Strasbourg, 1 février 2006

CCJE/REP(2006)2

Français seulement

CONSEIL CONSULTATIF DES JUGES EUROPEENS

(CCJE)

QUESTIONNAIRE SUR

 « LE role DU juge A L’EQUILIBRE ENTRE

LA PROTECTION DE L’INTERET PUBLIQUE ET DES DROITS DE L’HOMME

DANS LE CONTEXTE DU TERRORISME »

Réponse de la

délégation de  Luxembourg


Réponses au Questionnaire 2006 (Terrorisme)

A.1.     Dans votre pays, existe-t-il des initiatives de formation initiale et continue des juges en matière de droit international et européen ? Dans l’affirmative, veuillez joindre une liste des initiatives prises en la matière, en y indiquant les sujets traités au cours de la dernière année. Veuillez préciser, séparément pour la formation initiale et continue, le nombre de juges concernés par ces initiatives ainsi que le nombre total de juges dans votre pays.

Il n’existe pas d’initiative particulière pour ces droits.

Néanmoins, on peut relever, pour la formation initiale des jeunes magistrats, des cours sont organisés aussi bien pour le droit communautaire que pour les droits de l’homme, à raison d’une matinée pour chaque formation, étant entendu qu’il est supposé que le droit matériel en question est connu de par leur formation universitaire et leur expérience au Barreau. Des spécialistes sont chargés de l’enseignement de ces cours, tels, p.ex., le juge luxembourgeois à la Cour de Strasbourg ou d’anciens référendaires à la Cour de Luxembourg (CJCE). Nous recrutons entre 5 et 10 magistrats par année.

Pour la formation continue, tous les magistrats sont encouragés et ont la possibilité de participer aux séminaires organisés, d’une part, par l’Ecole Nationale de la Magistrature à Paris et notamment ceux portant sur le droit international, et, d’autre part et surtout, par l’Académie de Droit Européen (ERA) à Trèves (qui ne se trouve qu’à une trentaine de kilomètres de la ville de Luxembourg). Ces séminaires sont d’ailleurs bien suivis par les collègues (environ une vingtaine par an y participent sur un total de quelque 200 magistrats).

A.2.     Veuillez indiquer si chaque juge reçoit, périodiquement et  sans qu’il lui soit nécessaire d’entreprendre des recherches à cet égard, une information complète et exhaustive sur les nouveaux textes législatifs et la jurisprudence récente, tant au niveau européen qu’international. Dans l’affirmative, veuillez indiquer quels types de textes sont envoyés directement à chaque juge par les autorités de l’Etat (journaux officiels, revues juridiques, etc.). Veuillez également préciser quelles sont les informations transmises en version papier et celles transmises en version électronique (CD-ROM, etc.).

Actuellement, tous les nouveaux règlements européens en matière de coopération judiciaire civile (ex. Bruxelles I, Bruxelles II bis, etc.) ainsi que la plupart des textes concernant l’entraide pénale sont distribués en version papier à tous les magistrats.

Il en est de même des décisions importantes des Cours de Strasbourg et de Luxembourg.

Il est rappelé périodiquement à tous les magistrats quels sont les sites Internet où ils peuvent consulter les textes d’intérêt international.

 

A.3.     Les juges ont-ils la possibilité de suivre des cours de langues étrangères ? Ces cours sont-ils gratuits ou subventionnés par l'Etat ? Existe-t-il, au sein de chaque tribunal des services de traduction des textes juridiques ?

Il est opportun de rappeler que Luxembourg a trois langues officielles, à savoir le luxembourgeois, le français et l’allemand et que la langue judiciaire (utilisée dans les écrits en justice) est le français.

Tout magistrat luxembourgeois a dû suivre pour être admis au Barreau (on ne devient magistrat qu’après avoir été avocat pendant une période qui est actuellement de deux ans au moins) des cours spéciaux en terminologie juridique allemande et anglaise. Ces cours, obligatoires donc, sont évidemment gratuits.

Il n’existe aucun service au sein des juridictions pour la traduction de textes, juridiques ou autres. Pour les textes rédigés dans une langue non officielle, les juridictions recourent aux services de traducteurs assermentés, respectivement elles invitent les parties à fournir une traduction du texte par un traducteur assermenté. La plupart du temps, des textes en langue anglaise sont admis également sans traduction.

B.1      Quels sont les outils utilisés dans votre pays pour développer le dialogue entre les juges nationaux et les juges européens ? Veuillez fournir des données concernant les actions de formation mises en œuvre à cet égard au cours de la dernière année.

A part les informations sur la jurisprudence dont il a été question au point A ci-dessus, il n’existe pas de « dialogue » véritable entre les juges nationaux et les juges européens. On peut, cependant, mentionner, pour la CJCE dont le siège est à Luxembourg, que les juges luxembourgeois ont la possibilité d’assister à toutes sortes de conférences organisées par cette institution, ce qui favorise évidemment les contacts avec les juges de la CJCE.

B.2.     Des rencontres sont-elles organisées dans votre pays entre les juges nationaux et les juges européens ? Qui participent à ces rencontres? Comment leur résultat est-il répercuté pour en amplifier la portée ?

Des rencontres officielles ou régulières ne sont pas organisées entre les juges nationaux et les juges européens. On peut, cependant, mentionner les rencontres annuelles entre les juges européens (de la CJCE) avec les juges des Cours Suprêmes auxquelles les juges luxembourgeois participent régulièrement.

C.1.     Dans votre pays, quel rang occupent les sources suivantes de droit dans la hiérarchie des normes en particulier par rapport aux règles constitutionnelles et à celles de législation ordinaire ?

a)      la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ;

b)      les traités de l'Union Européenne ;

c)      les principes jurisprudentiels :

- de la Cour européenne des Droits de l'Homme ;

- de la Cour de justice des Communautés européennes ;

d)      les traités internationaux.

Veuillez citer les règles constitutionnelles ou la jurisprudence pertinentes.

Une jurisprudence constante, depuis plus de cinquante ans, consacre la suprématie du droit international, sans distinction, sur le droit interne. ( Le Code Administratif, v°Constitution, sub article 37, page 16, "Conflit entre traité international et loi nationale", cite un arrêt du Conseil d’Etat, Comité du Contentieux, du 28 juillet 1951 et deux arrêts de la Cour de Cassation du 08 juin 1950 respectivement du 14 juillet 1954. )

C.2.     La jurisprudence de votre pays reconnaît-elle la valeur - au moins à des fins d’interprétation - des recommandations et résolutions du Conseil de l'Europe ?

Non !

C.3      En cas d’éventuelle condamnation de votre pays par la Cour européenne des Droits de l’Homme en raison de dispositions législatives contraires aux règles de la CEDH, les juges nationaux sont-ils autorisés à ne pas appliquer de telles dispositions ?

Oui !

 Au-delà de l'exécution de la décision de la Cour de la part du gouvernement, les juges nationaux sont-ils autorisés à prescrire leurs propres mesures d'exécution des décisions de la Cour ?

Il n’y a aucune prescription en ce sens, autorisant les juridictions à agir de leur propre initiative. Une telle pratique n’existe pas non plus.

Néanmoins, on peut citer l’article 443.5° du Code d’Instruction Criminelle, tel qu’il figure au code depuis une loi du 5 juillet 1996 et qui dispose que : « La révision peut être demandée….lorsqu’il résulte d’un arrêt de la CEDH rendu en application de la Convention de sauvegarde…qu’une condamnation pénale a été prononcée en violation de cette convention. »

C.4.     En cas d’application de dispositions contraires aux règles de la CEDH dans une procédure terminée par une décision ayant force de chose jugée est-il possible, dans votre pays, avant un éventuel recours devant la Cour de Strasbourg  :

- de demander directement la révision de cette décision ?

- de demander la réparation du dommage subi ?


Non !

D.1.     Votre pays a-t-il intégré dans sa législation les recommandations et résolutions du Conseil de l'Europe ou assuré une diffusion particulière pour permettre la connaissance de ces textes ?

Non.

D.2.     Votre pays a-t-il adopté des dispositions de fond et de procédure spécifiquement consacrées aux affaires où existe une suspicion de terrorisme ?

La loi du 12 août 2003 portant

  1. répression du terrorisme et de son financement;
  2. approbation de la Convention Internationale pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New York en date du 10 janvier 2000,

a pour objet d’introduire les diverses infractions de terrorisme dans le code pénal national – à savoir les infractions de terrorisme, de financement de terrorisme et d’appartenance à un groupe terroriste. Elle adapte le code pénal national, le code d’instruction criminelle et certaines lois spéciales aux autres exigences contenues dans les instruments internationaux en matière de terrorisme et dont les plus significatifs sont la décision-cadre de l’UE du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme et la Convention de l’ONU pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New York en date du 10 janvier 2000. 

Veuillez préciser quel est le rôle du juge dans le déroulement des procédures dans ce type d’affaires et indiquer en quoi il diffère de son rôle dans les procédures de droit commun?

Le rôle du juge est le même que celui dans le droit commun sauf les exceptions énoncées à l’article 2 de la loi précitée du 12 août 2003, article que voici:

"Art. 2.

1) L’article 7-4 du Code d’Instruction criminelle est modifiée comme suit:

«Art. 7-4. Toute personne qui se sera rendue coupable à l’étranger d’une des infractions prévues par les articles 135-1 à 135-6 et 260-1 à 260-4 du Code pénal, pourra être poursuivie et jugée au Grand-Duché, lorsqu’une demande d’extradition est introduite et que l’intéressé n’est pas extradé.»

2) L’alinéa 1er du paragraphe (3) de l’article 67-1 du Code d’Instruction criminelle est complété comme suit:

«Toutefois ce délai de 12 mois ne s’applique pas lorsque la mesure a été ordonnée dans une instruction pour des faits qui se situent dans le cadre ou en relation avec une association ou une organisation criminelle au sens des articles 322 à 324ter du Code pénal, ou qui se situent dans le cadre ou en relation avec le terrorisme au sens des articles 135-1 à 135-4 du Code pénal, ou au sens de l’article 10, alinéa 1er, de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.»

( pour une meilleure compréhension de la portée de cette mesure dérogatoire, voici le texte de la première partie de l’alinéa 1er du paragraphe (3) de l’article 67-1 du Code d’Instruction criminelle:

«La personne dont un moyen de télécommunication a fait l’objet de la mesure prévue au paragraphe (1) est informée de la mesure ordonnée au cours même de l’instruction et en tout cas au plus tard dans les 12 mois qui courent à partir de la date de l’ordonnance… »)

3) L’article 26(2) du Code d’Instruction criminelle est modifiée comme suit:

«Par dérogation au paragraphe 1er, le procureur d’Etat et les juridictions de l’arrondissement de Luxembourg sont seuls compétents pour les affaires concernant les infractions consistant en des actes de blanchiment, ainsi que pour les affaires concernant des infractions aux articles 135-1 à 135-6 du Code pénal.» " 

Quelles sont les techniques utilisées pour concilier les impératifs de sécurité et de la sauvegarde des droits de l’homme pour les affaires où existe une suspicion de terrorisme ? Veuillez donner des indications sur les mesures prises notamment dans les domaines du droit pénal, du droit administratif, de l’admission, de l’exclusion et de la déportation des étrangers, et des actions préventives.

Les suspects respectivement les prévenus disposent de toutes les garanties de droit commun prévues tant par la législation interne ( Constitution, Code pénal et Code d’Instruction criminelle) que par les conventions internationales et plus particulièrement la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dite communément la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Pouvez-vous citer des affaires précises dans lesquelles la question d’une telle conciliation s’est posée ?

Nous ne pouvons citer aucune affaire précise dans laquelle la question d’une telle conciliation s’est posée.