Strasbourg, le 1er octobre 2010                                                               CDLR(2010)28

Point 4.4.3.2 de l’ordre du jour

                                                                                                                           

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE LOCALE ET REGIONALE (CDLR)

PREPARATION DE LA CONFERENCE SUR LA SUPPRESSION

DES OBSTACLES ET LA PROMOTION DE BONNES PRATIQUES

SUR LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE

Pour instruction

Note du Secrétariat

établie par la

Direction générale de la démocratie et des affaires politiques

Direction des institutions démocratiques


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Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire.


Introduction

Lors de la 16e session de leur conférence du Conseil de l'Europe, les Ministres européens responsables des collectivités locales et régionales, ayant examiné le rôle qui incombe aux gouvernements de lever les obstacles à la coopération transfrontalière, ont convenu de dresser un inventaire des obstacles pratiques et juridiques à la coopération transfrontalière au niveau national, en utilisant les Recommandations Rec (2005) 2 et 3 du Comité des Ministres en tant que lignes directrices[1], et de faire rapport par l'intermédiaire du CDLR à la prochaine session de leur conférence.

A l'issue de la conférence, le président s’est dit satisfait de l'adoption de la Déclaration d'Utrecht et de son chapitre I. B sur la coopération transfrontalière, et a proposé qu'une conférence internationale ait lieu en 2010 pour échanger les vues sur les expériences menées aux niveaux national et européen afin d’identifier et de réduire les obstacles ainsi que de promouvoir les meilleures pratiques en matière de coopération transfrontalière. Cette proposition a été accueillie favorablement par les Ministres.

A l'occasion de la réunion du LR-IC qui s’est tenue du 30 mai au 1er juin 2010, la délégation néerlandaise a distribué un document qui met en lumière les questions relatives à la coopération transfrontalière et soumet des propositions initiales pour la conférence (document LR-IC(2010)Inf). Le Comité a relevé qu’il n’était guère possible d’organiser la conférence en 2010 et a accepté la proposition de l’organiser en commun avec la Hongrie, dans le cadre de la présidence hongroise du Conseil des ministres de l'Union européenne lors du premier semestre de 2011.

Un groupe de travail a été établi et chargé de présenter des propositions sur le thème, les modalités et les objectifs de la conférence. Sur la base des consultations écrites, les observations et propositions figurant à l'annexe 1 au présent document sont soumises au CDLR pour examen.

Action requise

Les membres du CDLR sont invités à engager une discussion sur les propositions figurant à l’annexe 1 et à se mettre d’accord sur les prochaines mesures à prendre en vue d’organiser la Conférence en 2011.


Annexe 1

Premières considérations et propositions concernant la conférence sur la suppression des obstacles à la coopération transfrontalière

(premier semestre 2011)

préparé par le groupe de travail établi par le LR-IC[2]

La conférence

L'objet de la conférence est de discuter et de faciliter l'accès à de bonnes pratiques lors de la gestion des domaines d’action au niveau transfrontalier.

La méthode consiste à trouver et à diffuser des solutions aux problèmes auxquels les populations vivant dans les zones frontalières sont confrontés : mobilité et transports, soins de santé, éducation et formation, accès au marché du travail, etc.

L'objectif est de promouvoir une action qui fasse des zones frontalières – où vivent de nombreux citoyens européens – des endroits dans lesquels il est agréable de vivre et de travailler.

L’approche

Il est suggéré d’adopter une approche thématique. Le CDLR a travaillé à ce jour – et on pourrait même dire, suffisamment travaillé – sur la dimension institutionnelle de la coopération transfrontalière, dans le but de faciliter la coopération des autorités ou communautés territoriales, qu'il s’agisse de régions, de provinces ou de municipalités. Ce travail avait pour but principal de lever ou de réduire de manière significative les obstacles juridiques, administratifs et techniques à la coopération transfrontalière entre collectivités locales et régionales, dans leurs domaines respectifs de compétence. La Convention de Madrid et ses trois protocoles en témoignent.

Il convient aujourd’hui de lever les obstacles tels que perçus par les citoyens qui vivent dans les zones frontalières. Les citoyens ont-ils un accès égal aux services publics des deux côtés de la frontière? Est-ce que les différences (légitimes) en matière de législation, règlements et pratiques rendent difficile, excessivement coûteux ou long, l'accès à la zone proche et à ses services ?

Répondre à ces questions revient à poser les questions suivantes : la proximité des zones frontalières est-elle considérée (par ceux qui aménagent le territoire ? par les responsables politiques ? par les citoyens ?) comme un seul espace ? En d'autres termes, la zone frontalière est-elle « administrée » comme un espace unique ?

Il est donc possible de s’interroger sur la « gouvernance transfrontalière » et d’y apporter des réponses.

 


Les thèmes

L'approche thématique exige que soient identifiés assez tôt certains sujets à étudier. Les exemples donnés ci-dessus – soins de santé et accès aux services de santé, transport local et mobilité transfrontalière, éducation et formation, accès au marché du travail – ne sont guère exclusifs et d'autres domaines peuvent s’y ajouter.

La « gouvernance transfrontalière » devrait également être envisagée comme thème transversal.

La conférence devrait aussi voir si les instruments juridiques existants au niveau européen – de la Convention de Madrid et ses protocoles, notamment le Protocole n° 3 au règlement (CE) 1082/2006  – offrent de manière adéquate les solutions novatrices qui s’imposent au niveau transfrontalier, et faire des suggestions, le cas échéant.

Ainsi, la conférence pourrait constituer une source d'inspiration tant pour réviser le règlement 1082/2006 que pour les annexes au Protocole n° 3 de la Convention de Madrid. 

Enfin, comme proposé lors de la réunion d’Esztergom (6-7 mai 2010) sur la coopération transfrontalière, la conférence devrait permettre d’identifier et discuter les bonnes pratiques et les institutions qui réussissent à éliminer les obstacles rencontrés par les collectivités locales et régionales.

L’organisation

La conférence devrait se dérouler avec pragmatisme et être axée sur l’action. Une fois les thèmes choisis, on pourrait démarrer le travail préparatoire de collecte de nombreux exemples de questions accompagnées de leurs réponses. Le but est de permettre des échanges d'expériences et d'informations et l'adoption possible, par les décideurs dans une zone ou dans un pays frontalier donné, de solutions qui se sont avérées positives dans une autre zone ou dans un autre pays.

Les Etats membres devraient être invités à fournir des informations sur la base d'un questionnaire. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pourrait grandement faciliter la participation des autorités locales dans l'identification des bonnes (et moins bonnes) expériences.

Il convient de demander au LR-IC d’élaborer le questionnaire, en utilisant comme référence les deux recommandations précitées du Comité des Ministres. Un projet de questionnaire pourrait être établi par le groupe de travail.

La conférence pourrait être organisée autour d’ateliers thématiques (éventuellement tenus en parallèle) avec des sessions ouvertes avec des questions transversales.


Date et lieu

La conférence pourrait être organisée en Hongrie, dans le cadre des événements à organiser dans le cadre de la présidence de l’UE. Elle devrait durer un jour et demi. Dans l’idéal, la conférence devrait se tenir au cours du deuxième trimestre de 2011.

Cette conférence étant une étape vers la mise en œuvre de la décision prise lors de la conférence d'Utrecht de procéder à un examen des obstacles à la coopération transfrontalière et d’en rendre compte à la session de Kiev, les conclusions de la conférence devraient être portés – via le CDLR – à l'attention des Ministres eux-mêmes pour action.

Participants

En plus des Etats membres et du Congrès, il convient d’inviter l'Assemblée parlementaire, les associations européennes des collectivités locales (CCRE, ARE, ARFE, CRPMR, etc. ), l’Union Benelux, le Comité des régions et la Commission européenne. 

Les prochaines étapes

Lorsque le CDLR aura examiné les propositions ci-dessus et fixé le thème et la structure de la conférence, le groupe de travail, avec le concours du Secrétariat,  préparera une proposition détaillée en vue d’identifier les thèmes, établir les documents de travail, identifier les rapporteurs, etc. La Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) de la France devrait être associée à ce travail, vu sa grande expérience. 


Annexe 2

CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2005)2

du Comité des Ministres aux Etats membres

relative aux bonnes pratiques et à la réduction des obstacles en matière de coopération transfrontalière et interterritoriale des collectivités ou autorités territoriales

(adoptée par le Comité des Ministres le 19 janvier 2005,

lors de la 912e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Vu la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, signée à Madrid le 21 mai 1980 (« Convention de Madrid »), son Protocole additionnel du 9 novembre 1995 et son Protocole no 2 du 5 mai 1998, relatif à la coopération interterritoriale ;

Ayant à l’esprit la Déclaration du Comité des Ministres du 6 octobre 1989 sur la coopération transfrontalière en Europe, adoptée à l’occasion du 40e anniversaire du Conseil de l’Europe, qui encourageait la poursuite de l’action en vue de lever progressivement les obstacles d’ordre administratif, juridique, politique et psychologique qui pourraient freiner le développement des projets transfrontaliers ;

Ayant à l’esprit la Déclaration de Vilnius sur la coopération régionale et la consolidation de la stabilité démocratique dans la Grande Europe, adoptée par le Comité des Ministres le 3 mai 2002 ;

Ayant à l’esprit la Déclaration politique de Chişinău sur la coopération transfrontalière et interterritoriale entre Etats dans l’Europe du Sud-Est, adoptée par le Comité des Ministres le 6 novembre 2003 ;

Rappelant que la coopération des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, développée notamment dans le cadre de la Convention de Madrid, représente une composante essentielle des relations de bon voisinage entre les Etats membres et qu’elle est de nature à contribuer à l’affermissement de la démocratie et à la stabilité démocratique en Europe ;

Ayant pris connaissance, notamment dans le cadre des rapports annuels du Comité de Conseillers pour le développement de la coopération transfrontalière en Europe centrale et orientale, de nombreux exemples de bonnes pratiques de coopération transfrontalière entre les Etats membres et leurs collectivités ou autorités territoriales ;

Vu les travaux du Comité d’experts sur la coopération transfrontalière ayant permis d’identifier un certain nombre d’obstacles d’ordre juridique, administratif, économique ou pratique affectant la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ;

Convaincu que la généralisation des bonnes pratiques et la levée des obstacles peuvent faciliter la ratification de la Convention de Madrid et de ses protocoles par les Etats qui ne l’ont pas encore fait et permettre de donner pleinement effet aux dispositions de la convention et de ses protocoles pour les Etats qui y sont parties ;

Estimant que la suppression des obstacles constatés à la coopération transfrontalière et interterritoriale peut également faciliter, le moment venu, l’élaboration de nouveaux instruments juridiques ou la conclusion d’accords interétatiques, compte tenu de l’évolution de la coopération transfrontalière et interterritoriale,

Recommande aux gouvernements des Etats membres :

1.         d’établir un cadre juridique approprié à l’exercice des activités de coopération transfrontalière et/ou interterritoriale par les collectivités ou autorités territoriales, et conforme aux principes de la Convention de Madrid et de ses Protocoles ;

2.         d’examiner la possibilité de devenir parties à la Convention et à ses Protocoles ;

3.         de prendre, au besoin en les adaptant aux situations particulières rencontrées, les mesures figurant dans l’annexe à la présente recommandation pour améliorer la coopération transfrontalière et interterritoriale, et pour réduire les obstacles rencontrés par leurs collectivités ou autorités territoriales dans leurs activités de coopération transfrontalière et/ou interterritoriale ;

4.         d’associer les collectivités ou autorités territoriales, dans la mesure où elles disposent des compétences appropriées en droit interne, à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures énoncées dans l’Annexe à la présente Recommandation ;

5.         de poursuivre, au sein du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR) et du Comité d’experts sur la coopération transfrontalière (LR-CT), leur dialogue et leur coopération en vue du renforcement du cadre juridique et des modalités pratiques de la coopération transfrontalière et/ou interterritoriale.


Annexe à la Recommandation Rec(2005)2

Ces mesures ou « bonnes pratiques » sont destinées aux autorités centrales, dans la mesure où celles-ci sont responsables de la définition du cadre juridique et du contrôle de l’activité des collectivités ou autorités territoriales. Dans certains Etats fédéraux, ces compétences appartiennent aux entités fédérées. Dans ce cas de figure, ces mesures leur sont adressées. Les autorités centrales sont invitées à porter ces mesures à leur attention.

A.      Mesures relatives au cadre juridique de la coopération transfrontalière et interterritoriale

1.         Etablir un cadre juridique approprié à l’exercice des activités de coopération transfrontalière et interterritoriale par les collectivités ou autorités territoriales :

-           par un dispositif législatif compatible avec la Convention de Madrid, attribuant aux collectivités ou autorités territoriales les compétences requises, notamment celle de conclure – dans les limites clairement définies de la loi – des arrangements de coopération transfrontalière, ainsi que les moyens adéquats, notamment financiers, pour mener des activités de coopération transfrontalière ;

-           par des accords bilatéraux et/ou multilatéraux interétatiques instaurant une compétence générale à mener des activités transfrontalières et interterritoriales ou une compétence sectorielle, par exemple dans les domaines de la santé ou de la protection civile.

2.         Créer la base juridique nécessaire à la ratification de la Convention de Madrid et de ses Protocoles, et à leur mise en œuvre effective.

3.         Consulter les collectivités ou autorités territoriales et les informer du déroulement du processus de ratification de la Convention de Madrid et de ses Protocoles.

4.         Publier, de préférence avec la loi ou le décret de ratification, l’intégralité de la Convention de Madrid, annexes comprises.

5.         Négocier et conclure sans délais des accords bilatéraux et/ou multilatéraux si la mise en œuvre de la Convention de Madrid est subordonnée à de tels accords.

6.         Examiner périodiquement les réserves et déclarations formulées lors de la ratification de la Convention de Madrid afin de déterminer si les raisons qui ont justifié la formulation de réserves et déclarations perdurent, en procédant notamment à des échanges de vues réguliers au sein du Conseil de l’Europe, et adopter par la suite les mesures législatives et autres permettant le retrait de ces réserves et déclarations.

7.         Prévoir le contrôle de légalité, de préférence a posteriori, des arrangements de coopération transfrontalière conclus par les collectivités ou autorités territoriales.

8.         Dans la mesure où la Constitution nationale le permet, reconnaître aux décisions prises dans le cadre d’un arrangement de coopération transfrontalière la même valeur juridique et les mêmes effets que ceux qui se rattachent aux actes des collectivités ou autorités territoriales dans l’ordre juridique interne.


9.         Permettre aux formes institutionnalisées de coopération transfrontalière et interterritoriale d’accéder à la personnalité juridique ou, selon les cas, leur en faciliter l’accès, de manière qu’elles disposent d’un pouvoir de décision et puissent recevoir et gérer des financements.

10.       Examiner si la législation a un impact sur les régions frontalières et engager, le cas échéant, les consultations appropriées.

B.        Mesures relatives à l’information, à la formation et au dialogue institutionnel

1.         Organiser régulièrement et/ou institutionnaliser des consultations avec les autorités compétentes des Etats voisins sur les questions d’intérêt commun, en vue de déterminer ensemble les solutions à adopter, identifier les obstacles juridiques et pratiques à la coopération transfrontalière et interterritoriale, et prendre les mesures appropriées pour y remédier.

2.         Assurer ou améliorer, selon les cas, l’information des collectivités ou autorités territoriales sur les actions et les politiques de l’Etat présentant de l’intérêt pour les collectivités ou autorités territoriales frontalières, ainsi que sur les opportunités qui s’offrent à elles.

3.         Sans préjudice des procédures et instances de consultation ou de dialogue institutionnel déjà existantes avec les collectivités ou autorités territoriales frontalières, établir ou maintenir une consultation régulière entre les différents niveaux de l’administration, en vue de recenser les questions d’intérêt commun et de définir leurs responsabilités respectives et les moyens d’y faire face dans l’intérêt de la population locale.

4.         Créer une structure de concertation entre le pouvoir central et les acteurs locaux de la coopération transfrontalière, afin de déterminer leurs besoins et de les informer des développements nouveaux intervenus aux niveaux national et européen ou international, dans le domaine de la coopération transfrontalière.

5.         Encourager et, si nécessaire, soutenir l’établissement, au niveau des collectivités ou autorités territoriales, des structures de coopération transfrontalière et interterritoriale afin d’échanger des informations, de planifier et de mettre en œuvre des mesures communes, et de veiller à ce que les questions soulevées par une partie ne demeurent pas sans réponse de la part d’une autre partie.

6.         Développer l’offre de formations en tout genre, y compris linguistiques, à l’intention des acteurs locaux de la coopération transfrontalière et interterritoriale, et en particulier du personnel des collectivités ou autorités territoriales, le cas échéant en collaboration avec les associations des collectivités territoriales.


C.        Mesures concernant le développement transfrontalier

1.         Mettre en place les procédures et organes capables d’assister les collectivités ou autorités territoriales dans la planification, l’élaboration et la mise en œuvre des projets mais également pour soumettre ces projets, en vue de leur financement, aux institutions et organismes nationaux et internationaux compétents.

2.         Dans le cadre de leurs politiques budgétaires et eu égard aux dispositions pertinentes de la Charte européenne de l’autonomie locale, adapter les capacités budgétaires des collectivités ou autorités territoriales à leurs besoins, afin de rendre optimale l’efficacité de leurs activités transfrontalières.

3.         Soutenir financièrement, au niveau central, les programmes et les projets de coopération transfrontalière et interterritoriale.

4.         Elaborer et adopter une politique de franchissement des frontières qui n’empêche pas la coopération transfrontalière et interterritoriale, par exemple en instaurant des postes frontière réservés aux frontaliers ou en fournissant gratuitement, ou à peu de frais, des visas à entrées multiples pour les frontaliers, dans le respect des dispositions nationales et internationales pertinentes.


Annexe 3

CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES

Recommandation Rec(2005)3

du Comité des Ministres aux Etats membres

relative à l’enseignement des langues du voisin en région frontalière

(adoptée par le Comité des Ministres le 2 février 2005,

lors de la 913e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Vu la Déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe adoptée à Vienne le 9 octobre 1993, où il est souligné que : « La création d'une Europe tolérante et prospère ne dépend pas seulement de la coopération entre les Etats. Elle se fonde aussi sur une coopération transfrontalière entre collectivités locales et régionales, respectueuse de la constitution et de l'intégrité territoriale de chaque Etat » ;

Vu la Déclaration du Comité des Ministres sur la coopération transfrontalière en Europe, adoptée le 6 octobre 1989, à l'occasion du 40e anniversaire du Conseil de l'Europe ;

Vu la Convention culturelle européenne, ouverte à la signature le 19 décembre 1954 ;

Vu la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ouverte à la signature le 21 mai 1980, son Protocole additionnel du 9 novembre 1995 et son Protocole n° 2 du 5 mai 1998 ;

Vu la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ouverte à la signature le 5 novembre 1992, et en particulier l’article 14 de ladite Charte ; 

Se référant à la Recommandation n° R (98) 6 du Comité des Ministres concernant les langues vivantes, adoptée le 17 mars 1998 ;

Vu la Résolution 165 (1985) de la Conférence des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe sur la coopération entre les régions frontalières européennes qui appelle notamment à la rédaction d’un accord-modèle de coopération transfrontalière dans le domaine de la culture ;

Vu la Résolution 259 (1994) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur les autorités et collectivités territoriales et la coopération scolaire transnationale et transfrontalière ;

Estimant que les relations de bon voisinage sont les fondements sur lesquels doit s'édifier une Europe plus libre et plus tolérante, essentielle à la consolidation de la stabilité démocratique ;

Ayant constaté que, dans beaucoup de régions frontalières, la coopération transfrontalière de tous types se heurte à l’obstacle des différences linguistiques et culturelles ;


Ayant à l’esprit les bénéfices pour les Etats membres des réalisations du Conseil de l'Europe dans le domaine de l’enseignement des langues ;

Soulignant l’intérêt politique de développer des stratégies pour la diversification et l’intensification de l’apprentissage des langues en vue de promouvoir le plurilinguisme dans un contexte paneuropéen, de renforcer des liens et échanges, ou encore d’exploiter des technologies nouvelles de l’information et de la communication ;

Désireux de maintenir et d’approfondir la richesse et la diversité de la vie culturelle européenne par une plus grande connaissance mutuelle des langues nationales, minoritaires ou régionales ;

Conscient des riches expériences de coopération transfrontalière dans le domaine de l’éducation dans les régions frontalières et de leur valeur d’exemples de bonne pratique pour les approches linguistiques et culturelles qui visent à préparer les citoyens à l’Europe unie,

Recommande aux gouvernements des Etats membres:

a.         en développant leurs politiques linguistiques éducatives, de mettre en œuvre les principes d’une éducation plurilingue, en créant, en particulier, les conditions qui permettent aux établissements d’enseignement de tous les niveaux, situés dans les régions frontalières, de sauvegarder ou d’introduire le cas échéant l’enseignement et l’utilisation des langues des pays voisins ainsi que l’enseignement de leurs cultures, qui sont indissociables de l’enseignement des langues ;

b.         d’inciter les différents acteurs de la coopération transfrontalière, tels que les collectivités régionales et locales, les groupements transfrontaliers de coopération entre collectivités territoriales, les chambres de commerce, les syndicats, les employeurs et les autres acteurs concernés, à inclure les milieux éducatifs et linguistiques dans les projets de coopération transfrontalière qu’ils organisent ou préparent ;

c.         de rechercher, dans leur coopération avec le(s) pays voisin(s) dans le domaine de l’enseignement de la langue du voisin en région frontalière, la réciprocité linguistique, en donnant une place à leur propre langue nationale et aussi, le cas échéant, aux autres langues parlées dans les régions frontalières concernées, qu’elles soient de moindre diffusion, des langues régionales ou minoritaires ;

d.         de mettre en œuvre, par tous les moyens disponibles, les mesures énoncées à l’Annexe de la présente Recommandation ;

e.         de rechercher, dans ce domaine, la coopération avec les instances compétentes de l’Union européenne afin d’atteindre une synergie maximale.


Annexe à la Recommandation Rec(2005)3

Mesures à mettre en œuvre concernant l’enseignement et la promotion des langues du voisin en région frontalière

Les mesures recommandées sont destinées aux autorités centrales, dans la mesure où celles-ci sont responsables de la définition du cadre légal et du contrôle de l’activité des collectivités ou autorités territoriales. Dans certains Etats fédéraux, ces compétences appartiennent aux entités fédérées. Dans ce cas de figure, ces mesures leur sont adressées. Les autorités centrales sont invitées à porter ces mesures à leur attention.

A. Des éventuels mesures et principes généraux

i.          Désigner un service ou un département dans les ministères qui est l’interlocuteur pour le(s) ministère(s) du/des pays voisin(s), dans le domaine de la coopération en matière d’éducation et d’enseignement des langues du voisin en région frontalière, si cela n’existe pas déjà. Désigner ou créer un organisme national, s’il n’existe pas déjà, ou bien utiliser le service/département du ministère, pour rassembler et diffuser, au niveau national, les savoir-faire dans le domaine de l’enseignement des langues en région frontalière, et encourager cet organisme à coopérer au niveau européen avec d’autres organismes ayant le même rôle.

ii.         Contribuer à la création d’un réseau européen de ces organismes en vue d’échanger le savoir-faire dans le domaine de l’organisation et de la pédagogie, de créer une banque de données d’exemples de bonne pratique, de mener des projets communs et de développer un manuel pour l’organisation de l’enseignement des langues en région frontalière.

iii.        Amorcer ou continuer le dialogue avec le(s) pays voisin(s) pour échanger des informations sur leurs systèmes éducatifs respectifs et sur leurs politiques éducatives; entreprendre le développement de programmes ou politiques communs relatifs à l’enseignement des langues du voisin et à la coopération en matière d’éducation. Ces programmes devront permettre aux établissements d’enseignement de développer des relations transfrontalières durables, d’entamer des projets éducatifs visant l’acquisition des compétences requises pour vivre et travailler dans des régions transfrontalières, de multiplier les échanges et visites transfrontalières, et de développer du matériel didactique spécifique.

iv.        Inviter les services locaux et régionaux de l’éducation, tout en les soutenant dans ces démarches, à communiquer avec leurs homologues de l’autre côté de la frontière, à échanger savoir-faire et expérience, à coopérer ensemble et à surmonter les différences de structures administratives et éducatives.

v.         Si nécessaire, permettre l’inclusion dans les programmes des établissements d’enseignement en région frontalière de l’enseignement de la langue du voisin ainsi que des thèmes liés à l’histoire, à la géographie et à la culture du pays voisin, et développer les outils pédagogiques appropriés.

vi.        Gardant à l’esprit les opportunités offertes par les programmes européens existants, renforcer ou créer les conditions juridiques qui permettent la mobilité éducative dans la région frontalière (échanges d’élèves, d’étudiants, visites des pays voisins), en réduisant les procédures administratives au minimum, de sorte qu’elles ne freinent ni ne découragent cette mobilité.


vii.       Lever les obstacles juridiques et autres qui empêchent les enseignants qualifiés dans leurs pays d’exercer leur profession, en partie ou entièrement, dans une école partenaire de l’autre côté de la frontière, tout en gardant leurs propres statuts et droits professionnels.

viii.      Créer les conditions pour que les autorités compétentes et/ou les établissements d’enseignement puissent reconnaître officiellement les parties de scolarité ou d’études que des élèves ou des étudiants ont accomplies dans une école ou université partenaire de l’autre côté de la frontière.

ix.        Encourager les acteurs locaux et régionaux à promouvoir une prise de conscience, auprès du grand public, de l’importance et de la richesse de la connaissance de la langue, de la culture et de la société de la région voisine.

B. Mesures ciblées sur les acteurs dans les régions frontalières

i.          Faire connaître aux organismes compétents et aux établissements d’enseignement, les documents sur les politiques linguistiques éducatives, développés par la Division des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe à Strasbourg et les documents développés, dans le cadre du projet 1.1.4 (L’enseignement des langues du voisin en région frontalière) du Centre européen pour les langues vivantes du Conseil de l’Europe à Graz.

ii.         Encourager des formes souples et variées de l’enseignement des langues et cultures des pays voisins, qui profitent au maximum de la présence du pays voisin et des contacts directs avec celui-ci, pour permettre ainsi au plus grand nombre de vivre un apprentissage authentique et motivant, y compris des apprentissages autonomes (en « tandem » où les élèves des deux pays s’apprennent mutuellement les langues), des cours raccourcis/intensifs, des séjours individuels prolongés dans un établissement de l’autre côté de la frontière, des formations bilingues (immersion proposée par des enseignants provenant du pays voisin), des utilisations des technologies de l’information et de la communication prolongeant et renforçant les contacts et échanges directs avec le pays voisin.

iii.        Inciter les établissements d’enseignement à créer des partenariats durables où ceux-ci puissent profiter de l’infrastructure, de l’outillage et des capacités humaines de l’établissement partenaire, tout en améliorant leur connaissance et leur appréciation de la culture et des particularités locales, de manière à favoriser une meilleure compréhension. Ces partenariats pourraient mener, par la suite, à l’adaptation ou à la création de formations dont les diplômes seraient reconnus dans les deux pays.

iv.        Encourager la reconnaissance et l’utilisation du « Portfolio européen des langues » tout en permettant la prise en compte des besoins spécifiques des régions frontalières, en vue de la cohérence et de la transparence de l’évaluation des compétences linguistiques et culturelles, ainsi que de la mobilité des citoyens.


B.1. Mesures ciblées sur l’enseignement supérieur et universitaire

i.          Encourager les universités et les instituts de recherche à analyser plus en profondeur la situation sociale, culturelle, économique et politique des régions frontalières partout en Europe et à étudier son impact éventuel sur l’enseignement et sur les phénomènes du bilinguisme, du biculturalisme et de l’identité transfrontalière. Inciter ces universités à créer un réseau de coopération scientifique.

ii.         Soutenir la formation des professeurs, notamment dans les régions frontalières, de manière à y inclure les langues et les cultures du pays voisin ainsi que la didactique des projets internationaux en région frontalière. La forme que revêtent ces parties du programme est de préférence une coopération avec un institut de formation de professeurs dans la région voisine. Ces instituts créeront la possibilité de stages dans le pays voisin. Ces mêmes contenus seront aussi proposés dans les programmes de formation continue des professeurs.

B.2. Mesures ciblées sur l’enseignement secondaire

i.          Favoriser toutes sortes de projets communs entre les établissements d’enseignement de tous niveaux et de tous types, où les langues du voisin sont le moyen de communication pour échanger des informations relatives à d’autres disciplines, pour travailler en groupes d’élèves mixtes à l’élaboration de documents et de produits concrets.

ii.         Inciter les écoles secondaires à introduire dans leur partenariat existant ou futur, l’orientation professionnelle à l’échelle transfrontalière, qui permette à l’élève de prendre connaissance et, si possible, de visiter des établissements d’enseignement où il puisse continuer ses études et qui lui permette aussi de s’orienter vers le monde du travail de l’autre côté de la frontière.

B.3. Mesures ciblées sur l’enseignement primaire et sur l'éducation préscolaire

i.          Créer les conditions pour organiser l’enseignement précoce des langues du voisin, dès le début de l'enseignement primaire, qui permette au jeune enfant de connaître et de vivre une autre culture, d’apprendre et d’utiliser ces langues dans un contexte de rencontre, de proximité et de vécu.

ii.         Encourager et soutenir l'apprentissage de la langue du voisin dès le plus jeune âge, dans le cadre préscolaire ou associatif.

B.4. Mesures ciblées sur l’enseignement aux adultes

i.          Aider les institutions vouées à la formation d’adultes à créer des pédagogies adaptées à leurs besoins et à leurs possibilités, comme des cours ciblés sur des compétences partielles, par exemple la compréhension à l’audition ou sur l’alternance modique (l’utilisation par un seul locuteur de deux langues).

ii.         Encourager les organismes chargés de, ou actifs dans la formation professionnelle des adultes, aux niveaux local et régional, comme les Chambres de commerce et d’industrie ou les associations professionnelles, à prendre des mesures pour inciter les cadres et les employés à participer à des formations de langue et de culture du pays voisin, afin d’augmenter la coopération professionnelle transfrontalière et de renforcer le poids économique de la région frontalière.


iii.        Inciter les collectivités locales et régionales à organiser des formations pour leurs fonctionnaires travaillant dans des domaines où la coopération transfrontalière est, ou sera sous peu, nécessaire, afin qu’ils développent des compétences linguistiques et interculturelles, des connaissances de la société et du domaine professionnel dans le pays voisin, ainsi qu’une motivation intrinsèque pour mener à bien la coopération transfrontalière et pour motiver leurs collègues à faire de même. En faire de même pour les fonctionnaires des administrations centrales et délocalisées de l'Etat, impliqués dans la coopération transfrontalière.

B.5. Mesures ciblées sur des acteurs socioculturels dans les régions frontalières

i.          Inciter les organismes concernés à coopérer avec les organismes homologues dans les régions voisines dans le domaine des études portant sur le marché de l’emploi et à préparer ensemble des stratégies et des programmes de formation.

ii.         Prendre des mesures qui permettent aux médias des pays voisins de diffuser leurs produits (presse écrite, émissions radio, programmes de télévision) également de l’autre côté de la frontière.

iii.        Promouvoir la coopération entre les médias des deux côtés d'une frontière commune (par exemple échanges et formation des journalistes, publication d'articles ou diffusion de programmes dans la langue du voisin).

iv.        Inciter les organismes comme les syndicats d’initiative ou les offices du tourisme à diffuser, dans la région voisine, les informations concernant les activités culturelles, sportives et autres, y compris les événements spécifiques pour les jeunes comme la musique et la danse.

v.         Promouvoir la coopération transfrontalière entre les organismes et les associations dans le domaine de la jeunesse, de la culture et des sports afin d’organiser des activités communes, profitant de leurs connaissances, infrastructures et moyens respectifs.



[1] Les Recommandations Rec (2005) 2 et 3 figurent aux Annexes 2 et 3.

[2] Suite à  la décision du LR-IC  lors de sa réunion de  mai 2010, le Bureau du CDLR s’entend lors de sa réunion du 5 juillet 2010 sur la composition ci-après : Mme Viktoria Zöld Nagy (HU), M. Tom Leeuwestein (NL), M. Edwin Lefebre (BE), Mme Manuela Gonzalez-Josué (ES), M. Fabrizio Taschetta (CH), M. Charles Ricq, et en tant que président du  LR-IC, M. Auke van der Goot.