Strasbourg, 22 janvier 2007                                                                          CCJE REP(2007)9

                                                                                                             Francais seulement

                                                                                                  

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE)

PROJET DE QUESTIONNAIRE POUR L’AVIS DU CCJE EN 2007

RELATIF AUX CONSEILS SUPERIEURS DE LA MAGISTRATURE

Réponse de la

délégation de la Suisse


QUESTIONNAIRE POUR L’AVIS DE 2007

RELATIF AUX CONSEILS SUPÉRIEURS DE LA MAGISTRATURE

Introduction

En 2007, le CCJE sera chargé d’enquêter sur les rôles institutionnels des conseils supérieurs de la magistrature ou autres organes équivalents qui ont été créés ou sont en cours de création – parfois au niveau constitutionnel – dans plusieurs pays européens, avec pour mission de protéger l’indépendance du pouvoir judiciaire, de prendre des mesures concernant l’administration des tribunaux et la carrière des juges, ainsi que d’assurer d’une manière générale l’application harmonieuse du principe de séparation des pouvoirs, qui est une pierre angulaire des États démocratiques modernes fondés sur la primauté du droit. [1]

La composition et les fonctions de ces organes varient d’un pays à l’autre[2], de même que leurs relations avec le gouvernement (en particulier le ministère de la Justice), mais le concept est partout essentiellement le même.

Les délégations qui vont répondre et qui appartiennent à un Etat dont le cadre institutionnel ne prévoit pas de conseil supérieur de la magistrature en tant que tel ne doivent pas hésiter à mentionner dans leur réponse l’organe ou les organes qui remplissent des fonctions analogues, au sein ou à l’extérieur du système judiciaire, afin que le CCJE puisse se faire l’idée la plus claire possible de la situation régnant dans ces pays. Il y a, en outre, en fin de document, une partie spécifique réservée aux Etats qui n’ont pas de conseil supérieur de ma magistrature.

Aux fins du présent questionnaire, et à ce stade de la discussion, on a retenu l’expression « conseil supérieur de la magistrature ou autre organe équivalent » (en anglais : « Council for the Judiciary or other analogous body »). Le travail du CCJE sur l’Avis relatif à cette question fournira l’occasion de justifier un tel choix. Dans les questions ci-dessous, on emploiera indifféremment les expressions « conseil supérieur de la magistrature » ou « conseil » ; si ce n’est pas l’expression employée dans votre Etat, veuillez l’indiquer, mais répondre quand même autant que possible aux questions.

Partie I – Contexte général concernant le système judiciaire

1.    Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir législatif à l’égard des juges ? Si oui, veuillez préciser. Oui. Le système judiciaire suisse repose – de par sa longue tradition démocratique et la maxime de la démocratie directe notamment – sur l'élection des juges par le parlement (dans de rares cas: par le peuple), non à vie mais pour un temps limité (dans la plupart des cas: quatre ou six ans) avec la possibilité de réélection dans la mesure ou les juges se présentent pour une nouvelle période de fonction. En général, la possibilité de réélection est soumise à une limite d'âge (par exemple 68 ans). Il convient de tenir compte du fait que la Suisse est une Confédération de 26 cantons qui ont gardé, dans  les limites du droit constitutionnel et international, leur autonomie dans l'organisation judiciaire. Les solutions choisies par les confédérés sont congruentes dans les grandes lignes, mais peuvent diverger dans les détails.

2.    Le pouvoir législatif, le Parlement ou le pouvoir exécutif/gouvernement peut-il ordonner des enquêtes ou mettre en place des commissions :

§  de manière générale concernant les juges ? Si oui, veuillez préciser. Oui, mais seulement le parlement, dans le cadre de la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux prévue par la Constitution. Selon la pratique constitutionnelle constante et à l'unanimité de la doctrine constitutionnelle, cette haute surveillance n'est pas une surveillance directe et n'autorise pas le parlement à donner des directives aux tribunaux ou juges. L'autonomie administrative et organisationnelle des tribunaux est garantie par la Constitution. Une commission parlamentaire peut, le cas échéant, faire une enquete sur l'activité judiciaire, mais elle ne peut jamais annuler un arret rendu par le tribunal.

§  concernant l’activité judiciaire ? Non. L'indépendance des tribunaux dans l'activité judiciaire est garantie par la Constitution.

§  concernant des faits déjà soumis à un tribunal ? Non.

§  concernant des actes de procédures (ex. écoutes téléphoniques, garde à vue)? Non.

3.    Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir exécutif à l’égard des juges ? Non.

4.    Si oui, est-il possible au pouvoir exécutif d’interférer :

§  dans la sélection, la formation, la carrière ou les procédures disciplinaires des juges ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

§  dans la désignation des présidents des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

§  dans la gestion administrative des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

5.    Le personnel du tribunal travaille-t-il sous l’autorité :

§  d’un juge ? Oui.

§  du Président du tribunal ? Oui. Les deux solutions sont répandues.

§  du ministère de la justice ? Non.

6.    Un Président de tribunal est-il compétent :

§  en matière d’évaluation du travail des juges de son tribunal ? Non.

§  concernant la distribution des tâches entre les juges ? Oui. Dans les limites de la loi et du règlement, il attribue les cas aux juges et greffier-juristes du tribunal.

§  en matière disciplinaire à l’égard des juges ? Non.

§  concernant la progression de carrière des juges ? Non.

§  autre ? Si oui, veuillez préciser. Non. Le président d'un tribunal est, selon la conception suisse, un primus inter pares.

Partie II – Généralités concernant les conseils supérieurs de la magistrature

7.    Existe-t-il un conseil supérieur de la magistrature dans votre système judiciaire ? Non, pas au niveau fédéral, mais dans deux ou trois cantons (parmi 26), il y a des institutions comparables avec un conseil supérieur de la magistrature, dont principalement le Canton du Tessin; les réponses qui suivent concerneront ce canton.

8.    Quel est le titre exact ou la dénomination exacte de cet organe (dans le cas où un tel organe n’existe pas, quel est le service ou la structure – par exemple le Ministère de la Justice – responsable des tâches attribuées en principe à cet organe) ? Conseil de la magistrature.

9.    Quel est la base juridique du Conseil supérieur de la magistrature ? La Constitution cantonale et la loi cantonale sur l'organisation judiciaire.

§  la Constitution ?

§  la législation ?

§  autre ? Si oui, veuillez préciser.

10.  Veuillez en fournir un bref historique (quand ce conseil a-t-il été créé, pour quels motifs ? etc.) (dans le cas où un tel organe n’existe pas, veuillez préciser les raisons pour lesquelles il n’existe pas ainsi que les raisons pour lesquelles les tâches ont été confiées à telle ou telle autre instance – Ministère de la justice par ex.)). Le Conseil de la magistrature a été institué en 1994. Cette autorité a été créée compte tenu de l'augmentation considérable du nombre de magistrats et de la nécessité d'assurer la totale indépendance de la magistrature: pour ce faire il se justifiait d'instituer un organe autonome, ne dépendant pas du pouvoir politique et ayant de vastes compétences en matière de surveillance et de discipline; car à l'époque, les juges étaient élus par le peuple.

Partie III – Composition

11.  Quelle est la composition du Conseil supérieur de la magistrature :

§  nombre de membres ? Sept.

§  qualification des membres ? Trois membres doivent être des magistrats de l'ordre judiciaire en fonction exerçant leur activité à plein temps.

§  les juges qui en sont membres ont-ils besoin de qualifications spéciales ou d’une expérience particulière ? Non.

§  peut-on être membre du Conseil si l’on n’est pas magistrat ? Veuillez préciser (nombre de membres extérieurs, qualifications, fonctions spécifiques) Oui. Quatre membres peuvent être d'autres magistrats, d'anciens magistrats ou de simples citoyens actifs.

12.  Veuillez décrire la procédure de désignation :

§  qui désigne les membres du Conseil ? (juges ou autres institutions ou autorités, veuillez préciser). Les trois membres appartenant à l'ordre judiciaire sont désignés par l'assemblée des magistrats à plein temps, les autres quatre par le parlement cantonal.

§  quel est le système de désignation utilisé ? (Vote, candidatures individuelles, désignation, etc.) L'élection.

13.  Comment est nommé le Président et/ou le Vice Président du Conseil ? Président du Conseil de la magistrature.

14.  Quelle est la durée du mandat d’un membre du Conseil ? Six ans.

15.  Un membre peut-il être démis de ses fonctions contre sa volonté ? Si oui, dans quelles circonstances ? Oui. Un membre peut être démis, par le Conseil même, comme tout autre membre d'une autorité judiciaire (v. point 23).

Partie IV – Ressources

16.  Quelles ressources financières sont allouées au Conseil ? Un budget est prévu au niveau du ministère de la justice, ce essentiellement pour les indemnités dues aux membres qui ne sont pas des magistrats.

17.  Le Conseil dispose-t-il de son propre personnel ? Non.

18.  Sinon, le personnel appartient-il :

§  au ministère de la Justice ?

§  à la Cour suprême ?

§  à une autre institution ? Veuillez préciser

19.  Quels sont les effectifs du personnel ?

20.  Quelles sont les qualifications du personnel ?

21.  Le personnel doit-il être composé – même en partie seulement – de juges ?

22.  Quelles sont les tâches du personnel du Conseil ?

§  préparer de la documentation pour les membres du Conseil ?

§  leur fournir une analyse et une évaluation de la pratique des tribunaux ?

§  autre ? Si oui, veuillez préciser.

Partie V – Tâches

23.  Veuillez décrire les différentes tâches du Conseil supérieur de la magistrature (dans le cas où un tel organe n’existe pas, veuillez préciser quelles sont les instances responsables pour les tâches énumérées ci-dessous – voir également partie VIII de ce questionnaire):

§  en matière de politique du personnel ? (désignation et promotion des juges, désignation des présidents ou des directeurs administratifs des tribunaux, affectation des juges et fixation de leur nombre, fixation du nombre et du siège des tribunaux, mutation des juges, etc.). Le Conseil de la magistrature ne s'occupe pas de ces questions.

§  en matière de formation initiale et/ou continue des juges et/ou du personnel des tribunaux[3] ? Le Conseil ne s'occupe pas de ces questions.

§  en matière d’activité des tribunaux en général ? (évaluation de la qualité de l’activité des tribunaux[4], mise en place d’une politique, de normes et d’objectifs concernant l’activité, instauration de pénalités pour mauvais usages de crédits) ? Le Conseil de la magistrature examine le fonctionnement de la justice et présente annuellement un rapport au gouvernement cantonal.

§  concernant les tâches individuelles du juge ? (évaluation de son travail, fixation de critères d’évaluation concernant la qualité et la quantité de jugements rendus[5]) ? Le Conseil peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard d'un magistrat qui ne remplit plus ses fonctions.

§  en matière de procédure disciplinaire à l’encontre des juges ? (le Conseil a-t-il un pouvoir d’initiative ou de sanction, existe-t-il une possibilité d’appel ou un autre recours contre les sanctions, lorsque le Conseil exerce un pouvoir disciplinaire, respecte-t-il les dispositions de l’article 6 de la CEDH ?) Oui, il peut prendre des sanctions, voire suspendre ou destituer un magistrat; il n'existe pas de voies de recours.

§  en matière de budget de la justice ? (le Conseil prend-il part aux négociations budgétaires avec le gouvernement ou le Parlement, le Conseil a-t-il compétence pour répartir les ressources financières allouées aux tribunaux, pour superviser l’utilisation des crédits affectées à chaque tribunal ?) Le Conseil ne s'occupe pas directement de ces questions.

§  en d’autres domaines non mentionnés ci-dessus ? (par exemple, participation au processus législatif , rapports au gouvernement/Parlement sur les problèmes de fond qui se posent dans le système judiciaire ?) Veuillez préciser. Le Conseil signale au ministère de la justice d'éventuels problèmes au niveau de l'organisation des tribunaux.

1.    Le Conseil a-t-il des pouvoirs d’enquête ? Si oui, veuillez préciser. Oui. Le Conseil a la faculté de recueillir des preuves d'office.

2.    Comment les membres du Conseil sont-ils informés du fonctionnement concret des tribunaux ? (d’où reçoivent-ils l’information, l’information fait-elle l’objet d’une analyse). Veuillez décrire. Le Conseil peut être saisi par une autorité ou par un tiers.

3.    Quels sont les types de normes que le Conseil peut émettre :

§  avis sur le fonctionnement des systèmes judiciaires ?

§  recommandations ?

§  instructions aux tribunaux ?

§  décisions ?

Comme il a été indiqué au point 23, le Conseil adresse des rapports au gouvernement, voire au ministère de la justice; en outre il prend des décisions à l'égard des magistrats.

4.    Les fonctions et responsabilités du Conseil sont-elles décrites dans la loi ou d’autres textes ? Veuillez préciser. Dans la loi.

5.    Si oui, la législation formule-t-elle ces tâches de façon générale, voire déclarative, ou plutôt concrète et spécifique ? Les tâches sont formulées de façon concrète et spécifique.

6.    Votre pays a-t-il un code de déontologie des juges, et l’une des tâches du Conseil est-elle d’en garantir le respect ? Il n'existe pas de code de déontologie dans le Canton du Tessin.

7.    Le Conseil s’occupe-t-il des relations extérieures des tribunaux ?

§  dispose-t-il d’un service des relations publiques ? Non.

§  comment assure-t-il la transparence de son fonctionnement et de son organisation ? Le Conseil communique ses décisions au parlement, voire au gouvernement cantonal.

8.    Les décisions du Conseil sont-elles publiées et accessibles à tous ? Lorsque les circonstances le justifient, le Conseil a la faculté de publier ses décisions.

Partie VI– Évaluation de l’auto-gouvernance et de l’indépendance de la magistrature

9.    Dans quelle mesure le travail du Conseil est-il influencé par :

§  le pouvoir exécutif ?

§  le pouvoir législatif ?

D'aucune façon.

10.  Le Conseil est-il indépendant des autres institutions de États, de sorte qu’il n’est pas susceptible de contrôle de leur part ? Il est indépendant et non susceptible de contrôle.

11.  Quelle est la répartition des responsabilités et des pouvoirs entre le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la Justice ? Le ministère de la justice est compétent dans le cas de disfonctions de nature administrative (manque de personnel, de moyens techniques, etc.)

12.  Quelle est la répartition des responsabilités et des pouvoirs entre le Conseil supérieur de la magistrature, la Cour Suprême et les présidents des tribunaux ? Une rencontre de ces autorités judiciaires avec le Conseil de la magistrature est prévue annuellement ou en cas de besoin, afin que le Conseil puisse être continuellement et rapidement mis au courant d'éventuels manquements.

13.  La Cour suprême est-elle ou les hautes instances judiciaires sont-elles également sujette(s) à l’exercice des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature, ou bien des règles spéciales s’appliquent-elles à cet égard ? Toutes les instances judiciaires sont sujettes à l'exercice du pouvoir du Conseil, aucune règle speciale n'existant pour la Cour suprême cantonale.

14.  Qui fixe les objectifs prioritaires de l’action du Conseil ? En principe le Président.

15.  Est-il possible à un tribunal ou à un magistrat de faire appel des décisions du Conseil ? Comment ? Non.

16.  De quels instruments ou pratiques se sert le Conseil :

§  pour maintenir l’indépendance des juges ?

§  pour protéger les juges des ingérences indues et/ou des attaques venant du grand public, des médias et des autres pouvoirs de l’État ?

§  pour intervenir en cas d’attaques contre ses propres intérêts[6] ?

§  pour améliorer les méthodes de travail des juges ?

Les moyens décrits ci-dessus.

Partie VII – Tendances futures concernant les conseils supérieurs de la magistrature

17.  Y a-t-il des problèmes particuliers quant à la gestion administrative des tribunaux par rapport au rôle du Conseil ? Si oui, veuillez préciser. Non.

18.  Des réformes sont-elles à l’étude ou envisagées pour le proche avenir s’agissant du Conseil ? Si oui, veuillez préciser. Non.

19.  Existe-t-il des liens entre le Conseil supérieur de la magistrature et les organisations ou associations professionnelles de magistrats ? Non. Du moins pas officiellement.

20.  Si votre pays est membre du Réseau européen de Conseils de la Justice (RECJ), quelle en est concrètement la valeur ajoutée :

§  pour les actions nationales de votre Conseil ?

§  pour la coopération internationale.

Le Conseil de la magistrature n'étant connu qu'au niveau cantonal et dans très peu de Cantons, la question ne se pose pas.

21.  Le Conseil supérieur de la magistrature offre-t-il des caractéristiques pouvant présenter un intérêt particulier pour d’autres organes équivalents ? Si oui, veuillez préciser. Voir point 43

Partie VIII – Pays qui ne disposent pas d’un conseil supérieur de la magistrature

22.  Existe-t-il des mécanismes permettant d’assurer le respect du principe de la séparation des pouvoirs, concernant le judiciaire ? Comme déjà mentionné (chiffre 2), l'indépendance des juges et l'autonomie administrative des tribunaux sont expressément garanties par la Constitution. Par conséquent, il n'y a aucune possibilité pour le parlement de se meler dans les affaires jugées ou pendantes devant les tribunaux.

23.  Comment et par qui les juges sont-ils désignés et comment est assurée leur promotion ? Les juges sont nommés par les parlements (exceptionnellement par le peuple aux niveaux des cantons ou des districts). Leur nomination est préparée par des commissions parlementaires selon une procédure définie par la loi.

24.  Une autorité indépendante[7] du gouvernement ou de l’administration prend-elle part au processus de désignation et de promotion :

§  si oui, comment est composée cette autorité ? un certain quota de juges est-il fixé ?

§  comment sont sélectionnés les membres qui la composent ?

§  quelles sont les tâches exactes concernant la désignation et la promotion des juges ?

Dans le Canton du Tessin, il existe une commission d'experts indépendants, composée de cinq membres et élue par le parlement cantonal tous le six ans. Les membres du gouvernement, du parlement, du pouvoir judiciaire, du Conseil de la magistrature et de l'administration du canton ne peuvent pas être élus dans cette commission. Actuellement ladite commission est composée de juges ou d'anciens juges de la Cour suprême Suisse, d'un professeur d'université et d'un avocat. La Commission est chargée d'examiner les candidats à la magistrature et d'adresser au parlement cantonal, autorité d'élection, un préavis lui indiquant les candidats qui selon elle sont aptes à la fonction mise au concours.

25.  Comment le financement de l’activité des tribunaux est-il assuré ? Les juges ont-ils leur mot à dire dans les décisions concernant le budget ou la gestion du budget ? Les tribunaux élaborent annuellement leurs budgets (contenant les recettes et dépenses) et les soumettent directement au parlement. Quelques cantons appliquent l'ancien système selon lequel le budget passe préalablement par le gouvernement resp. l'administration.

26.  La création d’un conseil supérieur de la magistrature est-elle envisagée ? Si oui, quelles seront ses compétences ? Non au plan fédéral; oui, dans certains cantons.

Avec mes meilleures salutations.

Ulrich Meyer, juge de la Suisse au CCJE

Lucerne, le 21 janvier 2007



[1]               La réorganisation des tribunaux et l’introduction des techniques modernes de management, ainsi que l’équilibre à garantir quant à l’indépendance des juges, ont été examinés par le CCJE dans certains de ses avis précédents (voir les références de ces avis ci-dessous dans des notes en bas de page – Pour la liste et les titres exacts des avis du CCJE, veuillez consulter le site Internet www.coe.int/ccje).

[2]               En Europe, les conseils supérieurs de la magistrature ou autres organes équivalents peuvent se répartir sommairement entre un modèle septentrional et un modèle méridional. Dans le modèle septentrional (par exemple en Suède, au Danemark et en Norvège), ce qui domine, c’est l’organisation administrative des tribunaux ; l’organe considéré – qui entretient des relations très étroites avec son ministère de la Justice – y possède aussi de larges pouvoirs concernant la fixation des budgets et la gestion des tribunaux. Dans le modèle méridional (par exemple en Italie, en France, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Belgique), les organes en question – qui sont séparés de leurs ministères de la Justice respectifs – s’occupent principalement du recrutement, de la formation, de l’évaluation, de la mutation et de la promotion des juges, ainsi que de la discipline imposée à ceux-ci. On peut identifier également un modèle russe, dans lequel les hautes instances judiciaires nationales sont investies en outre du pouvoir d’administrer les tribunaux qui dépendent d’elles. Quant aux pays d’Europe centrale et orientale, la Lituanie et la Hongrie suivent à peu près le modèle septentrional, tandis que la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne se rapprochent davantage du modèle méridional. Enfin, les pays de common law ont des commissions judiciaires spécifiques accomplissant des tâches comparables à celles des conseils supérieurs de la magistrature.

[3]               Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent dans l’Avis n° 4 du CCJE :

                - Paragraphe 17 : « Il importe cependant, pour clarifier les attributions de chacun, de ne pas confier directement à la même autorité la charge de la formation et de la discipline des magistrats. Dans cette perspective, le CCJE recommande que, sous la responsabilité générale du pouvoir judiciaire ou d’un autre organe indépendant, la formation soit assurée par un établissement particulier bénéficiant d’un statut d’autonomie et doté de son propre budget, lui permettant de définir lui-même, en concertation avec les juges, les programmes de formation et d’en assurer la mise en œuvre. » ;

                - Paragraphe 18 : « Les personnes chargées de la formation des juges ne devraient pas être, en outre, directement responsables de leur nomination ni de leur promotion. Si l’organe (par exemple un conseil supérieur de la magistrature) mentionné dans l’Avis n° 1 du CCJE aux paragraphes 73 (3), 37 et 45 est compétent pour la formation et la nomination ou la promotion, une séparation claire devrait exister entre les sections de cet organe qui sont responsables de ces tâches. »

[4]               Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent l’Avis n° 6 du CCJE :

                - Paragraphe 34 : « Le CCJE souligne fermement, tout d’abord, que l’évaluation de la « qualité » de la justice (c’est-à-dire le travail fourni par le système judiciaire dans son ensemble ou par chaque tribunal ou groupe local de tribunaux) ne devrait pas être confondue avec l’appréciation des capacités professionnelles de tel ou tel juge. L’appréciation professionnelle des juges, notamment celle qui est censée aboutir à des décisions importantes pour leur statut ou leur carrière, est une tâche qui a d’autres objets et doit être accomplie en fonction de critères objectifs, avec toutes les garanties d’indépendance judiciaire voulues. »

                - Paragraphe 47 : « Le CCJE estime, d’une part qu’il est dans l’intérêt de la justice que la collecte et le suivi des données se fassent de façon régulière, d’autre part que des procédures appropriées autorisent une adaptation rapide de l’organisation des tribunaux à l’évolution de leur volume de travail.. Pour concilier la satisfaction de cet impératif avec les garanties d’indépendance de la magistrature (à savoir le principe d’inamovibilité des juges et l’interdiction de dessaisir un juge d’une affaire), il semble opportun au CCJE que l’organisme indépendant  ( ) soit l’autorité compétente pour la collecte et le suivi des données ; et si un autre organisme a compétence pour accomplir ces tâches, l’Etat devrait veiller à ce que celles-ci restent dans le domaine public afin de préserver les intérêts politiques pertinents liés au traitement des données à caractère judiciaire. L’organisme indépendant devrait néanmoins être habilité à prendre les mesures nécessaires pour adapter l’organisation des tribunaux à l’évolution de leur volume de travail. »

[5]               Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent l’Avis n° 1 du CCJE :

             - Paragraphe 45 : « Même dans les systèmes juridiques où la pratique est satisfaisante en raison de la force des traditions et d'une auto-discipline informelle, d’ordinaire sous l'influence des médias libres, on prend de plus en plus conscience, qu'il serait nécessaire de mettre en place des garde-fous objectifs et formels. Dans d'autres Etats, notamment les ex-pays communistes, il y a urgence en la matière. Le CCJE estime que la Charte européenne – pour autant qu'elle préconise l'intervention (au sens suffisamment large pour couvrir une opinion, recommandation ou proposition, ainsi qu’une décision effective) d'une instance indépendante composée dans une grande mesure de représentants des juges choisis démocratiquement par d'autres juges – va dans la bonne direction, que le CCJE souhaite recommander. Ceci est particulièrement important pour les pays qui n'ont pas de système éprouvé aux bases démocratiques solides. »

                - et dans  l’Avis n° 6, paragraphe 34 (voir note n°4 ci-dessus).

[6]               Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent Avis n° 7 du CCJE :

                - Paragraphe 55 : « Lorsqu’un juge ou un tribunal est contesté ou attaqué par les médias (ou par des acteurs politiques ou autres de la société, par l’intermédiaire des médias) pour des raisons ayant trait à l’administration de la justice, le CCJE considère que le devoir de réserve des juges impliqués devrait leur interdire de réagir en utilisant les mêmes canaux. Le CCJE, gardant en mémoire le fait que les tribunaux devraient pouvoir rectifier les informations erronées diffusées par la presse, estime qu’il serait souhaitable que les pouvoirs judiciaires nationaux s’adjoignent les services de personnes ou d’un organe (par exemple le Conseil supérieur de la magistrature ou les associations de juges) qui soi(en)t prêt(s) à réagir de manière rapide et efficace à de telles contestations ou attaques, si nécessaire. »

[7]               Un exemple est le Comité de Sélection des Juges existant dans de nombreux Land allemands (composé essentiellement de membres du parlement et de juges) qui peut ne pas suivre la suggestion du Ministère de la justice concernant la désignation ou la promotion d’un candidat (droit de veto). Un autre exemple : les Conseils allemands pour les désignations judiciaires composés du président du tribunal et de juges élus par leurs pairs, et qui délivrent un avis écrit (non contraignant) sur l’aptitude personnelle et professionnelle du candidat (tel que prévu par la loi du land concernant la désignation et la promotion).