Strasbourg, le 17 septembre 2013                                                                                       

CCJE-GT(2013)6

GROUPE DE TRAVAIL

DU CONSEIL CONSULTATIF

DE JUGES EUROPÉENS

(CCJE-GT)

Rapport de la 25e réunion

Rome, Italie, 12-14 juin 2013

Document établi par le Secrétariat

Direction générale I – Droits de l’homme et Etat de droit


 

I. INTRODUCTION

  1. Le Groupe de travail du Conseil consultatif de juges européens (CCJE‑GT) a tenu sa 25e réunion à Rome (Italie) du 12 au 14 juin 2013 à l’invitation du Conseil supérieur de la magistrature italien. La réunion a été présidée par M. Bart VAN LIEROP (Pays‑Bas), Vice-président du CCJE.

2.     L’ordre du jour et la liste des participants font l’objet des annexes I et III au présent rapport.

II. COMMUNICATION DU PRESIDENT, DES MEMBRES DU BUREAU ET DU GROUPE DE TRAVAIL DU CCJE

  1. M. Gerhard REISSNER (Autriche), Président du CCJE, informe les membres du CCJE‑GT des échanges de vues tenus au cours de la réunion du Bureau. Il souligne en particulier que les activités du CCJE sont en augmentation et que les membres du CCJE sont souvent invités à des conférences, séminaires et autres manifestations pour présenter les normes du CCJE. Ceci se traduit par un surcroît de travail pour les membres, mais il est réjouissant de constater que le CCJE est aujourd’hui plus visible et que ses normes sont davantage appliquées.

  1. M. REISSNER poursuit en indiquant qu’à présent le CCJE a plusieurs demandes de coopération. Il participera le 1er juillet 2013 à la 265e session du Comité européen des droits sociaux au cours de laquelle sera examinée la coopération entre ce comité et le CCJE. Le 18 juin 2013, il prendra part à la cérémonie du lancement du projet mis en œuvre en Ukraine par la Division de la coopération juridique du service de la coopération judiciaire et juridique, DGI. Il mentionne également les projets menés dans le cadre de la politique de voisinage du Conseil de l'Europe au Maroc et en Tunisie où les membres du Bureau du CCJE participent à plusieurs manifestations. En ce qui concerne les expertises législatives, M. REISSNER fait référence en particulier à une réponse très positive reçue de la Cour suprême de Géorgie concernant l’avis du CCJE sur le projet de loi relatif à la « Mise en place de la Commission d’Etat temporaire pour l’examen des erreurs judiciaires »[1].

5.     Les membres du Bureau donnent également au CCJE‑GT des informations concernant la préparation de la version actualisée du rapport sur la situation du pouvoir judiciaire et des juges dans les Etats membres. Il est fait état de la réunion organisée par l’Association « Magistrats européens pour la démocratie et les libertés » (MEDEL) à Bruxelles le 23 mai 2013 et des informations qui lui ont communiquées concernant les problèmes de la justice en Europe. La version actualisée du rapport intègrera les informations pertinentes émanant de sources bi-et multilatérales comme le MEDEL et d’autres organisations européennes. Une réunion spéciale du Bureau consacrée à la préparation du rapport se tiendra en septembre 2013 à Strasbourg.

6.     M. VAN LIEROP mentionne la création prochaine de la base de données interne dans le cadre du site web du CCJE qui rassemblera toutes les informations reçues de diverses sources sur la situation du pouvoir judiciaire et des juges en Europe.

7.     Les membres du Bureau indiquent qu’ils prévoient de se réunir avec M. Philippe Boillat, directeur général des droits de l’homme et de l’Etat de droit afin d’examiner les activités du CCJE et de partager leur expérience.

III. PREPARATION DU PROJET D’AVIS N° 16 SUR LES RELATIONS ENTRE LES JUGES ET LES AVOCATS

  1. Les membres du CCJE‑GT saluent le travail accompli par Mme Natalie FRICERO, expert scientifique (dans l’impossibilité d’assister à la présente réunion) pour préparer le texte servant à l’élaboration du projet d’avis n° 16 sur les relations entre les juges et les avocats et les moyens concrets d’améliorer l’efficacité et la qualité des procédures judiciaires (document CCJE‑GT(2013)1rev4). Le texte intègre les observations et conclusions résultant des discussions approfondies tenues lors de la 24e réunion du CCJE‑GT en avril 2013[2].

  1. Les membres du CCJE-GT saluent la qualité de l’organisation et des échanges de la conférence sur les relations entre les juges et avocats (13 juin 2013) organisée à Rome par le CCJE, en coopération avec le Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil  national des barreaux. La conférence a rassemblé quelque 70 juges et avocats et mis en lumière leur coopération et ses aspects institutionnels professionnels éthiques et procéduraux, les principes éthiques communs aux deux professions ainsi que leur formation commune et de nombreuses autres questions pertinentes. Sa date a permis au CCJE‑GT de discuter de la conférence en avance et à postériori.

  1. Les membres du CCJE‑GT procèdent à un examen approfondi du texte préparé pour l’avis et, surtout, s’emploient à améliorer son articulation pour le rendre plus direct et lui conférer un caractère plus concret. De nombreux commentaires ont été formulés sur l’égalité des armes, la dimension européenne des deux professions, les missions des juges et avocats, des points de fond et de procédure. Les questions liées à la loyauté et au procès équitable en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l'homme ont également été examinées.

  1. La question d’une coopération concrète entre juges et avocats lors de procédures particulières engendre un débat animé. Les paragraphes liés à l’amélioration des relations sous l’angle de la procédure, du dialogue et de la communication lors des procès sont soigneusement examinés et révisés.

  1. Les membres du CCJE-GT soulignent que l’avis ne doit pas créer l’impression d’être d’une certaine manière imposé aux avocats par les juges. Le principal message de l’avis doit être une coopération constructive dans l’esprit de la primauté du droit. L’autonomie du barreau doit toujours être respectée.

  1. La discussion porte en suite sur la question des relations avec les médias considérée comme un sujet délicat. A cet égard, il semble recommandé de souligner dans le texte les obligations et les tâches des juges lors d’une procédure pénale et les restrictions en découlant pour leur communication avec les médias.

  1. A la lumière des discussions, le CCJE‑GT procède à des remaniements considérables du projet de texte, y compris de sa structure. En outre, il est convenu qu’un certain nombre de membres du CCJE‑GT enverront leurs propositions par écrit à l’issue de la réunion pour insertion dans le projet. Le projet de texte résultant de la réunion fait l’objet de l’annexe II au présent rapport (document CCJE‑GT(2013)1rev7).

 

  1. Il est convenu que lorsque les membres du CCJE‑GT auront envoyé dans les semaines qui suivront leurs propositions écrites au Secrétariat, celui-ci procèdera à l’établissement du texte consolidé et l’enverra au CCJE‑GT pour de nouvelles observations et approbation, avant une nouvelle diffusion. Après approbation finale, il sera envoyé à tous les membres du CCJE pour commentaires en vue de la prochaine réunion plénière du 13 au 15 novembre 2013.

  1. La contribution du Conseil des barreaux européens (CCBE) au processus de rédaction de l’avis est également examinée. A la demande du CCBE, M. REISSNER a rédigé un document d’orientation sur l’avis. Il informe les participants que fin juin 2013, le CCBE tiendra une réunion de son Conseil d’administration au cours de laquelle seront examinés le document d’orientation et les contributions correspondantes du CCBE au processus de rédaction de l’avis.

IV. DIVERS

  1. La réunion plénière du CCJE se tiendra du 13 au 15 novembre 2013 à Strasbourg.

ANNEXE I

AGENDA / ORDRE DU JOUR

  1. Opening of the meeting / Ouverture de la réunion

  1. Adoption of the agenda / Adoption de l’ordre du jour

  1. Communication by the President, members of the Bureau and the Secretariat / Communication du Président, des membres du Bureau et du Secrétariat

  1. Preparation of the CCJE Opinion No. 16 on relations between judges and lawyers and concrete means to improve the efficiency and quality of judicial proceedings / Préparation de l’Avis n° 16 sur les relations entre juges et avocats et les moyens concrets d’améliorer l’efficacité et la qualité des procedures judiciaires

  1. Other work of the CCJE / Autres travaux du CCJE

·         Participation of the CCJE in other meetings in and outside the Council of Europe / Participation du CCJE à d’autres réunions au sein ou là l’extérieur du Conseil de l’Europe

  1. Any other business / Divers  


ANNEXE II

CCJE-GT(2013)1rev7

14 juin 2013

GROUPE DE TRAVAIL DU

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS (CCJE-GT)

PROJET D’AVIS N° (2013) 16

SUR LES RELATIONS ENTRE LES JUGES ET LES AVOCATS

POUR UNE JUSTICE EFFICACE ET DE QUALITE

I. INTRODUCTION

1. Conformément au mandat que lui a confié le Comité des Ministres, le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) a décidé de préparer en 2013 un Avis sur les relations entre les juges et les avocats et les moyens d’améliorer l’efficacité et la qualité des procédures judiciaires.

2. L’Avis a été préparé sur le fondement des Avis antérieurs du CCJE et des instruments pertinents du Conseil de l’Europe, de la Charte européenne sur le statut des juges de 1998, de la Magna Carta des juges de 2010, de la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilité ; des principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire de 2002, des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés par le 7e Congrès des Nations Unies en 1985.

Il est aussi fondé sur les travaux du Conseil des Barreaux Européens (CCBE), notamment la Charte des principes essentiels de l’avocat européen de 2006, ainsi que le Code de déontologie des avocats européens de 1998 modifié en 2002 et 2006, et les Principes de base relatifs au rôle du barreau adoptés par le 8e Congrès des Nations Unies en 1990.

Il prend en compte les réponses faites par les Etats au questionnaire ainsi que le rapport  de l’expert scientifique Mme Natalie FRICERO (France), de même que les contributions des participants aux conférences organisées le 7 novembre 2012 à Paris, conjointement par le CCJE et le Barreau de Paris, et le 13 juin 2013 à Rome, avec le Conseil Supérieur de la Magistrature et le Conseil National des Barreaux italiens.

Le CCJE a également consulté la Conseil des Barreaux Européens (CCBE) dans la cadre de la préparation du présent Avis.

II. ROLES RESPECTIFS DES JUGES ET DES AVOCATS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE

3. Les Etats de droit doivent organiser leur système judiciaire de telle sorte que la primauté du droit et le respect des droits et libertés fondamentaux soient garantis conformément à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-après la Convention), ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après la Cour).

Le CCJE a déjà reconnu le rôle primordial de la collaboration des différents acteurs au bon fonctionnement de la justice et l’importance des interactions entre ces acteurs. Ainsi, le CCJE affirme dans son Avis n° (2009)12 sur juges et procureurs dans une société démocratique, au paragraphe 10, que « le partage de principes juridiques et de valeurs éthiques communes par tous les professionnels impliqués dans le processus judiciaire est essentiel pour une bonne administration de la justice ».

4. Les rôles des juges et des avocats sont différents mais la contribution de chacun est nécessaire à l’élaboration d’une solution équitable et efficace du litige.

Le juge est chargé de conduire la procédure et de rendre la décision judiciaire opposant des parties au cours d’une procédure. Dans le contexte de la Convention ainsi qu’à la lumière de la jurisprudence de la Cour, le juge tranche, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence. Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés par l’assemblée générale des Nations Unies en 1985 précisent au point n° 2 que « les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d’après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l’objet d’influences, incitations, pressions, menaces  ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit». Les différents Avis du CCJE reprennent ce rôle du juge : «La fonction de juger implique la responsabilité de rendre des décisions contraignantes pour les personnes concernées par celles-ci et de trancher les litiges en disant le droit» (Avis n° (2009)12, § 23). « Leur indépendance n'est pas une prérogative ou un privilège octroyé dans leur propre intérêt, mais elle leur est garantie dans l'intérêt de la prééminence du droit et de ceux qui recherchent et demandent justice » (Avis n° (2001)1, § 10).  

Dans le cadre de sa mission qui est de défendre les intérêts de son client, l’avocat participe également au système d’administration de la justice et au bon déroulement du procès équitable. Dans le commentaire introductif de la Charte des principes essentiels de l’avocat européen (adoptée le 25 novembre 2006 par le Conseil des Barreaux européens), le rôle de l’avocat est défini au n° 6 : « un avocat, qu’il intervienne pour un citoyen, une entreprise ou l’Etat, a pour mission de conseiller et de représenter fidèlement le client, d’agir comme un professionnel respecté par les tiers, et un acteur indispensable à une bonne administration de la justice. En intégrant tous ces aspects, l’avocat, qui sert les intérêts de son client et veille au respect des droits de ce dernier, assure également une fonction sociale, qui est de prévenir et d’éviter les conflits, de veiller à les résoudre conformément au droit, pour favoriser l’évolution du droit et défendre la liberté, la justice et l’Etat de droit ». Les Principes de base relatifs au rôle du barreau adoptés par le 8e Congrès des Nations Unies en septembre 1990 précisent : « attendu que la protection adéquate des libertés fondamentales et des droits de l’homme, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels ou civils et politiques, dont toute personne doit pouvoir jouir, exige que chacun ait effectivement accès à des services juridiques fournis par des avocats indépendants » ; le Principe 12 rappelle que « les avocats, en tant qu’agents essentiels de l’administration de la justice, préservent à tous moments l’honneur et la dignité de leur profession ».

5. Le juge et l’avocat doivent être indépendants dans l’exercice de leurs fonctions, et doivent aussi être et apparaître indépendants les uns des autres. Cette indépendance est affirmée par les codes de déontologie de chacune des professions. Le CCJE estime que cette indépendance est essentielle au bon fonctionnement de la justice.

6. Le CCJE réaffirme le paragraphe 12 de la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilité, qui précise que : « sous réserve du respect de leur indépendance, les juges et le système judiciaire devraient entretenir des relations de travail constructives avec les institutions et les autorités publiques participant à la gestion et à l’administration des tribunaux ainsi qu’avec les professionnels dont les tâches sont en lien avec celles des juges, afin de permettre que soit rendue une justice efficace ».  De telles relations constructives sont nécessaires tant pour les juges que pour les avocats dans la conduite des procédures pour obtenir une solution au litige avec efficacité et qualité.

7. Aux fins de ces observations, deux domaines de relations entre juges et avocats peuvent être distingués:

- d’une part, les relations entre les juges et les avocats qui résultent des principes de procédure, et qui ont une incidence directe sur l’efficacité et la qualité des procédures judiciaires.  Dans son avis n° (2008)11 sur la qualité des décisions de justice, le CCJE a déjà précisé dans ses conclusions et recommandations que « (e) le niveau de qualité des décisions de justice résulte clairement des interactions entre les nombreux acteurs du système judiciaire » ;

- d’autre part, les relations qui résultent des comportements déontologiques des juges et des avocats, et qui imposent un respect mutuel des rôles de chacun et un dialogue constructif.

III. AMELIORATION DES RELATIONS PROCEDURALES, DIALOGUE ET  COMMUNICATION DANS LES PROCEDURES

8. Les juges et les avocats partagent tous les deux une obligation primordiale : le respect des règles procédurales et des principes fondamentaux du procès équitable, qui permettent de garantir un résultat final avec efficacité et qualité.

 

Des relations constructives entre les juges et les avocats assurent le respect du délai raisonnable des procédures, garantissent les droits de la défense et le principe du contradictoire, et améliorent le déroulement de l’audience. Elles permettent aussi de répondre aux différents besoins des parties : les justiciables s’attendent à être entendus et à ce que les juges et les avocats contribuent ensemble à une résolution équitable de leur affaire dans un délai raisonnable.

9. Les Etats doivent instaurer une législation procédurale adéquate, conforme à l’Article 6 de la Convention. Le processus de rédaction des règles procédurales adéquates devrait prévoir une consultation des juges et des avocats, non dans l’intérêt des juges et des avocats, mais pour garantir l’Etat de droit.

10. Dans la pratique, les règles de procédure, que ce soit dans les affaires civiles, pénales ou administratives, sont souvent complexes et permettent une variété de "incidents" de procédure et de recours intermédiaires. Cela peut entraîner des retards déraisonnables et des coûts élevés pour les parties. Le CCJE appuie fermement les tentatives pour analyser et évaluer les règles de procédure en vigueur dans les Etats membres et d'élaborer les règles plus transparents et adéquats où ils sont nécessaires. Echange d'expérience internationale, également par des juges et des avocats, peut favoriser le développement de «bonnes pratiques». Cependant, les différences sociales et culturelles entre les Etats membres devraient être prises en compte. Consultation des usagers de la justice est particulièrement pertinente dans le processus de développement de règles de procédure adéquates.

11. Le CCJE est d’avis que la législation doit donner au juge des pouvoirs procéduraux effectifs lui permettant de mettre en œuvre les principes du procès équitable, et d’empêcher les délais excessifs et les manœuvres dilatoires. 

Cette législation devrait être suffisamment ferme et prévoir des délais clairs tout en permettant une certaine flexibilité si nécessaire. Le CCJE se réfère aux travaux de la CEPEJ et notamment aux lignes directrices du Centre SATURN pour la gestion du temps judiciaire[3] qui indiquent : « Il convient d’être prudent lorsque l’on fixe des délais dans la législation ou d’autres textes généraux, car il faut tenir compte des différences possibles entre les affaires concrètes ».

12. Lorsque les juges et les avocats ont tous deux suffisamment de maîtrise sur les règles procédurales, ils peuvent s’engager dans un dialogue fructueux, chacun contribuant au résultat final selon son rôle dans la procédure.

13. Un même accès à l’information concernant le droit  procédural et le droit  substantiel, de même qu’un accès à la jurisprudence la plus importante, devrait être offert aussi largement que possible aux juges et aux avocats, « disponibles sur internet i) gratuitement, ii) sous une forme aisément accessible, et iii) en tenant compte de la protection des données personnelles. Le CCJE se félicite des initiatives visant à introduire des identificateurs de jurisprudence internationale (telles que le système ECLI de l’Union européenne) qui amélioreraient l’accès à la jurisprudence étrangère » (Avis du CCJE n° (2011)14 § 24).

14. Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1985 posent en principe n° 6 que « en vertu du principe d’indépendance de la magistrature, les magistrats ont le droit et le devoir de veiller à ce que les débats judiciaires se déroulent équitablement et à ce que les droits des parties soient respectés ». Le rôle des avocats dans la défense des droits des parties implique leur collaboration active dans la conduite de la procédure (accords relatifs aux calendriers de procédure[4], planification des audiences intermédiaires, coopération en matière de production de preuves et résultat de la procédure). 

 

15. Le CCJE est d’avis qu’il est important de développer des audiences facilitant une coopération efficace entre les juges et les avocats destinées à déterminer les pièces, témoignages, expertises nécessaires. Ce dialogue peut aussi se dérouler en présence des parties.

16. Les juges et les avocats doivent coopérer en vue de répondre aux besoins des parties, notamment par un règlement amiable de leur litige. Dans son Avis n° 6(2004) sur « le procès équitable dans un délai raisonnable et le rôle des juges dans le procès, en prenant en considération les modes alternatifs de règlement des litiges », le CCJE a préconisé que le développement des modes alternatifs au règlement des litiges soit encouragé : le CCJE est d’avis, par exemple, que des sessions de formation commune pourraient améliorer la compréhension mutuelle du rôle respectif des juges et des avocats dans le cadre des modes alternatifs au règlement des litiges.

17. La volonté de coopération et de dialogue pourrait aussi prendre la forme de lignes directrices en matière de procédure, négociées au niveau institutionnel. Le CCJE est d’avis que les tribunaux doivent inciter à la mise en place de bonnes pratiques résultant d’accords entre les tribunaux et les barreaux. Des accords concernant la gestion et la conduite des procédures ont été établis dans de nombreux systèmes judiciaires, en prenant des formes diverses (Etudes n° 16 de la CEPEJ, Contractualisation et processus judiciaires en Europe, p. 46 s.). L'implication des avocats dans la gestion de la procédure a également l'avantage d'augmenter leur motivation. Le CCJE estime que ces accords généraux relatifs à la procédure doivent être conformes aux règles de procédure et être rendues publiques afin d'assurer la transparence pour les avocats et les justiciables.

18. Il est nécessaire d’établir une bonne communication entre les tribunaux et les avocats pour assurer la célérité et l’efficacité des procédures. Le CCJE est d’avis que les Etats devraient mettre en place des systèmes facilitant une communication par voie informatique entre les tribunaux et les avocats, pour améliorer les services rendus aux avocats et leur permettre de consulter facilement l’état de la procédure concernant leurs dossiers. Dans son Avis n° (2011)14 sur « Justice et technologies de l’information », le CCJE a déjà recommandé que « les TI jouent un rôle primordial dans la fourniture d’informations aux juges, avocats et autres intervenants au sein du système judiciaire, ainsi qu’au public et aux médias ». 

IV. DEVELOPPEMENT DE LA COMPREHENSION ET DU RESPECT MUTUELS DES ROLES DE CHACUN – PRINCIPES DEONTOLOGIQUES

19. Les juges et les avocats disposent chacun de leurs propres principes déontologiques.

Le Code de déontologie des avocats européens adopté le 28 novembre 1998 a identifié ces principes dans les rapports entre les avocats et les magistrats. L’article 4 du Code précise les règles essentielles : « l’avocat qui comparaît devant la cour ou le tribunal doit respecter des règles déontologiques applicables; il doit en toute circonstance respecter le caractère contradictoire des débats ; il défend son client avec conscience et sans crainte, sans tenir compte de ses propres intérêts, tout en faisant preuve de respect et de loyauté envers le juge ; à aucun moment, l’avocat ne doit donner sciemment au juge une information fausse ou de nature à l’induire en erreur ».

Par ailleurs, pour les juges, [to be developed by CCJE + Bangalore principles]

20. Cependant il existe plusieurs principes déontologiques communs aux juges et aux avocats, notamment le respect du droit, du secret professionnel, de l’intégrité et de la dignité, du respect du justiciable, de la compétence, de la loyauté et du respect mutuel.

21. Le CCJE considère que les relations entre les juges et les avocats doivent être fondées sur la compréhension du rôle de chacun, sur le respect mutuel et l’indépendance de l’un de l’autre[5].

Pour cela, le CCJE est d’avis qu’il faut développer le dialogue et les possibilités d’échanges entre juges et avocats à un niveau institutionnel (national et européen) sur la question des relations mutuelles. Tant les codes d’éthique des juges que ceux des avocats devraient être pris en compte. A cet égard le CCJE encourage l’indentification d’au moins quelques principes éthiques communs, tels que le devoir d’indépendance, la coopération pour une conduite équitable et rapide des procédures et la formation professionnelle permanente. Les associations professionnelles et les organes indépendants chargés de l’administration des professions de juge et d’avocat devraient être responsables de ce processus.

22. La compréhension et le respect mutuel peuvent aussi résulter d’une meilleure connaissance des attributions de chacun[6]. Des colloques de fonction ou des conférences destinés aux juges et aux avocats devraient porter sur le rôle de chacun et l’importance de leurs relations, tout en ayant pour objectif général de promouvoir un règlement équitable et efficace des litiges, dans le respect de leur indépendance.

23. Dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, il y a une grande variété de façons comment les juges sont recrutés. Le CCJE se réfère au rapport de la CEPEJ "Évaluation des systèmes judiciaires européens», édition 2012, Chapitre 11.1. Il y a certains pays (comme le Royaume-Uni, Suisse, Norvège), où les juges sont recrutés principalement parmi les juristes expérimentés. Dans d'autres pays, les juges et les avocats ne partagent pas une carrière commune. Dans ces pays, le développement de la compréhension mutuelle entre les deux professions est particulièrement pertinent. Une des possibilités pour encourager cette compréhension est le développement des stages pour les juges  auprès de cabinets d’avocats et pour les avocats auprès des tribunaux.

24. Les relations entre les juges et les avocats doivent toujours préserver l’impartialité et l’image d’impartialité du tribunal. Les juges et les avocats devraient tous deux en être pleinement conscients. Des règles procédurales et déontologiques adéquates devraient préserver cette impartialité.

25. Les juges et les avocats disposent tous deux de la liberté d’expression conformément à l’article 10 de la Convention. Cependant, en exerçant de cette liberté, ils doivent se comporter conformément à leurs règles déontologiques, respecter de la dignité de l'autre, s'abstenir d’attaques personnelles et éviter toute action qui pourrait compromettre l'indépendance et le rôle essentiel des deux professions. La Cour a expressément déclaré que la liberté d'expression ne peut être utilisée pour conduire à la destruction des droits et libertés garantis par la Convention[7].

26. Les juges sont tenus de sauvegarder le secret des délibérations et leur impartialité, ce qui leur interdit, notamment, de commenter les procédures. En particulier, la présomption d'innocence (article 6 (2) de la Convention) « exige que les membres du tribunal ne partent pas de l'idée préconçue que le prévenu a commis l'infraction »[8]. Ceci s'applique également à tous les autres acteurs et personnes concernés. Les autorités nationales devraient garantir, par une législation appropriée ou la jurisprudence, la présomption d'innocence[9]. Le juge devrait également faire attention s’il est appelé à commenter sur le travail de l’avocat, en tenant compte que le premier devoir de l’avocat est d'agir dans l'intérêt de sa client.

27. La liberté d’expression des avocats peut aussi être limitée, comme cela est reflété dans la jurisprudence de la Cour, « pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire »[10]. La Cour a reconnu qu'il est d'une importance fondamentale dans une société démocratique que les tribunaux inspirent confiance au public[11], donc les juges doivent être protégés contre des attaques destructrices, sans fondement factuel. En outre, étant donné qu'ils ont un devoir de discrétion, les juges ne peuvent pas répondre en public à diverses attaques, comme, par exemple, les personnalités politiques  sont capables de le faire[12].

28. Le respect des collègues professionnels et le respect de la primauté du droit et la bonne administration de la justice[13] demandent l'abstention de critiques abusives de collègues professionnels, des juges individuels et des procédures et décisions judiciaires. En particulier, surtout dans les affaires délicates, impliquant des personnalités publiques, s’ils commentent les décisions des juges, les avocats devraient éviter toute critique qui porterait atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire ou entamerait la confiance du public dans le pouvoir judiciaire et aussi s’abstenir de toute action susceptible de susciter le doute de leurs clients quant à se conformer aux décisions du juge, autrement que par l’expression de leur intention d’exercer une voie de recours[14].

Le CCJE estime que, le cas échéant, des discussions sur ce sujet devraient avoir lieu entre les barreaux et les tribunaux.

V.  RECOMMANDATIONS

Le CCJE réaffirme que « le partage de principes juridiques et de valeurs éthiques communes par tous les professionnels impliqués dans le processus judiciaire est essentiel pour une bonne administration de la justice », et recommande ce qui suit :

I. Le CCJE recommande que les Etats mettent en place une législation procédurale adéquate, qui définit les activités des juges et des avocats, et  donne au juge les pouvoirs de mettre effectivement en œuvre les principes du procès équitable, et d’empêcher les manœuvres dilatoires des parties.

II. Le CCJE est d’avis que les compétences des juges et des avocats tells qu’établies par le droit procédural et substantiel devraient permettre un  dialogue fructueuse, chacun contribuant au résultat final selon son rôle dans la procédure.

III. Le CCJE recommande que les juges développent, dans le cadre des règles de procédure, des audiences et mettent en place, en consultation avec les avocats, des calendriers de procédure précisant les étapes de la procédure, établissant des délais raisonnables et adaptés et organisant la présentation des pièces  et autres éléments de preuve.

IV. Le CCJE recommande que les tribunaux dialoguent avec les représentants des barreaux pour mettre en place des bonnes pratiques, dans le respect des règles procédurales. S’il y a lieu, pour garantir la sécurité juridique, des contrats de procédure peuvent être passés.

V. Le CCJE recommande le développement de moyens de communication entre les tribunaux et les avocats. Les juges et les avocats doivent pouvoir communiquer sur toutes les étapes de la procédure. Le CCJE est d’avis que les Etats devraient mettre en place des systèmes permettant une communication par voie informatique entre les tribunaux et les avocats.

VI. Pour répondre aux besoins des parties, le CCJE préconise le développement des modes alternatifs au  règlement des litiges. Il est d’avis que la compréhension du rôle respectif des juges et des avocats dans le cadre d’un règlement amiable d’un litige par conciliation ou par médiation constitue un élément essentiel pour développer une telle approche, et que, dans la mesure du possible, des sessions de formation communes sur les modes alternatifs devraient être mises en place.

VII. Le CCJE recommande qu’un dialogue  et des possibilités d’échanges soient développés entre juges et avocats à un niveau institutionnel sur la question des relations mutuelles, dans le plein respect à la fois du code éthique des avocats et de celui des juges. Ce dialogue devrait permettre une compréhension et un respect mutuels du rôle de chacun, dans le respect de l’indépendance tant des juges que des avocats.

VIII. Cette compréhension mutuelle peut résulter d’une meilleure connaissance du rôle de chacun et de l’importance de leurs relations, tout en ayant pour objectif de promouvoir un règlement équitable et efficace des litiges. Le CCJE est d’avis, lorsque cela est approprié, qu’une formation commune aux juges et aux avocats sur des sujets d’intérêt commun peut contribuer au développement d’un système d’administration de la justice de la plus grande qualité.

 


ANNEXE III

LIST OF PARTICIPANTS

Members of CCJE-GT / Membres du CCJE-GT

CROATIA/CROATIE (apologized/excusé):

Mr Duro SESSA, Judge, Supreme Court of Croatia, ZAGREB

GERMANY/ALLEMAGNE

Mr Johannes RIEDEL, President of the Court of Appeal, KÖLN, Vice-President of the Constitutional Court of North Rhine-Westphalia

ITALY/ITALIE

Mr Raffaele SABATO, Counsello, Supreme Court of Cassation, Member, Board of Directors, School for the Judiciary, ROME

LITHUANIA/LITUANIE

Mr Virgilijus VALANČIUS, President of the Supreme Administrative Court of Lithuania, VILNIUS

Luxembourg

M. Jean-Claude WIWINIUS, Président de Chambre, Cour Supérieure de Justice, LUXEMBOURG

NORWAY/NORVEGE (apologized/excusé):

Mr Nils ENGSTAD, Judge, Halogaland Court of Appeal, Tromsø

PORTUGAL (apologizedexcusé)

Mr Orlando AFONSO, Judge, Supreme Court of Portugal, LISBONNE

SPAIN/ESPAGNE (apologized/excusé):

Mr José Francisco COBO SÀENZ, Judge, Chair of the Section. 2a, Provincial de Navarra, Pamplona

SWITZERLAND / SUISSE

M. Bernard CORBOZ, Juge fédéral, Tribunal fédéral, LAUSANNE

“THE FORMER YUGOSLAV REPUBLIC OF MACEDONIA”/“L’EX-REPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACEDOINE” (apologized/excusé):

Ms Aneta ARNAUDOVSKA, Judge, Director of the Academy for training of judges and prosecutors, SKOPJE

Members of the CCJE-BU /Membres du CCJE-BU

AUSTRIA/AUTRICHE (President of the CCJE/ Président du CCJE):

Mr Gerhard REISSNER, President of the International Association of Judges, President of the District Court of Floridsdorf, Vienna

THE NETHERLANDS/PAYS BAS (Vice-President of the CCJE/ Vice-Président du CCJE):

Mr Bart VAN LIEROP, Senior Justice, Administrative High Court for Trade and Industry, The Hague

SLOVENIA/SLOVENIE :

Ms Nina BETETTO, Judge, Supreme Court of Slovenia, Ljubljana

UNITED KINGDOM/ ROYAUME-UNI (apologized/excusé):

Lord Justice Richard AIKENS, Royal Courts of Justice, Strand, LONDON

***

COUNCIL OF EUROPE’S SECRETARIAT /

SECRETARIAT DU CONSEIL DE L’EUROPE

Directorate General of Human Rights and Rule of Law/

Direction Générale des droits de l’homme et de l’état de droit

Division for the independence and efficiency of justice /

Division pour l’indépendance et l’efficacité de la justice

E-mail: [email protected]

Fax: + 33 (0) 88 41 37 43

Mr Stephane LEYENBERGER, Secretary of the CCJE / Secrétaire du CCJE, tel: + 33 (0)3 88 41 34 12; e-mail: stephane.leyenberger@coe.int

Mr Artashes MELIKYAN, Co-Secretary of the CCJE / Co-Secrétaire du CCJE, tel: + 33 (0)3 90 21 47 60; e-mail: [email protected]

Mr Jean-Pierre GEILLER, Documentation / Documentation, tel: + 33 (0)3 88 41 22 27; e-mail: [email protected]

Ms Annette SATTEL, Communication / Communication, tel: + 33 (0)3 88 41 39 04; e-mail: [email protected]

Ms Emily WALKER, Assistant / Assistant; tel: + 33 (0)3 90 21 48 39, e-mail: [email protected]



[1] Pour plus d’informations sur ces activités, voir le rapport sur la 14e réunion du Bureau du CCJE à Rome, document CCJE-BU(2013)3).  

[2] Voir le rapport sur la 24e réunion du CCJE‑GT à Strasbourg, document CCJE-GT(2013)4. Un projet de structure détaillée de l’avis n° 16 est joint à ce rapport.

[3] Voir CEPEJ(2008)8Rev sur www.coe.int/cepej.

[4] Les lignes directrices SATURN de la CEPEJ (CEPEJ(2008)8rev) rappellent la nécessité d’une « collaboration loyale de toutes les parties impliquées ». « Si possible, le juge devrait essayer de trouver un accord avec tous les participants à la procédure sur le calendrier de cette procédure. Pour ce faire, il devrait aussi bénéficier de l’aide du personnel nécessaire (greffiers) et des technologies de l’information ».

[5] Le juge « manifeste la considération voulue à toutes les personnes (parties, témoins, avocats, par exemple), sans distinction inspirée par des motifs illégitimes ou dépourvue de rapport avec le bon exercice de ses fonctions. Il devrait également garantir une compétence professionnelle évidente dans l’exercice de ses fonctions » (l’Avis du CCJE n° (2002)3 § 23). « Le juge devrait également exercer ses fonctions dans le respect de l’égalité de traitement des parties, en évitant tout parti pris et toute discrimination, en maintenant l’équilibre entre les parties et en veillant au respect du principe de la contradiction » (2002)3 § 24) .

[6] Le CCJE a affirmé dans l’Avis n° (2009)12 sur juges et procureurs dans une société démocratique, au point n° 10, que « lorsque cela est approprié, une formation commune aux juges, aux procureurs et aux avocats sur des sujets d’intérêt commun peut contribuer à la recherche d’une justice de la plus haute qualité ».

[7] Voir Kühnen v. the Federal Republic of Germany, 1988; D.I. v. Germany, 1996.

[8] Voir Barberà, Messegué and Jabardo v. Spain, 1989.

[9] Presumption of innocence and freedom of information: two competing rights? Déclaration de Dean Spielmann, le 30 septembre 2002 (en anglais).

[10] Voir Kyprianou contre Chypre, 15 décembre 2005, n° 73797/01; Alenka Pecnik c. Slovenie, 27 septembre 2012, n° 44901/05.

[11] Voir Olujic v. Croatia, 2009.

[12] Voir De Haes and Gijsels v. Belgium, 1997.

[13] Voir les principes (h) et (i) de la Charte des principes essentiels de l’avocat européen de la CCBE.

[14] Voir le principe 18 de la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités.