Strasbourg, le 2 août 2013

CEPEJ-SATURN(2013)11

COMMISSION EUROPEENNE POUR L’EFFICACITE DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

RAPPORT RELATIF A LA GESTION DE LA QUALITÉ

AU SEIN DU

TRIBUNAL AMINISTRATIF D’AGADIR

rédigé à l’issue de la réunion du 19 avril 2013


1.     CONTEXTE GENERAL ET METHODOLOGIE

Le présent rapport est une analyse qui intervient dans le cadre de la Réforme de la Justice en cours au sein du Royaume du Maroc. Il complète le rapport de la CEPEJ relatif à la gestion du temps judiciaire au sein de Tribunal administratif (TA) d’Agadir du 4 avril 2013 par une analyse sous l’angle de la qualité des activités du tribunal. En ce qui concerne les renseignements généraux sur l’organisation, le fonctionnement et les ressources du tribunal, nous nous permettons de renvoyer le lecteur au rapport précité.

La question de la qualité de la justice au sein du TA d’Agadir a été traitée sous la forme d’une discussion sur une sélection de points tirés de la check-list de la CEPEJ pour la promotion de la qualité de la justice et des tribunaux [document CEPEJ(2008)2, voir annexe].

2.     EXAMEN D’UNE SÉLECTION DE POINTS DE LA CHECK-LIST POUR LA PROMOTION DE LA QUALITÉ

Les chiffres en début de ligne se réfèrent au chiffre correspondant de la check-list pour la promotion de la qualité.

I. 1 La loi, et notamment les articles 4 et 7 de la loi instituant le TA confie au Président du Tribunal le pouvoir de réallouer les affaires parmi les juges en cas d’empêchement, absence pour maladie ou de vacance du poste. Si le Président du Tribunal remarque un problème de qualité ou des retards dans la gestion des affaires, il organise un entretien avec le juge concerné. Les critères d’attribution des affaires sont les suivants : i) spécialisation du juge, ii) charge de travail, iii) « importance » de l’affaire. Chaque juge reçoit les statistiques le concernant, celles de ses confrères et celles du Tribunal, qui sont ensuite affichées pour consultation par le public.

II. 1 La répartition équitable de la charge de travail est contrôlée par une statistique nominative de la charge des juges. Il est cependant ressorti de la discussion et des critères d’attribution des affaires que les juges efficaces reçoivent davantage d’affaires que les juges moins efficaces. Cela constitue indirectement un encouragement à être moins performant.

L’adéquation entre les compétences des juges et les dossiers est réalisée par une certaine spécialisation des juges.

II. 2 Les mesures alternatives de résolution des litiges ne sont pas autorisées en procédure judiciaire administrative ; en revanche en procédure administrative lorsqu’un différend surgit entre un administré et l’administration, il existe un recours gracieux ou hiérarchique au sein même de l’administration afin de permettre la recherche d’une solution amiable.

II. 3 Le droit marocain, en particulier le Code de procédure civile applicable devant les tribunaux administratifs, ne permet pas d’impliquer l’avocat dans la gestion du temps judiciaire.

Il existe un système informatique pour allouer les salles d’audience. S@J2 permettra à l’avocat de connaître la salle d’audience avant même de se rendre au Tribunal.

Sous réserve du contentieux électoral, les parties sont représentées devant les tribunaux administratifs. Selon le Président du TA d’Agadir, il incombe aux avocats d’expliquer la procédure et les enjeux aux parties.

Concernant la ponctualité des juges, le Président du TA s’efforce de montrer l’exemple et commence les audiences à l’heure.

II. 4 La loi marocaine prévoit que la partie qui a gagné le procès doit demander que le jugement soit notifié à l’autre partie, dans un délai de 30 ans. Seules les affaires de contentieux électoral sont notifiées d’office. Une fois que la partie demande l’exécution du jugement, le Président et le juge chargé du suivi de l’exécution se chargent du suivi du dossier.

Un greffier est chargé spécifiquement du suivi des notifications au sein du TA d’Agadir.

II. 5 La décision pour nommer un expert est collégiale, pas uniquement du juge rapporteur. Cela permet de bien identifier les points techniques qui feront l’objet de l’expertise. Des listes d’experts existent à la fois au niveau régional et national.  Une fois désigné, l’expert doit rendre ses conclusions dans un mois. Il a la faculté de demander un délai supplémentaire d’un mois, mais il doit motiver sa demande. La partie qui veut récuser l’expert a un délai de 5 jours à partir de la réception du jugement de désignation de l’expert pour en demander un autre.

II. 6 Evaluation de la production :

La majorité des affaires sont traitées par un collège de juges (II. 6. 1).

La productivité des juges fait l’objet d’un suivi statistique (II. 6. 2 + 4). Les statistiques sont affichées (II. 6. 5).

Les critères d’évaluation et de promotion aux divers grades (d’attaché de justice jusqu’au grade exceptionnel)  et permettant de gravir les échelons dans des délais allant de 1 à 3 ans en fonction de la performance sont les suivants (base Loi du 11.11.1974 et le décret 32 du 23.11.1974) : ancienneté, diplômes, qualité du jugement, nombre des jugements rendus et gestion des affaires (nb d’affaires anciennes), comportement avec les parties, en audience, avec les collègues et le Président du tribunal. Ces critères sont fixés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Il existe trois types de promotion : rapide (après 1 an) , normale (tous les 3 ans), ancienne (tous les 4 ans). Le Président recommande une de ces trois promotions.

Le Président du Tribunal a mis en place des bonnes pratiques : la désignation du meilleur fonctionnaire de l’année. Il a aussi l’idée de lancer éventuellement le meilleur jugement du mois.

(II. 6. 3 + 6)

III. 1 Le vice greffier en chef est en charge d’un bureau de communication, de formation, aide juridique et d’assistance qui a été mis en place en mars 2012. Les décisions sont disponibles sur le site web du tribunal. 16 brochures ont été élaborées pour le Tribunal et son publiées sur son site.

A l’entrée du tribunal, on trouve un accueil dont le personnel est spécialement formé. Des bornes sont également à disposition des parties et des avocats ; ils peuvent y consulter l’état de leur procédure.

III. 2 Il y a des salles permettant aux avocats de s’entretenir avec leurs clients, mais pas de salles d’attente pour éviter que les parties n’attendent dans le même espace. Cependant, la configuration et les vastes espaces disponibles dans cet ensemble de bâtiments font qu’une attente séparée est possible.

III. 3 Les réponses sont toutes positives.

III. 4 Selon le Président du TA il n’y a pas des problèmes particuliers en ce qui concerne la clarté des décisions des juges. Seules trois demandes d’interprétation sur 3 100 affaires ont été présentées.

Les attentes notamment des avocats sont prises en compte notamment les des discussions au sein de la Commission tripartite, réunissant à intervalles régulier le TA, le Barreau et le Conseil régional des huissiers de justice.

III. 5 Il y a des contacts réguliers (Commission tripartite) entre le TA (juges et procureurs), le Barreau et le Conseil régional des huissiers de justice qui permettent de faire régulièrement le point sur le fonctionnement et la qualité de la justice. Ils s’accordent sur des règles de gestion et de comportement.

III. 6  Aucune évaluation de la satisfaction n’a été effectuée récemment. Le Président demande aux étudiants qui effectuent un stage au sein du TA, de lui faire un rapport sur le fonctionnement du tribunal. On ne saurait parler dans ce cas d’une enquête de satisfaction des usagers.

IV.1 Les critères d’appréciation des prestations des magistrats sont fixés par la loi et appliqués par le Président du TA  (voir point II. 6 ci-dessus).

IV. 2 Le Tribunal organise régulièrement (environ une fois par mois) des réunions pour développer les compétences des juges ; en fonction du sujet ces séances de formation continue sont organisées conjointement avec la Cour d’Appel, la Faculté de droit, la Direction des Impôts et de la Trésorerie. L’objectif de ces réunions est notamment d’améliorer qualité de la justice rendue en traitant les sujets notamment juridiques proposés par les juges eux-mêmes.

IV. 3 La supervision des jugements est effectuée par le Président du TA qui adresse des notes écrites en relation avec les décisions du tribunal qu’il lit.

IV. 4 Voir réponse à la question III. 6.

V. 1 Le TPI ne dispose d’aucun budget propre même pour les dépenses de formation continue ou de relations publiques. Le Président du TA souhaiterait pouvoir disposer d’un budget propre dans ce domaine (formation continue évaluée à environ 20'000 dirhams par année).

En ce qui concerne les autres petites dépenses, grâce à la collaboration du directeur régional du Ministère de la Justice, le TA d’Agadir dispose de ressources en matière d’équipement pour environ une année et demie.

3.     Bilan en matière de qualité fondé sur l’analyse de la check-list pour la promotion de la qualité

D’une façon générale, on peut relever la très bonne qualité des politiques et processus mis en place au sein du TA  d’Agadir. Beaucoup de pratiques énumérées ci-dessus peuvent servir d’exemples pour d’autres tribunaux.

Néanmoins, les points suivants ne sont pas ou pas totalement réalisés :

a)     II. 1 Critères non motivants  d’attribution des affaires: Le système existant valorise la lenteur, car les juges les plus efficaces reçoivent un plus grand nombre d’affaires à traiter que ceux qui le sont moins. L’affichage des statistiques et les critères d’évaluation des prestations permettent de compenser ce défaut à l’attribution des affaires par une stimulation à l’efficacité par le groupe ou la perspective d’une promotion plus rapide.

L’application S@J comprend un module d’attribution automatique des affaires. Des algorithmes présents dans d’autres applications du même type possèdent des mécanismes exigeant des prestations minimales de la part de tous les juges calculées sur les prestations moyennes des périodes précédentes.

Proposition adressée au Ministère de la Justice et des Libertés :

Il serait souhaitable que le module d’attribution de S@J comprenne ce genre de mécanisme de compensation (ce que nous ignorons)

Proposition adressée au TA d’Agadir

Il serait alors souhaitable que le TA d’Agadir utilise ce module d’attribution des affaires optimisé.

b)    II. 2 Absence d’utilisation des modes de règlements alternatifs des litiges dans le cadre de la procédure judiciaire : La loi ne prévoit pas la possibilité de recourir aux moyens alternatifs de résolution des conflits en matière de juridiction administrative.

c)     II. 3  Absence d’accord sur le calendrier de la procédure : Ce point a déjà été évoqué dans le cadre de l’analyse des délais de procédure.

Proposition adressée au Ministère de la Justice et des Libertés : Examiner l’opportunité d’introduire dans les codes de procédure civile et pénale la fixation d’une audience dans les jours suivant l’enregistrement de l’affaire, en coopération avec les parties, pour fixer la durée de la procédure et les délais nécessaires à la préparation de l’audience principale.

d)    III. 6 Absence d’évaluation

Proposition adressée au Président du TA et au Ministère de la Justice et des Libertés : Dans le cadre du projet de la Banque Mondiale, il est proposé d’effectuer une enquête de satisfaction des usagers au sein du TA d’Agadir, comme expérience pilote effectuée en même que les autres tribunaux référents marocains (TPI de Sidi Kacem et TPI civil de Casablanca).

e)     V.1 Absence de budget pour les petites dépenses courantes

Proposition au Ministère de la Justice et des libertés : Etudier la possibilité de délocaliser une partie du budget du Ministère de la Justice jusqu’à l’échelon du tribunal afin de couvrir certaines dépenses spécifiques (dont la liste exhaustive devra être établie) afin de contribuer à l’amélioration du fonctionnement de ces tribunaux. Ce point pourra faire l’objet d’un projet spécifique de la CEPEJ au Maroc.

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