CG (10) 12 – Partie II - La place de l'autonomie locale et régionale dans le futur Traité constitutionnel de l'Union européenne (19/05/03)

Rapporteur: M. G. DI STASI (Italie)

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EXPOSE DES MOTIFS

1. DECISION DU BUREAU

Le Bureau a pris la décision, le 28 avril 2003, d'ajouter à l'ordre du jour de la 10ème Session du Congrès un rapport sur la place de l'autonomie locale et régionale dans le futur Traité constitutionnel de l'Union européenne afin de permettre au Congrès de présenter les dernières propositions susceptibles d'être prises en compte par la Convention sur l'avenir de l'Union européenne.

En effet, la Convention a déjà élaboré une première version de l'essentiel des sections et articles devant constituer le futur Traité constitutionnel de l'Union européenne et entend arrêter ses propositions le 22 juin 2003. C'est dire que ce rapport relève de la catégorie des thèmes d'actualité. Afin de garantir la prise en compte des tout derniers développements, j'ai entrepris encore le 14 mai, quelques jours à peine avant la Session plénière, une visite à Bruxelles pour y rencontrer les représentants du Secrétariat de la Convention et du Comité des Régions.

2. BREF RAPPEL DES TRAVAUX DU CONGRES ET DU BUREAU DU CONGRES

Deux textes adoptés du Congrès ont déjà touché plus ou moins directement les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Tout d'abord, l'Avis n° 16 adopté le 22 mars 2002 sur le Livre Blanc de la Commission européenne sur la gouvernance européenne qui a approfondi en particulier le thème de la consultation préalable des pouvoirs locaux et régionaux, le principe du partenariat et des contacts tripartites avec les autorités locales et régionales, la nécessité de s'en tenir à des lois cadres européennes laissent suffisamment de marge de manœuvre aux gouvernements nationaux, régionaux et locaux et le respect de la Charte européenne de l'autonomie locale au niveau de l'Union européenne.

La Recommandation 118 sur les régions à pouvoir législatif, adoptée en juin 2002, qui faisait le bilan des deux conférences des Présidents des régions à pouvoir législatif tenues à Barcelone en 2000 et à Liège en 2002. En effet, les déclarations adoptées à la fin de ces deux conférences ont clairement posé la question du rôle et de la place des régions en général et des régions à pouvoir législatif en particulier dans le cadre des travaux de la Convention. Plus tard d'ailleurs, en préparation de la troisième conférence des Présidents des régions à pouvoir législatif, tenue en novembre 2003 à Florence, le Groupe de travail des régions à pouvoir législatif du Congrès a fait élaborer une étude très détaillée sur la place des régions à pouvoir législatif et les principes d'une nouvelle répartition des compétences qui respecte le principe de subsidiarité. Ce texte a influencé la position des régions à pouvoir législatif.

3. UNE COOPERATION ETROITE AVEC LE COMITE DES REGIONS

Le Comité des Régions étant l'organe consultatif représentatif des pouvoirs locaux et régionaux de l'Union européenne, il est naturel que l'essentiel des efforts du Congrès et de son Bureau se soit porté sur la coopération avec ce Comité. Il faut souligner que cela permet au Congrès de présenter ses propositions essentielles et de les partager avec le Comité des Régions qui dispose d'un accès direct à la Convention à travers la présence de six observateurs en son sein.
C'est ainsi que plusieurs propositions élaborées par les membres du Bureau du Congrès ont été reprises par le Comité des Régions, en particulier la demande d'inclure la Charte européenne de l'autonomie locale parmi les acquis communautaires, sans oublier les demandes spécifiques des régions à pouvoir législatif.

4. POSITION DU PARLEMENT EUROPEEN

Suite au rapport préparé par M. Napolitano, le Président européen a adopté une Résolution 2002/2141 sur le rôle des pouvoirs régionaux et locaux dans la construction européenne. Cette Résolution largement détaillée représente sur certains points une avancée dans les positions du Parlement européen. En particulier, elle fait référence au Congrès dans les considérants et surtout appuie la position du Congrès et du Comité des Régions visant à incorporer la Charte européenne de l'autonomie locale dans l'acquis communautaire dans le cadre constitutionnel de l'Union européenne. Par contre, le Parlement européen n'accueille pas les revendications majeures des régions puisqu'il ne reconnaît le droit de recours des régions que "sous l'autorité de l'Etat membre concerné" niant ainsi le droit d'un accès direct des Régions, du moins celles à pouvoir législatif, à la Cour de Justice. Toutefois, il reconnaît ce droit au Comité des Régions.

5. CONTACTS AVEC LA CONVENTION SUR L'AVENIR DE L'EUROPE

Le Bureau du Congrès a adressé plusieurs invitations au Président et aux deux vice-Présidents de la Convention, mais malheureusement, ces rencontres n'ont pas pu être réalisées. Plusieurs courriers ont été envoyés soit signés par le Président du Congrès, soit co-signés avec le Président du Comité des Régions, contenant en annexe des propositions concrètes pour la prise en compte de l'autonomie locale et régionale dans le futur Traité constitutionnel.

Ceci dit, jusqu'à présent le seul contact direct qui a pu s'établir entre des représentants du Congrès et des représentants de la Convention, a été l'audition organisée par le vice-Président, M.Dehaene, le 30 janvier à Bruxelles. Moi-même, le Président de la Commission institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux, et le Directeur exécutif y avons pris part et avons pu nous adresser directement au vice-Président Dehaene et recevoir des explications.

Les participants à cette audition ont été d'accord pour demander :

a) que les principes de la démocratie et de la libre administration des collectivités locales, tels qu'ils sont définis par la Charte européenne de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe figurent parmi les valeurs fondamentales de l'Union,

b) que la cohésion territoriale figure parmi les objectifs de l'Union européenne,

c) que l'Union soutienne les services d'intérêt général, en rappelant que beaucoup de ces services sont apportés par les collectivités régionales et locales.

Les débats ont en outre eu lieu concernant en particulier :

a) les régions situées aux frontières intérieures de l'Union : il a été demandé que ces régions puissent disposer d'un instrument juridique favorisant la coopération transfrontalière,

b) la Charte européenne de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe : il a été considéré que cette Charte, d'ores et déjà ratifiée par tous les pays candidats et la quasi totalité des Etats membres (en voie ou en cours de ratification dans les deux derniers) pourrait ultérieurement faire l'objet d'une adhésion par l'Union, dès lors que celle-ci aura la personnalité juridique comme le demande la Convention.

Enfin, un échange de vues approfondi a pu avoir lieu concernant le droit de recours des régions à pouvoir législatif. Ces dernières ont insisté pour que cette question ne soit pas laissée au développement jurisprudentiel et ont considéré que la proposition figurant au point 8 de la Résolution du 14 janvier du Parlement européen n'était pas satisfaisante.

Toutes les principales associations de pouvoirs locaux et/ou régionaux y participaient et pour l'essentiel elles ont pu se mettre d'accord sur toutes les demandes émanant du Comité des Régions et du Congrès, sauf sur le droit de recours des régions à pouvoir législatif à la Cour de Justice.

6. BREF RESUME DES TRAVAUX DE LA CONVENTION CONCERNANT LE RESPECT DE L'AUTONOMIE LOCALE ET REGIONALE ET DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITE

L'essentiel des dispositions rédigées actuellement par la Convention et concernant les pouvoirs locaux et régionaux font suite à la discussion intervenue lors de la séance du 7 février 2003 et portent, d'une part, sur les articles 1 à 16 du Traité constitutionnel et, d'autre part, sur le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Par ailleurs, les compétences des régions peuvent encore être touchées par des parties ultérieures qui sont encore en gestation. Toutefois, l'ensemble de ces dispositions a déjà fait l'objet de nombreuses demandes d'amendements qui, pour l'instant, peuvent donc encore donner lieu à des changements jusqu'à la fin des travaux de la Convention prévus pour la fin juin 2003.

Avec des accentuations différentes, les Conventionnels ont été unanimes pour reconnaître l'importance de la dimension régionale et locale en Europe et un consensus s'est établi pour souhaiter que cette réalité soit consacrée dans les premiers articles de la Constitution.

Quelques membres ont voulu aller plus loin suggérant que le Traité constitutionnel pourrait se référer à la Charte européenne de l'autonomie locale ou du moins permettre l'adhésion de l'Union à cette Convention, sans que pour l'instant une telle référence ait été approuvée. Un nombre important de membres a demandé qu'une référence soit insérée à l'identité régionale et à la diversité culturelle et linguistique.

Le rôle des pouvoirs locaux et régionaux dans l'approche du principe de subsidiarité a été reconnu, et ont souhaité qu'il en soit tenu compte dans le protocole sur la subsidiarité, ce qui a renforcé les propositions émises dans ce sens par le Groupe de travail sur la subsidiarité, en particulier en ce qui concerne la consultation ex ante. Ainsi la consultation des collectivités territoriales devrait intervenir à un stade très précoce de l'élaboration et de la mise en œuvre des législations et des programmes de l'Union. Cette consultation devrait se faire à travers les associations représentatives des autorités locales et régionales. Il a été demandé que la Commission devrait évaluer les charges financières imposées par ses décisions aux collectivités territoriales.
La proposition faite par le Groupe subsidiarité de donner un rôle au Comité des Régions dans le système d'alerte précoce et de lui reconnaître le droit de saisir la Cour de Justice pour violation des principes de subsidiarité a également reçu un large soutien.

La question de la composition de la représentativité du Comité des Régions ainsi que sa dénomination a été discutée. Toutefois, il ne s'est pas trouvé de consensus pour reconnaître à ce Comité le rang d'Institution.

La question du rôle à donner aux régions à compétences législatives a été soulevée, mais il n'y a pas un consensus clair pour opérer une distinction nette avec les autres régions. Un certain nombre de membres ont plaidé pour l'attribution aux régions à compétences législatives le droit de recours auprès de la Cour de Justice en raison de leurs compétences. Il ne s'est pas trouvé de consensus sur ce point, certaines voies alternatives ayant été formulées :

- une modification légère du droit de recours général des personnes physiques et morales pour ce qui concerne des actes de portée générale les concernant directement,

- à travers les recours pourrait être introduit par le Comité des Régions,

- ou encore à travers un recours introduit par l'Etat membre respectif,

- ou enfin par un recours introduit par la deuxième Chambre du Parlement national en vertu des dispositions du protocole sur l'application du principe de subsidiarité et de proportionnalité.

Enfin, plusieurs membres ont manifesté le souhait qu'à l'objectif sur la cohésion économique et sociale, soit ajouté celui de la cohésion territoriale.

La conclusion générale qui est reflétée dans les premiers articles rédigés reste que l'Union respecte les compétences de chaque Etat membre à décider des structures internes pour ce qui est de l'organisation des pouvoirs locaux et régionaux.

Dans ce contexte, reste ouverte la question de savoir si l'on ne doit pas demander aux institutions de l'Union, s'agissant des mesures législatives de caractère général, qu'elles soient appelées à respecter les principes généraux de l'autonomie locale contenus dans la Charte européenne de l'autonomie locale, texte accepté désormais par la quasi totalité des 15 Etats membres (la procédure d'adhésion est en cours d'achèvement en Belgique et devrait être menée à bien en France) et des 10 Etats candidats.

Concernant le système de partage de compétences de l'Union, il est proposé qu'elles soient régies par les principes des compétences exclusives attribuées à l'Union, les compétences partagées entre l'Union et les Etats membres (et par conséquent aussi les régions à pouvoir législatif) et les domaines d'action d'appui (de coordination, de complément et d'appui). Les compétences restantes appartiendront aux Etats membres (et selon les systèmes nationaux aux régions à pouvoir législatif).

Le projet de protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité revêt une importance particulière pour les autorités locales et régionales.

Ainsi, il prévoit que la Commission, avant de proposer un acte législatif, procède à de larges consultations en tenant compte de la dimension locale et régionale envisagée.

La Commission sera tenue de motiver ses propositions législatives au regard du principe de subsidiarité, y inclus son impact sur le plan financier ainsi que, s'il y a lieu, sur la législation régionale et sur les charges supportées par les collectivités locales et régionales.

Tout parlement national aura six semaines pour adresser à la Commission un Avis motivé sur les atteintes qu'il estime que la Commission porte au principe de subsidiarité. Il appartiendra à chaque parlement national d'organiser la consultation interne de ses deux Chambres là où elles existent et, le cas échéant, les parlements régionaux avec pouvoir législatif. On peut se demander toutefois si le délai de six semaines est raisonnable pour permettre une véritable consultation des parlements régionaux.

La Commission est tenue de réexaminer son texte si au moins un tiers des parlements nationaux émettent des avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité. Après ce "contrôle ante", le protocole prévoit le "contrôle post" de nature judiciaire, à savoir le recours auprès de la Cour de Justice par le Comité des Régions, par chaque Etat membre, le cas échéant à la demande de leur parlement national (le protocole ne précise pas, à ce stade, à l'initiative des parlements régionaux).

7. LE PROJET DE RESOLUTION

Le projet de Résolution soumis à l'adoption du Congrès par le Bureau ne va pas reprendre tous les éléments qui sont déjà contenus dans le projet de Traité tel qu'il est connu en début du mois de mai, mais se concentre sur les principales demandes du Congrès, ou du Comité des Régions ou d'associations de pouvoirs locaux qui ne sont pas encore satisfaites, ou prises en considération de manière insuffisante. Il en va ainsi en particulier :

- de la référence à la Charte européenne de l'autonomie locale,
- du droit de recours des régions à pouvoir législatif,
- du recours séparé des deux Chambres des parlements nationaux,
- du principe de la cohésion territoriale,
- du principe de l'identité régionale,
- de la consultation du Comité des Régions et son rang institutionnel.