’hui, beaucoup d’établissements scolaires incluent dans leurs programmes, d’une manière ou d’une autre, des initiations à l’économie, au secteur industriel ou au monde du travail. Le débat se poursuit sur l’équilibre à trouver entre enseignement « classique », « professionnel » ou plus « citoyen » et sur le moment où cet enseignement devrait commencer. Selon certains, la sensibilisation aux questions liées au marché du travail devrait démarrer bien avant l’enseignement secondaire (Smith, 1988).

Que le besoin de « préparer » les jeunes au marché du travail soit ou non reconnu et accepté, il est certainement pertinent de sensibiliser davantage les jeunes aux débouchés qui pourraient s’offrir à eux quand ils auront fini leurs études. Et parmi ces débouchés, on devrait mentionner la possibilité de fonder une entreprise. Les établissements scolaires devraient donc, a priori, proposer un enseignement pratique et didactique autour du monde du travail. Ce dernier devrait être diversifié, afin d’ouvrir des horizons plutôt que de délimiter des solutions. À l’image de la police, qui intervient de plus en plus en milieu scolaire pour sensibiliser les élèves à des thèmes comme la criminalité, l’abus de drogues ou la sécurité, les employeurs locaux devraient être associés à l’enseignement sur les questions économiques et industrielles. Cela devrait se faire sous deux formes : les employeurs participeraient à certains cours et les élèves se rendraient en visite chez certains « acteurs » de l’économie locale, visites qui feraient l’objet d’un devoir. En outre, on devrait mettre en place des séances de simulation de situations professionnelles, des cours d’éducation à l’entreprise (voir Jamieson et al, 1988a) ainsi que des stages et un accompagnement personnel.

B. L’environnement social : organisations de jeunesse et perspectives d’emploi

En-dehors de l’école, les associations locales et les organisations de jeunesse permettent aux jeunes de s’engager activement, acquérant ainsi une série de qualités humaines considérées comme importantes dans la vie privée et professionnelle. Cependant, l’engagement ne confère pas automatiquement ces qualités : les organisations doivent, par leurs méthodes de travail et grâce à un soutien approprié, encourager les jeunes qui s’investissent auprès d’elles à développer leurs aptitudes et à prendre des risques. Ce point fait lui aussi débat depuis longtemps. L’esprit d’initiative et le goût d’entreprendre ne seront pas encouragés si tout est apporté sur un plateau, et il est de plus en plus reconnu que ce type d’éducation « non formelle » doit placer l’apprenant / participant, plutôt que le produit / service, au cœur de son activité. Nul ne saurait dire, cependant, comment on peut démontrer précisément l’apparition de certaines caractéristiques et les mécanismes qui les ont engendrées. Malgré cette difficulté, l’accès à cet apprentissage par l’expérience (apprendre en faisant) doit être considéré comme une base importante pour former la confiance et les compétences nécessaires à l’envie d’entreprendre.

C. La formation professionnelle

Au Royaume-Uni, ce n’est qu’en dernière minute, juste avant son lancement au niveau national, que le New Deal pour les jeunes a été enrichi d’un volet « Travail indépendant ». À toutes les phases de conception, le programme n’avait prévu que quatre options pour les jeunes adultes au chômage : « Emploi », « Formation », « Secteur associatif » et « Protection de l’environnement ». Par la suite, on s’aperçut que certains jeunes, notamment ceux qui étaient attirés par les « industries créatives », pouvaient avoir envie – ou besoin – de se mettre à leur compte. On leur a donc fait une place au sein du NDYP. Pour ne pas enfreindre la législation sur la protection sociale, les éventuels bénéfices réalisés pendant les six mois du programme étaient mis de côté pour eux, presque comme une rampe de lancement pour le cas où ils souhaiteraient s’établir pour de bon.

Les mots « entreprise » et « entrepreneuriat » peuvent recouvrir des réalités très différentes : des initiatives novatrices (comme les aspirateurs Dyson) au travail indépendant qualifié (par exemple dans l’artisanat) en passant par toutes sortes de petits boulots non qualifiés (nettoyer des vitres ou des voitures). Mais, sous ses diverses formes, l’entreprise a sa place dans les programmes de formation professionnelle et devrait y figurer. L’essentiel, comme dans l’enseignement, est d’élargir les horizons en évitant le phénomène de la « porte tournante ». La motivation des jeunes décline vite lorsqu’ils doivent recommencer plusieurs fois le même parcours. Les programmes de formation professionnelle doivent donc assurer un bon équilibre entre apprentissage, expériences en milieu professionnel, aide individuelle, réponse aux « obstacles » personnels et sociaux et prise en considération du travail indépendant. Certes, peu de jeunes finiront par se mettre à leur compte ; mais il faut mentionner cette possibilité et la rendre accessible, faute de quoi ils ne l’envisageront même pas. Il y a donc assez d’arguments en faveur de versions plus poussées d’initiatives parfois présentes en milieu scolaire : développement de produits pour une clientèle locale de particuliers ou offre de services à des associations locales à but non lucratif. Ces mesures représentent un lien entre la formation professionnelle et le « véritable » marché du travail. Au Royaume-Uni, elles ont déjà été mises en œuvre à travers des emplois sur les marchés dits « intermédiaires » (Intermediate Labour Markets, ILM) et les « initiatives locales » (community enterprise).

En Islande, il existe une entreprise privée dont le but est de soutenir l’« agenda pour l’insertion sociale » du pays. Subventionnée par le gouvernement, elle a cependant diversifié son offre dans le plus pur style entrepreneurial : fabrication de serres et vérandas à la demande, nettoyage de voitures, recyclage de matériel électrique, emballage d’aliments, service d’imprimerie et reprographie et gestion d’une cantine où les visiteurs de la maison de retraite voisine viennent se restaurer. Beaucoup de ces services ne seraient pas rentables dans un autre contexte, mais ils permettent aux jeunes « désengagés » à qui le programme s’adresse de comprendre les bases du fonctionnement d’une entreprise, le rôle qu’ils peuvent y jouer et ce qu’ils peuvent y apporter. La « rémunération » de ces jeunes n’est parfois pas plus élevée que ce qu’ils toucheraient s’ils étaient au chômage, mais pour certains d’entre eux, elle est déjà supérieure à ce qu’ils gagneraient pour le même travail sur le marché de l’emploi non subventionné. Bien que le responsable du programme ne se focalise pas uniquement sur la notion d’entreprise, cet aspect est essentiel à la bonne marche du projet et à la formation des jeunes qui y participent.

D. Le marché du travail

Même quand ils entrent sur le « vrai » marché du travail, à leur compte ou en tant qu’employés, certains jeunes ont toujours besoin d’orientation, de soutien ou de formations complémentaires. Ici, il convient de s’éloigner des programmes complets et structurés pour viser davantage à fournir en temps voulu une aide à la gestion, un appui personnel ou un soutien financier (comme les financements de départ ou les crédits-relais). Les structures traditionnelles (banques, chambres de commerce) n’ont pas toujours une attitude très bienveillante ou appropriée face aux jeunes ne rentrant pas dans le « moule » habituel. Bien sûr, le processus n’est pas à sens unique : une partie du soutien personnel consiste à encourager le jeunes à élargir leurs perspectives et leurs chances de réussite en se coulant davantage dans le « moule ». Dans toutes les régions, on trouve des personnes, souvent à la retraite, qui ont une expérience professionnelle et pratique et sont prêtes à prendre des jeunes « sous leur aile » pour leur dispenser des conseils utiles et les aider à savoir où ils vont. Cependant, rares sont les structures locales qui remplissent cette mission. Les jeunes se retrouvent donc isolés et malgré leurs qualités et leur volonté d’entreprendre, ils sont davantage susceptibles d’abandonner au premier obstacle.

IX. Mise en place de politiques dans les régions : propositions concrètes

Les régions doivent servir d’interface entre les échelons national et local en ce qui concerne l’adoption et la mise en œuvre des politiques de formation des jeunes à la reconversion et à la création d’entreprise, pour assurer cohérence et coordination entre les projets et programmes locaux, régionaux, nationaux et européens, de même qu’entre les initiatives publiques et privées.

Plus généralement, il leur appartient de chercher à faire mieux connaître et comprendre l’esprit d’entreprise et les effets positifs que celui-ci peut avoir sur la société et la croissance économique régionale, en menant notamment des campagnes de sensibilisation, en diffusant des informations sur les programmes offerts aux jeunes, en donnant à voir les réussites régionales, et en organisant des journées d’information en vue de promouvoir un nouveau modèle d’entreprenariat accessible pour la plupart, à conditionde disposer d’une formation et d’un soutien appropriés.

Les régions pourraient mettre à profit certaines des mesures présentées ci-après pour élaborer et mettre en œuvre, en coopération avec l’Etat, une stratégie territoriale et un plan global d’éducation à l’entreprise dans les établissements placés sous leur autorité. Ces projets seraient spécialement adaptés au contexte économique et social propre aux régions et s’appuieraient sur des précédents qui ont déjà été appliqués avec succès dans toute l’Europe, par exemple les programmes Performances de jeunes- Les jeunes et l’entreprise.

A. Mesures immédiatement applicables

1. Améliorer la collaboration entre enseignement et entreprises

Les mesures énumérées ci-dessous pourraient être mises en œuvre à travers une meilleure collaboration, au niveau local, entre les entreprises et les établissements d’enseignement. Il existe déjà de bons modèles de tels « partenariats école – entreprises ». Ces derniers s’appuient sur l’importance croissante attachée par les entreprises elles-mêmes à la notion de « responsabilité sociale des entreprises » et sur le besoin grandissant d’accorder une plus grande place aux questions d’entreprise au sein de l’enseignement.

2. Adopter une démarche qualitative plutôt que quantitative

La série de mesures qui suit demande un changement de priorités : au lieu de se concentrer sur les effets mesurables et immédiats, les collectivités régionales devraient reconnaître et mettre en avant les interventions et les soutiens de qualité à l’attention des jeunes. Toute tentative d’entreprendre s’accompagne de risques qui doivent être pris en compte, et non supprimés par les programmes publics, faute de quoi c’est une culture de la dépendance qui sera encouragée.

3. Adapter les politiques aux besoins et aux réalités régionales

Trop souvent, les programmes de formation professionnelle sont définis et élaborés en fonction de schémas nationaux (et même internationaux). Ils devraient tenir compte dans une plus grande mesure de l’économie formelle et sociale régionale ou locale. Ce principe est important à la fois pour rendre les initiatives crédibles et encourager la progression des jeunes. Il pourrait aider les intéressés non seulement à améliorer leurs compétences d’entrepreneurs, mais aussi à repérer d’éventuels créneaux à combler sur le marché du travail local ou régional.

4. Moins de bureaucratie, davantage de souplesse

Trop souvent, une bureaucratie trop lourde et des procédures compliquées viennent entraver les programmes d’incitation à la création d’entreprise. Les administrations régionales doivent certes faire en sorte que les idées de créations d’entreprises soient dûment contrôlées et approuvées. Cependant, par la suite, elles devraient encourager beaucoup plus de souplesse dans la définition des soutiens humains et financiers ainsi que dans le calendrier et la durée de ces interventions.

B. Quelques domaines d’intervention plus délicats

1. Formation et apprentissage individuels / aides aux entreprises

Des aides publiques peuvent et devraient être octroyées, mais leur bilan est mitigé : si elles peuvent encourager les jeunes concernés à poursuivre une formation dans le même temps, elles risquent aussi de maintenir en activité des entreprises boiteuses qui feront faillite dès que les aides ne seront plus distribuées. Il convient d’approfondir davantage cette question.

Peut-être les administrations régionales devraient-elles plutôt envisager d’apporter un soutien financier aux organisations non gouvernementales et autres qui diffusent à grande échelle des programmes d’éducation à l’entreprise, ainsi qu’aux établissements éducatifs avec lesquels elles collaborent.

2. Création d’entreprise et allocations sociales

Dans les pays où l’État prévoit diverses indemnités et allocations sociales, et notamment quand ces dernières sont relativement généreuses, la création d’une entreprise soulève d’épineuses questions juridiques en matière d’imposition et d’octroi des indemnités. Ces questions, qui varient selon les contextes, devraient être examinées de façon urgente.

Les autorités régionales devraient, en fonction de leurs compétences, éliminer autant que possible tout ce qui fait obstacle à la création d’entreprise, s’efforcer de réduire l’ensemble des taxes qui handicapent les sociétés en général et créer un environnement fiscal plus favorable aux « business angels » (investisseurs apportant, outre leurs capitaux, leurs compétences techniques), en reconnaissance du rôle positif qu’ils jouent dans la promotion de l’entreprise.

3. Désignation d’un « mentor » ou d’un « adulte référent » pour chaque jeune

Cette idée n’est pas contestable en soi, mais il convient de répondre aux questions suivantes : qui doit jouer ce rôle, pour combien de temps et quelle devrait être la tranche d’âge de ces « adultes référents » ? Devraient-ils être rémunérés ? Qui supervise leur travail ? Comment devraient-ils être sélectionnés (quelles compétences devraient-ils avoir) ? Comment choisir qui s’occupera de tel ou tel jeune ? Les questions encore à résoudre sont pléthore (bien que de très nombreux éléments montrent que les jeunes apprécient ce type de soutien et qu’il leur est bénéfique).

4. Soutien aux jeunes défavorisés et risque d’une intervention disproportionnée

Là encore, ce point ne fait pas débat, mais tout est dans les détails. Comment définir ce qui « défavorise » un jeune ? Comment intervenir et quel type de soutien apporter ? Quelles sont les personnes qui devraient se charger de ce soutien ? Devrait-il être imposé ou uniquement fourni à la demande des intéressés ?

Le débat sur l’esprit d’entreprise chez les jeunes s’appuie sur toute une « grille » de questions, qui évolue en fonction de l’âge des jeunes et peut sans cesse d’enrichir de nouveaux thèmes. Dans certaines régions, beaucoup d’initiatives existent déjà (bien qu’elles puissent avoir besoin d’être mieux coordonnées). Dans d’autres, elles brillent surtout par leur absence. Nous conclurons qu’il convient d’aboutir à un accord sur la « grille d’action » à appliquer en général, puis d’engager un dialogue entre les différentes parties prenantes au niveau local ou régional concernant les solutions qui pourraient permettre de combler les lacunes les plus manifestes.

C. La grille d’action (et son potentiel)

Deux types de données devraient figurer sur cette grille : l’évolution dans le temps (« en ordonnée ») et les thèmes concernés (« en abscisse »). Ainsi, elle devrait prendre en compte d’une part le développement et la progression des jeunes, de l’école primaire à l’entrée dans la vie active en passant par l’enseignement secondaire, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur, et d’autre part les thèmes suivants :

En étudiant comment se présente cette grille dans une région en particulier et en en débattant avec des pédagogues, des entrepreneurs des secteurs public et privé, des membres d’ONG et d’autres parties prenantes, on aura déjà fait un grand pas en avant ! Un tel travail permet non seulement de repérer les lacunes des prestations actuelles, mais aussi de progresser nettement dans la définition d’un plan de développement réalisable en concertation avec toutes les parties concernées.

X. Conclusions

Les entreprises et les régions

La plupart des emplois créés le sont dans des domaines où les régions sont actives et jouissent de pouvoirs exclusifs ou partagés ; cela signifie qu’elles ont à jouer un rôle plus vital que jamais dans l’élaboration de stratégies de création d’emploi et de lutte contre le chômage. Par conséquent, des régions fortes représentent l’un des éléments essentiels des économies nationales et les politiques régionales devraient être conçues en vue d’accroître au maximum leur capacité à innover et entreprendre.

La promotion, dans les régions d’Europe, d’une culture entrepreneuriale encourageant les citoyens à créer leur propre affaire, quels que soient leur âge, leur sexe et leur expérience, sera l’une des clés de la croissance économique de demain.

Il existe en Europe des disparités régionales notables en termes d’emploi, de croissance économique ou encore d’attitude face à l’esprit d’entreprise. Le présent rapport s’est proposé de montrer que l’éducation à l’entreprise, la formation et la préparation au monde du travail doivent par conséquent devenir des priorités, et qu’il faut y allouer des ressources financières suffisantes afin de mieux exploiter le potentiel de création d’emplois des entreprises.

Le Rapporteur estime donc urgent, pour la croissance économique régionale, que les Etats sensibilisent leurs citoyens à la nécessité d’entreprendre, et qu’ils favorisent l’émergence d’une nouvelle conception de l’esprit d’entreprise, vu comme une compétence concrète qui s’acquiert et non plus comme un don abstrait réservé à quelques élus.

Il est en outre convaincu que le fait de donner aux jeunes les moyens de participer activement à la bonne santé économique de leur région est un facteur de durabilité à long terme et permet en outre de renforcer la cohésion sociale et d’intégrer à tous les domaines une perspective prenant en compte les jeunes, comme le préconise Plan d’action adopté au Troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe (Varsovie, 16-17 mai 2005).

Ce rapport s’est intéressé aux écueils autant qu’aux réussites possibles lorsqu’on cherche à encourager les jeunes les plus défavorisés à entreprendre. C’est peut-être un antidote salutaire à ces déclarations enthousiastes où l’on met en avant, d’une certaine manière en se voilant la face, les réussites qui peuvent être ou ont été accomplies sur ce front. N’en concluons pas qu’il faut abandonner : il faut plutôt manier avec prudence l’idée que la création d’entreprise est une solution aux défis posés à nos sociétés contemporaines par le chômage des jeunes. Comme on l’a déjà remarqué, les projets les plus prometteurs sont peut-être plus faciles à déceler dans d’autres groupes de jeunes, et nous devons encourager ce public-là à créer des emplois – et donc à embaucher des jeunes moins favorisés, qui aspirent le plus souvent à un statut d’employé.

Le rapport suggère que l’étude de ces questions devrait, au sein du Conseil de l’Europe, être menée plus avant par le Congrès qui pourrait, en collaboration avec le Comité directeur pour la jeunesse (CDEJ), le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG) et le Comité d’experts sur l’intégration et la diversité (MG-ID), évaluer la faisabilité d’une initiative interdisciplinaire visant à encourager la formation et l’éducation à l’entreprise, notamment à destination des groupes les moins bien représentés parmi les entrepreneurs, comme les minorités ethniques et les femmes.

L’Union européenne, qui s’est déjà engagée dans cette voie, devrait pour sa part être invitée à donner, dans le cadre de l’élargissement, un caractère prioritaire au renforcement des politiques et des ressources en faveur de la création d’entreprise dans les pays candidats et, bien évidemment, dans les pays membres.

L’entreprise et les jeunes défavorisés

S’agissant des mesures pour encourager l’esprit d’entreprise au sein des groupes de jeunes les plus défavorisés, le présent rapport a pointé à la fois les écueils et les perspectives. Il appelle à la prudence en soulignant que le seul fait d’entreprendre n’est pas une solution en soi aux problèmes que pose aujourd’hui le chômage des jeunes. Comme on l’a fait observer, il serait possible de détecter un esprit d’entreprise offrant un potentiel accru dans d’autres groupes de la jeunesse, et c’est pourquoi il nous faut promouvoir leur capacité à créer des emplois – notamment ceux auxquels les jeunes défavorisés aspirent le plus souvent.

L’une des difficultés inhérentes à la promotion de l’initiative chez les jeunes défavorisés est que, plus que les autres jeunes, ils doivent faire face à des exigences très différentes selon les différents secteurs. Les gouvernements, les politiciens et certains professionnels affirment souvent, enquêtes à l’appui, que les employeurs souhaitent davantage de « qualités humaines » tournées vers l’entreprise. Mais de quels employeurs parlent-ils ? Ce sont peut-être des qualités recherchées par les dirigeants des grandes entreprises qui recrutent dans tout le pays – exactement le type de personnes qui siègent aux comités consultatifs réunis par le gouvernement. Mais elles ne sont pas recherchées par les autres employeurs, ceux qui exigent des savoirs et des compétences très spécialisés acquis grâce à des études ou des formations de haut niveau ou, cas plus pertinent pour les moins favorisés, ces petits patrons qui demandent surtout à leurs salariés d’être fiables, ponctuels, obéissants et de travailler dur. Ce dernier cas se fait peut-être moins fréquent, mais il est toujours significatif, et ces employeurs ne voient pas d’un bon œil les jeunes qui contestent les décisions, remettent en question les stratégies ou proposent des solutions nouvelles – par excellence, les qualités d’un « entrepreneur ».

Ainsi, une certaine prudence est de mise, et il faut fournir à ces jeunes, en parallèle, une aide et des orientations personnalisées. Et cela n’est pas la tâche d’intervenants bien intentionnés, mais mal informés et sans qualifications. Dans un contexte légèrement différent, Williamson a souvent évoqué la métaphore des automobilistes (peut-être par analogie inconsciente avec l’une des images les plus employées pour décrire les phases de transition chez les jeunes – voir plus haut) : il ne s’agit pas d’une tâche pour conducteurs débutants. Quel que soit le domaine, il est toujours difficile de travailler avec des jeunes défavorisés, car l’arrière-plan plus large de leurs expériences personnelles, passées ou présentes, peut toujours ressortir à des moments « inopportuns » et parfois inattendus. Comme certains l’ont affirmé, demander à des travailleurs sociaux inexpérimentés de s’occuper de ce public revient à lancer de jeunes conducteurs de nuit sur une route de montagne gelée. Il ne serait pas étonnant qu’ils finissent dans le fossé ! Il faut au contraire des conducteurs chevronnés qui sachent doser presque instinctivement les coups de frein et d’accélérateur. Même ainsi, certains conseillers échoueront toujours ; mais ils seront plus nombreux à arriver au bout et à ouvrir la voie aux jeunes qui leur sont confiés.

Ces « conducteurs chevronnés » ne peuvent rester indéfiniment sur la piste d’essai, et les jeunes non plus. Le défi consiste à identifier les bons moments pour « passer la vitesse supérieure », c’est-à-dire passer des priorités sociales et personnelles aux questions de formation et d’emploi. Encourager prématurément les jeunes à entreprendre, c’est les préparer à l’échec, mais il ne faut pas non plus les laisser s’installer trop longtemps dans un programme confortable, un programme de développement personnel, par exemple. À terme, le conducteur ne peut pas dicter aux jeunes ce qu’ils doivent faire : ils doivent en décider eux-mêmes. Ces décisions dépendront de leur avis subjectif sur ce qui leur convient ou non ; or, trop souvent, les jeunes ne perçoivent pas le sens des projets de formation qui leur sont destinés, qui leur semblent mal adaptés à leurs besoins et à leurs aspirations. On les a poussés dans des directions qu’ils n’ont pas choisies. Ceci nous ramène à la question de la motivation et du cycle du changement. Les conducteurs expérimentés connaissent assez bien « leurs » jeunes pour savoir ce qui fait sens pour eux et les encourager à avancer dans cette direction.

En Angleterre, le projet « Connexions » (un projet de soutien aux 13-19 ans, voir DfEE 2000) a cherché à s’appuyer sur ces idées en attribuant à chaque jeune un « conseiller personnel » et en fournissant un « service universel différencié selon les besoins ». Mais le « conseiller personnel » n’est qu’un des éléments de l’équation. Pour que ses efforts portent leurs fruits, il doit mettre les jeunes en contact avec d’autres services que lui ou les jeunes estiment utiles. Sans cet élargissement de la prestation, les capacités et la crédibilité des conseillers personnels restent limitées. Il en va de même pour l’idée d’« entreprendre » : toute personne apportant un soutien à des jeunes doit pouvoir les mettre en contact, au bon moment et à bon escient, avec le monde de l’emploi, des affaires et de l’entreprise. Sans cette perspective, toutes les volontés d’entreprendre ne peuvent que faire long feu. La situation ressemble à celle d’un héroïnomane qui déciderait de commencer une désintoxication et auquel on répondrait que le premier rendez-vous est dans six mois : sa volonté s’évaporera et il retombera dans ses pratiques habituelles.

La présente étude a cherché à identifier les éléments qui peuvent, à travers l’évolution personnelle et sociale, l’éducation et la formation professionnelle, ouvrir la voie vers l’emploi et l’entrepreneuriat ou l’esprit d’entreprise. Chacun de ces éléments peut modifier, progressivement, l’identité professionnelle des jeunes concernés de façon à laisser au moins une place à la possibilité de fonder une entreprise. À terme, ceux qui opteront pour cette solution seront peut-être relativement rares ; cependant, si elle est totalement absente des horizons d’action, elle ne sera tout simplement envisagée par personne.

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Recommandation 52 (1998) : « Les régions et l’emploi : contribution à la cohésion sociale en Europe »

Résolution 72 (1998) sur le même thème

Recommandation 129 (2003) : « Les groupes vulnérables et l’emploi »
Résolution 153 (2003) sur le même thème.

1 Le secrétariat du Congrès tient à remercier l’expert, M. Howard Williamson, professeur de politiques européennes de jeunesse à l’université de Glamorgan (Pays de Galles, Royaume-Uni) , pour avoir élaboré ce rapport.