Strasbourg, le 21 septembre 2009                                                       CDLR(2009)29

Point 5.2.1 de l’ordre du jour

                                                                                                                         

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE LOCALE ET REGIONALE

(CDLR)

L'IMPACT DU RALENTISSEMENT ECONOMIQUE

SUR LES COLLECTIVITES LOCALES

Note du Secrétariat

établie par la Direction générale de la

démocratie et des affaires politiques

Direction des institutions démocratiques


This document is public. It will not be distributed at the meeting. Please bring this copy.

Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire


Introduction

Le document en annexe a été préparé par une équipe réunie par le LGI (Initiative de l’Open Society Institute pour la réforme du service public et du gouvernement local) et le Conseil de l’Europe dans le cadre de leur collaboration existante et comme convenu par le CDLR lors de sa réunion en avril 2009. Il s’appuie sur les conclusions d’un rapport de fond établi (et qui va être finalisé prochainement) par un groupe éditorial composé de Kenneth Davey (Supervision et efficience), Katalin Tausz (Protection sociale), Boyan Zahariev (Efficience), Gabor Petery (Financement en capital) et Pawel Swianewicz (Réforme territoriale). Jorgen Lotz a apporté des commentaires précieux. Le groupe éditorial a pu bénéficier d'une grande aide de la part d’observateurs dans 27 pays, qui lui ont communiqué des données sur la performance financière des collectivités locales jusqu’au premier trimestre de 2009 et qui se sont exprimés sur la pertinence pour leur pays des options de politiques examinées plus loin dans ce document.

Le document joint devra faire l’objet d’un examen par le CDLR pour être soumis lors de la Conférence ministérielle afin de servir de base aux discussions en cours de la 16e session à Utrecht.

Il est également proposé que le rapport in extenso, actuellement en cours de finalisation, soit produit en anglais uniquement et mis à disposition de la Conférence ministérielle (seulement) en tant que document d’information.

Action requise

Les membres sont invités à examiner le présent document en vue de faire toute proposition de changement qui leur semblera appropriée pour qu'il soit transmis à la Conférence ministérielle.

Le Comité est invité à examiner le document et à l’approuver en tant que document pour la Conférence ministérielle, en y apportant tous les changements jugés appropriés.

Le Comité est en outre invité à accepter que le rapport in extenso soit mis à disposition de la Conférence ministérielle en tant que document d’information.


Annexe

L’IMPACT DE LA CRISE FINANCIÈRE SUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

EN EUROPE

INTRODUCTION

Les collectivités locales en Europe souffrent inévitablement de la crise économique qui sévit actuellement. Mais à quel point? Dans quelle mesure ses effets sont-ils amortis par les aides contre-cycliques accordées au plan national, voire retardés du fait du décalage dans le temps de certains modes d’imposition, et pour combien de temps? Et que peut-on faire, le cas échéant, pour atténuer l’impact de la crise sur les services publics que les collectivités locales assurent?

La présente analyse se propose d’aborder ces questions, qui seront examinées par la Conférence des ministres chargés des collectivités locales prévue à Utrecht en novembre prochain. Elle a été préparée par une équipe constituée sous l’égide du projet LGI (Local Government and Public Service Reform Initiative) de l’Open Society Institute (OSI) et du Conseil de l’Europe, dans le cadre de la collaboration que les deux institutions ont établie. Cette étude s’inspire du rapport compilé par un groupe éditorial composé de Kenneth Davey (Supervision et efficience), Katalin Tausz (Protection sociale), Boyan Zahariev (Efficience), Gabor Petery (Financement en capital) et Pawel Swianewicz (Réforme territoriale). Jorgen Lotz a apporté des commentaires précieux. L’équipe a amplement bénéficié du soutien des observateurs présents dans 27 pays, qui ont communiqué des informations sur la performance financière des collectivités locales jusqu’au premier semestre 2009 et se sont exprimés sur la pertinence des options stratégiques évoquées ci-après pour leur pays. Le rapport in extenso a été produit et sera diffusé en anglais uniquement.

LES EFFETS DE LA CRISE

La crise

La Banque mondiale anticipe une contraction de 3% de l’économie mondiale en 2009 et l’OCDE table sur un recul de 3,7% du PIB de ses États membres pour la même période. EUROSTAT enregistre en mars 2009 une chute de 4,5% dans l’Union européenne sur les douze derniers mois, les résultats étant radicalement différents d’un État membre à l’autre et variant dans une fourchette de – 18,6% en Lettonie à une modeste croissance de + 1,9% en Pologne.

Tout a commencé avec le retournement des marchés de l’immobilier en surchauffe, d’abord aux États-Unis à la fin de 2007, puis au Royaume-Uni et dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest, qui a fragilisé les banques qui avaient été trop généreuses dans l’attribution de prêts immobiliers ; là aussi, le phénomène a pris sa source aux États-Unis, la contagion gagnant ensuite très vite les banques européennes qui avaient investi sur les marchés des prêts immobiliers à risque (les sub-prime). Les trois premiers trimestres de 2008 ont été marqués par des faillites bancaires et mesures de sauvetage des autorités nationales. Quant aux banques qui n’ont pas fait faillite, elles ont été appelées à redoubler de prudence, ce qui les a conduites à réduire, voire à refuser, le soutien qu’elles accordaient précédemment aux entreprises sous forme de prêts pour les fonds de roulement, de lettres de crédit et de prêts à l’investissement.

La crise bancaire a frappé directement les collectivités locales de différentes façons:

L’effondrement des marchés de l’immobilier a eu des effets dévastateurs sur le secteur du BTP dans toute l’Europe (et sur l’emploi de nombreux travailleurs migrants envoyant des fonds dans leur pays d’origine). La contraction du crédit dans les banques commerciales n’a fait qu’amplifier les effets de la crise sur l’activité des entreprises, avec pour corollaires :

Dans ces conditions, les collectivités locales ont été inévitablement soumises, ou le seront tôt ou tard, à des contractions budgétaires résultant de la baisse des recettes et de la hausse du coût du service de la dette et des prestations d’aide sociale aux ménages victimes de la crise. Toutefois, le moment et l’ampleur de ces contractions sont fonction à la fois des procédures fiscales et des politiques nationales. Les forces en jeu sont discutées dans les paragraphes qui suivent.

Recettes courantes: impôts, taxes et redevances

L’impact de la crise sur les recettes ordinaires des collectivités locales a grandement varié selon :


L’analyse de l’OCDE concernant ses États membres aboutit aux constats suivants : les recettes issues de l’imposition sur la propriété (immobilière) ont le moins souffert des récessions économiques précédentes ; les recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques témoignent d’une vulnérabilité modérée ; les recettes de l’impôt sur le chiffre d’affaires sont plus sujettes aux aléas ; les bénéfices des entreprises sont la source de recettes la plus touchée. Ces faits corroborent ce que l’on peut logiquement attendre et l’expérience que l’on a de la récession actuelle va dans le même sens.

On aurait pu s’attendre à ce que la chute dramatique des valeurs de l’immobilier affecte les recettes de la fiscalité foncière locale, source de recettes locales la plus commune en Europe. Des chutes brutales ont été enregistrées dans les villes américaines (20% à Washington DC) où l’évaluation des biens est indexée automatiquement sur l’évolution des valeurs du marché. Toutefois, il n’en va pas de même dans les pays européens où les impôts fonciers reposent sur une formule de valorisation rarement actualisée, quand toutefois elle l’est. Cette pratique prive les collectivités d’une fiscalité dynamique en période faste, mais apporte une stabilité salutaire autant que bienvenue en période de récession économique. Au Royaume-Uni, les recettes des impôts fonciers prélevés sur l’immobilier résidentiel ont continué d’augmenter d’un milliard de livres par an au cours des quatre dernières années.

Cependant, en période de récession, les recettes de la fiscalité foncière sont exposées à des risques croissants de défaut de paiement et à des pressions de la part des propriétaires d’entreprises, qui réclament des exonérations et des réductions. La taxe sur les biens commerciaux au Royaume-Uni devrait diminuer légèrement en 2009-2010. En France, le Président Sarkozy a promis de supprimer la taxe professionnelle, qui est calculée sur la valeur locative des actifs de l’entreprise ; quant aux communes rurales de Pologne, elles ont accordé 32% en plus d’allégements individuels en 2009. En France comme au Royaume-Uni, les autorités compensent l’incapacité des contribuables à s’acquitter de l’impôt, ce qui constitue une subvention déguisée de plus en plus courante en ces temps ou lieux de désarroi économique. 

En revanche, les taxes locales sur les ventes de biens ont chuté instantanément et ce, de manière dramatique. D’un montant qui s’établissait avant à plus de 8 milliards d’euros par an en France, leur recul a porté un coup sérieux aux départements (qui doivent également faire face à des dépenses importantes en prestations d’aide sociale). En Bulgarie, les recettes fiscales prélevées sur la vente de biens durant les cinq premiers mois de 2009 se sont établies à 40% seulement de leur niveau de 2008 pour la même période. En Espagne, les recettes de 2008 étaient inférieures de 40% à celles de 2007.


Le droit des collectivités locales à une partie des recettes de l’imposition sur le revenu des personnes physiques est variable en Europe, de même que la méthode appliquée – qu’il s’agisse de partage des recettes avec l’État ou de surtaxe locale, de répartition en fonction de l’origine (lieu de résidence ou d’emploi) ou d’une clé de répartition. Cependant, quelle que soit la méthode appliquée, partout où ce droit existe, les recettes ainsi collectées sont de la plus haute importance pour les budgets locaux (70% des recettes locales totales en Ukraine, 50% en Estonie) et dynamiques (augmentation de 47% de ces recettes en Slovaquie durant les quatre années ayant précédé la crise). L’IRPP constitue également une source de recettes majeure pour les grandes collectivités locales des pays scandinaves et de la Suisse.

Il est évident que la hausse du chômage ampute les recettes de l’IRPP et les personnes qui ont encore un travail gagnent parfois moins, à cause d’une réduction de leurs horaires, de leurs primes, voire d’une baisse de leur salaire (de 15% pour les salariés du secteur public en Lettonie, hors enseignants et salariés les plus modestes). Certains pays ont également abaissé les barèmes d’imposition pour essayer de relancer la consommation (les tranches supérieures ont vu leur imposition ramenée de 40% à 32% en Pologne, tandis que les seuils de revenu imposable ont été relevés en Hongrie). La situation est plus dramatique en Ukraine, où l’IRPP va intégralement aux oblast (provinces), aux municipalités et aux districts (rayony), les recettes ont chuté l’an dernier de plus de 20% en termes réels en grande partie à cause d’arriérés de paiement des salaires.

Les taxes locales sur les bénéfices des sociétés ou sur le chiffre d’affaires sont distinctes et de nature idiosyncrasique, et souvent accusées de distorsion de concurrence sur un marché mondialisé. Elles sont également très vulnérables à toute récession économique. Les collectivités locales allemandes font état d’une diminution importante de la taxe locale prélevée sur les bénéfices des sociétés (Gewerbesteuer), mais il faudra du temps pour pouvoir la mesurer par les outils statistiques. De même, les effets de la récession sur la taxe sur les sociétés en Hongrie, prélevée rétrospectivement sur le chiffre d’affaires, seront surtout visibles en 2010. Néanmoins, les municipalités tchèques enregistrent déjà une baisse de 11,6% de leur part de la taxe sur les bénéfices des sociétés entre mars 2008 et mars 2009, tandis que les municipalités finlandaises prévoient pour 2009 une réduction de moitié de leur part de 22,3% sur cette même taxe. Les régions polonaises quant à elles ont perçu 15,7% en moins sur la part qui leur revient au premier semestre 2009. Le Portugal fait état d’une diminution de la surtaxe locale sur les bénéfices des sociétés. 

Les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée sont largement partagées avec les collectivités locales dans les pays du Sud-Est de l’Europe, à titre de compensation pour la suppression des taxes locales sur les ventes qui avaient cours dans l’ex-Yougoslavie. Le rendement de cette taxe est lié directement au volume et à la valeur de la production industrielle et du commerce et partant, il est hautement sensible à leur recul. Ces recettes constituent la moitié des recettes des collectivités locales de Bosnie et leur produit est d’ores et déjà en recul de 13,9% en mars 2009, sur les douze derniers mois. Une chute de 23% est prévue pour 2009 dans l’ex-République yougoslave de Macédoine.

Les effets de la crise sur les recettes des taxes, droits et redevances sont moins évidents car répartis entre les budgets des collectivités locales et leurs entreprises de services d’utilité publique. Les répondants font largement état d’une diminution des recettes sur les permis de construire et autres droits et taxes d’urbanisme, en particulier au Royaume-Uni. La Lettonie signale une diminution des taxes perçues sur l’approvisionnement en eau, l’assainissement, le chauffage et la collecte des ordures ménagères, tandis qu’en Ukraine, 60% seulement des ménages s’acquittent de leurs redevances sur les services d’utilité publique.


Recettes: transferts de l’État

L’analyse menée par l’OCDE sur les récessions précédentes indique que les transferts de l’État ont de tout temps été la source de recettes la plus volatile dans les budgets locaux. L’histoire se répète cette fois encore.

Les réponses des pouvoirs publics nationaux à la baisse des recettes des municipalités sont radicalement différentes. Les autorités albanaises, britanniques, danoises, finlandaises, norvégiennes, polonaises et suédoises ont compensé la baisse des recettes et l’augmentation des dépenses des collectivités locales en partie par des mesures contre-cycliques raisonnées, en partie par le jeu automatique des formules de péréquation. Les règles budgétaires au Danemark imposent que les dotations globales soient contre-cycliques. Les aides norvégiennes ont augmenté de 1,2 milliard de couronnes. Les autorités ukrainiennes ont ajouté 10% du produit de l’impôt sur les bénéfices des sociétés au fonds de péréquation. Enfin, le budget fédéral russe 2009 prévoit une augmentation de 36% des transferts aux collectivités régionales.

En revanche, la Bulgarie a réduit ses subventions aux services obligatoires (éducation, prestations sociales, santé, etc.) de 10% en 2009 et menace de porter cette réduction à 25% en 2010. La Serbie a réduit ses dotations de 15 milliards de dinars (soit 8,5% des recettes totales) en 2009. L’Estonie a réduit son fonds de péréquation de 23% en 2009 tandis que les dotations à l’éducation préscolaire et à la maintenance du réseau routier ont été supprimées en Lettonie. Les autorités irlandaises ont réduit leurs subventions globales de 9,6% en 2009. Les dotations globales de la Hongrie ont été amputées de 2% en 2009, mais le niveau des subventions directes effectivement versées à la fin mai 2009 était en baisse de 18% par rapport à mai 2008. Malgré une progression des financements de l’État fédéral, un certain nombre de régions russes ont réduit leurs aides de péréquation aux municipalités parce que le produit de l’impôt sur les bénéfices des sociétés a diminué. Dans un certain nombre de cas comme la Bulgarie et la Serbie, les accords de crédit stand-by passés avec le Fonds monétaire international (FMI) ont contraint les autorités à pratiquer ces coupes. 

Dépenses courantes

On a évoqué plus haut l’accroissement du coût du service de la dette, imputable aux faillites bancaires mais aussi au relèvement des taux d’intérêt bancaires et à la dévaluation des monnaies nationales vis-à-vis de l’euro, devise dans laquelle de nombreux prêts aux collectivités locales avaient été libellés. Le coût du service de la dette pour les collectivités locales serbes, par exemple, progressera de 26% en 2009. Cette charge pèse particulièrement sur les municipalités qui étaient déjà lourdement endettées avant la crise.

L’impact de l’augmentation des dépenses sociales sur les budgets municipaux est très variable en raison de différences entre les pays et les régions quant à la gravité de la crise, mais aussi du fait de la grande variabilité des compétences conférées aux collectivités locales en matière d’aide sociale. La durée de versement des allocations de chômage après un licenciement, qui diffère dans le temps l’ouverture des droits aux prestations sociales, constitue une autre variable à prendre en compte.

En principe, les États ou leurs caisses d’assurance sont compétents pour le versement des prestations de base telles que les allocations de chômage et les pensions de vieillesse et d’invalidité. Toutefois, selon les régimes mis en place, les collectivités locales de certains pays peuvent avoir à supporter des charges supplémentaires afférentes:


Les collectivités locales peuvent également administrer le versement des aides de l’État, sous réserve de leur remboursement.

Les dépenses d’aide sociale des collectivités locales polonaises ont progressé de 13% à la fin mars 2009 (20% dans les communes rurales), tandis qu’elles augmentaient à un rythme annuel de 67% pour les municipalités d’Estonie. Les collectivités locales slovaques ont dépensé 28,6% en plus pour l’aide sociale au cours du premier semestre 2009. La Croatie et la Russie font également état d’une augmentation des dépenses de prestations sociales, alors que les autorités locales britanniques et italiennes doivent faire face à une plus forte demande d’allocations logement et au problème des sans-abris. Étant donné le décalage dans le temps entre la récession et la montée du chômage (et entre la reprise économique et la relance de l’emploi), les dépenses d’aide sociale devraient augmenter encore en 2009, quoiqu’elles aient déjà atteint un pic dans les États baltes. Du fait d’une période de versement courte des allocations de chômage, on ne ressent pas encore pleinement les effets de la crise. 

Budgets d’investissement

En règle générale, les dépenses d’investissement des collectivités locales constituent une part importante de l’investissement public global, soit 55,6% dans l’UE en 2008. Or, la crise a provoqué un épuisement des sources de financement habituelles de ces investissements:

Néanmoins, les gouvernements ont réagi vigoureusement et massivement à cet aspect de la récession. L’accélération des dépenses d’équipement occupe une place de choix dans les mesures contre-cycliques adoptées, qui protègent l’emploi, en particulier dans le secteur du bâtiment fortement touché, et stimulent la consommation en général. 

En conséquence, les pouvoirs publics ont massivement mis des fonds supplémentaires à disposition pour des projets d’investissement des collectivités locales. Ainsi:


Des fonds comparables ont été mis en place au Portugal, en Espagne (8 milliards d’euros), en Suède et en Ukraine (financement de 371 projets portant sur des travaux de réparation dans des écoles, des hôpitaux, des stades, etc., pour un investissement global de 20 milliards de hryvnia).

Ces fonds présentent deux caractéristiques communes. D’une part, ils sont destinés à financer des projets prêts pour le «premier coup de pioche», c’est-à-dire susceptibles d’une réalisation immédiate. D’autre part, ils comportent fréquemment une forte dimension environnementale: économies d’énergie dans les édifices publics (et à l’occasion, dans les logements sociaux), remplacement des éclairages urbains (Pays-Bas), isolation des logements (Royaume-Uni).

Parallèlement aux initiatives déployées par les gouvernements nationaux, on observe une certaine accélération dans le décaissement des ressources des Fonds structurels de l’Union européenne dans les nouveaux États membres. Cette accélération a entraîné un assouplissement des règles de fonctionnement des Fonds: la durée d’utilisation des ressources a été portée de trois («n + 2») à quatre ans («n + 3») et les modalités de versement des avances ont été élargies. Cette évolution s’est vue facilitée par les initiatives prises dans certains pays comme la Bulgarie, l’Estonie et la Hongrie pour fournir des financements-relais aux municipalités confrontées à des coûts de préfinancement élevés ou à des dépenses non admissibles. En Hongrie, plus de 80% des aides au titre des Fonds structurels, financées sur le budget de l’UE pour la période 2007-2013, sont d’ores et déjà absorbées par des contrats de construction.

À certains égards, le relâchement brutal de la pression sur l’offre exercée par les banques sur les prêts se révèle bénéfique. Les flux de crédit bancaire aux collectivités locales sont désormais bien régulés dans la plupart des pays par des ratios d’endettement ou de service de la dette corrects et des procédures juridiques qui régissent la défaillance des pouvoirs locaux. Le financement bancaire à court terme des contreparties, du préfinancement et des charges non remboursables vient désormais appuyer une bonne partie de ce flux accéléré de financements communautaires.

Impact global

Les effets de la crise sur les budgets locaux ont été très spécifiques en fonction des pays et de leurs collectivités. La diminution des recettes et les règles imposant d’équilibrer les budgets rendent le phénomène de contraction quasi universel, mais son ampleur et le moment où il survient sont très divers. Les effets peuvent être altérés là où le gouvernement est à la fois soucieux et capable de soutenir le niveau des dépenses locales par des subventions, ou de faciliter le recours à l’emprunt dans le cadre d’une politique de relance. Les procédures fiscales peuvent également avoir un effet retardateur notable sur les effets de la crise. Sa soudaineté est une caractéristique commune, plusieurs pays ayant enregistré un recul de leurs recettes au premier trimestre ou semestre 2009, en dépit d’une augmentation de ces recettes jusqu’en 2008.


La crise a fait émerger plusieurs catégories de pays:

·         des pays comme les États baltes, où la récession s’est propagée rapidement au début de 2008 et où l’impact sur les finances locales s’est déjà fait durement sentir (l’Estonie anticipe une contraction de ses recettes locales de 16% en 2009 et la Lettonie, de 23%);

·         des pays comme les pays scandinaves, où les recettes ont diminué de manière importante, mais où l’augmentation des aides a un effet protecteur sur les budgets locaux;

·         des pays comme la Hongrie, où la récession est grave, mais où les procédures fiscales vont différer les pires effets de la crise sur les budgets locaux jusqu’à 2010, voire plus tard;

·         des pays comme la République tchèque et la Croatie, où les excédents d’exploitation des exercices précédents ont déjà permis d’éponger les pertes sur recettes, quoique au détriment des dépenses d’équipement;

·         des pays, notamment dans le sud-est de l’Europe, où la récession est arrivée plus tard que partout ailleurs. Le PIB de la Bulgarie, par exemple, n’a reculé qu’au premier trimestre 2009 en ayant continué de progresser de 6-7% au premier semestre 2008 : les recettes des collectivités locales ont augmenté en 2008 de 18% par rapport à 2007;

·         des pays, enfin, où les effets de la crise sont à la fois tardifs et légers. En Pologne, le PIB et les recettes locales ont continué de progresser au premier trimestre 2009 (respectivement de 1,9% et 4,7%), mais les dernières ont reculé de 0,4% au second trimestre. La Slovaquie connaît une situation tout à fait comparable.


RÉPONSES

La nécessité de réponses politiques

Les collectivités locales en Europe sont toutes plus ou moins confrontées à une crise financière, qui peut, dans certains pays, prendre la forme d’un simple ralentissement de la croissance, mais le plus souvent, il s’agit d’une contraction réelle. Cette crise a fait l’effet d’un choc, après une période de croissance soutenue.

La gravité de la crise est très variable et sa durée demeure une inconnue. La plupart des prévisionnistes tablent sur une lente reprise de la croissance vers la fin de 2009 ou en 2010, laquelle est déjà apparente en France et en Allemagne. Le taux et l’ampleur de cette reprise et la forme de sa courbe (en V, en U, voire en W) font l’objet d’intenses spéculations sans qu’aucun consensus n’émerge. D’aucuns s’accordent à dire, au vu de l’expérience passée, que la baisse du chômage, qui affecte les recettes et les dépenses des collectivités locales, viendra plus tard. Ainsi qu’il a été vu plus haut, la situation actuelle n’aura un impact sur les recettes de certaines collectivités locales que d’ici un an ou deux. L’inflation est à l’arrêt (taux zéro en mai 2009 d’après EUROSTAT) et les coûts de la construction diminuent généralement, mais la récente hausse du prix du pétrole accentue le risque de résurgence de l’inflation, avec ses effets sur les dépenses locales. À quelle échéance les budgets des collectivités locales vont-ils pouvoir bénéficier de cette reprise et dans quelle mesure : telles sont les questions pour l’instant sans réponse.

Qui plus est, la contraction des finances locales observée par l’OCDE non pas pendant, mais après les récessions précédentes, n’incite guère à l’optimisme. C’est lorsque la reprise économique est en cours que les pouvoirs publics cherchent à réduire leur endettement tout récemment gonflé en pratiquant des coupes claires dans les transferts et en incitant à des augmentations d’impôt par la même occasion. Pour ajouter aux tensions qui pèsent sur les budgets locaux, la plupart des pays européens sont confrontés aux conséquences à long terme du changement démographique et associent les collectivités locales à la prise en charge d’une population de plus en plus âgée (mais pas nécessairement malade). Il est prévu que le pourcentage de la population de plus de 60 ans dans le monde développé passera d’un niveau actuel de 22,5% à 35% d’ici 2050. Le FMI a calculé que l’impact de l’augmentation des dépenses de retraite, de santé et de prestations sociales sur les budgets publics sera neuf fois supérieur au coût du service de la dette supplémentaire encouru pendant la crise budgétaire actuelle. Sans compter que des mesures sérieuses pour ralentir le rythme du réchauffement planétaire viendront probablement ajouter aux difficultés.

Le désarroi économique et social pourrait aussi constituer une menace plus générale à l’ordre public avec ses effets propres sur les budgets publics, à tous les échelons de gouvernement. Inversement, la reprise exigera des investissements locaux dans les infrastructures, le développement des qualifications et des améliorations environnementales, qui seront déterminants pour la reprise de l’emploi et de l’activité économique au niveau local.

Aussi les pouvoirs publics nationaux et locaux ne doivent-ils pas assimiler les difficultés actuelles des collectivités locales à une simple péripétie, avec un retour à la croissance antérieure pour demain. Il leur faut envisager des mesures à plus long terme pour faire face aux tensions budgétaires et tirer le meilleur parti de ressources plus rares. Les lignes qui suivent esquissent quelques-unes des options possibles. Elles ne sont pas nécessairement toutes réalisables et souhaitables dans tous les pays, lesquels feront leur choix dans ce «menu à la carte».


Réforme des relations financières entre les différents échelons de l’État

Sur le plan conceptuel, l’un des moyens pour relâcher les tensions exercées sur les budgets locaux est de modifier le schéma des relations financières entre les administrations pour:

Une telle réforme est-elle envisageable, ou souhaitable?

Ainsi qu’on l’a vu plus haut, certains gouvernements européens ont compensé la diminution des recettes des collectivités locales et/ou l’augmentation de leurs dépenses, mais ces mesures n’ont pas entraîné de réforme fondamentale, juste l’application des régimes de péréquation existants. La seule réforme de fond a été opérée en Ukraine, où 10% des recettes de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (ce qui n’a rien d’un trésor de guerre dans les circonstances actuelles) ont été versées au fonds de péréquation dont le bénéfice a été étendu à l’échelon le plus bas des pouvoirs locaux et aux dépenses de santé et de services municipaux; il faut y voir probablement moins une augmentation des ressources locales que leur redistribution.

Quels que soient les effets néfastes de la récession sur les budgets locaux, son impact sur les finances nationales est généralement pire. Les rapports nationaux montrent que les budgets nationaux se contractent davantage que les budgets locaux dans tous les pays, à l’exception de trois (Estonie, Serbie et Ukraine). Les gouvernements nationaux sont plus tributaires des sources de recettes plus fragiles que sont les bénéfices des sociétés, les droits de douane, la TVA, etc., et doivent financer les allocations de chômage et les mesures d’incitation fiscale. Ils ne sont généralement pas en bonne posture pour alléger les collectivités locales de leurs dépenses ou leur transférer des recettes. La plupart se démènent pour accroître le financement par l’emprunt et se démèneront pour le rembourser.

Les observateurs ne font état que d’un seul cas d’allègement de compétences: les autorités roumaines ont pris en charge l’intégralité du coût du revenu minimum garanti (co-financé auparavant par les municipalités). La mesure est rationnelle étant donné que les disparités criantes entre les bases de recettes locales rejaillissaient sur la prestation des services sociaux de base, une conséquence évidemment fâcheuse. En règle générale toutefois, diminuer les compétences des collectivités locales ne constitue pas une réponse à la crise budgétaire de nature à conférer une importance accrue aux vertus potentielles de l’initiative et de la réactivité au plan local. 

Aussi est-il peu probable que des changements majeurs interviennent dans les transferts de l’État. Toutefois, deux questions demeurent. La première concerne la part des recettes sur des impôts volatils comme la TVA et l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui revient aux collectivités locales, dans les pays relativement peu nombreux où ce partage se pratique. Il semble logique que les échelons administratifs impliquant un fort pourcentage d’engagements fixes récurrents, tels que les rémunérations des fonctionnaires et le maintien des services, ne dépendent pas outre mesure de recettes volatiles. À l’inverse, on pourra soutenir que les services publics locaux doivent bénéficier d’une part équitable de l’augmentation des recettes publiques et partager tout aussi équitablement les conséquences de leur diminution. La question reste ouverte, la réponse dépendant à la fois de la gravité de la crise et des services qui sont assurés par les collectivités locales: généralement, la priorité politique va à la protection du système d’éducation et de santé, plus qu’au maintien des infrastructures matérielles. 


Le partage ou la surtaxation de l’IRPP constitue la source de recettes locales la plus lucrative dans toute l’Europe. C’est la seule base fiscale qui soit à la fois techniquement susceptible de modification par décision des autorités locales et capable de financer une part importante des dépenses afférentes aux principaux services éducatifs et sociaux. La liberté des collectivités locales de pouvoir en déterminer l’incidence a gagné du terrain ces dernières années, depuis les pays qui y étaient traditionnellement attachés comme les pays scandinaves et la Suisse jusqu’aux régions d’Espagne, aux régions et municipalités d’Italie et aux comtés et municipalités de Croatie. Cette expansion devrait se poursuivre si l’on entend accomplir des avancées majeures dans l’autonomie fiscale, mais devra être accompagnée d’un système approprié pour compenser les différences de base fiscale, ainsi que d’un plafonnement des taux d’imposition, de façon à éviter tout effet néfaste sur l’offre de travail dans un monde de plus en plus globalisé.

La propriété foncière est la base d’imposition locale autonome la plus courante (les taux étant fixés par les collectivités locales), mais elle constitue une part relativement faible des recettes locales globales. Il est peu probable que des changements radicaux interviennent dans les méthodes de calcul, mais les résistances politiques qui s’opposent à un accroissement de son incidence pourraient bien être vaincues s’il l’on établissait davantage un lien entre la facture fiscale à payer et le revenu du ménage. L’expérience a montré en Europe de l’Est que la liberté des collectivités locales d’appliquer aux taux d’imposition des hausses prudentes, mais régulières, alignées sur le taux général de l’inflation, sinon légèrement supérieures, est une condition nécessaire pour préserver la pertinence de cette imposition.

Notre analyse des données fournies livre une conclusion intéressante : les bases de recettes les plus fragiles sont celles qui sont tributaires d’une seule source, qu’il s’agisse de recettes propres ou de transferts de l’État. Les bases les plus robustes sont celles qui, comme en Pologne, combinent plusieurs sources de recettes et un régime de redistribution rationnel. 

La seconde question concerne le pouvoir des collectivités locales de fixer les taux des redevances et impôts locaux, prôné par la Charte européenne de l’autonomie locale, ce pouvoir demeurant toutefois très restreint dans plusieurs pays d’Europe de l’Est et du Sud-Est.

La hausse des impôts et redevances peut relâcher les tensions budgétaires et accroître l’efficacité des services d’utilité publique, mais (contrairement aux aides contre-cycliques) elle peut freiner la consommation et amplifier la récession. Tel est le dilemme auquel sont déjà confrontées les collectivités locales. Les municipalités polonaises adoptent une stratégie contraire, modulant tantôt à la hausse, tantôt à la baisse les taux d’imposition foncière. Les municipalités danoises et finlandaises désireuses de relever la surtaxation de l’IRPP sont en conflit avec l’État. Les autorités irlandaises ont convaincu les collectivités locales de réduire à 1,15% le taux d’augmentation annuel global de l’impôt foncier. Par contre, les départements français et les communes ont relevé la fiscalité foncière d’un taux moyen de 5-6% en 2009, sans modération au niveau de l’État.


Quelle que soit l’opportunité à brève échéance de cette modération, la période à plus long terme de la reprise nécessitera probablement de relever les redevances et impôts locaux, et les obligations de la Charte de l’autonomie locale en la matière devraient être respectées par tous. Deux facteurs, toutefois, plaident en faveur d’une certaine retenue. Pour certains types d’impôts – en particulier pour l’IRPP – des taux d’imposition élevés peuvent avoir des effets à long terme sur l’offre de travail. Le second est qu’un certain nombre de lois et mesures nationales imposent des restrictions pour empêcher que l’imposition locale opère une discrimination inéquitable entre les contribuables, particuliers et entreprises. Ces restrictions se justifient non seulement parce qu’il ne s’agit pas d’entraver la reprise de l’activité, mais aussi parce que la raison sous-jacente à l’autonomie fiscale est de susciter une plus grande transparence vis-à-vis des électeurs et qu’en conséquence, les ménages doivent partager les implications de la politique budgétaire locale. Toute augmentation dans les redevances des services d’utilité publique doit également être accompagnée d’aides au logement pour les ménages les plus pauvres.

Se fondant sur l’acquis du Conseil de l’Europe, le Centre d’expertise du Conseil de l’Europe et l’OSI/LGI ont élaboré une série d’indicateurs de référence pour évaluer les relations financières entre les différents échelons de l’État et la qualité de la gestion financière des collectivités locales. Si les indicateurs de référence concernant la gestion financière des collectivités locales proprement dite ont répondu à une demande et sont d’ores et déjà appliqués, ceux destinés à aider les États à évaluer leur action en matière de finances locales doivent encore susciter leur intérêt. Toutefois, ces indicateurs pourraient se révéler très utiles pour les gouvernements cherchant à comprendre quelles sont leurs forces et leurs faiblesses et à réformer les relations financières entre les différents échelons de l’État pour répondre à la crise et au-delà. 

Améliorer la transparence et la rentabilité

Tirer le meilleur parti de ressources plus rares va certainement devenir un défi permanent. L’amélioration du rendement et de l’efficacité des dépenses des collectivités locales revêt différentes formes, discutées plus avant au Chapitre III. Celles-ci visent principalement à ce que les responsables, tant les élus que les fonctionnaires nommés, rendent mieux compte de leur utilisation des deniers publics.

Maîtrise des coûts

Les rapports des observateurs nationaux dressent l’inventaire des initiatives prises par les collectivités locales pour maîtriser leurs coûts. Les mesures portent surtout sur les frais généraux et incluent diverses réductions sur les postes d’heures supplémentaires, de primes, de cérémonies officielles et d’utilisation du téléphone, cependant que les achats de véhicules et de mobilier et les recrutements aux postes vacants ont été gelés. S’agissant de la Roumanie, certaines de ces dispositions ont été dictées par les mesures d’efficacité adoptées avec l’Union européenne en tant que condition requise pour une assistance au budget national. En Lettonie, les fonctionnaires municipaux ont été associés à une baisse nationale de 15% de la rémunération des fonctionnaires. En Serbie, des GPS ont été installés dans les véhicules municipaux de façon que leurs conducteurs sachent se situer et à pouvoir les localiser.

Pour justifiées qu’elles puissent être, il s’agit là d’économies temporaires ou ponctuelles qui n’auront pas de grands effets sur l’efficacité à plus long terme. Pour agir sur le plus long terme, il convient de procéder à un examen fondamental de la manière dont les services sont gérés dans la pratique, du champ thématique des analyses de rentabilité de l’investissement et des systèmes d’audit de gestion, mis en place au cours des trente dernières années au nom du modèle du New Public Management, ou modèle de management public. Le chapitre III présente trois initiatives dans ce sens, qui méritent une plus large application:


L’étalonnage des performances est l’un des outils conçus pour aider l’opinion publique à examiner à la loupe le soin avec lequel son argent est utilisé. La Charte des citoyens (Citizen’s Charter) en constitue un autre : il s’agit habituellement d’un engagement vis-à-vis des citoyens de garantir le respect de certaines normes dans la prestation des services et d’un ensemble de procédures par lesquelles ceux-ci peuvent vérifier si ces engagements sont tenus.

Le Conseil de l’Europe aide au développement des capacités de gestion des performances dans un certain nombre de pays tels que la Bulgarie, la Russie et la Serbie. Il apporte également son aide aux initiatives françaises dans ce domaine. La récession financière en accentue la nécessité.

Contrôle de gestion

En 2006, LGI a examiné l’audit réalisé dans les collectivités locales de douze pays européens d’Europe de l’Est et du Sud-Est. Il a été constaté que la plupart des États disposent d’un cadre législatif adéquat, adopté en grande partie récemment avec l’aide de l’Union européenne, mais que leur application est encore insuffisante. En particulier:

Le Conseil de l’Europe apporte son aide au développement des capacités en audit de gestion dans un certain nombre de pays comme la Bulgarie, la Russie et la Serbie. La récession financière renforce ce besoin.


L’ambitieuse Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local, lancée par le Conseil de l’Europe, prévoit parmi ses mesures de mise en œuvre la création d’un label européen d’excellence dans la gouvernance (ELOGE), qui serait décerné de manière décentralisée à des municipalités atteignant un certain niveau de qualité dans leur gouvernance globale. Reposant en particulier sur un outil d’étalonnage/de mesure spécifiquement conçu pour les besoins des collectivités locales, ce label pourrait, s’il aboutit (son expérimentation devrait commencer à la fin de 2009), se révéler très efficace pour aider à améliorer la gouvernance locale. 

Suppression des incitations à des prestations de services coûteuses

Il est fréquent que certaines dispositions administratives et financières incitent les collectivités locales à fournir des services inutilement coûteux.

Ainsi, dans un certain nombre de pays comme la Hongrie ou l’Ukraine, la prestation de soins aux personnes âgées et malades en établissements spécialisés et de soins hospitaliers relève de la compétence des échelons supérieurs de l’administration locale, tandis que les municipalités se voient confier les soins à domicile et les soins de santé primaires. Le financement des services assurés par les collectivités de plus haut niveau repose parfois sur des formules de calcul qui prennent en compte le nombre de personnes accueillies ou traitées. Les dispositions de ce type risquent donc d’inciter fortement à placer certains clients des services sociaux en foyers ou d’hospitaliser des patients, alors que cela n’est peut-être pas la réponse la plus adaptée à leurs besoins, ni la plus sympathique. Dans la plupart des cas, il s’agit de la solution la plus coûteuse.

Les régimes de rémunération des prestataires à l’admission ou à l’acte peuvent gonfler les dépenses de soins médicaux. L’effet pervers de ces incitations est largement admis et des systèmes de financement selon une classification en groupes homogènes de diagnostic (DRG, diagnostic-related group) ont été conçus pour l’éviter. Toutefois, des réformes de ce type n’ont pas été adoptées partout et la crise ne fait qu’accentuer leur urgence. L’introduction récente en Hongrie d’une redevance modeste pour la consultation d’un médecin généraliste était également une solution efficace pour éviter de surcharger inutilement leur emploi du temps, mais celle-ci a été annulée par référendum.

Les exemples d’excès dans les dépenses des services sociaux sont légion. Des établissements scolaires dont le nombre d’élèves scolarisés diminue, par exemple, conservent souvent le même nombre d’enseignants alors que le nombre d’heures qu’ils passent obligatoirement au contact des élèves est plus que faible.

Révision des normes de prestation non viables à long terme

Les réglementations nationales font souvent obstacle aux collectivités locales qui voudraient réduire leurs dépenses. C’est en particulier le cas dans les pays qui font la distinction entre les missions «autonomes» et les missions «déléguées» des collectivités locales et placent les services les plus onéreux comme l’éducation, les services sociaux et la santé dans cette dernière catégorie.

Les services délégués sont souvent réglementés par des normes précises relatives à leur prestation, et leur gestion par les collectivités locales est placée sous le contrôle étroit de leur ministère de tutelle. Généralement, ces normes réglementaires régissent les moyens plus que les résultats. Ainsi, les collectivités locales ukrainiennes ne sont pas habilitées à fermer des établissements scolaires en sous-effectif notoire, ni des institutions sociales ou culturelles, sans le consentement du ministère national, lequel est souvent refusé. Or, ces institutions peuvent parfaitement avoir perdu leur clientèle du fait de l’évolution démographique ou des préférences du public. 


Le problème est généralement exacerbé par le fait que les ministères de tutelle concernés ne sont pas confrontés aux conséquences du maintien de services non rentables, étant donné que le financement des compétences déléguées relève souvent de la compétence exclusive du ministère des Finances. Plusieurs rapporteurs nationaux relèvent que l’incapacité à satisfaire à des normes de prestation non viables est chose courante, mais tolérée. D’autres considèrent que l’insistance de leurs autorités nationales sur le respect de ces normes constitue un problème sérieux. Les signataires de la charte européenne doivent veiller à ce que les ministères nationaux n’assurent pas une micro-gestion des services confiés aux collectivités locales, qu’il s’agisse ou non de délégations techniques.

Délégation de la gestion institutionnelle

Les mêmes principes valent pour les relations entre les collectivités locales et leurs propres administrations et institutions subsidiaires.

Lorsqu’il faut réduire des budgets, ce sont d’ordinaire leurs gestionnaires qui savent le mieux localiser les sources de gaspillage. Un directeur d’école sera le seul à se soucier que les lumières soient toutes éteintes en fin de journée, mais seulement si le budget de l’école conserve les économies réalisées.

La délégation des budgets et de leur gestion aux administrations prestataires constitue un autre aspect du nouveau modèle de management public, désormais très répandu ; ainsi, le principe de financement des établissements scolaires en fonction du nombre d’élèves accueillis est désormais largement adopté.

Quoique opportunes en période de récession, ces solutions doivent être mises en place avec prudence. Les dotations budgétaires doivent prendre pleinement en compte les facteurs exogènes de variation des coûts. Ainsi, la densité démographique et le contexte social ont des incidences majeures sur les dépenses scolaires, par exemple. Les audits et autres obligations relatives aux comptes à rendre doivent correspondre au degré de délégation financière.

Redécoupage territorial

La taille moyenne des collectivités locales est extrêmement variable d’un pays à l’autre: la population moyenne d’une municipalité varie dans une fourchette de 1 640 habitants en République tchèque et 1 720 en France à 56 570 habitants en Lituanie et 139 480 au Royaume-Uni. Les groupements de communes, largement pratiqués dans les années 60 et 70, mais aussi massivement démantelés dans les anciens pays du bloc socialiste après 1989, sont de nouveau à l’ordre du jour.

Le Danemark a fusionné 271 municipalités en 98. La Géorgie a remplacé 985 communes, principalement des communes rurales, par 64 grands districts formés sur les anciens rayony, politique déjà adoptée en Lituanie. Le nombre de municipalités en Finlande a été ramené de 447 à 348, sous l’effet de la pression des nouvelles normes réglementaires relatives à la population minimale requise pour administrer le système de soins et l’éducation de base. Des propositions ont été soumises par le gouvernement estonien, à une dizaine de reprises, pour réduire le nombre de municipalités, mais elles n’ont toujours pas reçu l’aval du parlement.


Des municipalités plus grandes doivent consacrer une part plus faible de leurs ressources aux frais généraux et réaliser de plus grandes économies d’échelle. Toutefois, si le regroupement peut permettre aux autorités locales d’assurer un plus large éventail ou une meilleure qualité de services, il n’est pas prouvé qu’il permette globalement de faire des économies. Mis à part les coûts ponctuels afférents au redécoupage, on observe une tendance des collectivités fusionnées à reprendre à leur compte les habitudes les plus coûteuses de leurs prédécesseurs. L’impossibilité des études empiriques à montrer les économies résultant des regroupements de communes peut s’expliquer par le fait que les économies d’échelle les plus évidentes ont d’ores et déjà été réalisées par l’intercommunalité.

En effet, il est peut-être plus simple de réaliser des économies d’échelle en développant la coopération intercommunale. En Hongrie, le nombre de décharges municipales a diminué de 90% grâce à la constitution d’établissements publics communs, capables de maximiser l’utilisation des technologies modernes et des financements structurels de l’UE, tandis que des associations infrarégionales partagent des ressources professionnelles communes et l’équipement nécessaire pour exécuter certaines opérations administratives comme le recouvrement des impôts et les contrôles d’urbanisme. En France, des incitations aussi bien juridiques que financières ont abouti à une forte augmentation du nombre de communautés urbaines qui assurent une planification intégrée et des services dans le périmètre de leur conurbation.

Mieux cibler le versement des prestations sociales

Les prestations sociales sont souvent distribuées sans considération de la situation financière des récipiendaires. Tous les retraités britanniques (dont votre serviteur) perçoivent automatiquement une allocation de chauffage pour l’hiver de 200 livres sans avoir à la demander. En Lituanie, 64% des dépenses de l’aide sociale sont allouées sans conditions de ressources, notamment les allocations familiales. Dans les pays de l’ex-Union soviétique, de nombreuses allocations ou services gratuits sont fournis à diverses catégories de «vétérans» (de la guerre, du travail, aux victimes de catastrophes naturelles, etc.).

Les mères de jeunes enfants et les retraités sont tendanciellement les principaux bénéficiaires. Le trait d’union probable entre les retraités n’est pas la pauvreté (ceux qui bénéficient d’une pension de retraite indexée sur l’inflation, qui ont remboursé leur emprunt immobilier ou dont les enfants sont adultes peuvent tout à fait jouir d’un revenu disponible confortable), mais leur bulletin de vote et la possibilité d’exprimer leur désaccord.

Les gouvernements sont contre l’assujettissement des prestations sociales à des conditions de ressources parce qu’il est source de dissensions, qu’il laisse la porte ouverte à la corruption et qu’il est tout simplement difficile. Mais si les deniers publics sont comptés, sa mise en place peut être le prix à payer pour prêter assistance à ceux qui sont en situation réelle de pauvreté. La Banque mondiale estime que le pourcentage des ménages les plus pauvres qui bénéficient des transferts monétaires varie de 25% en Pologne à 95% en Hongrie. Une étude financée par LGI, réalisée en Arménie, dans "l’ex-République yougoslave de Macédoine" et en Moldova, a établi que de nombreux ménages très pauvres sont exclus du bénéfice des prestations sociales par les obstacles administratifs qu’ils rencontrent comme de devoir se déplacer en ville pour obtenir un certificat de résidence, demander un justificatif de travail lorsque l’entreprise et son propriétaire, en l’espèce, l’ancien État yougoslave, ont tous deux été dissous. Le rapport russe mentionne que l’obligation de faire la queue pour obtenir une montagne de documents dissuade les candidats à une allocation logement.


Les limites de l’État

La gravité de la crise dans certains pays et sa soudaineté dans le monde entier ont opportunément incité à se poser la question d’une plus grande transparence et d’une meilleure productivité des budgets locaux.

Toutefois, les réponses apportées ne remettent pas en cause la nature ou le champ d’action de ce que les collectivités locales tentent de faire, mais simplement la manière dont elles le font et le financent.

Et pourtant, il faudra relever ce défi si la crise est plus grave et plus longue que le prédisent les pronostics actuels. Les prévisionnistes ont tendance à se fier aux reprises qui ont succédé aux récessions précédentes, non à des faits concrets actuels. Compte tenu du niveau cumulé de l’endettement public, des tendances démographiques et des réponses qui s’imposent face au réchauffement climatique, il n’est pas dit que l’on reviendra aux niveaux antérieurs de prestation des services publics.

L’essentiel de ce que les pouvoirs publics, l’État et collectivités locales, apportent à leurs citoyens relevait de la responsabilité des communautés et des familles avant la Seconde Guerre mondiale. Revenir à l’ancien temps est difficilement imaginable: abandonner l’éducation de masse et laisser les personnes âgées mourir de froid en hiver n’est pas concevable.

Mais le fardeau pourrait être mieux partagé. Le versement des prestations sous conditions de ressources est une piste, déjà mentionnée. Une autre consiste à impliquer davantage la société civile dans l’aide sociale. Les partenariats entre collectivités locales et organisations non gouvernementales (ONG) sont nombreux en Europe, aidés en cela par le nombre croissant de retraités en bonne condition physique et potentiellement actifs. Mais il existe encore des pays où les ONG sont considérées non comme des alliés mais comme une menace, et où le «bénévolat» évoque des réminiscences du totalitarisme.

Or, cet état d’esprit n’est pas sain et son coût n’est pas non plus raisonnable. Il est vrai qu’il a souvent cours dans les sociétés où la solidarité familiale vis-à-vis des personnes âgées, des handicapés et des chômeurs est plus forte qu’en Europe de l’Ouest. Mais dans une société vieillissante et de plus en plus urbanisée, la solidarité familiale ne peut plus être considérée comme acquise. Les soins donnés bénévolement à un parent peuvent être subventionnés et donner droit à une aide, notamment par une prise en charge temporaire en institution pour laisser un moment de répit aux aidants familiaux, ou par le versement d’une allocation essence aux chauffeurs bénévoles. Il y a de la latitude pour des solutions intermédiaires dans le financement public des services publics.  

La récession remet en cause la croyance de l’opinion en l’idée que l’État doit pourvoir à tout, ainsi que la posture des hommes politiques, qui font croire qu’ils le peuvent. La technologie permet une interactivité de plus en plus grande des processus. Là réside peut-être le modèle de la collectivité locale de l’après-crise.

En fin de compte, nous en revenons aux limites internes de l’État. La récession a montré combien la situation des finances locales était fonction des politiques nationales. Il ne faudrait pas amplifier le phénomène par un réflexe délibéré ou instinctif de recentralisation du pouvoir. Les réponses esquissées ci-dessus appellent à plus de souplesse et plus de pouvoir discrétionnaire à l’échelon local, et pas le contraire. La justification des principes et dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale demeure entière.



[1] Toute référence au Kosovo dans le présent texte, qu’il s’agisse du territoire, des institutions ou de la population, s’entend dans le respect plein et entier de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et sans préjudice du statut du Kosovo.