Strasbourg, 22 janvier 2007                                                                        CCJE REP(2007)22

                                                                                                            

                                                                                                  

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE)

 QUESTIONNAIRE POUR L’AVIS DU CCJE EN 2007

RELATIF AUX CONSEILS SUPERIEURS DE LA MAGISTRATURE

Réponse de la

délégation de la Belgique


QUESTIONNAIRE POUR L’AVIS DE 2007

RELATIF AUX CONSEILS SUPÉRIEURS DE LA MAGISTRATURE

Introduction

En 2007, le CCJE sera chargé d’enquêter sur les rôles institutionnels des conseils supérieurs de la magistrature ou autres organes équivalents qui ont été créés ou sont en cours de création – parfois au niveau constitutionnel – dans plusieurs pays européens, avec pour mission de protéger l’indépendance du pouvoir judiciaire, de prendre des mesures concernant l’administration des tribunaux et la carrière des juges, ainsi que d’assurer d’une manière générale l’application harmonieuse du principe de séparation des pouvoirs, qui est une pierre angulaire des États démocratiques modernes fondés sur la primauté du droit. [1]

La composition et les fonctions de ces organes varient d’un pays à l’autre[2], de même que leurs relations avec le gouvernement (en particulier le ministère de la Justice), mais le concept est partout essentiellement le même.

Les délégations qui vont répondre et qui appartiennent à un Etat dont le cadre institutionnel ne prévoit pas de conseil supérieur de la magistrature en tant que tel ne doivent pas hésiter à mentionner dans leur réponse l’organe ou les organes qui remplissent des fonctions analogues, au sein ou à l’extérieur du système judiciaire, afin que le CCJE puisse se faire l’idée la plus claire possible de la situation régnant dans ces pays. Il y a, en outre, en fin de document, une partie spécifique réservée aux Etats qui n’ont pas de conseil supérieur de ma magistrature.

Aux fins du présent questionnaire, et à ce stade de la discussion, on a retenu l’expression « conseil supérieur de la magistrature ou autre organe équivalent » (en anglais : « Council for the Judiciary or other analogous body »). Le travail du CCJE sur l’Avis relatif à cette question fournira l’occasion de justifier un tel choix. Dans les questions ci-dessous, on emploiera indifféremment les expressions « conseil supérieur de la magistrature » ou « conseil » ; si ce n’est pas l’expression employée dans votre Etat, veuillez l’indiquer, mais répondre quand même autant que possible aux questions.

Partie I – Contexte général concernant le système judiciaire

1.    Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir législatif à l’égard des juges ? Si oui, veuillez préciser.

Conformément au principe de séparation des pouvoirs, il ne peut y avoir d’interférence du pouvoir législatif à l’égard des juges.

L’indépendance des juges est garantie par la Constitution. Cette indépendance vise également à éviter les interférences personnelles de membres du pouvoir législatif, dans l’exercice de la fonction de juger.

La séparation des pouvoirs implique qu’un pouvoir ne peut se substituer à un autre lorsque ce dernier exerce une compétence discrétionnaire, mais il peut lui faire des recommandations.

Ce sont les limites des possibilités d’intervention tant du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif à l’égard du pouvoir judiciaire. C’est également la limite qui vaut pour le Conseil supérieur de la Justice à l’égard du pouvoir judiciaire.

Il faut enfin noter que le budget nécessaire pour le fonctionnement du pouvoir judiciaire est repris dans le budget du Ministère de la Justice, approuvé annuellement par la Chambre des représentants (voir question 2, ci-après)

2.    Le pouvoir législatif ou le Parlement peut-il ordonner des enquêtes ou mettre en place des commissions :

§  de manière générale concernant les juges ? Si oui, veuillez préciser.

§  concernant l’activité judiciaire ?

§  concernant des faits déjà soumis à un tribunal ?

§  concernant des actes de procédures (ex. écoutes téléphoniques, garde à vue)

Les deux Chambres fédérales peuvent créer des commissions d’enquête parlementaires, ayant les pouvoirs d’un juge d’instruction.

C’est ainsi que ces commissions peuvent entendre sous serment des membres du pouvoir judiciaire, examiner et formuler des recommandations sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire.

Cependant, ces commissions ont l’obligation de respecter le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de ne pas inférer dans des procédures judiciaires en cours, ni contester l’autorité de chose jugée qui revêt les jugements prononcés par les juges.

3.    Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir exécutif à l’égard des juges ?

Il existe des interférences constitutionnelles et légales du pouvoir exécutif à l’égard des juges.

4.    Si oui, est-il possible au pouvoir exécutif d’interférer :

§  dans la sélection, la formation,  la carrière ou les procédures disciplinaires des juges ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

Le Roi, sous la responsabilité du Ministre de la Justice, nomme les juges sur présentation du Conseil supérieur de la Justice.

Pour chaque fonction vacante, le CSJ présente un seul candidat.

Le Ministre de la Justice est chargé par la loi d’exécuter, en collaboration avec le CSJ, les programmes de formation permanente des magistrats, préparés par le Conseil supérieur de la Justice.

Un projet de loi actuellement en discussion à la Chambre des représentants (après avoir été approuvé en décembre 2006 par le Sénat) prévoit la création d’un Institut de formation judiciaire, constitué sous la forme d’un organisme d’intérêt public, doté d’une personnalité juridique propre, et relativement indépendant du pouvoir exécutif.

Pour ce qui concerne les procédures disciplinaires des juges, comme pour toute forme de contrôle de l’exécutif sur les juges, c’est par le biais des magistrats du Ministère public que le pouvoir exécutif intervient. Le Ministère public peut initier une procédure à l’égard d’un juge et interjeter appel de la décision disciplinaire.

§  dans la désignation des présidents des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

Le Roi, sous la responsabilité du Ministre de la Justice, désigne les chefs de corps (premiers présidents de cour et présidents de tribunal), sur présentation du Conseil supérieur de la Justice.

Pour chaque fonction vacante, le CSJ présente un seul candidat.

§  dans la gestion administrative des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

Le Roi, sous la responsabilité du Ministre de la Justice, et le Ministre de la Justice nomment les greffiers en chef, les greffiers et les membres du personnel des greffes des tribunaux et des cours.

5.    Le personnel du tribunal travaille-t-il sous l’autorité :

§  d’un juge ?

§  du Président du tribunal ?

§  du ministère de la justice ?

Le personnel de greffe exerce ses fonctions sous l’autorité du greffier en chef.

Il va de soi que le bon fonctionnement des tribunaux est dépendant de la bonne collaboration entre le président du tribunal, les juges et les greffiers et les membres du personnel des greffes.

6.    Un Président de tribunal est-il compétent :

§  en matière d’évaluation du travail des juges de son tribunal ?

§  concernant la distribution des tâches entre les juges ?

§  en matière disciplinaire à l’égard des juges ?

§  concernant la progression de carrière des juges ?

§  autre ? Si oui, veuillez préciser.

- Le Président n’est pas seul compétent en matière d’évaluation des juges. La procédure d’évaluation est menée par deux magistrats évaluateurs, lesquels sont élus par l’assemblée générale du tribunal, et par le chef de corps.

Le Président est cependant compétent pour évaluer le travail des juges composant son tribunal.  

- Le Président est chargé de l’organisation des activités et de la répartition des affaires entre les juges.

Dans le cadre de la gestion de son tribunal et en vue de la répartition des affaires entre les juges, il se doit logiquement d’évaluer le travail presté par ses juges.

- En matière disciplinaire, le Président du tribunal est l’autorité disciplinaire première du juge. C’est lui qui décide ou non d’ouvrir une instruction disciplinaire (sauf demande du ministère public), c’est lui qui est habilité à prononcer les sanctions mineures (avertissement, réprimande). S’il estime qu’une peine majeure s’impose, il transmet pour avis le dossier au Conseil national de discipline, le dossier étant ensuite soumis à la 1e chambre de la cour d’appel.

- En ce qui concerne la progression de carrière des juges, la distinction suivante doit être faite :

- pour ce qui concerne l’accès à un mandat adjoint (vice-président du tribunal), le Président du tribunal présente de façon motivée à l’assemblée générale du tribunal, 2 candidats à une place de vice-président. L’assemblée générale prend la décision.

- pour une autre promotion (à la Cour d’appel pour un juge d’instance par exemple), il appartient à chaque juge de se porter candidat personnellement. Le Président du tribunal dont relève le juge est appelé à rendre un avis sur la candidature du juge (tout comme le président du tribunal ou de la cour où la place est vacante, ainsi que le bâtonnier de l’ordre des avocats de l’arrondissement où siège le tribunal).

 

Partie II – Généralités concernant les conseils supérieurs de la magistrature

7.    Existe-t-il un conseil supérieur de la magistrature dans votre système judiciaire ?

La Constitutionbelge, révisée en 1998, crée un « Conseil supérieur de la Justice » (et non pas un Conseil de la magistrature)

8.    Quel est le titre exact ou la dénomination exacte de cet organe (dans le cas où un tel organe n’existe pas, quel est le service ou la structure – par exemple le Ministère de la Justice – responsable des tâches attribuées en principe à cet organe) ?

En français : Conseil supérieur de la Justice

En néerlandais : Hoge Raad voor de Justitie

En allemand : Hohen Justizrats

En anglais : High Council of Justice

Il est important de souligner que le Ministère de la Justice conserve encore de larges compétences en matière d’organisation judiciaire.

9.    Quel est la base juridique du Conseil supérieur de la magistrature ?

§  la Constitution ?

§  la législation ?

§  autre ? Si oui, veuillez préciser.

C’est l’article 151, § 2, de la Constitution qui crée le Conseil supérieur de la Justice.

La loi du 22 décembre 1998 insère un nouveau chapitre Vbis dans le Code judiciaire, intitulé « Du Conseil supérieur de la Justice » et comprenant les articles 259bis-1 à 259bis-22.

10.  Veuillez en fournir un bref historique (quand ce conseil a-t-il été créé, pour quels motifs ? etc.) (dans le cas où un tel organe n’existe pas, veuillez préciser les raisons pour lesquelles il n’existe pas ainsi que les raisons pour lesquelles les tâches ont été confiées à telle ou telle autre instance – Ministère de la justice par ex.))

Né dans la tourmente et le tumulte déclenchés par l'affaire Dutroux, le Conseil Supérieur de la Justice n'est pas seulement le fruit inattendu de circonstances dramatiques, mais l'aboutissement précipité, quoique tardif, d'une longue gestation sociale et politique.

La réforme était attendue, réclamée depuis longtemps. Soudainement mis en demeure de remédier aux dysfonctionnements de l'appareil judiciaire et de restaurer le lien de confiance, brisé par plusieurs échecs retentissants de la justice pénale, entre les pouvoirs publics et le peuple, le Gouvernement puis le Parlement ont pris conscience de la gravité des enjeux. Ils sont allés plus loin que les autres pays de l'Union européenne en optant, non pas pour un Conseil Supérieur de la magistrature dénomination empreinte d'une connotation corporatiste - mais pour un Conseil Supérieur de la Justice.

Petite révolution dans la Constitution - dont l'article 151 a dû être modifié à cet effet - la nouvelle institution est investie de compétences fondamentales et inédites, réparties entre deux Commissions : organisation des examens d’accès à la magistrature, formation permanente des magistrats et présentation des candidats aux fonctions de magistrat et de chef de corps (compétences des Commissions de nomination et de désignation), compétence d'avis et de propositions concernant le fonctionnement général et l'organisation de l'ordre judiciaire, surveillance générale et promotion de l'utilisation des moyens de contrôle interne au sein du pouvoir judiciaire, traitement des plaintes et pouvoirs d'enquête sur le fonctionnement du judiciaire (compétences des Commissions d’avis et d’enquête).

Partie III – Composition

11.  Quelle est la composition du Conseil supérieur de la magistrature :

§  nombre de membres ?

§  qualification des membres ?

§  les juges qui en sont membres ont-ils besoin de qualifications spéciales ou d’une expérience particulière ?

§  peut-on être membre du Conseil si l’on n’est pas magistrat ? Veuillez préciser (nombre de membres extérieurs, qualifications, fonctions spécifiques)

Le Conseil supérieur de la Justice est composé de 44 membres dans le respect d’une double parité, que l’on retrouve dans tous les organes internes du Conseil :

- 11 magistrats francophones et 11 magistrats néerlandophones,

- 11 non-magistrats francophones et 11 non-magistrats néerlandophones.

Pour rappel, en Belgique, le terme « magistrat » signifie tant les « juges » que les « magistrats » du parquet.

La loi a fixé la durée du mandat à quatre ans, renouvelable une seule fois.

12.  Veuillez décrire la procédure de désignation :

§  qui désigne les membres du Conseil ? (juges ou autres institutions ou autorités, veuillez préciser)

§  quel est le système de désignation utilisé ? (Vote, candidatures individuelles, désignation, etc.)

Les magistrats membres du Conseil supérieur sont élus par les magistrats, sans distinction de corps ; chaque magistrat dispose de trois voix dont au moins une voix doit se porter sur un candidat du siège et un candidat du parquet et au moins une voix doit se porter sur un homme ou sur une femme. Les candidatures sont individuelles.

Les non-magistrats membres du Conseil supérieur sont désignés par le Sénat à la majorité des deux tiers – ce qui signifie un accord entre la majorité et l’opposition - ; parmi ces 11 membres, 4 sont avocats, 3 professeurs d’université et 4 représentent la société civile (ils doivent disposer d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou universitaire et disposer d’une expérience utile pour la fonction d’au moins 10 ans). Les candidatures sont individuelles mais les barreaux d’une part, et les universités d’autre part, peuvent présenter des candidatures.

13.  Comment est nommé le Président et/ou le Vice Président du Conseil ?

L’Assemblée généralecompte 44 membres. Elle se réunit pour approuver les décisions prises par les commissions, et particulièrement celles de la commission d’avis et d’enquête. L’Assemblée générale désigne également les membres du Bureau.

Le Bureau est composé de quatre membres dans le respect de la double parité, qui exercent leur fonction à temps plein. Le Bureau du Conseil supérieur est manifestement conçu comme l’organe permanent de l’institution dont il assure la continuité dans la gestion et dans l’organisation. Chaque membre du Bureau préside une Commission, à savoir, soit une Commission de nomination et de désignation, soit une Commission d’avis et d’enquête, francophone ou néerlandophone.

La présidence est confiée pour une année à tour de rôle à chacun des membres du Bureau du Conseil supérieur.

A noter enfin que les membres sont répartis en 2 fois 2 Commissions :

- les Commissions de nomination et de désignation francophone et néerlandophone, composée chacune de 7 magistrats et 7 non-magistrats

- les Commission d’avis et d’enquête francophone et néerlandophone, composée chacune de 4 magistrats et de 4 non-magistrats.

14.  Quelle est la durée du mandat d’un membre du Conseil ?

La durée du mandat est de 4 ans, renouvelable directement une seule fois

15.  Un membre peut-il être démis de ses fonctions contre sa volonté ? Si oui, dans quelles circonstances ?

La loi a prévu des incompatibilités : mandat politique ou désignation comme chef de corps (président de tribunal, procureur du Roi, procureur général)

La loi a prévu que le mandat cesse de plein droit lorsqu’une incompatibilité apparaît, lorsqu’un membre se porte candidat à une fonction dans la magistrature, lorsqu’il perd la qualité requise pour siéger au Conseil supérieur ou lorsqu’il démissionne.

Enfin, l’assemblée générale peut, à la majorité des deux tiers, mettre fin au mandat d’un membre lorsque des motifs graves le justifient.

Partie IV – Ressources

16.  Quelles ressources financières sont allouées au Conseil ?

Le Conseil supérieur de la Justice bénéficie d’une dotation inscrite au budget des dotations (dans lequel sont reprises notamment les dotations à la Famille royale, aux Assemblées parlementaires, à la Cour d’arbitrage et à la Cour des comptes) et votées directement par la Chambre des représentants.

Le Conseil supérieur utilise librement les moyens financiers qui lui sont attribués sous réserve d’un contrôle a posteriori de la légalité des dépenses (et non de leur opportunité) exercé par la Chambre des représentants avec l’assistance de la Cour des comptes.

17.  Le Conseil dispose-t-il de son propre personnel ?

Le Conseil supérieur dispose de son propre personnel administratif, lequel est soumis à un statut administratif propre, fixé par le Conseil supérieur et ratifié par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres.

18.  Sinon, le personnel appartient-il :

§  au ministère de la Justice ?

§  à la Cour suprême ?

§  à une autre institution ? Veuillez préciser

19.  Quels sont les effectifs du personnel ?

20.  Quelles sont les qualifications du personnel ?

L’effectif actuel du personnel est de 45 personnes, dont 19 personnes de niveau universitaire, sous la direction de deux administrateurs (francophone et néerlandophone) et la coordination du Bureau.

21.  Le personnel doit-il être composé – même en partie seulement – de juges ?

22.  Quelles sont les tâches du personnel du Conseil ?

§  préparer de la documentation pour les membres du Conseil ?

§  leur fournir une analyse et une évaluation de la pratique des tribunaux ?

§  autre ? Si oui, veuillez préciser.

Les membres du personnel sont chargés d’apporter le soutien intellectuel et administratif aux membres du Conseil supérieur et aux membres du Bureau, notamment dans le cadre des compétences des différentes Commissions internes.

Ce soutien consiste notamment en :

- la préparation des dossiers de candidatures en vue d’une nomination dans la magistrature

- la préparation et l’exécution de la procédure d’examen en vue d’accéder à la magistrature

- l’examen des projets et propositions de loi concernant le fonctionnement de la justice et la préparation de notes de synthèse

- la participation à la rédaction d’avis sur les projets et propositions de loi

- le traitement des rapports annuels de fonctionnement des juridictions et la rédaction d’un rapport global sur le fonctionnement de l’ordre judiciaire

- la préparation du traitement des plaintes des citoyens et la préparation des activités des commissions chargées d’examiner les plaintes

- la réalisation, sous le contrôle des membres, des audits sur le fonctionnement de juridictions ou de corps

- la préparation et le suivi de la mise en œuvre des programmes de formation permanente des magistrats

- la traduction des documents vers le français et vers le néerlandais

- l’interprétation des réunions vers le français et vers le néerlandais

- toutes les autres tâches administratives de soutien aux activités des membres et des commissions.

Partie V – Tâches

23.  Veuillez décrire les différentes tâches du Conseil supérieur de la magistrature (dans le cas où un tel organe n’existe pas, veuillez préciser quelles sont les instances responsables pour les tâches énumérées ci-dessous – voir également partie VIII de ce questionnaire):

§  en matière de politique du personnel ? (désignation et promotion des juges, désignation des présidents ou des directeurs administratifs des tribunaux, affectation des juges et fixation de leur nombre, fixation du nombre et du siège des tribunaux, mutation des juges, etc.).

Les Commissions de nomination et de désignation (CND) du  Conseil supérieur sont compétentes, pour ce qui concerne la politique du personnel de :

1. la présentation des candidats pour une nomination dans la magistrature.

Chaque place vacante fait l’objet d’une publication au Moniteur belge (journal officiel). Le candidats adressent leur dossier au Ministre de la Justice qui, après avoir recueilli certains avis, le transmet au CSJ.

Les Commissions de nomination et de désignation (CND) doivent présenter au Roi un seul candidat pour chaque nomination de juge de paix, de juge au tribunal, de conseiller à la cour d’appel ou à la cour du travail, de conseiller à la Cour de cassation et de magistrats du parquet près ces juridictions.

Chaque présentation est motivée en droit et en fait (comparaison des titres et mérites de chaque candidat à une même fonction).

Le Roi nomme formellement la personne présentée, sous la responsabilité du ministre de la Justice.

Le Roi, c’est-à-dire, le Ministre de la Justice peut refuser la présentation. Ce refus doit être motivé. Il renvoie le dossier à la CND qui peut soit, accepter les motifs du refus et proposer un autre candidat, soit refuser les motifs du refus et proposer le même candidat.

S

Le Roi peut une nouvelle fois refuser la présentation. Dans ce cas, la place est à nouveau déclaré vacante et la procédure est recommencée dès le point de départ.

2° la présentation des candidats pour une désignation de chef de corps

Il s’agit mutatis mutandis de la même procédure que celle prévue pour les nominations.

La désignation par le Roi des chefs des juridictions et des corps est faite après que les CND ont présenté un seul candidat pour chaque fonction. Comme les chefs de corps exercent leur fonction pour un terme fixe de sept ans, ils ne sont plus nommés mais désignés par le Roi.

Une réforme vient d’être approuvée par le Parlement : le mandat de chef de corps sera désormais de cinq ans, renouvelable une fois, avec des évaluations intermédiaires.

3° l’accès aux fonctions de juge et de magistrats du parquet

Les CND préparent les programmes d’examen d’accès à la magistrature, en l’occurrence, l’examen d’aptitude professionnelle (pour les juristes expérimentés), le concours d’admission au stage judiciaire (pour les jeunes juristes) et l’examen oral d’évaluation (pour les avocats avec plus de 20 ans d’expérience professionnelle). Les CND organisent également ces examens et font passer les épreuves.

§  en matière de formation initiale et/ou continue des juges et/ou du personnel des tribunaux[3] ?

Les CND du Conseil supérieur de la Justice préparent les directives et fixent les programmes pour la formation permanente des magistrats et pour le stage judiciaire.

Après avoir été approuvées par l’Assemblée générale, les directives sont soumises à la ratification du Ministre de la Justice.

Les programmes concrets de formations sont préparés par des groupes d’experts réunis au CSJ.

L’exécution des programmes de formation et le support logistique sont assurés par le Ministère de la Justice, en collaboration avec la CND.

§  en matière d’activité des tribunaux en général ? (évaluation de la qualité de l’activité des tribunaux[4], mise en place d’une politique, de normes et d’objectifs concernant l’activité, instauration de pénalités pour mauvais usages de crédits) ?

Une des compétences générales du Conseil supérieur est de formuler des recommandations quant au fonctionnement des tribunaux et des parquets.

Cette compétence s’exerce notamment au moyen de la réalisation d’audit ou encore à l’occasion du traitement de plaintes de citoyens sur le fonctionnement d’une juridiction par les Commissions d’avis et d’enquête du Conseil supérieur de la Justice (CAE).

La CAE prépare les recommandations. Après avoir été approuvées par l’assemblée générale du CSJ, elles sont formulées soit à l’attention de la juridiction en question (propositions d’amélioration de son fonctionnement), soit à l’attention du Ministre de la Justice si des mesures structurelles sont proposées (extension de cadre, réformes impliquant des modifications législatives…)

§  concernant les tâches individuelles du juge ? (évaluation de son travail, fixation de critères d’évaluation concernant la qualité et la quantité de jugements rendus[5]) ?

Comme répondu à la question précédente, la compétence du CSJ concerne la formulation de recommandations, qui peuvent aussi viser un juge individuellement, notamment à partir des plaintes des citoyens.

§  en matière de procédure disciplinaire à l’encontre des juges ? (le Conseil a-t-il un pouvoir d’initiative ou de sanction, existe-t-il une possibilité d’appel ou un autre recours contre les sanctions, lorsque le Conseil exerce un pouvoir disciplinaire, respecte-t-il les dispositions de l’article 6 de la CEDH ?)

Le Conseil supérieur de la Justice ne dispose d’aucune compétence en matière disciplinaire. Les règles relatives à la discipline des magistrats sont mises en œuvre au sein de la magistrature elle-même, assistée par un Conseil national de discipline. La mise en œuvre du droit disciplinaire au sein du Parquet est réalisée sous l’autorité du ministre de la Justice.

La loi permet au Conseil supérieur d’informer l’autorité disciplinaire compétente lorsque, dans le cadre de l’exercice de ses missions, il estime qu’un magistrat, membre ou pas du CSJ, manque aux devoirs de sa charge ou refuse de collaborer. Dans ce cas, il demande à cette autorité disciplinaire d’examiner s’il y a lieu d’engager une procédure disciplinaire.

§  en matière de budget de la justice ? (le Conseil prend-il part aux négociations budgétaires avec le gouvernement ou le Parlement, le Conseil a-t-il compétence pour répartir les ressources financières allouées aux tribunaux, pour superviser l’utilisation des crédits affectées à chaque tribunal ?)

Le Conseil supérieur de la Justice n’a pas de compétence directe en matière de fixation du budget de la justice.

Le CSJ peut donner des avis sur l’affectation des moyens disponibles. Pour exercer cette compétence, le Conseil peut avoir recours à sa compétence en matière d’audit et demander ainsi au Ministre de la Justice de l’informer de l’utilisation des moyens budgétaires affectés à la justice.

§  en d’autres domaines non mentionnés ci-dessus ? (par exemple, participation au processus législatif , rapports au gouvernement/Parlement sur les problèmes de fond qui se posent dans le système judiciaire ?) Veuillez préciser.

Le Conseil supérieur est également compétent pour :

- formuler, à la demande du Ministre de la Justice ou des Chambres législatives, ou de sa propre initiative, des avis sur les projets et propositions de lois qui ont une incidence sur le fonctionnement de la justice. Ces avis sont préparés par la Commission d’avis et d’enquête réunie.

- établir les profils généraux pour le mandat de chef de corps (président de tribunal, premier président de cour, procureur du Roi, procureur général)

- traiter les plaintes des citoyens sur le fonctionnement de la justice (compétence des Commissions d’avis et d’enquête)

- établir un rapport annuel sur le fonctionnement général de l’ordre judiciaire, préparé par la Commission d’avis et d’enquête réunie

- surveiller de manière générale et promouvoir l'utilisation des mécanismes de contrôle interne au sein de l'ordre judiciaire et en établir un rapport annuel préparé par la Commission d’avis et d’enquête réunie

- proposer les critères d’évaluation des magistrats (il s’agit de l’appréciation professionnelle du magistrat qui peut avoir des conséquences négatives en terme de salaire)

24.  Le Conseil a-t-il des pouvoirs d’enquête ? Si oui, veuillez préciser.

La Commission d’avis et d’enquête du Conseil supérieur (CAE) peut, à l'exclusion de toute compétence pénale et disciplinaire, engager une enquête particulière sur le fonctionnement de l'ordre judiciaire.

Cette enquête est engagée, soit d'office, soit à la demande du Ministre de la Justice, soit à la demande de la majorité des membres de la Chambre des représentants ou du Sénat.

La CAE ordonne au chef de corps ou au supérieur hiérarchique compétent de mener l'enquête et de remettre un rapport écrit dans le délai fixé par la commission d'avis et d'enquête réunie.

La CAE peut également mener cette enquête elle-même, sous la direction d’un membre magistrat. Elle peut :

1° descendre sur les lieux afin de faire toutes les constatations utiles, sans toutefois pouvoir procéder à une perquisition;

2° consulter et se faire produire, sans déplacement, pour en prendre connaissance, des dossiers judiciaires clos, en prendre des extraits, des copies ou se faire fournir ceux-ci sans frais;

3° entendre les membres de l'ordre judiciaire à titre d'information. Dans ce cadre, la personne entendue est autorisée à faire des déclarations, qui sont couvertes par le secret professionnel.

Le rapport final établi par la CAE est ensuite soumis à l’assemblée générale du Conseil supérieur.

25.  Comment les membres du Conseil sont-ils informés du fonctionnement concret des tribunaux ? (d’où reçoivent-ils l’information, l’information fait-elle l’objet d’une analyse). Veuillez décrire.

La loi prévoit que toutes les juridictions et tous les parquets doivent faire parvenir au CSJ tous les rapports prescrits par la loi, et notamment leur rapport annuel de fonctionnement.

Ces rapports sont examinés et traités par la Commission d’avis et d’enquête afin de permettre au CSJ de rédiger un rapport sur le fonctionnement général de l’ordre judiciaire.

Par ailleurs, le CSJ reçoit également des informations lors de l’exercice de ses compétences en matière de traitement des plaintes des citoyens, ou encore à l’occasion de la réalisation d’audits.

26.  Quels sont les types de normes que le Conseil peut émettre :

§  avis sur le fonctionnement des systèmes judiciaires ?

§  recommandations ?

§  instructions aux tribunaux ?

§  décisions ?

Le Conseil supérieur peut, dans l’exercice de ses différentes compétences :

- formuler des avis et des recommandations générales (visant l’organisation judiciaire toute entière) ou particulières (visant la juridiction ou le parquet concerné)

- prendre des décisions quant à la réussite ou non dans le cadre des examens d’accès à la magistrature (la doctrine n’est pas unanime sur la question de savoir si ces décisions sont considérées comme actes administratifs susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat – la juridiction administrative unique -)

- formuler des présentations de candidats dans le cadre des procédures de nomination de magistrats et de désignation de chefs de corps

- décider les profils de chefs de corps

- prendre des décisions pour tout ce qui concerne la gestion administrative du CSJ (personnel et marchés publics) : ces décisions sont susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat.

27.  Les fonctions et responsabilités du Conseil sont-elles décrites dans la loi ou d’autres textes ? Veuillez préciser.

Les fonctions et responsabilités du CSJ sont décrites dans la Constitution et dans la loi.

28.  Si oui, la législation formule-t-elle ces tâches de façon générale, voire déclarative, ou plutôt concrète et spécifique ?

La Constitutionet la loi formulent ces tâches de façon concrète et spécifique.

29.  Votre pays a-t-il un code de déontologie des juges, et l’une des tâches du Conseil est-elle d’en garantir le respect ?

Il n’y a pas en Belgique de Code de déontologie des juges.

Le Conseil supérieur n’a pas de compétences spécifiques en matière de déontologie, sauf dans le cadre des recommandations sur le fonctionnement général de l’ordre judiciaire.

30.  Le Conseil s’occupe-t-il des relations extérieures des tribunaux ?

§  dispose-t-il d’un service des relations publiques ?

§  comment assure-t-il la transparence de son fonctionnement et de son organisation ?

Le CSJ n’est pas compétent pour les relations extérieures des tribunaux.

Il y a dans chaque parquet et dans la plupart des tribunaux, un ou plusieurs magistrats désignés pour assurer les relations extérieures et notamment avec la presse.

31.  Les décisions du Conseil sont-elles publiées et accessibles à tous ?

Toutes les décisions, avis et recommandations sont accessibles au public via le site Internet du CSJ (www.csj.be).

Partie VI– Évaluation de l’auto-gouvernance et de l’indépendance de la magistrature

32.  Dans quelle mesure le travail du Conseil est-il influencé par :

§  le pouvoir exécutif ?

§  le pouvoir législatif ?

Le CSJ étant un organe indépendant, on ne peut pas dire que son travail soit influencé ni par le pouvoir exécutif, ni par le pouvoir législatif.

Cependant, le travail du Conseil supérieur de la Justice est en partie tributaire du pouvoir législatif :

- les avis du Conseil supérieur sont rendus sur les projets et les propositions de lois en préparation au sein du Gouvernement ou en discussion au Parlement

- le budget de fonctionnement du CSJ est fixé par la Chambre des représentants.

Le travail du Conseil supérieur de la Justice est également en partie tributaire du pouvoir exécutif et plus particulièrement par le Ministre de la Justice et le Ministère de la Justice :

- les candidats sont présentés pour une fonction dans la magistrature après que la place ait été déclarée vacante par le Ministre de la Justice

- le Ministre de la Justice peut demander au CSJ de réaliser des enquêtes particulières

- le Ministère de la Justice assure, en collaboration avec le CSJ, l’exécution des programmes de formation des magistrats. A ce titre, le Ministère dispose de la maîtrise totale du budget affecté à la formation des magistrats.

33.  Le Conseil est-il indépendant des autres institutions de États, de sorte qu’il n’est pas susceptible de contrôle de leur part ?

Par son inscription dans la Constitution en dehors des trois pouvoirs constitutionnels – législatif, exécutif et judiciaire – le Conseil supérieur de la Justice est constitué comme organe sui generis indépendant. Il n’a de comptes à rendre à aucune autorité constitutionnelle (sauf pour ce qui concerne la fixation du montant de sa dotation dont l’exécution est contrôlée par la Cour des comptes).

34.  Quelle est la répartition des responsabilités et des pouvoirs entre le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la Justice ?

Le Ministère de la Justice reste compétent dans de très larges mesures, en matière de gestion des ressources humaines et matérielles du pouvoir judiciaire :

- gestion des cadres des magistrats et des personnels judiciaires

- paiement des traitements

- nomination formelle, congés et mise à la retraite

- gestion des budgets de fonctionnement

- gestion des infrastructures (bâtiments) avec le Service public chargé de la gestion des bâtiments de l’Etat

- exécution des peines et gestion des prisons

Il faut noter que le gouvernement a récemment adopté un vaste plan de modernisation de la gestion du pouvoir judiciaire visant à décentraliser au niveau des arrondissements judiciaires, les responsabilités en matière de gestion des ressources humaines et matérielles. Dans ce schéma, les chefs de corps seraient assistés par des managers professionnels.

Dans le cadre de ce plan, le législateur vient de créer une « Commission de modernisation de l’ordre judiciaire », chargée de la mise en œuvre du plan gouvernemental.

A terme, plusieurs des responsabilités exercées aujourd’hui par le Ministère de la Justice en ce qui concerne le budget et le personnel, seront assumées par des organes de gestion décentralisés dans lesquels les chefs de corps auront la responsabilité.

35.  Quelle est la répartition des responsabilités et des pouvoirs entre le Conseil supérieur de la magistrature, la Cour Suprême et les présidents des tribunaux ?

Le Conseil supérieur de la Justice ne faisant partie d’aucun des trois pouvoirs constitutionnels, il n’y a pas de répartition particulière de responsabilités et de pouvoirs entre le CSJ, la Cour de cassation et les Présidents des tribunaux. Chacun de ces organes exerce les compétences propres qui lui sont attribuées.

36.  La Cour suprême est-elle ou les hautes instances judiciaires sont-elles également sujette(s) à l’exercice des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature, ou bien des règles spéciales s’appliquent-elles à cet égard ?

Les compétences du CSJ en matière de nomination de magistrats, de désignation de chefs de corps, de contrôle externe, de traitement des plaintes, d’audit et d’enquête particulière, concernent également la Cour de cassation, sans aucune dérogation par rapport aux autres juridictions.

37.  Qui fixe les objectifs prioritaires de l’action du Conseil ?

Organe indépendant, le Conseil supérieur fixe lui-même ses objectifs prioritaires.

A cet égard, il a rédigé un Plan de Management ainsi qu’un Plan pluriannuel de mise en œuvre. Ces deux documents sont consultables sur le site Internet du CSJ : www. csj.be.

38.  Est-il possible à un tribunal ou à un magistrat de faire appel des décisions du Conseil ? Comment ?

Il n’est pas possible pour un tribunal de faire appel des décisions du Conseil supérieur.

Un magistrat s’estimant lésé dans le cadre de la procédure de présentation en vue d’une nomination ou d’une désignation peut faire recours au Conseil d’Etat, non pas contre l’acte de présentation du CSJ, mais bien contre l’arrêté royal formel de nomination (lequel reprend les motivations du CSJ).

Pour les autres compétences du CSJ, il n’y a aucun recours possible car il ne s’agit que de recommandations.

39.  De quels instruments ou pratiques se sert le Conseil :

§  pour maintenir l’indépendance des juges ?

§  pour protéger les juges des ingérences indues et/ou des attaques venant du grand public, des médias et des autres pouvoirs de l’État ?

§  pour intervenir en cas d’attaques contre ses propres intérêts[6] ?

§  pour améliorer les méthodes de travail des juges ?

1. L’indépendance des juges est garantie par la Constitution elle-même (nomination à vie, inamovibilité du juge). Le CSJ n’est pas chargé de veiller au maintien de son indépendance. Il doit respecter cette indépendance dans l’exercice de ses missions.

La loi prévoit également des mécanismes permettant aux juges d’exercer leur fonction en toute indépendance (ex. action disciplinaire au sein de la magistrature elle-même).

2. Il n’appartient pas au CSJ de protéger les juges contre des ingérences « indues » et/ou des attaques venant de l’extérieur.

C’est le chef de corps ou le Ministre de la Justice qui pourrait intervenir si nécessaire.

3. Le CSJ pourrait se défendre lui-même d’attaques contre ses propres intérêts. Le caractère constitutionnel du CSJ et la définition générale de ses compétences qui y est reprise, constitue un obstacle suffisant aux éventuelles tentatives du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif de limiter les compétences du CSJ.

4. C’est par ses recommandations formulées à l’occasion de l’exercice de ses compétences que le CSJ peut être le plus efficace.

C’est dans le prolongement de ses compétences, et dans le cadre plus spécifique de la compétence en matière d’audit confiée par le législateur aux Commissions d’avis et d’enquête du CSJ, que le CSJ a décidé de développer un modèle théorique d’audit interne pour les juridictions et de le mettre en œuvre à l’occasion d’audits menés actuellement dans plusieurs juridictions. L’utilisation de ces processus issus du monde entrepreneurial devrait permettre d’améliorer sensiblement le fonctionnement des tribunaux en ce compris, le travail des juges.

Enfin, grâce aux formations proposées par les Commissions de nomination et de désignation du CSJ, notamment aux techniques de management, le CSJ entend contribuer concrètement à la modernisation de la justice.

Partie VII – Tendances futures concernant les conseils supérieurs de la magistrature

40.  Y a-t-il des problèmes particuliers quant à la gestion administrative des tribunaux par rapport au rôle du Conseil ? Si oui, veuillez préciser.

Il n’y a pas de problèmes particuliers à cet égard.

41.  Des réformes sont-elles à l’étude ou envisagées pour le proche avenir s’agissant du Conseil ? Si oui, veuillez préciser.

La création prochaine d’un Institut de formation judiciaire aura pour conséquence de limiter la compétence du Conseil supérieur en cette matière, à la formulation de directives générales de formation. La préparation et la réalisation des programmes concrets de formation des magistrats seront de l’entière compétence de cet Institut.

Le CSJ sera représenté dans les organes de gestion de cet Institut et présentera à la nomination par le Ministre de la Justice, les membres de la direction de cet Institut.

En outre, la création de la Commission de modernisation de l’ordre judiciaire (voir réponse à la question 34) pourrait, à certains égards, rendre parfois difficile l’exercice par le CSJ, de sa compétence en matière de recommandation visant à l’amélioration du fonctionnement de la justice.

42.  Existe-t-il des liens entre le Conseil supérieur de la magistrature et les organisations ou associations professionnelles de magistrats ?

Il n’existe aucun lien entre le CSJ et les associations professionnelles de magistrats.

Le seul lien existant est celui que le CSJ entretient avec le Conseil consultatif de la Magistrature, récemment installé, chargé de donner des avis sur ce qui concerne le statut, les droits et les conditions de travail des magistrats. Un protocole a été signé réglant explicitement l’optique dans laquelle chacune de ces institutions rendent des avis sur les questions qui concernent le travail des juges.

43.  Si votre pays est membre du Réseau européen de Conseils de la Justice (RECJ), quelle en est concrètement la valeur ajoutée :

§  pour les actions nationales de votre Conseil ?

§  pour la coopération internationale.

Le CSJ de Belgique est membre fondateur du Réseau européen des Conseils de la Justice, en ayant d’ailleurs été l’initiateur avec le Raad voor de Rechtspraak des Pays-Bas et le Courts Service d’Irlande.

La coopération au sein du RECJ a permis au CSJ de développer ses relations extérieures et concrètement de mener des partenariats bilatéraux concrets (notamment avec les Conseils supérieurs de la magistrature d’Italie, de France et de Roumanie, avec le Conseil général du pouvoir judiciaire d’Espagne).

En outre, les rencontres régulières et le travail concret réalisé dans les groupes de travail (notamment le groupe de travail sur l’évaluation, le groupe de travail sur la mission et la vision pour un Conseil de la justice, le groupe de travail sur la discipline et la déontologie), permettent d’ouvrir de nouvelles réflexions sur l’organisation de la justice en Belgique.

44.  Le Conseil supérieur de la magistrature offre-t-il des caractéristiques pouvant présenter un intérêt particulier pour d’autres organes équivalents ? Si oui, veuillez préciser.

Il y a plusieurs caractéristiques du CSJ de Belgique qui pourraient être intéressantes pour d’autres organes équivalents.

La première, c’est la mission donnée au Conseil supérieur de la Justice en 1998 : rétablir la confiance des citoyens envers la justice. En effet, l’affaire Dutroux avait profondément ébranlé la confiance des citoyens Belges dans leur justice : incompétence des magistrats, nominations partisanes, absence totale de modernisation et d’adaptation à la société de la fin du 20e siècle.

La seconde, c’est la composition du Conseil supérieur : après 6 ans de fonctionnement, la mixité de la composition (moitié magistrat – moitié non magistrat) est plutôt un succès : l’apport des non-magistrats a permis de mener des débats où le corporatisme de la magistrature était absent. L’objectif général, tant dans les présentations en vue d’une nomination, que dans les avis ou encore dans les recommandations est presque toujours atteint : améliorer le fonctionnement de la justice au profit des citoyens, en vue de leur rendre confiance. Le souci premier n’est donc jamais l’amélioration des conditions personnelles des magistrats (même si évidemment, cette amélioration contribue souvent à améliorer le fonctionnement du tribunal lui-même…).

Partie VIII – Pays qui ne disposent pas d’un conseil supérieur de la magistrature

45.  Existe-t-il des mécanismes permettant d’assurer le respect du principe de la séparation des pouvoirs, concernant le judiciaire ?

46.  Comment et par qui les juges sont-ils désignés et comment est assurée leur promotion ?

47.  Une autorité indépendante[7] du gouvernement ou de l’administration prend-elle part au processus de désignation et de promotion :

§  si oui, comment est composée cette autorité ? un certain quota de juges est-il fixé ?

§  comment sont sélectionnés les membres qui la composent ?

§  quelles sont les tâches exactes concernant la désignation et la promotion des juges ?

48.  Comment le financement des l’activité des tribunaux est-il assuré ? Les juges ont-ils leur mot à dire dans les décisions concernant le budget ou la gestion du budget ?

49.  La création d’un conseil supérieur de la magistrature est-elle envisagée ? Si oui, quelles seront ses compétences ?



[1] La réorganisation des tribunaux et l’introduction des techniques modernes de management, ainsi que l’équilibre à garantir quant à l’indépendance des juges, ont été examinés par le CCJE dans certains de ses avis précédents (voir les références de ces avis ci-dessous dans des notes en bas de page – Pour la liste et les titres exacts des avis du CCJE, veuillez consulter le site Internet www.coe.int/ccje).

[2] En Europe, les conseils supérieurs de la magistrature ou autres organes équivalents peuvent se répartir sommairement entre un modèle septentrional et un modèle méridional. Dans le modèle septentrional (par exemple en Suède, au Danemark et en Norvège), ce qui domine, c’est l’organisation administrative des tribunaux ; l’organe considéré – qui entretient des relations très étroites avec son ministère de la Justice – y possède aussi de larges pouvoirs concernant la fixation des budgets et la gestion des tribunaux. Dans le modèle méridional (par exemple en Italie, en France, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Belgique), les organes en question – qui sont séparés de leurs ministères de la Justice respectifs – s’occupent principalement du recrutement, de la formation, de l’évaluation, de la mutation et de la promotion des juges, ainsi que de la discipline imposée à ceux-ci. On peut identifier également un modèle russe, dans lequel les hautes instances judiciaires nationales sont investies en outre du pouvoir d’administrer les tribunaux qui dépendent d’elles. Quant aux pays d’Europe centrale et orientale, la Lituanie et la Hongrie suivent à peu près le modèle septentrional, tandis que la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne se rapprochent davantage du modèle méridional. Enfin, les pays de common law ont des commissions judiciaires spécifiques accomplissant des tâches comparables à celles des conseils supérieurs de la magistrature.

[3] Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent dans l’Avis n° 4 du CCJE :

- Paragraphe 17 : « Il importe cependant, pour clarifier les attributions de chacun, de ne pas confier directement à la même autorité la charge de la formation et de la discipline des magistrats. Dans cette perspective, le CCJE recommande que, sous la responsabilité générale du pouvoir judiciaire ou d’un autre organe indépendant, la formation soit assurée par un établissement particulier bénéficiant d’un statut d’autonomie et doté de son propre budget, lui permettant de définir lui-même, en concertation avec les juges, les programmes de formation et d’en assurer la mise en œuvre. » ;

- Paragraphe 18 : « Les personnes chargées de la formation des juges ne devraient pas être, en outre, directement responsables de leur nomination ni de leur promotion. Si l’organe (par exemple un conseil supérieur de la magistrature) mentionné dans l’Avis n° 1 du CCJE aux paragraphes 73 (3), 37 et 45 est compétent pour la formation et la nomination ou la promotion, une séparation claire devrait exister entre les sections de cet organe qui sont responsables de ces tâches. »

[4] Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent l’Avis n° 6 du CCJE :

- Paragraphe 34 : « Le CCJE souligne fermement, tout d’abord, que l’évaluation de la « qualité » de la justice (c’est-à-dire le travail fourni par le système judiciaire dans son ensemble ou par chaque tribunal ou groupe local de tribunaux) ne devrait pas être confondue avec l’appréciation des capacités professionnelles de tel ou tel juge. L’appréciation professionnelle des juges, notamment celle qui est censée aboutir à des décisions importantes pour leur statut ou leur carrière, est une tâche qui a d’autres objets et doit être accomplie en fonction de critères objectifs, avec toutes les garanties d’indépendance judiciaire voulues. »

- Paragraphe 47 : « Le CCJE estime, d’une part qu’il est dans l’intérêt de la justice que la collecte et le suivi des données se fassent de façon régulière, d’autre part que des procédures appropriées autorisent une adaptation rapide de l’organisation des tribunaux à l’évolution de leur volume de travail.. Pour concilier la satisfaction de cet impératif avec les garanties d’indépendance de la magistrature (à savoir le principe d’inamovibilité des juges et l’interdiction de dessaisir un juge d’une affaire), il semble opportun au CCJE que l’organisme indépendant  ( ) soit l’autorité compétente pour la collecte et le suivi des données ; et si un autre organisme a compétence pour accomplir ces tâches, l’Etat devrait veiller à ce que celles-ci restent dans le domaine public afin de préserver les intérêts politiques pertinents liés au traitement des données à caractère judiciaire. L’organisme indépendant devrait néanmoins être habilité à prendre les mesures nécessaires pour adapter l’organisation des tribunaux à l’évolution de leur volume de travail. »

[5] Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent l’Avis n° 1 du CCJE :

- Paragraphe 45 : « Même dans les systèmes juridiques où la pratique est satisfaisante en raison de la force des traditions et d'une auto-discipline informelle, d’ordinaire sous l'influence des médias libres, on prend de plus en plus conscience, qu'il serait nécessaire de mettre en place des garde-fous objectifs et formels. Dans d'autres Etats, notamment les ex-pays communistes, il y a urgence en la matière. Le CCJE estime que la Charte européenne – pour autant qu'elle préconise l'intervention (au sens suffisamment large pour couvrir une opinion, recommandation ou proposition, ainsi qu’une décision effective) d'une instance indépendante composée dans une grande mesure de représentants des juges choisis démocratiquement par d'autres juges[5] – va dans la bonne direction, que le CCJE souhaite recommander. Ceci est particulièrement important pour les pays qui n'ont pas de système éprouvé aux bases démocratiques solides. »

- et dans  l’Avis n° 6, paragraphe 34 (voir note n°4 ci-dessus).

[6] Veuillez tenir compte des considérations suivantes, qui figurent Avis n° 7 du CCJE :

- Paragraphe 55 : « Lorsqu’un juge ou un tribunal est contesté ou attaqué par les médias (ou par des acteurs politiques ou autres de la société, par l’intermédiaire des médias) pour des raisons ayant trait à l’administration de la justice, le CCJE considère que le devoir de réserve des juges impliqués devrait leur interdire de réagir en utilisant les mêmes canaux. Le CCJE, gardant en mémoire le fait que les tribunaux devraient pouvoir rectifier les informations erronées diffusées par la presse, estime qu’il serait souhaitable que les pouvoirs judiciaires nationaux s’adjoignent les services de personnes ou d’un organe (par exemple le Conseil supérieur de la magistrature ou les associations de juges) qui soi(en)t prêt(s) à réagir de manière rapide et efficace à de telles contestations ou attaques, si nécessaire. »

[7] Un exemple est le Comité de Sélection des Juges existant dans de nombreux Land allemands (composé essentiellement de membres du parlement et de juges) qui peut ne pas suivre la suggestion du Ministère de la justice concernant la désignation ou la promotion d’un candidat (droit de veto). Un autre exemple : les Conseils allemands pour les désignations judiciaires composés du président du tribunal et de juges élus par leurs pairs, et qui délivrent un avis écrit (non contraignant) sur l’aptitude personnelle et professionnelle du candidat (tel que prévu par la loi du land concernant la désignation et la promotion).