Strasbourg, le 24 janvier 2013                                                         CDLR-Bu(2013)11

                                                                                      Point E.2 de l'ordre du jour

BUREAU DU

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE LOCALE ET REGIONALE

(CDLR)

SENSIBILISATION ACCRUE A LA DIMENSION DROITS DE L’HOMME DE LA GOUVERNANCE LOCALE ET REGIONALE

Note du Secrétariat

établie par la

Direction de la gouvernance démocratique

Service des institutions démocratiques et de la gouvernance


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Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire.


Introduction

A la 1156e réunion des Délégués, le Comité des Ministres a adopté une nouvelle série de décisions en conformité avec la Déclaration de Kyiv. Parmi les nouvelles activités assignées au CDLR dans ce contexte, il lui est demandé « d’élaborer des propositions pour une sensibilisation accrue à la dimension « droits de l'homme » de la gouvernance locale et régionale, en concertation avec l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe et la Conférence des OING ».

Il est généralement admis que la protection des droits de l'homme assurée par le Conseil de l'Europe, conformément au droit international, s’étend à deux seuls types d’acteurs concernés : les Etats et les individus. Les droits de l'homme sont garantis sous la forme de traités entre les Etats qui mettent l’accent sur la protection des droits fondamentaux de chaque être humain. En droit international, l’Etat est, à cet égard, la seule entité juridiquement pertinente et ses mécanismes institutionnels doivent être considérés comme relevant de son propre pouvoir souverain. C’est pour cette raison que seuls les Etats peuvent être appelés à rendre des comptes devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Toutefois, au sein d’un Etat, plusieurs acteurs peuvent être investis de pouvoirs et de fonctions dont l’exercice a une incidence sur la jouissance effective par les individus de leurs droits fondamentaux. Compte tenu du principe de subsidiarité, les pouvoirs locaux sont en première ligne s’agissant d’appliquer les politiques concernant, entre autres, la participation, l’éducation, les soins de santé, le logement et l’insertion sociale. Par conséquent, cette question intéresse tout particulièrement le CDLR pour deux raisons essentielles. Premièrement, les autorités locales et régionales doivent être conscientes de l’importance de leur rôle s’agissant de garantir à ceux qui relèvent de leur « juridiction » l’exercice des droits fondamentaux (car leur incapacité à remplir leur mission peut engager la responsabilité internationale de l’Etat). Deuxièmement, les ministres responsables des collectivités locales et régionales devraient réfléchir aux éventuelles conséquences de ces obligations sur leurs relations avec les autorités locales et régionales et d’autres administrations.

Ces réflexions débouchent sur la constatation qu’il existe un lien manifeste entre les droits de l'homme (aux niveaux local et régional) et les dispositifs infra-étatiques (entre les échelons administratifs) dans le domaine des politiques relatives aux droits de l'homme, en vue de promouvoir un modèle de « gouvernance » qui soit commun à toutes les administrations et développe la sensibilisation aux droits de l'homme et le sens des responsabilités les concernant.

Au vu des débats tenus à Kyiv et suite aux propres conclusions des ministres, le Comité des Ministres a demandé au CDLR d’élaborer des propositions pour renforcer la sensibilisation à la dimension « droits de l'homme » au niveau local, en coopération avec le Congrès, l’Assemblée parlementaire et la Conférence des OING.


A ce stade, les suggestions ci-après peuvent être faites :

-          Elaborer ou faire élaborer un document sur la jurisprudence actuelle de la CEDH découlant de l’action des pouvoirs locaux et recueillir des informations sur d’autres acteurs institutionnels dont les travaux sont liés à la promotion des droits de l'homme au niveau local[1] ;

-          Repérer, avec le concours des deux rapporteurs du CDLR sur les droits de l'homme[2], les faiblesses institutionnelles dans la mise en œuvre des droits de l'homme au niveau local, en matière, par exemple, d’aménagement et de développement et dans la gestion quotidienne ;

-          Faire des propositions à la session plénière du CDLR, en avril, en vue d’élaborer un « train de mesures de sensibilisation » particulier.

Une fois approuvé par le CDLR en avril, le « train de mesures de sensibilisation » devrait être examiné avec le Congrès, l’Assemblée parlementaire et la Conférence des OING. Au vu des commentaires reçus, un projet officiel de « train de mesures » sera élaboré – toujours avec le concours des deux rapporteurs – et examiné par le Bureau avant d’être débattu et approuvé par le CDLR à sa 2e réunion de l’année.

Action requise

Le Bureau est invité à faire des commentaires et à donner des instructions au Secrétariat sur les initiatives proposées pour renforcer la sensibilisation à la dimension « droits de l'homme » de la gouvernance locale et régionale.


Annexe I

DROITS DE L’HOMME AU NIVEAU LOCAL[3]

RAPPORT du Rapporteur du CDLR[4]

Introduction

Il est rappelé que l’attention actuellement accordée par le CDLR à la question des droits de l’homme au niveau local découle a été initiée par les Délégués des Ministres qui demandent que le Comité lui présente des observations sur la Recommandation 280 (2010) du Congrès concernant le « Rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des droits de l’homme ». Le CDLR a adopté ses observations en octobre 2010 et approuvé l’inscription de la question des droits de l’homme au niveau local au projet d’ordre du jour de la 17e session de la Conférence ministérielle.

Le présent rapport a été établi par le Rapporteur du CDLR pour donner une base à la réunion de septembre 2011 visant à préparer la discussion sur les droits de l’homme au niveau local qui se tiendra pendant la 17e session de la Conférence ministérielle, les 3 et 4 novembre 2011 à Kyiv.

La protection des droits de l’homme est bien évidemment une question centrale pour le Conseil de l’Europe. L’objectif du rapport est à la fois de donner des éléments d’analyse sur le sujet précis des droits de l’homme au niveau local et de proposer une approche plus opérationnelle concernant les travaux utiles qui pourraient être entrepris par les organes du Conseil de l’Europe, intergouvernementaux et autres.

Etant donné que les ministres en charge des collectivités territoriales ont des compétences qui emportent notamment la responsabilité du cadre juridique, de la structure institutionnelle, du financement et du contrôle de ces collectivités, il est certain qu’ils ont un rôle important à jouer sur la question des « droits de l’homme au niveau local » au plan interne et, si le Comité des Ministres y est favorable, au niveau du Conseil de l’Europe.

Concernant les autres organes du Conseil de l’Europe, en particulier l’Assemblée parlementaire, le Congrès et la Conférence des organisations internationales non gouvernementales, il y a bien sûr lieu de rappeler qu’elles établissent leur ordre du jour (politique) et décident elles-mêmes des activités à entreprendre, dans les limites du Règlement intérieur et des résolutions du Comité des Ministres. Il n’en va différemment qu’en matière de suivi où le Congrès est a un mandat spécifique au regard de la Charte européenne de l’autonomie locale, mais cela ne va pas plus loin et il n’a pas d’autre mandat. Tout le monde s’accorde donc à considérer que le Congrès n’est pas en mesure et n’a pas l’intention d’assurer le suivi ou, dans le cadre de ses visites de suivi, d’évaluer la mise en œuvre des droits de l’homme par les collectivités territoriales, et qu’il n’empiètera pas sur les activités des organes de suivi du Conseil de l’Europe.

Avant d’en venir aux aspects plus opérationnels d’éventuels travaux futurs sur les droits de l’homme au niveau local, il est utile de rappeler certains points juridiques et institutionnels importants soulevés par la question des droits de l’homme au niveau local.

I.         Aspects juridiques et institutionnels des droits de l’homme au niveau       local

La question des droits de l’homme au niveau local intéresse deux domaines d’activités importants du Conseil de l’Europe, chacun d’eux étant au cœur de sa mission. Tout comme dans le domaine des droits de l’homme,  le Conseil de l’Europe a construit un « acquis » paneuropéen significatif sur les collectivités territoriales, de sorte qu’on pourrait affirmer que le défi soulevé par les « droits de l’homme au niveau local » consiste à mettre en perspective ces deux axes de travail importants[5].

Cela peut sembler surprenant, mais il est pourtant vrai qu’aujourd’hui encore la question des droits de l’homme au niveau local demeure, dans une large mesure, une « terra incognita » pour la plupart des 800 millions d’européens et pour les autorités et administrations locales dont ils relèvent. Surprenant parce qu’il est finalement tellement évident que l’exercice des droits de l’homme au quotidien est étroitement lié aux mesures prises par les collectivités territoriales. Ce sont elles qui fournissent la quasi-totalité des services publics, dont la plupart sont en réalité essentiels pour que les droits de l’homme aient une signification dans la vie de tous les jours. On pense au logement, aux soins de santé, ainsi qu’à l’éducation, à la police et à la contraction de mariages, pour ne prendre que quelques exemples. Il est à l’inverse très difficile d’imaginer une situation dans laquelle les droits de l’homme seraient garantis et exercés sans que les services nécessaires soient fournis par les collectivités territoriales. 

Cela étant, si l’on s’intéresse à la protection juridique des droits de l’homme offerte par le Conseil de l’Europe, seuls deux types de sujets semblent pertinents : les Etats et les particuliers. Premièrement, les droits de l’homme sont garantis sous la forme de traités entre Etats et, deuxièmement, l’objet principal que ces traités visent à protéger, même si c’est de manière différente et indépendamment également de l’existence de certains droits collectifs, est l’individu.

Le socle de l’acquis juridique paneuropéen en matière de droits de l’homme est sans aucun doute la Convention européenne des droits de l’homme à laquelle 47 Etats membres du Conseil de l’Europe sont parties. Cette Convention, et les protocoles qui s’y rapportent, garantissent les droits civils et politiques des particuliers, des droits tels que le droit à la vie, les libertés d’expression et d’association, le droit à un procès équitable, de même que l’interdiction de la torture, de la peine de mort et de la discrimination. Cet instrument énonce également l’obligation pour les Etats d’organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif.


De plus, tous les Etats ont reconnu la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme pour connaître et régler les affaires soumises par des particuliers arguant que leurs droits de l’homme ont été violés. La place de cet instrument en tant que pierre angulaire paneuropéenne de la protection des droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie seront encore renforcés lorsque l’Union européenne y adhèrera, ce qu’elle s’emploie activement à faire à l’heure actuelle.

Bien sûr, l’acquis du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme n’est pas limité à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), mais englobe le domaine des droits sociaux et économiques énoncés dans la Charte sociale européenne, ainsi que les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, énoncés dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Un autre instrument, moins fréquemment cité dans ce contexte mais néanmoins important, est la Convention pour la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, vis-à-vis de laquelle le CDLR a une responsabilité particulière.

Ainsi que précédemment énoncé, il faut garder à l’esprit que les droits de l’homme internationaux sont garantis par les traités internationaux entre Etats, et seulement entre eux. Ceci explique en grande partie pourquoi le rôle des collectivités territoriales dans le domaine des droits de l’homme n’a pas encore été examiné de manière approfondie d’un point de vue international. En droit international, l’Etat est une entité unique et son organisation administrative interne relève de son propre pouvoir souverain. C’est pourquoi seuls les Etats peuvent être tenus de rendre compte devant la Cour européenne des droits de l’homme, seuls les Etats sont tenus de soumettre des rapports au titre de la Charte sociale, de la Convention-cadre et d’autres traités internationaux, et seuls les Etats peuvent faire l’objet de plaintes collectives en application de la Charte sociale. De plus, il est clairement établi en droit qu’un Etat traduit devant la Cour européenne des droits de l’homme ne peut arguer qu’une violation a été commise par une de ses collectivités territoriales. En droit international, l’Etat, qui est représenté par le Gouvernement central, est considéré responsable des actes commis par l’ensemble de ses entités et quel que soit l’échelon territorial. Un Etat ne peut pas non plus se défendre devant la Cour européenne des droits de l’homme en faisant valoir que les questions litigieuses ne relèvent pas de sa compétence au motif qu’elles sont des questions de droit interne ou constitutionnel.

Ainsi, d’un point de vue général, l’approche retenue en droit international est que les arrangements institutionnels entre les différents échelons administratifs d’un Etat sont dans une large mesure indifférents. Les droits du particulier doivent être protégés et il importe peu de savoir contre ou par quelle entité de l’Etat. Il ne fait pas de doute que cette approche est aisément conciliable avec la règle de droit international selon laquelle la répartition des compétences entre les différents niveaux de gouvernement relève de l’appréciation souveraine de l’Etat.


Convient-il de remettre en cause cette approche ?

Avant de s’employer à répondre à cette question, le moment est venu, après avoir examiné la question des droits de l’homme, de s’intéresser de plus près aux collectivités territoriales, un domaine dans lequel l’acquis du Conseil de l’Europe est également considérable.

Concernant les collectivités locales, les principales normes du Conseil de l’Europe émanent de la Charte européenne de l’autonomie locale. Cet instrument repose sur l’idée fondamentale énoncée comme suit:

« Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effectives pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leurs propres responsabilités et au profit de leur population, une part importante des affaires publiques. » (Article 3, paragraphe 1).

En prévoyant qu’une part importante des affaires publiques relève de la responsabilité des collectivités locales, la Charte garantit tout particulièrement que le gouvernement central (mais il peut en aller de même pour les autorités régionales supérieures) ne cantonne pas les collectivités territoriales à un rôle d’exécution de décisions et de politiques élaborées sans leur concours. Le degré et l’étendue des compétences attribuées aux collectivités territoriales peuvent bien sûr varier et varient en Europe, ce qui peut être entièrement lié à des facteurs objectifs comme leur importance.

De plus, selon le paragraphe 3 de l’article 4 de la Charte:

« L’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie. »

Par conséquent, la Charte énonce en réalité le principe de subsidiarité. On considère, parce qu’elles sont les autorités les plus proches des citoyens, que les collectivités territoriales sont les mieux à même de répondre aux besoins et priorités de la population, sauf si l’ampleur ou la nature de la tâche sont telles que celle-ci doit être entreprise à un niveau territorial plus large, ou en cas de considérations primordiales d’efficacité et d’économie.

Compte tenu de ce qui précède, à savoir qu’en tant que question de droit international, les arrangements institutionnels entre les différents échelons administratifs de l’Etat relèvent du pouvoir souverain de celui-ci, on comprend aisément l’importance fondamentale des dispositions de la Charte qui restreignent en réalité cette liberté souveraine au moyen du principe d’autonomie locale et du principe de subsidiarité.


La question est maintenant de savoir si ces principes ont une quelconque répercussion sur la question des droits de l’homme. Jusqu’ici, nous avons vu que d’un point de vue juridique, la question de l’autonomie locale n’avait pas été étudiée sous l’angle des droits de l’homme  et que la protection des droits de l’homme s’était développée sans qu’il soit tenu compte de la question de la répartition des compétences entre les différents échelons administratifs. Est-il possible, à la réflexion, que les deux n’aient tout simplement rien à voir ?

Arrêtons-nous sur la question en examinant le rôle de l’Etat. Quel est-il dans le domaine des droits de l’homme ? Ici, il convient de prendre acte de la double facette de l’Etat : son rôle de protecteur des droits de l’homme et sa qualité éventuelle d’auteur de violations de ces droits. Le droit des droits de l’homme impose à l’Etat des interdictions concernant la manière de conduire les affaires publiques et lui impose de prendre des mesures pour faire en sorte que l’exercice des droits de l’homme soit possible. L’Etat n’est pas autorisé à recourir à la torture ou à abolir la liberté d’expression et il doit également assurer l’existence d’un appareil judiciaire opérationnel, d’un système éducatif, d’un système de santé, ainsi que protéger contre la discrimination, etc.

Concernant le rôle des collectivités locales, on peut considérer que nul ne chercherait à affirmer qu’en vertu de leur droit de « régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leurs propres responsabilités et au profit de leur population, une part importante des affaires publiques », les collectivités territoriales devraient avoir le droit d’introduire la pratique de la torture, d’abolir la liberté d’expression ou d’introduire la peine de mort. Ces faits ont été déclarés illégaux et rien ne justifie que les collectivités territoriales ne se conforment pas à ces prescriptions.

A ce propos, il est à noter que des questions juridiques particulièrement épineuses peuvent surgir au sein d’un Etat fédéral quand il s’agit d’assurer le respect des règles minimales en matière de droits de l’homme quand en vertu de la Constitution, le domaine d’action concerné relève de la compétence exclusive des collectivités territoriales. Il faudra peut-être examiner aussi cette question.

Cela étant, il est suggéré que le principal rôle des collectivités territoriales n’apparaît pas lorsqu’on les envisage comme les éventuels auteurs de violations des droits de l’homme mais lorsqu’on examine toutes les mesures que les Etats, conformément à leurs obligations internationales, doivent prendre pour assurer l’exercice des droits de l’homme, ce que nous appellerions juridiquement des obligations positives.


Ces obligations positives découlent de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et bien que cela ne soit pas expressément reconnu, elles sous-tendent la plupart des fonctions et services de l’Etat en général et des collectivités territoriales en particulier. C’est aussi le domaine où le pouvoir discrétionnaire de l’Etat est maximal : les règles internationales interdisent la torture dans tous les cas mais elles ne définissent pas précisément quelle qualité de soins de santé doit être assurée, quels types et niveaux d’éducation à la langue devraient être fournis, ni le type de logement à offrir. C’est donc ici que l’exercice concret des droits de l’homme est le plus étroitement lié aux efforts consentis et aux choix opérés, et ici que pour les collectivités territoriales, « régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leurs propres responsabilités et au profit de leur population, une part importante des affaires publiques » a le plus de sens. Après tout, ce sont elles qui sont en première ligne de la fourniture de la plupart des services publics dans nos Etats membres. C’est probablement ici que le lien entre droits de l’homme et administration territoriale est le plus évident et le plus fort.

Il découle également de ce qui précède que les ministres en charge des collectivités territoriales, dont les attributions comprennent le cadre juridique, la structure institutionnelle, le financement et la tutelle des collectivités territoriales, ont un rôle important à jouer sur la question des « droits de l’homme au niveau local ».

Il est également évident que pour apporter une réponse à la question précédemment posée, il n’est pas nécessaire de modifier l’approche du droit international des droits de l’homme pour reconnaître que les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans le domaine des droits de l’homme.

Ces réflexions juridiques et institutionnelles étant faites, le moment est venu de passer à la perspective opérationnelle.

II.       Droits de l’homme au niveau local – que doit faire le Conseil de l’Europe?

Les paragraphes précédents illustrent bien le lien entre droits de l’homme et administration territoriale (autonome). Ils montrent également qu’au niveau des Etats, les collectivités territoriales, ainsi que les ministres en charge des collectivités territoriales, ont un rôle important à jouer. En effet, c’est comme toujours au niveau national que les principales tâches sont accomplies.

Qu’en est-il alors du rôle du Conseil de l’Europe?

Ainsi qu’énoncé dans l’introduction, il faut partir de l’idée que les divers organes du Conseil de l’Europe décident eux-mêmes de l’attention et du degré d’attention à accorder à la question des droits de l’homme au niveau local, et de la marche à suivre à cet égard. De plus, il est clairement établi que les diverses activités possibles ne comprennent pas le suivi ou l’évaluation de la mise en œuvre des droits de l’homme par les collectivités territoriales, et n’empiètent pas sur les activités des organes de suivi du Conseil de l’Europe.

Que devrait faire le secteur intergouvernemental ? Le Rapporteur propose que les Ministres examinent la question à l’occasion de la 17e session de la Conférence ministérielle à Kyiv. Cela serait effectivement une question centrale au titre de ce point de l’ordre du jour et les discussions pourraient aboutir à des recommandations à l’intention du Comité des Ministres.

Dans le cadre de cette approche, il serait bien entendu essentiel que les Ministres bénéficient des renseignements pertinents, surtout en ce qui concerne ce qui a déjà été fait dans le domaine.

Il est suggéré, sans prétendre à l’exhaustivité, que l’attention des Ministres soit appelée sur ce qui suit:

1.            Concernant l’élaboration de nouvelles règles, la CDLR a adopté un projet de recommandation et de déclaration du Comité des Ministres sur les principes de la bonne gouvernance au niveau local et l’a transmis au Comité des Ministres pour adoption. Il est essentiel que parmi ces principes, figure celui qui s’intitule « Droits de l’homme, diversité culturelle et cohésion sociale ».

A Kyiv, les Ministres pourraient, selon les résultats, accueillir favorablement leur adoption ou encourager le Comité des Ministres à les adopter.

2.            Lors de leur 15e session à Valence, les Ministres ont lancé la Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local, fondée sur les principes de bonne gouvernance au niveau local qui sont au cœur des textes évoqués ci-dessus.

Un exposé sur la manière dont ce principe a été évalué dans la pratique pourrait être présenté aux Ministres par l’une des premières villes européennes à recevoir le Label européen d’excellence en matière de gouvernance.

3.       Le Congrès pourrait être invité à fournir des renseignements et à  présenter ses travaux sur la « nouvelle dimension locale des droits de l’homme», y compris sur son rapport le plus récent concernant les indicateurs des droits de l’homme, dont l’élaboration suit son cours.

4.       Un exposé sur l’action commune du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne sur les Cités interculturelles pourrait être présenté aux Ministres.

5.       L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne pourrait également présenter un exposé aux ministres sur ses projets en matière de droits de l’homme au niveau local.


6.       Enfin, il est proposé d’examiner la question de l’éventuel suivi de la Recommandation 280 du Congrès.

Dans cette recommandation, le Congrès recommandait au Comité des Ministres d’appeler l’ensemble des Etats membres à prendre une série de mesures. Dans ses observations sur cette Recommandation, qui avaient été sollicitées par le Comité des Ministres, le CDLR a recommandé: « que les Délégués des Ministres invitent le Congrès à engager un dialogue concret avec lui pour examiner les problèmes et les propositions de mesures mentionnés par le Congrès afin d’identifier les actions concrètes qui pourraient être entreprises, tant au niveau du Conseil de l’Europe que des Etats membres, y compris à l’échelle de leurs collectivités territoriales ».

Préparant ce futur dialogue, le CDLR a entrepris d’enquêter dans les Etats membres pour déterminer dans quelle mesure les dispositions prévues par le Congrès dans sa Recommandation 280 avaient été mises en œuvre par les Etats membres dans la pratique.

Les résultats de cette enquête figurent en annexe[6]. Ils montrent que seules quelques mesures préconisées par le Congrès ont été mises en pratique dans les Etats membres. Il y aurait donc encore un fossé à combler entre les recommandations du Congrès et la pratique existante.

Pendant ce temps, le Comité des Ministres a adopté sa réponse au Congrès, suite à la Recommandation 280. Tout en manifestant de l’intérêt pour certaines des mesures préconisées par le Congrès et en les appuyant, le Comité des Ministres n’envisage pas d’entreprendre l’élaboration d’une recommandation aux Etats membres ni de prendre de nouvelles mesures en application de la recommandation existante.

La proposition du CDLR « d’inviter le Congrès à engager un dialogue concret avec lui pour examiner les problèmes et les propositions de mesures mentionnés par le Congrès afin d’identifier les actions concrètes qui pourraient être entreprises, tant au niveau du Conseil de l’Europe que des Etats membres, y compris à l’échelle de leurs collectivités territoriales » n’est pas évoquée dans la réponse du Comité des Ministres. Cela pose la question de savoir si ce dialogue doit être poursuivi.

Pour éclaircir ce point, il est proposé que la Conférence ministérielle soulève la question devant le Comité des Ministres.



[1] Le Secrétariat devrait prendre contact avec l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec laquelle des liens effectifs existent déjà, en vue de recueillir de nouvelles informations sur les initiatives et le programme d’action 2013 de l’Agence de manière à pouvoir, selon le cas, développer des synergies et éviter les chevauchements d’activités. 

[2] M. Auke van der Goot et M. Paul-Henri Philips ont été nommés à cette fonction avant la Conférence de Kyiv.

[3] Ce rapport a été préparé en avance pour la Conférence de Kyiv et est reproduit ici pour information.

[4] M. Auke van der Goot, Pays-Bas. Le co-Rapporteur, M. Paul-Henri Philips, Belgique, n’a malheureusement pas pu, pour des raisons de santé, participer à l’élaboration du présent rapport après la phase initiale.

[5]Il est évident que la protection des droits de l’homme au niveau international ne relève pas de la compétence exclusive du Conseil de l’Europe.

[6] L’annexe n’est pas reproduite dans ce document.