Strasbourg, 11 décembre  2015

CEPEJ-COOP(2015)9

Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ)

Méthodologie

pour la mise en œuvre des programmes de coopération de la CEPEJ


La Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) mène un programme intergouvernemental d’activités avec les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe (CdE) afin de promouvoir et d’améliorer l’efficacité et la qualité du service public de la justice rendu aux usagers des tribunaux et à la communauté. Elle a développé et continue de développer une méthodologie spécifique d’évaluation du fonctionnement des systèmes judiciaires sur un plan général et des tribunaux à titre individuel, ainsi que des outils spécifiques destinés aux décideurs (ministères de la Justice, Parlements) et aux professionnels de la justice (présidents des tribunaux, juges, procureurs, avocats, greffiers, Hauts conseils de la Justice), axés sur la gestion du temps judiciaire et la qualité de la justice.

La CEPEJ a entrepris un effort sans précédent pour mettre cette méthodologie, ces outils et l’expérience de ses membres et experts à disposition dans le cadre de programmes de renforcement des capacités et de coopération, permettant ainsi au Conseil de l’Europe de proposer aux Etats bénéficiaires une forte valeur ajoutée en matière de réforme des systèmes judiciaires ou d’amélioration de leur fonctionnement. D’excellentes bonnes synergies ont été développées entre le travail intergouvernemental de la CEPEJ et l’utilisation directe et approfondie de ce travail pour soutenir les réformes judiciaires nationales. Cette coopération s’adresse à la fois aux autorités nationales en charge des politiques de justice (ministères de la Justice, Parlements, Hauts conseils de la Justice) et aux tribunaux individuels.

La mise en œuvre de nouveaux programmes de coopération doit rester ancrée dans cet esprit, en veillant toujours à l’existence d’un lien fort entre le travail intergouvernemental de la CEPEJ et les activités spécifiques menées dans le cadre de ces programmes. C’est pourquoi les experts participant à ces programmes doivent avoir une parfaite connaissance de cette philosophie, de la méthodologie et des outils de la CEPEJ. L’une des caractéristiques majeures de la méthodologie de la CEPEJ est l’approche ascendante, constituée généralement des étapes suivantes :

1) Sélection du champ d’investigation (qualité des services judiciaires, durées des procédures, etc.)

2) Diagnostic de la situation grâce aux outils appropriés de la CEPEJ

3) Propositions de recommandations et projets

4) Mise en œuvre des recommandations et des projets-cibles

5) Rapport

6) Retour à l’étape 1)

Dans la mise en œuvre des programmes de coopération de la CEPEJ, l’accent sera tout particulièrement placé sur la flexibilité, dans le but de répondre aux besoins concrets des partenaires, et sur l’appropriation par ces derniers des actions entreprises. Les autorités nationales doivent avoir conscience du caractère limité dans le temps de l’intervention de la CEPEJ, qui ne saurait en aucun cas avoir une durée indéfinie.


I. LANCEment d’un projet CEPEJ dans un pays : quelles difficultés, quelles bonnes pratiques ?

I.1.            S’assurer que les caractéristiques essentielles de l’intervention de la CEPEJ sont comprises dans chaque pays concerné

I.1.1.          Par les experts de la CEPEJ : les nouveaux experts et les experts ad hoc recrutés pour des tâches spécifiques doivent être informés de manière adéquate par le Secrétariat des principales caractéristiques de l’intervention (objectifs, activités prévues, principaux partenaires) avant la première mission et rejoindre une équipe composée au minimum d’un expert de la CEPEJ plus expérimenté. Le kit d’information à fournir inclut des données statistiques, mais aussi des informations pertinentes sur la législation, les missions antérieures, les anciens programmes locaux ou menés par des tiers visant à améliorer le fonctionnement du système judiciaire, etc.

I.1.2.           Par les autorités nationales/judiciaires (en particulier lorsqu’il s’agit de choisir les tribunaux pilotes et de préciser les « programmes de formation des tribunaux ») : en plus de la présentation aux organes nationaux participant au programme (ministère de la Justice, Haut conseil de la Justice, Cour suprême) de la méthodologie de la CEPEJ et des outils spécifiques proposés, l’équipe de la CEPEJ a la mission importante de bien faire comprendre à ses interlocuteurs les spécificités de l’intervention de la CEPEJ et sa valeur ajoutée comparativement aux autres programmes de coopération. Elle devra notamment expliquer de manière détaillée le volet « travail entre pairs » et les aspects pratiques du travail de la CEPEJ. Elle insistera sur le fait que les programmes de coopération de la CEPEJ visent en premier lieu à tester et échanger les méthodologies, des expériences et des bonnes pratiques qui ont fait leur preuve à l’échelon européen ou national, par la mise à disposition des professionnels aguerris partageant leurs connaissances et discutant des solutions sur un pied d’égalité avec leurs pairs dans un pays donné. Il n’est nullement question d’imposer des modèles prédéfinis. Le travail concret avec les tribunaux pilotes – à sélectionner par les autorités nationales, de préférence en assurant une certaine diversité en termes de localisation géographique, de taille et de spécialisation – est également une caractéristique marquante de l’intervention de la CEPEJ, qui doit être bien comprise par les partenaires nationaux. La série de rencontres de la CEPEJ peut servir à présenter à tous les acteurs concernés les outils et la méthodologie de la CEPEJ.

I.1.3.          Si le Secrétariat de la CEPEJ est spécifiquement chargé de la négociation du programme, les contacts avec les autorités nationales doivent intervenir au stade le plus précoce afin de garantir la conclusion d’un accord sur les objectifs et les contenus de ce programme. Lorsque les programmes sont ou ont été négociés au niveau central, il est de la plus haute importance de rencontrer les autorités nationales à l’occasion d’une première visite de lancement effectuée dans l’Etat concerné, afin de définir plus précisément la logique de l’intervention et de clarifier les attentes. Les réunions doivent se tenir au plus haut niveau possible (ministres ou hauts fonctionnaires du ministère, Président de la Cour suprême/du Haut conseil de la Justice).

I.1.4.           Par les tribunaux pilotes désignés et leur personnel : lors de la mise en œuvre du programme de formation des tribunaux, y compris dans le cadre d’un programme de coopération plus large, il est essentiel que l’équipe d’experts de la CEPEJ commence par rencontrer un groupe restreint de représentants des tribunaux (en général, le Président du tribunal et son/sa suppléant(e), des juges et le personnel des tribunaux, notamment le greffier principal) et explique sa méthodologie et ses outils. La « philosophie » de la CEPEJ décrite ci-dessus devrait aussi être évoquée afin d’établir une relation de confiance avec le ou les tribunaux concernés, en particulier si la demande de programme de formation des tribunaux faite à la CEPEJ n’émane pas de ces tribunaux mais des autorités centrales.

I.2. Constituer une équipe d’experts internationaux de la CEPEJ

I.2.1.           Veiller à un juste équilibre en termes de compétences et de composition des différents groupes de travail de la CEPEJ au sein des équipes (y compris les « nouveaux » experts de la CEPEJ ou les éventuels experts ad hoc: le Secrétariat est chargé de composer les équipes d’experts de la CEPEJ. Il doit s’assurer, dans toute la mesure du possible, que les experts disposent de connaissances spécifiques directement en rapport avec les activités à mettre en œuvre, et que l’équipe comporte au minimum un expert membre du groupe de travail concerné de la CEPEJ. Autant que faire se peut, il privilégiera la création d’une équipe mixte et multidisciplinaire, réunissant divers profils (universitaires, spécialistes informatiques, statisticiens, juges ou autres juristes) et un chef d’équipe. Le Secrétariat doit avoir une vision claire des tâches assignées à chaque membre de l’équipe : « qui fait quoi, quand et comment » doit toujours être établi sans ambigüité. En fonction de la langue de travail, il est préférable d’inclure dans les équipes des experts qui ont une bonne maîtrise du français ou de l’anglais. En fonction des questions à traiter, des experts ad hoc peuvent venir compléter l’équipe (exemple : un huissier peut se joindre à l’équipe lorsqu’il s’agit de discuter de la notification des arrêts).

Une bonne pratique consiste à organiser une réunion de démarrage interne au projet avec les experts qui y contribueront, afin de discuter de leur intervention et d’apprendre à connaître tous les membres de l’équipe. Cette réunion devrait être tenue à un stade précoce –avant même toute demande de données statistiques aux autorités nationales.

Au-delà de la mise en œuvre de la méthodologie et des outils de la CEPEJ, l’expérience spécifique des membres de l’équipe d’experts de la CEPEJ peut être mise à contribution, si la situation l’exige, afin de proposer de nouvelles orientations pour le système judiciaire ou les tribunaux. Le rôle de l’expert de la CEPEJ n’est pas de « vendre » son propre système, mais de proposer son expérience au moment opportun.

I.2.2.          S’assurer de la disponibilité des experts concernés tout au long de la durée de vie du projet (définition préalable d’un calendrier des activités, regroupement de diverses activités sur une brève période, etc.) : les programmes s’étendent généralement sur une ou deux années – et peuvent être prorogés ou renouvelé. Il est important que les experts soient en principe prêts et en mesure de travailler régulièrement durant cette période et de se rendre dans l’Etat bénéficiaire (jusqu’à 4/5 missions par an dans l’Etat bénéficiaire, et si possible 2 missions à Strasbourg, plus du travail supplémentaire à faire chez soi : rédaction de rapports). L’expérience concrète du Secrétariat montre que les prises de contact avec les experts et la planification/programmation des activités sont à effectuer au stade le plus précoce, et que le regroupement des activités et des tâches dans le cadre d’une seule visite de la CEPEJ est à réaliser chaque fois que possible, afin de réduire les temps de voyage. Planifier la prochaine visite à l’issue d’une mission donnée dans un pays est une bonne pratique qu’il convient d’étendre.

I.3.   Première visite dans un pays

I.3.1.          Collecte de données : quelles données ? Avant ou après la première réunion ? Et que faire si certaines données font défaut ?

Pour comprendre puis évaluer le fonctionnement du système judiciaire (à l’échelon national) ou des tribunaux, les experts doivent disposer de données correctes concernant l’activité du système judiciaire/du tribunal.

Si l’évaluation porte sur un système judiciaire, il convient d’expliquer aux autorités nationales l’objet de la collecte de données et la méthodologie d’évaluation de la CEPEJ. Comme exemple de données à fournir, il pourra être fait référence aux « Indicateurs clé dans le domaine judiciaire », disponibles sur le site web de la CEPEJ : ce document est à réviser ou adapter par les experts afin de prendre en compte les spécificités de l’Etat membre et de la mission.

L’Etat bénéficiaire devrait être capable d’indiquer si ces informations sont disponibles et, dans la mesure du possible, de communiquer des données précises :

-        Si elles sont facilement accessibles, elles peuvent être fournies avant la première visite de manière à permettre aux experts d’en vérifier l’exactitude et de se faire une première idée ; les discussions lors de cette première visite en seront grandement facilitées ;

-        A défaut, il est plus judicieux d’attendre la première réunion et de tenter d’identifier à partir des discussions les informations utiles que l’administration nationale/judiciaire est en mesure de fournir.

La première de ces deux solutions est de loin la meilleure. A leur arrivée dans l’Etat/le tribunal concerné, il est bon que les experts disposent d’un maximum d’informations sur la situation actuelle ; c’est le seul moyen pour eux d’être en position de poser les « bonnes » questions et d’enquêter sur les mécanismes les plus délicats, ceux qui déterminent le bon ou le mauvais fonctionnement du système procédural. Bien évidemment, ils peuvent et doivent se familiariser avec les spécificités du système local, en menant une expertise « sur place », mais le fait de disposer au préalable des informations pertinentes sera un atout supplémentaire. Parallèlement, les experts devraient disposer d’une vue d’ensemble des règles procédurales du système juridique régissant les travaux du tribunal concerné : l’expérience montre que souvent certaines des « bonnes pratiques » ou des suggestions que les experts pourraient mettre en place sont en fait contraires à la législation locale, ou qu’il faille les adapter afin de respecter les lois et règlements en vigueur au plan local.

S’il s’agit d’évaluer le fonctionnement d’un tribunal, veuillez-vous reporter au point 2.1, après la section suivante « Mettre en œuvre les outils SATURN de gestion du temps judiciaire et les outils de mesure de la qualité du travail judiciaire ».

I.3.2.          Quelles autres informations pertinentes ?

Hormis les données chiffrées, les informations relatives à l’organisation du système judiciaire dans l’Etat bénéficiaire et à l’organisation du tribunal concerné (organigramme) sont fort utiles.

Il est également possible de recueillir certaines informations sur les procédures :

-          les diverses étapes de la procédure,

-   les façons pour un justiciable d’engager une procédure,

-          le rôle du juge dans la maîtrise de la procédure,

-          le rôle des avocats et des experts dans la procédure,

-          une description des systèmes de résolution extrajudiciaire des litiges, s’il en existe, du système de calcul des honoraires des avocats, du niveau de développement des tribunaux et des avocats en matière de technologies de l’information, de l’existence et du rôle des référendaires et assistants judiciaires, du pourcentage d’appel, de l’existence de « filtres » pour faire appel des jugements, du rôle des experts devant les tribunaux.

Selon le type d'assistance technique à effectuer, des informations spécifiques peuvent être collectées également par un bref questionnaire sur les principaux enjeux.

I.3.3.          Quels documents envoyer avant la visite aux autorités nationales ?

Au début de la mise en œuvre du projet, il est recommandé d’envoyer aux autorités nationales un document d’information (à préparer par le Secrétariat) résumant les principaux aspects des travaux et de la méthodologie de la CEPEJ, contenant des extraits des outils de la CEPEJ et expliquant la nature de l’intervention de la CEPEJ (objectifs, activités) dans le pays concerné.

Pour les Etats membres du CdE, il est indispensable qu’y figurent les extraits pertinents du rapport d’évaluation de la CEPEJ;

Pour l’ensemble des Etats bénéficiaires, les documents suivants de la CEPEJ sont des outils clés à fournir, si possible dans la langue du pays :

·       la Checklist pour la gestion du temps et son protocole de mise en œuvre

·       les Lignes directrices SATURN pour la gestion du temps judiciaire (y compris la liste des indicateurs et les tableaux synoptiques) et les bonnes pratiques subséquentes, ainsi que le Guide pour la mise en œuvre des outils SATURN de gestion du temps judiciaire

·       la Checklist pour promouvoir la qualité de la justice et des tribunaux ; il est conseillé de ne pas envoyer la version complète de cette liste mais d’identifier les titres et niveaux susceptibles d’être pertinents pour le pays concerné ;

·       le Manuel pour la réalisation des enquêtes de satisfaction des usagers des tribunaux ainsi que la Checklist pour la formation des tribunaux dans le cadre des enquêtes de satisfaction usagers

·         selon les points à aborder, diverses lignes directrices relatives à la qualité de la justice (cartes judiciaires, rôle des experts dans les systèmes judiciaires, organisation et accessibilité des bâtiments, etc.).

I.3.4.         Quels interlocuteurs rencontrer ?

·      le ministère de la Justice, au plus haut niveau possible

·      le Haut conseil de la Justice, Cour suprême

·      les Associations du barreau, associations de juges : leurs avis sont très importants pour se faire une idée exacte du système judiciaire et des problèmes auxquels il est confronté ;

·      les Présidents et procureurs en chef au niveau des tribunaux pilotes

·      le personnel judiciaire, référendaires des tribunaux pilotes

·      les avocats attachés aux tribunaux pilotes

·      si le projet est financé par d’autres partenaires (Union européenne, SIDA, Subventions norvégiennes), rencontre des représentants des financeurs dans l’État bénéficiaire

·      éventuellement d’autres partenaires internationaux (OSCE, PNUD) ou les délégations nationales des Etats membres impliqués dans l’Etat bénéficiaire par le biais de la coopération bilatérale.

II.   Mise en œuvre les outils SATURN de gestion du temps judiciaire et les outils de mesure de la qualité du travail judiciaire : méthodologie et préparation des rapports

II.1.           Sélection des champs d’investigation

Après la première mission exploratoire ou la discussion définissant les domaines d’activités de la mission de la CEPEJ, il est possible de procéder à la sélection des outils à employer dans les activités de coopération. Ces outils sont à prendre au sens large, ils incluent également les études et les lignes directrices développées par la CEPEJ. A titre d’exemple, si les autorités nationales cherchent à améliorer l’exécution des décisions de justice, référence pourra être faite aux lignes directrices pertinentes de la CEPEJ; par exemple aux lignes directrices dans le domaine de la médiation, etc.

II.2.           Evaluer la situation en question

II.2.1.         Obtenir des informations suffisantes concernant le fonctionnement du tribunal pilote

Les experts de la CEPEJ devrait se procurer, avant leur visite dans un tribunal pilote, des données détaillées sur le fonctionnement de ce dernier. L’annexe 4 du Guide pour la mise en œuvre des outils SATURN de gestion du temps judiciaire contient un exemple de statistiques à fournir par un tribunal pilote. Ces informations peuvent être complétées par des discussions avec les parties prenantes.

II.2.2.         Vérifier le degré de mise en œuvre des outils SATURN/des indicateurs de qualité

L’équipe d’experts a entre autres pour mission d’examiner, conjointement avec les autorités nationales (au niveau national) et le personnel du tribunal (au niveau du tribunal individuel), si les grands principes et mesures recommandés dans les outils pertinents de la CEPEJ (voir ci-dessus) sont déjà appliqués (pleinement, partiellement, pas du tout) dans le système judiciaire/le tribunal pilote. A cet égard, une pratique courante dans de nombreux programmes de la CEPEJ consiste à utiliser, comme point de départ et s’il est question du temps judiciaire, les 15 lignes directrices prioritaires SATURN. De même, si l’évaluation porte sur la qualité de la justice, il est d’usage de sélectionner les différents points/chapitres de la Checklist qui semblent particulièrement pertinents au vu des besoins du pays, en accord avec les autorités nationales. Les enquêtes de satisfaction sont assorties d’une méthodologie bien établie, décrite dans le Manuel pour la réalisation des enquêtes de satisfaction des usagers des tribunaux, disponible sur le site web de la CEPEJ.

II.2.3.         Quelle contribution des autorités nationales et des experts nationaux de la CEPEJ dans cette phase d’évaluation ?

Les experts de la CEPEJ ne prennent pas de décisions au nom des acteurs nationaux, ils formulent des conseils et échangent des idées, sur la base de leur propre expérience et des outils et de la méthodologie de la CEPEJ. La procédure proposée par la CEPEJ doit être bien comprise, soutenue et appliquée par les partenaires nationaux et locaux. D’où l’intérêt de familiariser au plus tôt ces derniers avec les outils de la CEPEJ. Une bonne pratique suivie par certains programmes de coopération consiste à transmettre aux partenaires nationaux ou locaux une traduction des outils de la CEPEJ dans la langue nationale, avant la visite de l’équipe d’experts de la CEPEJ : cette démarche permet d’aller plus loin et d’approfondir le niveau des discussions avec l’équipe. Dans certains cas, les partenaires ont demandé à réaliser ou ont réalisé eux-mêmes une « auto-évaluation » du degré de mise en œuvre des outils de la CEPEJ ; cependant, il est clair que l’évaluation finale relève de la seule responsabilité de l’équipe d’experts de la CEPEJ.

Le représentant national de la CEPEJ, ainsi que le correspondant national de la CEPEJ pour l’Etat bénéficiaire, peut jouer un rôle clé, notamment en accomplissant un travail d'explication et de persuasion auprès des partenaires nationaux et locaux et en assurant le suivi de la mise en œuvre du programme. Il doit devenir l’élément de liaison entre l’équipe d’experts de la CEPEJ et les autorités concernées, et informer activement les membres de la CEPEJ (principalement au cours des réunions plénières) de l’évolution de cette coopération et des principaux résultats obtenus.

II.3.           Rédiger le premier rapport

Le principe « qui fait quoi, quand et comment » s’applique également à la rédaction des rapports. Il convient d’établir clairement à l’avance les responsabilités et de coordonner l’action des divers membres de l’équipe. Il n’existe pas de pratique unifiée pour cette rédaction ; dans certains projets, les membres de l’équipe se sont « spécialisés » dans des domaines particulier (par exemple la longueur des procédures ou encore la qualité de la justice), ce qui a bien évidemment eu une incidence sur la rédaction du rapport. Concrètement, certaines équipes travaillent dans des espaces collaboratifs tels qu’I-Cloud, d’autres utilisent des marques de révision, etc. Le Secrétariat a la possibilité de prendre en charge les coûts des réunions organisées entre les experts pour finaliser les rapports, a condition que ces rencontres se déroulent dans une institution hôte ou dans les locaux du CdE (siège à Strasbourg, bureau de Paris).

II.4.           Définir mesures et actions à entreprendre

La philosophie de la CEPEJ recommande de suggérer des mesures générales et actions à entreprendre ou des projets respectant les priorités suivantes :

a)   des mesures susceptibles d’être mises en œuvre sans ressources additionnelles, telles que des modifications des processus de travail internes du tribunal, l'attribution des affaires, leur suivi et leur gestion,  la répartition des tâches entre les juges et le personnel du tribunal, l’optimisation de l’utilisation des outils informatiques, le partage des salles du tribunal entre les différentes cours, etc.

b)   des mesures nécessitant un changement législatif

c)   des mesures requérant davantage de ressources (ressources humaines, bâtiments, etc.)

II.4.1.         Elaboration de recommandations à l’Etat et/ou aux tribunaux

L’une des contributions concrètes de l’équipe d’experts de la CEPEJ est la formulation de recommandations opérationnelles pratiques, par le biais de rapports spécifiques adressés aux parties prenantes. Certaines de ces recommandations viseront plus particulièrement l’organisation et le fonctionnement des tribunaux individuels (ces derniers étant dans ce cas chargés de les prendre en compte), alors que d’autres concernent des questions relevant davantage des compétences des autorités nationales (par exemple, les questions liées à l’organisation du système judiciaire au sens large). Au besoin et si nécessaire, les recommandations traiteront aussi des éventuelles réformes législatives nécessaires affectant les systèmes procéduraux civil, pénal ou administratif, avec une énumération des modifications suggérées et envisagées de la législation visant à assurer une administration plus efficace de la justice.

Le rôle de l’équipe d’experts de la CEPEJ est de conseiller et soutenir les autorités nationales dans la mise en œuvre concrète de ces recommandations.

II.4.2.         Choix des activités/projets pertinents

Ce choix dépend essentiellement des conclusions de la phase d’évaluation (les lacunes identifiées durant l’évaluation approfondie ou des points des lignes directrices qui ne sont pas appliqués ou ne le sont que partiellement), et peut être guidé par les préoccupations suivantes :

-          des orientations pour les réformes décidées par les autorités nationales (parfois suivi des engagements souscrits envers la communauté internationale ou l’Europe)

-          les conclusions et rapports de la CEPEJ (en particulier son rapport d’évaluation)

-          la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

-          d’autres rapports du CdE sur la situation du système judiciaire (Commission de Venise, Assemblée parlementaire, Commissaire aux droits de l’homme, CCJE, CCPE, etc.)

-          les rapports d’autres partenaires du secteur judiciaire (associations professionnelles des juges/procureurs, organisations internationales, ONG); la couverture médiatique

-          les priorités du tribunal : quel activité/projet proposé est susceptible d’être le plus bénéfique en matière d’optimisation du fonctionnement du tribunal, à court terme et sans ressources supplémentaires ?

Généralement, les recommandations sont axées sur les questions suivantes :

-          le fonctionnement du système judiciaire et des tribunaux individuels (capacité à gérer les dossiers);

-          l’organisation du tribunal sur un plan général et le cheminement des dossiers au sein du tribunal ;

-          l’organisation des enquêtes de satisfaction des usagers du tribunal et l’utilisation de leurs conclusions.

II.4.3.         Présentation du projet de rapport aux autorités concernées

Chaque grande étape du processus de rédaction doit être validée par les parties prenantes nationales/locales, pour s’assurer :

-          qu’elle correspond bien à la réalité de la situation (pas de recommandations théorique, mais des mesures susceptibles d’être mises en œuvre dans le fonctionnement au quotidien du système);

-          qu’elle a bien été comprise par les parties prenantes.

Les étapes intermédiaires peuvent être validées par le biais de procédures écrites (au besoin après traduction du texte dans la langue du pays concerné). Les grandes étapes seront validées dans le cadre d’une réunion des experts de la CEPEJ et de l’ensemble des acteurs. Les commentaires formulés par les autorités nationales/locales doivent être prises en compte lors de la rédaction de la prochaine étape.

II.4.4.         Finalisation du rapport

Un rapport final est généralement la conclusion d’une activité spécifique, il contient les recommandations à appliquer. Ce rapport final peut servir de base à des activités ultérieures visant à soutenir les parties prenantes dans la mise en œuvre concrète des recommandations. Il doit être traduit dans la langue nationale pour garantir qu’il pourra être utilisé  par les autorités concernées et éventuellement publié pour toucher un public plus large de décideurs et de professionnels de la justice.

La CEPEJ est en train d’élaborer un « modèle de rapport »[1], dans lequel tous les passages pertinents du document sont abordés : par ex. un bref historique des différentes phases et étapes de l’initiative, une rapide énumération des visites et des personnes rencontrées par les experts, une description des problèmes identifiés, du degré de conformité ou de non-conformité avec les instruments de la CEPEJ, les solutions proposées par les experts, avec leurs avantages et leurs inconvénients, les observations critiques formulées par les parties prenantes, les conclusions finales et recommandations; les actions de suivi possibles et envisagées.

II.5.           Mise en œuvre et rapport (Suivi des activités/projets par les experts de la CEPEJ)

II.5.1.         Organiser la méthodologie de travail et les relations avec les tribunaux

Des procédures personnalisées et claires doivent être convenues entre l’équipe d’experts de la CEPEJ et les partenaires nationaux/locaux, afin de garantir qu’il sera donné suite aux recommandations et activités proposées dans le rapport. Elles incluent :

-          des réunions dans l’Etat bénéficiaire, éventuellement des réunions ad hoc à Strasbourg, ainsi qu’une possible participation de certains partenaires aux activités intergouvernementales de la CEPEJ (réunion des groupes de travail de la CEPEJ et/ou réunions plénières);

-          des échanges écrits sur les textes (projets de rapport);

-          d’éventuelles visites d’études pour les parties prenantes – uniquement si un objectif a été clairement identifié pour la visite d’étude, et si la destination est justifiée par le système/la procédure spécifique à étudier.

II.5.2.         Assurer la transparence avec les autorités nationales

L’équipe d’experts de la CEPEJ doit travailler en confiance avec les autorités nationales/locales concernées. Des échanges d’informations et des contacts ouverts réguliers sont des facteurs clés du succès.

iii. Comment améliorer l’efficacité et la durabilité des programmes de coopération de la CEPEJ ?

III.1.          Durabilité, suivi et évaluation

Il est important que les solutions proposées dans le cadre des programmes de coopération soient pérennes à court terme (elles ne doivent par exemple pas créer de surcharge de travail excessive pour les partenaires) et à long terme (elles doivent jeter les bases des changements futurs). Il est par ailleurs essentiel d’assurer un suivi des mesures proposées, même au-delà de la date d’expiration du projet, afin de vérifier l’atteinte des résultats escomptés. Enfin, il est essentiel que les programmes de coopération soient évalués.

III.2.          Veiller à ce que les expériences tirées de la mise en œuvre enrichissent les politiques nationales dans le domaine de la justice

Il est important que les expériences tirées de la mise en œuvre des programmes de formation des tribunaux menés par la CEPEJ soient partagées avec les autorités centrales, notamment en cas d’identification de problèmes de nature systémique et de test de solutions à l’échelon des tribunaux. L’expérience montre que l’implication des autorités centrales contribue à la durabilité des solutions proposées et que celles-ci parviennent parfois à enrichir les politiques nationales dans le domaine de la justice. Des réunions de synthèse et des rencontres régulières sont à organiser à cet effet.III.3.            Inclusion des outils de la CEPEJ dans les programmes de formation des juges et des procureurs

III.3.1.       Comment développer des modules de formation avec la participation active des instituts nationaux de formation ?

La méthodologie et les outils de la CEPEJ peuvent servir de fondement aux programmes spécifiques de formation à la gestion des tribunaux dispensés par les instituts nationaux de formation judiciaire. Des réunions spécifiques devraient être organisées régulièrement avec les directions de ces instituts afin d’examiner les programmes et modules concernés et définir comment y intégrer au mieux les outils de la CEPEJ. Il convient cependant de garder à l’esprit que le rôle de l’équipe d’experts de la CEPEJ doit se limiter à l’expertise spécifique de la CEPEJ, en, l’occurrence le fonctionnement et la gestion du système judiciaire/de tribunaux individuels. Des experts locaux peuvent également être recrutés pour conseiller et soutenir les experts de la CEPEJ dans cette tâche.

III.3.2.        Quels outils de la CEPEJ inclure dans les modules de formation ?

Les principaux outils de la CEPEJ précités peuvent contribuer utilement au développement de programmes spécifiques de gestion des tribunaux.

III.3.3.        Comment assurer la juste combinaison de formations théoriques et pratiques ?

Les experts de la CEPEJ en charge du développement des programmes et des formations subséquentes aux outils de la CEPEJ doivent être des praticiens du droit familiarisés avec la formation judiciaire. Il peut être opportun aussi d’impliquer des experts du Réseau de Lisbonne du CdE. La formation aux outils de la CEPEJ devrait inclure des exercices pratiques et des références à des expériences d’application de ces outils. A cet égard, la formation théorique pourra judicieusement être combinée à des périodes de formation (ne serait-ce que des visites) dans des tribunaux (si possible les tribunaux pilotes).

Les instituts de formation devraient être encouragés à recruter des praticiens nationaux pour traiter des questions concernant la gestion des tribunaux. Des experts locaux participant à la mise en œuvre des outils de la CEPEJ dans les tribunaux peuvent également intervenir en tant que formateurs.

III.4.          dialogue permanent avec les autres acteurs internationaux

III.4.1.        Relations avec les donateurs

Le Secrétariat est chargé d’entretenir des relations appropriées avec les partenaires qui financent le programme ou contribuent à son financement (souvent l’Union européenne; éventuellement SIDA, Subventions norvégiennes ou d’autres partenaires). Les principales exigences sont précisées dans les programmes eux-mêmes : organisation de comités directeurs réguliers, rapports, etc.

Il est essentiel que l’équipe d’experts de la CEPEJ puisse rencontrer régulièrement les représentants des partenaires dans l’Etat bénéficiaire afin de rendre compte de la mise en œuvre du programme. Le soutien politique des partenaires peut être requis par le Secrétariat si les relations semblent être difficiles ou si des problèmes particuliers surviennent.

Il est essentiel que les partenaires ne se lancent pas dans le « micro-management ». La CEPEJ doit pouvoir travailler selon sa propre méthodologie, avec ses propres experts. La CEPEJ est responsable vis-à-vis des partenaires de l’atteinte des principaux objectifs et des résultats escomptés.

III.4.2.       Relations avec d’autres agences internationales travaillant sur des programmes de coopération similaires

Il se peut que d’autres partenaires déploient des activités dans le domaine judiciaire dans le pays bénéficiaire. Il appartient au Secrétariat et à l’équipe d’experts de la CEPEJ, grâce aux contacts sur le terrain, de comprendre la teneur des programmes existants (ou récemment lancés) menés par d’autres partenaires, afin d’éviter tout chevauchement. Ils doivent également veiller à ce que les activités de la CEPEJ soient connues des autres partenaires, afin d’assurer une coordination adéquate avec leurs activités.

L’équipe d’experts de la CEPEJ doit également avoir la certitude que la méthodologie qu’elle applique et les outils qu’elle emploie sont uniques et constituent véritablement une valeur ajoutée pour une éventuelle autre coopération.


III.5.          Mesures immédiates à prendre au niveau du secrétariat pour améliorer l’efficacité des programmes de coopération de la CEPEJ

Sur le site web à accès restreint de la CEPEJ, un espace de partage des présentations et des rapports rédigés dans le cadre de divers programmes de coopération sera créé, auquel les experts auront accès. Cet espace a pour but de faciliter les échanges d’informations et de garantir la cohérence des pratiques/rapports de divers projets.

Par ailleurs, une réunion des experts et des présidents des groupes de travail de la CEPEJ se tiendra tous les ans, la veille de la réunion des tribunaux pilotes de la CEPEJ, afin d’informer les experts des nouveautés dans les travaux de chaque groupe, et de discuter de sujets de préoccupation.

Des travaux seront également entrepris sur la préparation des matériels et un module de formation aux outils et à la méthodologie de la CEPEJ.


Annexe I: Liste des programmes de coopération de la CEPEJ en cours (octobre 2015))

Pays concerné

Nom du programme

ALBANIE

"UE/CoE Soutien à l’efficacité de la justice– SEJ"

AZERBAIDJAN

http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/cooperation/Azerbaidjan/default_PCF_Azer_en-PCF-jointlogo-EN-1.jpg

Cadre programmatique de coopération avec les pays du Partenariat oriental de l’UE/CoE (PCF), Theme II.1: Justice: Renforcer l'indépendance et l'efficacité de la justice, Action "Soutien à l'amélioration de l'efficacité des tribunaux, de la formation des juges et de l'auto-gouvernance en Azerbaïdjan ”

CROATIE

http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/cooperation/Croatia/default_en-Norway_grants-1.jpg

"Améliorer la qualité et l'efficacité du système judiciaire par le biais du développement des infrastructures et par l’amélioration de la gestion des tribunaux" / Composante II: Amélioration du traitement des affaires par la justice grâce à l'application de méthodologies testées et développées par la CEPEJ"

JORDANIE

Programme conjoint "Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le Sud de la Méditerranée" (Jordanie) - Programme Sud 2

KOSOVO*[2]

Programme de coaching des tribunaux au Kosovo*

MAROC

Programme conjoint "Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le Sud de la Méditerranée" (Maroc) - Programme Sud 2

REPUBLIQUE DE MOLDOVA

http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/cooperation/Moldova/default_Prog_2015_2017_en-PCF-jointlogo-EN-1.jpg

Cadre programmatique de coopération avec les pays du Partenariat oriental de l’UE/CoE (PCF) 2015-2017, Theme II: Justice, programme thématique II. 1.: Renforcer l'indépendance et l'efficacité de la justice, Action 4: "Renforcer l'efficacité de la justice et le soutien à la profession d'avocat en République de Moldova

TUNISIE

Programme conjoint "Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le Sud de la Méditerranée" (Maroc) - Programme Sud 2



[1] Le Groupe SATURN travaille actuellement sur cette question. Pour plus d’informations, voir le document « Mise en œuvre des outils SATURN de gestion du temps judiciaire – guide – version révisée » [CEPEJ-SATURN(2011)9Rev, à paraître sur le sie internet de la CEPEJ], notamment ses annexes 1 et 2.

[2]  Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.