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Strasbourg, le 8 novembre 2013                                                           CDLR(2013)27

                                                                                      Point E.4 de l'ordre du jour

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE LOCALE ET REGIONALE

(CDLR)

PROJET DE RAPPORT ET DE PROPOSITIONS DE REPONSES POLITIQUES POUR UNE SENSIBILISATION ACCRUE A LA DIMENSION DES DROITS DE L’HOMME DE LA GOUVERNANCE LOCALE ET REGIONALE

Pour adoption

Note du Secrétariat

établie par la

Direction de la gouvernance démocratique

Service des institutions et de la gouvernance démocratiques


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Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire.


Introduction

Conformément à la Déclaration de Kyiv, le Comité des Ministres, lors de la 1156e réunion des Délégués, a invité le CDLR à : « élaborer des propositions pour une sensibilisation accrue à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale, en concertation avec l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et la Conférence des OING ».

Lors de sa 51e réunion en avril 2013, le CDLR a invité les rapporteurs sur les droits de l’homme[1] à réaliser un état des lieux préliminaire sur les initiatives pour une sensibilisation accrue à la dimension droits de l’homme de la gouvernance locale et régionale et à présenter des propositions initiales au Bureau.

Des recherches approfondies ont été menées afin d’identifier des documents clés dans les Etats membres. Dans ce but, un questionnaire a été préparé et transmis aux membres du CDLR. Une consultante a été engagée avec un mandat de préparer une analyse critique de la situation actuelle dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et d’identifier des initiatives et des bonnes pratiques à partir des informations disponibles.

Situation actuelle

Le rapport préparé par la consultante a inspiré le projet de rapport du CDLR au Comité des Ministres qui se trouve en annexe.

Conformément au mandat, l’Assemblée parlementaire, le Congrès et la Conférence des OING ont été invités à faire des commentaires et à suggérer des mesures politiques susceptibles d’être intégrées dans le rapport.

Action requise

Le CDLR est invité à examiner le projet de rapport (voir Annexe) et à faire des commentaires ou à proposer des amendements qu’il juge approprié. Le CDLR sera ensuite invité à adopter le rapport final et à le transmettre au Comité des Ministres.  


ANNEXE

PROJET

RAPPORT ET PROPOSITIONS POLITIQUES VISANT À RENFORCER LA SENSIBILISATION À LA DIMENSION DROITS DE L'HOMME DE LA GOUVERNANCE LOCALE ET RÉGIONALE

Résumé et propositions politiques

Le présent rapport a été élaboré par le Comité européen sur la démocratie locale et régionale (CDLR) conformément au mandat spécifique que lui a confié le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Lors de leur 1156e réunion en novembre 2012, dans le cadre du suivi de la Déclaration de Kyiv adoptée à la 17e session de la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des collectivités locales et régionales, les Délégués des Ministres ont en effet chargé le CDLR :

« d’élaborer des propositions pour une sensibilisation accrue à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale, en concertation avec l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et la Conférence des OING ».

Ce rapport examine l’obligation des collectivités locales et régionales de veiller au plein respect des droits de l'homme, y compris des droits économiques et sociaux, dans leur domaine de compétence et compte tenu de leurs prérogatives. Il s’appuie sur la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l'homme et du Comité européen des droits sociaux pour conclure que, dans la plupart des cas, les violations punies par les organes de suivi européens et internationaux résultent du fait que les collectivités locales négligent ou ignorent leurs obligations.

Il est donc important que les collectivités territoriales soient pleinement conscientes de l’incidence de leur action sur l'exercice des droits fondamentaux des personnes relevant de leur juridiction. Elles éviteront ainsi que l’Etat membre dont elles font partie soit reconnu coupable de violation de la Convention européenne (ou de la Charte sociale européenne), mais surtout garantiront la qualité de la gouvernance démocratique locale.

La pratique dans les Etats membres témoigne d’une prise de conscience croissante de la nécessité de veiller à ce que la gouvernance locale respecte les principes des droits de l’homme. Certaines mesures mises en œuvre dans des Etats membres méritent d’être mieux connues ; elles pourraient aussi être appliquées efficacement, avec les ajustements nécessaires, dans d’autres Etats membres.


Propositions politiques

Les Etats membres pourraient réfléchir aux propositions suivantes lors de l’élaboration de mesures visant à renforcer la sensibilisation à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale :

A. Mise en œuvre des plans d’action nationaux sur les droits de l’homme au niveau local

Les plans d’action nationaux sur les droits de l’homme peuvent être un outil efficace afin de mettre en œuvre les droits de l’homme dans les Etats membres. Leurs effets pourraient être renforcés au niveau local par des mesures soulignant le rôle crucial que doivent jouer les collectivités locales et régionales et visant à encourager les responsables locaux à contribuer à la politique nationale en matière de droits de l’homme.

B. Soutien aux autorités locales et régionales dans l’application des droits de l’homme

Ce soutien peut revêtir de nombreuses formes. Parmi les exemples typiques, on peut citer le renforcement du dialogue avec les communes, la mise en place d’organes spécialisés ou le soutien apporté par les médiateurs ou les institutions nationales des droits de l’homme. Des accords spécifiques entre l’Etat et les pouvoirs locaux ou régionaux peuvent permettre une collaboration véritablement structurée, systématique et durable pour mettre en œuvre les obligations relatives aux droits de l’homme.

C. Mesures d’intégration des droits de l’homme

Intégrer la question des droits de l’homme dans la législation, les institutions, la politique et la pratique locales est un autre moyen efficace d’améliorer le respect des droits de l’homme au niveau local. Cela peut se faire en adoptant des lois pour veiller au respect des obligations relatives aux droits de l’homme, en adoptant des chartes municipales ou des plans d’action locaux sur les droits de l’homme ou en créant des organes au sein des collectivités locales et régionales pour répondre aux préoccupations concernant les droits de l’homme.

D. Renforcement de l’expertise des autorités publiques

Il est possible de développer l’expertise en matière de droits de l’homme grâce à des programmes de formation s’adressant aux responsables politiques et aux fonctionnaires des administrations publiques. La Résolution 296 (2010) du Congrès sur le rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des droits de l’homme encourage en outre la diffusion d'une information de qualité auprès des citoyens (notamment des groupes vulnérables) sur leurs droits.


E. Consultation et dialogue avec les titulaires de droits

Qu’il s’agisse de réunions ad hoc ou de réunions plus institutionnalisées, la consultation et le dialogue entre ceux qui mettent en œuvre les droits aux niveaux local ou régional et ceux qui en bénéficient permettent à toutes les parties prenantes de redoubler d’efforts pour répondre aux préoccupations concernant les droits de l’homme.

F. Sensibilisation par l’organisation d’événements ponctuels ou de campagnes

Les événements ponctuels et les campagnes sont les initiatives de sensibilisation les plus fréquentes au niveau des collectivités locales. Dans certains cas, ils deviennent même des manifestations régulières. La Semaine européenne de la démocratie locale, bien qu’elle ne vise pas spécifiquement à sensibiliser aux droits de l’homme, promeut les valeurs du Conseil de l'Europe et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

G. Echanges de bonnes pratiques

Les échanges de bonnes pratiques contribuent à faire prendre conscience des obligations relatives aux droits de l’homme car ils permettent aux collectivités locales et régionales de partager des informations et peuvent donner de nouvelles idées pour renforcer la sensibilisation à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale.


Renforcer la sensibilisation à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale

Introduction

Donnant suite à la Déclaration de Kyiv adoptée lors de la 17e session de la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des collectivités locales et régionales, le Comité des Ministres a invité le CDLR, lors de sa 1156e réunion en novembre 2012, à :

« élaborer des propositions pour une sensibilisation accrue à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale, en concertation avec l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et la Conférence des OING ».

Pour satisfaire cette demande, le CDLR a tout d’abord réuni des informations à partir des réponses des Etats membres à deux questionnaires[2]. Il s’est aussi basé sur les plans d’action nationaux sur les droits de l’homme et a examiné les rapports des institutions nationales des droits de l’homme et des médiateurs[3].

Une consultante a été engagée pour compiler et analyser les réponses, pour systématiser les données, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité européen des droits sociaux et les autres informations et pour préparer une étude globale qui a inspiré et nourri le présent projet de rapport[4].

Conformément au mandat, l’Assemblée parlementaire, le Congrès et la Conférence des OING ont été invités à faire des commentaires et à suggérer des mesures politiques susceptibles d’être intégrées dans le rapport. Des réponses et des suggestions ont été reçues de la part de … et prises en compte dans le rapport.

Le rapport a été adopté par le CDLR à sa 52e réunion (14-15 novembre 2013).


Le thème : les droits de l’homme, une préoccupation pour les collectivités locales

Il est généralement admis que la protection des droits de l'homme développée par le Conseil de l'Europe conformément au droit international s'étend uniquement à deux types d'acteurs : les Etats et les individus. Les droits de l'homme – qui incluent les droits civils et politiques énoncés dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles ainsi que les droits économiques et sociaux consacrés par la Charte sociale européenne – sont garantis par des traités entre Etats qui mettent l'accent sur la protection des droits fondamentaux de chaque être humain. En droit international, l'Etat est à cet égard la seule entité juridiquement pertinente et ses mécanismes institutionnels doivent être considérés comme relevant de son propre pouvoir souverain. C'est pour cette raison que seuls les Etats peuvent être appelés à rendre des comptes devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Toutefois, au sein d'un Etat, plusieurs acteurs peuvent être investis de pouvoirs et de fonctions dont l'exercice a une incidence sur la jouissance effective par les individus de leurs droits fondamentaux. Compte tenu du principe de subsidiarité, les collectivités locales sont en première ligne pour appliquer les politiques concernant, entre autres, la participation, l'éducation, les soins de santé, le logement et l'insertion sociale. Par conséquent, les autorités territoriales doivent être conscientes de l'importance de leur rôle lorsqu’il s'agit de garantir à ceux qui relèvent de leur « juridiction » la jouissance des droits fondamentaux, car leur incapacité à remplir leur mission peut engager la responsabilité internationale de l'Etat. En outre, les ministres responsables des collectivités locales et régionales devraient réfléchir aux éventuelles conséquences de ces obligations sur leurs relations avec les autorités locales et régionales et d'autres administrations.

Ces réflexions débouchent sur la constatation qu'il existe un lien manifeste entre les droits de l'homme (aux niveaux local et régional) et les dispositifs infra-étatiques (entre les échelons administratifs) en matière de politique des droits de l'homme, dont il faut tenir compte pour promouvoir un modèle de « gouvernance » qui soit commun à toutes les administrations et qui développe la sensibilisation aux droits de l'homme et le sens des responsabilités dans ce domaine.

Dans ces conditions, il est utile de savoir plus précisément comment les actes des collectivités locales ou régionales peuvent donner lieu à des violations des droits de l'homme, avant d'élaborer des propositions visant à renforcer la sensibilisation à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale. En outre, cette préoccupation étant partagée par de nombreux intéressés (le Congrès, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, les Etats membres individuellement, etc.), il faudrait se doter de mécanismes appropriés pour partager les points de vue et développer une approche cohérente.


La situation : y a-t-il des divergences dans les politiques des droits de l’homme ?

Les réponses des Etats au questionnaire envoyé aux membres du CDLR en 2011[5] à la suite de la Recommandation 280 (2010) du Congrès sur le rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des droits de l'homme montrent que la plupart des gouvernements n’ont pas une vision ou une approche globale de ce rôle, qui consisterait notamment à sensibiliser les collectivités locales et régionales à leurs responsabilités. Dans certains cas, les Etats membres ont connaissance de politiques ciblées concernant des domaines essentiels (comme le logement, la prise en charge des enfants, l’intégration des personnes handicapées). Mais le plus souvent, le rôle des collectivités locales et régionales dans la mise en œuvre des droits de l’homme ne semble pas avoir fait l'objet d'un rapport, d'une étude ou d'une analyse par le gouvernement central.[6]

Si l’on examine la question des droits de l’homme au niveau local sous l’angle des violations, on constate que beaucoup d’éléments montrent, même en l’absence d’études systématiques, qu’un grand nombre de ces violations sont le fait de collectivités locales ou régionales.  En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), les conclusions et la jurisprudence du Comité européen des Droits sociaux (CEDS), les rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), les rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) ou les rapports d’ONG, montrent que les violations touchent tous les domaines de la vie, et particulièrement ceux qui relèvent du domaine de compétence des autorités locales ou régionales, tels que la santé, l’éducation, le logement, la vie privée et familiale.

L’analyse de la jurisprudence nationale et des rapports établis par les institutions nationales des droits de l’homme et les médiateurs confirme que les violations qui concernent des domaines relevant de la compétence des collectivités locales trouvent souvent leur origine dans l’action des autorités locales.

Pourquoi des violations sont-elles commises au niveau local ?

Naturellement, de nombreuses raisons peuvent expliquer la perpétration de violations des droits de l’homme au niveau local. Mais la principale est liée à la mauvaise compréhension des droits de l’homme et de leur mise en œuvre par les collectivités locales. Même lorsque le droit national est conforme à la CEDH, il arrive que les collectivités locales ou régionales justifient leurs actes répréhensibles par un raisonnement qui révèle une méconnaissance des principes des droits de l’homme.

Dans d’autres cas, tout en étant commises au niveau local, les violations peuvent trouver leur origine dans la difficulté de coordonner les organes compétents aux niveaux national, régional et local, comme l’a récemment montré une affaire portée devant le Comité européen des droits sociaux. Ce dernier a conclu à une violation de l’article 11 de la Charte sociale européenne due à la non-exécution des mesures nécessaires aux niveaux national, régional et local.


Qui est responsable ?

Les collectivités locales et régionales sont en première ligne pour fournir des services publics et développer la politique juridique dans la pratique. Les obligations relatives aux droits de l’homme étant énoncées dans des traités internationaux ratifiés par les autorités centrales des Etats, tous les organes à tous les niveaux sont tenus de respecter ces obligations et de mettre en œuvre les droits de l’homme. Dans la mesure où leurs actes ou omissions peuvent engager la responsabilité de l’Etat, il appartient à ce dernier de veiller à ce que les droits de l’homme soient respectés aux niveaux local et régional.[7]

Ce principe est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que les Etats doivent veiller au respect de ces obligations à l’égard de « tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence » (art. 2).

La responsabilité de l’Etat a également été soulignée dans le domaine des droits sociaux.

En d’autres termes – et il s’agit là d’un principe bien établi du droit international public – les Etats ne peuvent invoquer leur nature décentralisée, régionale ou fédérale pour se soustraire à leurs obligations internationales. Le pouvoir central doit faire en sorte que toutes les entités composant l’Etat respectent les obligations internationales de l’Etat.

A cet effet, les Etats doivent prendre des mesures pour garantir que les collectivités locales et régionales « aient connaissance des droits énoncés dans le Pacte et de leur devoir d’en garantir le respect ».  La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et celle du Comité européen des droits sociaux reflètent la même approche.

Le même raisonnement s’applique dans le cas de la privatisation de services publics, comme cela arrive souvent dans les domaines de l’éducation, des services sociaux ou de la santé. Dans ce cas, la responsabilité de la mise en œuvre des obligations en matière de droits de l’homme incombe toujours à l’Etat : « la mise en œuvre de normes internationales ne saurait être déléguée au secteur privé »[8].

De plus, lorsque la fourniture d’un service public est déléguée entièrement ou partiellement à un opérateur privé dans le cadre d’un contrat conclu avec la collectivité locale, celle-ci ne peut pour autant échapper à sa responsabilité. C’est pourquoi il est essentiel que tous les acteurs connaissent les obligations en matière de droits de l’homme, y compris en entretenant un dialogue sur ce sujet avec les acteurs concernés aux niveaux local et régional.


La sensibilisation est-elle la solution ?

La sensibilisation aux droits de l’homme est l’une des multiples mesures qui devraient être adoptées pour remédier au manque de prise de conscience ou de respect des obligations relatives aux droits de l’homme aux niveaux local et régional. Elle devrait aussi être considérée comme une condition préalable à la mise en œuvre efficace des normes relatives aux droits de l’homme. Cette nécessité de sensibiliser doit s’étendre aux institutions et aux individus. Les premières (c'est-à-dire les organes qui prennent des décisions ou mènent des politiques, comme le maire, le conseil municipal, le directeur d’un service, etc.) et les seconds (conseillers municipaux ou régionaux, fonctionnaires municipaux ou régionaux, etc.) devraient être conscients de leur rôle et de leurs responsabilités au regard des normes relatives aux droits de l’homme. Pour ce faire, il faudrait par exemple étendre la compréhension et la connaissance des obligations relatives aux droits de l’homme aux droits économiques et sociaux, qui ont des répercussions plus directes sur le travail aux niveaux local et régional.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a attiré à maintes reprises l’attention des gouvernements et des collectivités territoriales sur la nécessité de mener des campagnes de sensibilisation actives sur ces questions.[9] Les initiatives comme la Semaine européenne de la démocratie locale et la Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local visent (entre autres) le même objectif en faisant connaître les principes dont le respect permet d’améliorer les droits fondamentaux de ceux qui vivent et travaillent dans une communauté locale.

L’expérience de la Charte-Agenda mondiale des droits de l’Homme dans la Cité en offre un bon exemple[10]. Ce texte a été élaboré au sein du Réseau Mondial Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) et de sa Commission Inclusion Sociale, Démocratie Participative et Droits Humains. Les premières discussions sur la Charte ont débuté 2006 et elle a formellement été adoptée en 2011. Comme le souligne le CGLU, « [l]a valeur ajoutée de la Charte-Agenda Mondiale des Droits de l’Homme dans la Cité réside dans le fait que chacun des droits humains figurant dans le document s’accompagne d’un plan d’action servant de référence pour la mise en œuvre de mesures concrètes par les gouvernements locaux. Les villes signataires sont invitées à établir un agenda local assorti d’échéances et d’indicateurs permettant d’évaluer leur efficacité dans la mise en œuvre de ces droits ».

Au niveau de l’Union européenne, il suffit de renvoyer aux travaux de l'Agence des droits fondamentaux, qui fournit des outils de sensibilisation et soutient les campagnes qui placent les collectivités locales au cœur de l’action en faveur de la sensibilisation et de la protection des droits de l’homme.


Au niveau international, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a récemment demandé à son Comité consultatif de préparer un rapport basé sur des recherches et portant sur le rôle des collectivités locales dans la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris l’intégration des droits de l’homme dans l’administration et les services publics locaux, en vue de recenser les bonnes pratiques et les principales difficultés. Le Comité consultatif devra présenter un rapport intermédiaire au Conseil des droits de l’homme lors de sa 27e session pour examen.

Une piste concrète : s’inspirer des bonnes pratiques

L’analyse des pratiques des Etats membres montre l’existence d’un certain nombre d’initiatives destinées à renforcer la sensibilisation sur les droits de l’homme au niveau local.

A.        Mise en œuvre des Plans d’actions nationaux pour les droits de l’homme au niveau local

Parmi les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, la moitié seulement a adopté un plan d’action sur les droits de l’homme. Ces plans portent soit sur l’ensemble des questions relatives aux droits de l’homme (c’est le cas de quelques Etats seulement), soit sur une ou plusieurs questions thématiques (par exemple l’égalité entre les hommes et les femmes, le trafic des êtres humains, la discrimination). Ils peuvent s’avérer des outils efficaces pour faire appliquer les droits de l’homme sur le plan national. Cependant, même si les gouvernements locaux ont l’obligation de les respecter et de les mettre en œuvre, il n’en est pas moins nécessaire d’encourager les responsables pour qu’ils contribuent réellement à la politique nationale dans ce domaine. Les exemples suivants montrent comment leur rôle peut être renforcé.

Bonne pratique : Préciser et soutenir le rôle joué par les autorités locales et régionales dans la mise en œuvre des plans d’action nationaux sur les droits de l’homme

Pour commencer, il peut être utile de préciser dans le plan d’action lui-même le rôle que les autorités locales et régionales doivent jouer puisqu’elles sont des acteurs clés dans la mise en œuvre des obligations incombant à leur pays dans le domaine des droits de l’homme.


Exemples :

—       Ainsi, le plan d’action national pour les droits de l’homme (PANDH) adopté en Lituanie (2002) insiste sur la nécessité d’encourager les autorités publiques à remplir leurs obligations régionales et internationales en matière de droits de l’homme, en particulier dans les domaines du droit de la santé (chapitre 4) et des droits de l’enfant (chapitre 8).

—       La Stratégie nationale pour l’inclusion sociale – extrême pauvreté, pauvreté des enfants, Roms, 2011-2020 adoptée en Hongrie énumère dix principes communs pour l’inclusion des Roms, parmi lesquels « l’implication des autorités locales et régionales ». Le plan d’action national sur les droits de l’homme de la Moldova (2004-2008) évoque le rôle des autorités locales dans l’application des droits de l’homme, leur rôle en tant que partenaire, ou en tant que source de financement dans divers domaines tels que le droit à la santé, le droit à l’environnement, le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique, le droit des enfants ou le droit à l’éducation.

Bonne pratique : Les autorités locales et régionales ont connaissance de leur responsabilité dans le domaine des droits de l’homme

Une étape supplémentaire est nécessaire pour que les autorités locales et régionales aient connaissance de leur responsabilité dans le domaine des droits de l’homme et elles se réfèrent au plan d’action pour faire leur travail.

Exemples :

—       Dans cette perspective, la Suède a affirmé dans son 2e plan d’action son intention « de poursuivre et d’approfondir le dialogue avec les communes et les conseils régionaux au sujet des responsabilités en matière de droits de l’homme » (mesure 107).

—       De même, en République tchèque, les autorités locales et régionales sont impliquées dans les processus de prise de décision sur des sujets comportant une dimension droits de l’homme, comme le logement, la santé ou l’éducation. En outre, un certain nombre d’activités locales sur des questions liées aux droits de l’homme sont mises en œuvre en coopération avec le ministère de l’Intérieur, notamment sur la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, l’intégration des Roms, ou les droits des minorités nationales.


            Bonne pratique : Conclure des accords ad hoc avec les autorités locales et         régionales

Dans certains cas, les gouvernements ont été plus loin pour souligner le rôle des autorités locales et régionales dans la mise en œuvre des droits de l’homme en concluant avec elles un accord qui précise leur rôle de façon concrète. Une telle initiative renforce les perspectives de voir s’installer une collaboration bien structurée, systématique et durable entre l’Etat et le niveau local et régional.

Exemples :

—       Ainsi, le gouvernement suédois a conclu un accord avec l’Association suédoise des autorités locales et régionales après l’adoption de sa Stratégie pour le renforcement des droits de l’enfant (2010). L’accord, qui couvre la période allant de 2010 à 2013, est destiné à approfondir et à étendre le travail accompli sur les droits de l’enfant aux niveaux local et régional en renforçant l’expertise locale ainsi que la coordination et le dialogue sur les droits de l’enfant. D’après une évaluation indépendante, il serait utile de prolonger cette expérience dans le cadre du troisième plan d’action national sur les droits de l’homme, à venir, afin « d’identifier les difficultés principales observées dans la mise en œuvre des obligations sur les droits de l’homme aux niveaux local et régional et de trouver ensemble les moyens d’y faire face. Il faudrait que cette coopération engagée entre le gouvernement et l’Association suédoise des autorités locales et régionales intègre également les conseils d’administration régionaux, qui peuvent jouer un rôle central de supervision et de soutien des communes dans leurs efforts pour mettre en œuvre les droits de l’homme ».

                          

—     La Hongrie a conclu un accord cadre avec le gouvernement rom autonome dans le cadre de la mise en œuvre de sa Stratégie nationale pour l’inclusion sociale – extrême pauvreté, pauvreté des enfants, Roms, 2011-2020. Cet accord prévoit, notamment, que le Conseil de coordination des Roms intègre des représentants des autorités locales et il souligne qu’une coopération étroite avec les communes est nécessaire pour atteindre les objectifs de la stratégie.

Bonne pratique : Encourager l’adoption de plans ou de politiques locales sur les droits de l’homme

L’adoption de chartes municipales ou l’adaptation locale des plans d’action nationaux comptent parmi les nombreuses façons dont les communes peuvent proclamer leur engagement pour appliquer les droits de l’homme.


Exemples :

—       Dans sa réponse au questionnaire 2013 du CDLR, le gouvernement de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » explique que « certaines villes ont fait des progrès de leur propre initiative en adoptant des plans locaux pour protéger certains droits, mais d’autres restent en retrait ». En Suède, le plan d’action national encourage les communes et les conseils régionaux à préparer des plans d’action nationaux sur les droits de l’homme (mesure 106).

—       La Charte-Agenda Mondiale des Droits de l’Homme dans la Cité offre une autre illustration des initiatives entreprises pour encourager les autorités locales à mettre en œuvre les obligations en matière de droits de l’homme. Cette Charte est découpée en douze chapitres, chacun étant conclu par un « plan d’action proposé », que chaque ville peut reprendre à son compte comme un point de départ pour élaborer ses propres projets.

—       La ville de Graz (Autriche) a proclamé son engagement en faveur des droits de l’homme de façon affirmée lors de sa désignation comme « ville des droits humains ». Ce concept a d’abord été développé par le Mouvement des peuples pour l’apprentissage des droits humains (People’s Movement For Human Rights Learning, PDHRE), une ONG établie à New York. Il s’inscrit dans la même démarche que Kofi Annan, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies qui, dans son Plan de campagne pour la mise en œuvre de la Déclaration du Millénaire, place les droits de l’homme « au centre des programmes en faveur de la paix, de la sécurité et du développement ». De même, le concept de Ville des droits humains traduit un engagement en faveur des droits de l’homme à travers « une stratégie participative qui engage la société civile dans la construction de communautés qui répondent aux problèmes locaux liées au développement grâce à l’apprentissage des droits de l’homme ». Dans l’aire géographique du Conseil de l’Europe, la ville de Graz (Autriche) est devenue « ville des droits humains » par décision unanime du Conseil municipal en 2001.

—       En Espagne, la ville de Barcelone a élaboré une politique exhaustive et mis en place les institutions nécessaires pour mettre les droits de l’homme en œuvre sur le plan local et faire de Barcelone une « ville des droits ». « Le droit international des droits de l’Homme et la Charte européenne pour la sauvegarde des droits de l’Homme dans la Ville (ECHRC), fournissent le langage des droits humains et le cadre de la politique. Le financement de la politique provient du budget municipal. La ville des droits s’applique à l’ensemble du gouvernement local, mais la principale institution responsable de la mise en œuvre de la politique de promotion des droits est le Département des droits civils (la RDC) de la municipalité, au sein duquel œuvrent différents organismes: 1) l’Office pour la non-discrimination (OND ), qui traite essentiellement des plaintes pour discrimination par le biais de la médiation ; 2) le Bureau des affaires religieuses (OAR), qui favorise la liberté religieuse des communautés religieuses de la ville dans leurs relations avec l’administration et la population locales ; 3) le Conseil des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (Conseil LGBT), qui est un organe consultatif constitué d’ONG, de collectifs et autres groupes informels concernés par les questions LGBT (récemment, un plan pour l’intégration des droits des personnes LGBT a également été promu par la RDC); et 4) l’Observatoire des droits humains, qui contrôle la situation des droits humains dans la ville. Parallèlement à la RDC, le Síndic(a) de Greuges de Barcelone (médiateur de la ville) exerce des fonctions de contrôle sur l’administration locale et qui, compte tenu notamment de son statut indépendant, offre un soutien crucial pour la sauvegarde des droits humains au niveau de la ville »

Bonne pratique : promouvoir l’utilisation des indicateurs des droits de l’homme au niveau local

Pour traduire les engagements de leur pays dans la réalité, il est important que les autorités locales et régionales puissent s’appuyer sur des indicateurs leur permettant de mesurer les progrès qu’elles font pour garantir une meilleure protection des droits de l’homme.  Dans son exposé des motifs concernant la Résolution 334 (2011), le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux présente une méthodologie pour élaborer des indicateurs, en privilégiant les indicateurs structurels, de processus et de résultat. Il indique aussi comment les indicateurs des droits de l’homme devraient être utilisés pour collecter et évaluer des données.

Exemples :

—     Malgré le manque de preuves d’usage d’indicateurs au niveau local, l’idée est néanmoins à l’étude en Suède, où la Délégation des Droits de l’Homme mandatée pour soutenir la mise en œuvre du second plan d’action national sur les droits de l’homme a proposé que, dans le cadre du prochain plan d’action ou de la stratégie sur les droits de l’homme qui sera adoptée, le gouvernement définisse des objectifs nationaux et des indicateurs en coopération avec l’Association suédoise des autorités locales et régionales et en se fondant sur les travaux réalisés au sein des organisations internationales sur cette question.


B.      Soutien aux autorités locales et régionales dans l’application des droits de l’homme

       Bonne pratique : Assistance aux collectivités locales et régionales pour qu’elles          appliquent les plans d’action nationaux sur les droits de l’homme au niveau local

Exemples

—       Dans son deuxième Plan d’action national sur les droits de l’homme (2006-2009), le gouvernement suédois a affirmé son intention de continuer à renforcer son dialogue avec les communes et les conseils régionaux sur le thème de la responsabilité dans le domaine des droits de l’homme (mesure 107). Le plan propose la mise en place d’une délégation sur les droits de l’homme chargée de soutenir, notamment, les communes et les conseils régionaux dans les efforts qu’ils poursuivent sur le long terme pour garantir que leurs activités respectent pleinement les droits de l’homme (mesure 103). Cette délégation instituée en mars 2006, se composait d’un président et de 10 membres dotés d’une expertise sur les droits de l’homme (membres de la société civile, représentants d’ONG, universitaires, ainsi que le président de l’Association suédoise des autorités locales et régionales). La délégation a encouragé les autorités locales à définir et à mettre en œuvre des activités et elle a accordé des financements à des activités visant la promotion des droits de l’homme et la participation politique. La délégation a défini des critères d’allocation des subventions en donnant la priorité aux interventions qui contribuaient manifestement aux efforts à long terme destinés à garantir le respect des droits de l’homme en Suède, en particulier les actions stratégiques et mesurables reposant sur l’interaction de divers acteurs. Sur 14 demandes de subventions, huit ont été accordées. Parmi les bénéficiaires, on comptait des conseils exécutifs de comté ou des autorités de police

—       La désignation d’une institution dédiée est susceptible de renforcer l’impact au niveau local d’un plan d’action national. Ainsi, en République tchèque, l’Agence pour l’inclusion sociale dans les localités roms a été instituée en 2008 pour coordonner sur le plan local la politique d’intégration des Roms définie par l’Etat pour réduire et éliminer l’exclusion sociale dans les localités Rom socialement défavorisées. L’Agence est placée sous l’autorité du gouvernement tchèque et le Département de l’inclusion sociale dans les localités roms.

         Bonne pratique : Soutien apporté par les institutions nationales des droits de l’homme ou les médiateurs aux autorités locales et régionales


Quelquescas ont été repérés lors de la préparation de cette étude, les institutions nationales des droits de l'homme ou les bureaux des médiateurs ont été impliquées dans le soutien des collectivités locales et régionales.

Exemples :

—       En Bulgarie, le médiateur met en évidence les violations des droits de l’homme perpétrées au niveau local dans son rapport annuel et, par ailleurs, il a publié un rapport intitulé « Une nouvelle qualité de vie dans les villes. Bonne gouvernance et respect des droits de l’homme » ainsi que, sur son site internet une liste de bonnes pratiques des administrations locales, y compris sur la question des droits de l’homme. En République tchèque, le médiateur a préparé des lignes directrices à l’intention des communes sur le logement social et les discriminations.

—       En Suède, pour renforcer la mise en œuvre des droits de l’enfant par les communes, les conseils régionaux et les autorités publiques, le gouvernement a mandaté le médiateur des enfants en juillet 2012 pour qu’il prenne des initiatives en vue de diffuser et de renforcer la stratégie du gouvernement sur les droits de l’enfant auprès de ces institutions locales. L’organisation de conférences, de dialogues, l’augmentation des évaluations, et toutes sortes de mesures de soutien figuraient parmi ces initiatives tendant à les sensibiliser et à leur faire comprendre comment les neuf principes de cette stratégie pouvaient constituer un outil pour garantir le respect des droits de l’enfant à travers leurs activités.

—     Certaines villes ont leur propre médiateur, ou bien un bureau régional représentant l’institution nationale sur les droits de l’homme, et ils peuvent être bien placés pour renforcer la sensibilisation sur les droits de l’homme au niveau local ou régional. Les médiateurs locaux sont souvent confrontés à des problèmes particuliers similaires dans les domaines gérés par les autorités locales, et c’est pourquoi l’idée d’un « réseau des ombudsmans municipaux » a vu le jour. L’ombudsman d’Amsterdam y réfléchit actuellement en concertation avec l’Institut International de l’Ombudsman (IOI).

C.      Les mesures d’intégration des droits de l’homme (mainstreaming)

       Bonne pratique : Intégration des droits de l’homme dans les lois locales, les     institutions, la politique et la pratique

Sans remettre en question l’existence d'organes spécifiques des droits de l’homme au niveau local, l’intégration des droits de l’homme dans la législation, les institutions, la politique et la pratique locales est un autre moyen efficace d’améliorer la bonne gouvernance et de satisfaire les besoins locaux grâce à une approche fondée sur les droits.


Exemples :

—       En Grèce, le Programme national pour l’égalité substantielle entre les hommes et les femmes 2010-2013 prévoit plusieurs actions destinées à promouvoir l’égalité au sein des gouvernements locaux. Par exemple, une nouvelle loi adoptée dans le cadre de la réforme des autorités locales et régionales (Kallikratis Program) oblige les communes à intégrer des « politiques sociales et de promotion de l’égalité entre les sexes », à favoriser l’égalité au niveau régional en s’appuyant sur des « comités régionaux pour l’égalité entre les sexes » (« PEPIS ») et à créer, pour la première fois, des comités municipaux (DEPIS). Les villes devraient ainsi voir leurs compétences renforcées sur les questions de genre. Des plans d’action sur l’intégration de la dimension du genre ont été élaborés pour 13 préfectures et 15 municipalités.

—     En République tchèque, des organes dotés d’un mandat droits de l’homme ont été mis en place au sein des autorités locales et régionales pour traiter en particulier des questions roms. Grâce aux initiatives de ses comités municipaux, le Conseil gouvernemental chargé de la minorité rom encourage les autorités locales et régionales à promouvoir le respect des droits de l’homme.

D.     Renforcer l’expertise des autorités publiques :

       Bonne pratique : Une formation systématique des responsables politiques et des cadres de l’Administration publique, et la diffusion d’une information de qualité auprès des citoyens (notamment des groupes vulnérables) sur leurs droits ».

La Résolution 296 (2010) sur le rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des droits de l’homme du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux souligne que « la responsabilisation des niveaux locaux et régionaux en matière de respect des droits de l’homme passe avant tout par une formation systématique des responsables politiques, et la diffusion d’une information de qualité auprès des citoyens (notamment des groupes vulnérables) sur leurs droits ».

Pour la plupart, les plans d’action nationaux sur les droits de l’homme prévoient des programmes de formation aux droits de l’homme pour les cadres de l’administration publique et le personnel des autorités locales et régionales.


Exemple,

—       Le plan d’action de Lettonie (1995) souligne la nécessité de donner une formation juridique aux cadres de l’administration publique (chapitre 2) et de renforcer, grâce à la formation, la qualité juridique, l’objectivité et la transparence du travail accompli par l’administration publique, notamment au niveau local (chapitre 4). Dans le plan d’action suédois, le gouvernement a chargé l’Institut pour l’étude des droits de l’homme de l’université de Göteborg de préparer un manuel sur les droits de l’homme et les activités municipales (mesure 108), conçu comme un guide pratique à l’intention des élus et des fonctionnaires locaux, pour que les activités municipales soient la traduction concrète des droits de l’homme et les droits des minorités nationales dans la pratique.

—       Au Royaume-Uni, le ministère de la Justice a publié un guide intitulé Human rights: Human lives pour aider les autorités publiques à mettre en œuvre la loi sur les droits de l’homme de 1998 (Human Rights Act). Le guide s’adresse à tous les représentants des autorités publiques et rapporte des bonnes pratiques « pour [les] sensibiliser sur les différents droits et libertés protégés par la loi sur les droits de l’homme et [leur] montrer, à travers des exemples réels, comment appréhender l’impact que [leur] travail est susceptible d’avoir sur les droits de l’homme, qu[‘ils soient] chargé[s] d’apporter des prestations de service public ou de concevoir de nouvelles procédures ou politiques ».

—       La Commission irlandaise pour les droits de l’homme propose, à travers son Projet pour l’éducation et la formation aux droits de l’homme, une formation professionnelle gratuite adaptée aux besoins de chacun pour les différents secteurs du service public. En 2013, en plus des sessions de formation habituelles destinées aux autorités locales, la Commission a proposé un séminaire thématique d’une journée sur le droit au logement à l’intention du personnel employé dans le secteur du logement et de l’hébergement des gens du voyage.

E.        Consultation et dialogue avec les titulaires des droits

L’organisation de consultations entre les représentants des collectivités locales et régionales et les titulaires des droits dans les différents secteurs d’activités des communes permet à toutes les parties prenantes de contribuer à l’effort collectif en faveur du respect des droits de l’homme. Les consultations prennent des formes diverses, allant de la réunion ad hoc à la mise en place de processus institutionnalisés.


Exemples :

Droits des personnes handicapées

—       A Odessa (Ukraine), dans les années 1990, après la création d’une ONG de défense des personnes handicapées à Odessa (OGOIN), plusieurs de ses membres ont été élus membres du Conseil municipal, ce qui a donné lieu à la création de la Commission de la ville pour les personnes handicapées – unique en Ukraine – et à l’adoption en 1991 du programme municipal intitulé « Egalité », qui est encore actif. Le programme a pour objectif principal d’améliorer les conditions de vie des personnes ayant des capacités physiques limitées et de leur garantir l’accès à différentes installations de l’infrastructure municipale (espaces publics, usage social ou logement), afin de créer un milieu sans barrières dans la ville. Les bénéficiaires du programme sont les personnes handicapées d’Odessa et leurs familles. Les représentants des organisations de défense des personnes handicapées sont régulièrement invités à assister aux séances de la Commission afin d’analyser les réussites et les échecs du programme et de rassembler des propositions pour de futures actions et créer une liste d’actions à développer par le biais du budget municipal. Le programme est financé par le budget municipal. Malgré la persistance de difficultés, comme le manque de transparence dans l’usage des financements, Odessa est la seule ville ukrainienne à avoir une commission politique spécifique sur les questions intéressant les personnes handicapées et à offrir les meilleures conditions de vie parmi les villes ukrainiennes.

—       Au Luxembourg, le plan d’action destiné à la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées propose la création d’un congé exceptionnel appelé « Congé Handicap » pour les personnes handicapées qui, en l’état, ont tendance à sacrifier leurs jours de congé légaux pour pouvoir exercer une activité de conseiller au niveau local (dans le secteur public ou privé), et qui bénéficieraient ainsi un congé spécial pour ces activités.

Les droits des migrants

—       En Grèce, la loi encadrant les gouvernements locaux (loi 3852/2010, article 78) prévoit la mise en place dans chaque municipalité d’un Conseil pour l’intégration des immigrés. Ces conseils ont un rôle consultatif qui consiste à favoriser l’intégration des migrants dans les sociétés locales. Ils sont chargés d’identifier les problèmes rencontrés par les migrants, de les analyser et d’en rendre compte aux conseils municipaux. Ces conseils sont composés de 5 à 11 membres, issus des conseils municipaux ou représentants des institutions travaillant auprès des migrants. Les étrangers élus aux fonctions de conseillers municipaux sont automatiquement nommés au sein de ces conseils.

Les droits des personnes appartenant à des minorités

—       En République tchèque, la stratégie globale vis-à-vis des minorités inclut la désignation, par le Ministère de l’intérieur, d’assistants chargés de la prévention des crimes. Il s’agit de personnes d’origine rom qui ont intégré le service de la police municipale pour aider à l’amélioration des relations entre la minorité Rom et les autorités.

Les droits des personnes âgées

—       Le plan d’action national de Finlande (2012-2013) prévoit la mise en place de conseils des séniors pour contrôler et influencer la gestion des communes.

F.         La sensibilisation par l’organisation d’événements ponctuels ou de campagnes

L’organisation d’événements ponctuels ou de campagnes sont les initiatives de sensibilisation les plus courantes des autorités locales. Certains événements se sont institutionnalisés, comme la Semaine européenne de la démocratie locale (SEDL), une initiative lancée en octobre 2007 par le Conseil de l’Europe et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et renouvelée chaque année depuis lors. Bien que cet événement ne porte pas exclusivement sur les droits de l’homme, l’un de ses objectifs est de développer les connaissances des citoyens européens sur le rôle du Conseil de l’Europe, et en particulier du Congrès, pour renforcer la démocratie locale et le respect des droits de l’homme en Europe. Grâce à cette manifestation, des autorités locales ont été encouragées à organiser des événements sur les droits de l’homme et se sont donc investies dans ce domaine. Le thème principal de la Semaine européenne de la démocratie locale en 2011 était : « Les droits de l’homme au niveau local ».

Dans certains pays, les institutions locales ont été chargées d’organiser des activités de sensibilisation.


Exemples :

—       En République tchèque, le Conseil gouvernemental chargé de la minorité rom (un organe consultatif placé auprès du gouvernement) encourage les autorités locales et régionales à promouvoir les droits de l’homme à travers les initiatives de ses comités locaux, qui organisent des conférences ou des séminaires. Sur le plan régional, des coordinateurs régionaux travaillent avec des conseillers chargés des questions rom pour promouvoir les droits de l’homme et l’égalité de traitement et lutter contre la discrimination en organisant des formations et des séminaires pour ces conseillers, mais aussi pour des travailleurs sociaux, des médiateurs travaillant dans les secteurs de l’école, de l’emploi ou de la santé.

—       Au Royaume-Uni, plusieurs initiatives telles que des festivals et d’autres types de manifestations, ont été organisées par l’Autorité du Grand Londres (Greater London Authority – GLA), l’autorité de coordination des domaines des services de police, du transport, de la gestion des incendies et de la planification stratégique, pour valoriser la diversité ethnique et le caractère cosmopolite de la ville, en impliquant des participants de divers pays comme la Russie, la Chine et l’Inde dans le cadre des relations économiques diverses qu’ils entretiennent avec la ville. Ces événements s’inscrivent dans le cadre de la politique d’égalité de l’Autorité du Grand Londres, qui a pour but de lutter contre l’exclusion culturelle, sociale et économique touchant les minorités et les femmes de Londres, avec une forte dimension transversale[11].

G.        Echanges de bonnes pratiques

L’échange de bonnes pratiques offre une occasion unique de renforcer la sensibilisation sur les droits de l’homme entre les autorités locales et régionales. Cela leur permet d’être informées et inspirées sur les méthodes qu’elles peuvent utiliser pour continuer à mettre en œuvre les engagements internationaux de leur pays sur le plan local. Plusieurs initiatives ont pu être identifiées dans le cadre de cette étude, mais elles ne sont pas toutes issues des Etats membres du Conseil de l’Europe.


Exemples :

—       Les autorités locales sont regroupées au sein de réseaux mondiaux tels que le Réseau Mondial Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), une plateforme internationale qui représente et défend les intérêts des gouvernements locaux sur la scène mondiale et cherche à accroître la place et l’influence des villes dans la gouvernance mondiale. Ce réseau donne lieu à des occasions d’échanges d’expériences. Un Observatoire des villes inclusives a été mis en place par la Commission Inclusion Sociale, Démocratie Participative et Droits Humains du CGLU pour contribuer à l’émergence d’un discours commun aux villes du CGLU sur les questions liées à l’inclusion sociale, à la démocratie participative et aux droits de l’homme, afin de guider les gouvernements locaux lorsqu’ils élaborent leurs politiques dans ces domaines. L’Observatoire, qui regroupe 60 études de cas rassemblées à ce jour, favorise l’échange d’expériences et l’apprentissage entre pairs issus de diverses villes à travers le monde.

—       Une initiative menée par Amnesty International – Belgique a permis de recueillir 40 bonnes pratiques dans le monde sur la mise en œuvre de la Charte-Agenda mondiale pour les droits de l’homme dans la cité. Ce recueil a été publié en 2010 dans un rapport intitulé Les droits humains au cœur de la cité, Guide de bonnes pratiques d’ici et d’ailleurs pour les responsables des collectivités locales et les associations citoyennes .

—       Le Forum Mondial des Droits de l’Homme en France est lui aussi un lieu de rencontres pour les autorités locales et régionales et d’échanges sur leurs pratiques dans le domaine des droits de l’homme. Il est organisé chaque année par le Secrétariat international permanent des droits de l’homme et gouvernements locaux (SPIDH), une association française établie en 2007. Elle contribue à renforcer et à développer les réseaux mondiaux d’acteurs dans le domaine des droits de l’homme, en particulier au niveau local, en coopération avec la société civile et les gouvernements locaux.


Conclusion

La promotion et la protection des normes relatives aux droits de l’homme au niveau local fait l’objet d’un intérêt accru. Les communautés locales deviennent de plus en plus diverses et les pouvoirs locaux sont confrontés à des difficultés sociales, économiques et culturelles croissantes qu’il n’est pas facile de surmonter, surtout lorsque les ressources sont limitées. Dans ces conditions, il est important que la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale bénéficie de l’attention qu’elle mérite dans le cadre de la répartition des ressources, de la mise en œuvre des politiques et de la gestion des services. Même si l’on ne peut exclure que des violations des droits fondamentaux soient commises et identifiées aux niveaux local et régional, différentes solutions et mesures pourraient être adoptées afin de permettre aux collectivités territoriales de remplir leur mission en s’acquittant pleinement de leur obligation de respecter et promouvoir les droits de l’homme.

Les exemples donnés dans ce rapport montrent la diversité des situations et des solutions. Beaucoup sont communes à plusieurs Etats, d’autres traduisent une approche singulière. Mais toutes méritent d’être mentionnées et examinées car elles peuvent aider les gouvernements centraux et les collectivités locales à élaborer et à mettre en œuvre des propositions politiques visant à renforcer la sensibilisation à la dimension droits de l'homme de la gouvernance locale et régionale.

Le CDLR est reconnaissant à ses membres, au Congrès, à l’Assemblée parlementaire, à la Conférence des OING et aux divers organes du Conseil de l’Europe qui ont contribué au présent rapport en donnant de nombreux exemples et en s’engageant à faire de la bonne gouvernance démocratique au niveau local une réalité.



[1]         MM. Auke van der Goot et Paul-Henri Philips.

[2] Vingt-deux Etats membres ont répondu : Allemagne, Arménie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Norvège, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Suède et Suisse.

[3] D’autres souces d’informations incluent:

- des rapports périodiques des Etats aux instances de monitoring des Nations Unies ;

- Documents de Global Network of Cities, Collectivités locales et régionales (UCLG) et de son comité sur “Insertion sociale, démocratie participative et droits de l’homme”, en particulier la Charte-Agenda Mondiale des Droits de l’Homme dans la Cité ;

- Documents de UN-Habitat et du Comité des Régions de l’Union Européenne ;

- Rapports de l’Inclusive Cities Observatory établis par UCLG;

- Les droits humains au cœur de la cité, Guide de bonnes pratiques d’ici et d’ailleurs pour les responsables des collectivités locales et les associations citoyennes, une collection de 40 bonnes pratiques rassemblées par Amnesty International Belgique.

[4] La plupart des notes de bas de page ont été omises afin de rendre ce document aussi lisible que possible. Cependant, les références détaillées concernant les situations, la jurisprudence et les conclusions évoquées dans ce rapport peuvent être consultées dans l’étude, disponible sur le site à l'adresse suivante : www.coe.int/local

 

[5]Voir annexe III of Droits de l’homme au niveau local, ref. MCL-17(2011)11

[6] Seul 3 réponses positives parmi les 26 réponses reçues

[7] Pour une analyse des aspects juridiques et institutionnels de la question des droits de l’homme au niveau local, voir Droits de l’homme au niveau local, rapport préparé par M. Auke van der Goot (Pays-Bas), Rapporteur, à l’occasion de la Conférence du Conseil de l’Europe des Ministres responsables des collectivités locales et régionales, 17e Session, Kyiv, 3 - 4 novembre 2011, MCL-17(2011)11.

[8] Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme, Recommandation sur les activités systématiques de mise en œuvre des droits de l’homme au niveau national, CommDH(2009)3, Strasbourg, 18 février 2009, par. 7.3.

[9] Voir par exemple Recommandation 280(2010) du Congrès

[11] Cette étude de cas est l’une des 60 réalisées par l’Observatoire Villes Inclusives, cité plus haut. Le document complet peut être consulté sur la page suivante : http://www.uclg-cisdp.org/sites/default/files/London_2010_fr_final_0.pdf