29ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 20-22 octobre 2015)

Projet de résolution et exposé des motifs : « Évolution de la régionalisation dans les États membres du Conseil de l’Europe»

Discours de Marie Mialot Muller (France, SOC), rapporteur du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Mme la Présidente, Chers collègues,

Permettez-moi de commencer par un bref rappel du contexte du projet  de rapport intitulé « Évolution de la régionalisation dans les États membres du Conseil de l’Europe ». En décembre 2012, un groupe de réflexion a été mis en place, composé de M. Francesco Merloni, professeur de droit à l’Université de Perugia et ancien président du groupe des experts indépendants, du Secrétaire de la commission de la gouvernance, et de moi-même. Dans ce cadre, les contributions du groupe des experts indépendant, groupe rassemblant des experts ayant compétence dans les domaines juridique, politique ou financier, et spécialisés dans les questions de démocratie locale et régionale ont revêtu une importance toute particulière.

Mme la Présidente, Chers collègues,

Le renforcement de la démocratie régionale et locale est le principal objectif du Congrès. Nous considérons que les régions et les communautés autonomes sont porteuses de démocratie : elles portent et confortent la diversité culturelle en Europe et sont des partenaires décisifs du développement socio-économique.

La régionalisation en Europe offre une gamme presque infinie de gradations. La carte régionale du continent européen présente une grande variété d'entités, chacune avec son nom, chacune avec son propre ensemble de compétences. Certaines régions partagent le pouvoir politique, d'autres assument un rôle dans l'administration de la vie sociale au sein de leur territoire respectif, d'autres, encore, ne sont que des auxiliaires des organes de l'Etat central respectif de l'autorité. Dans tous les cas, nous assistons à un grand éventail de gradations.

Le rapport « Évolution de la régionalisation dans les États membres du Conseil de l’Europe » a pour objectif d’établir un tableau des grandes tendances de la régionalisation dans les Etats membres du Conseil de l’Europe entre 2007 et 2015, qu’elle aille dans le sens d’un renforcement ou d’un affaiblissement.

Pour ce faire, nous avons recueilli et comparé des données des données sur le développement de l’organisation institutionnelle et administrative des régions, leurs compétences, l’autonomie financière, les contrôles et les relations qu’elles entretiennent avec les autres niveaux de gouvernement, d’après le droit interne d’une sélection d’Etats membre. La sélection des pays reflète la variété des modèles existant en Europe et permet d’illustrer les grandes tendances de la régionalisation sur la période étudiée. Ce rapport n’est donc pas une étude exhaustive.

Pour mieux cerner le fait régional, nous avons ensuite tenté de procéder de la manière la plus scientifique possible et nous avons dressé une typologie. Nous avons distingué les pays non régionalisés, les pays à régionalisation limitée, entendant par ceux-ci les pays membres du Conseil connaissant une régionalisation limitée au niveau de leur territoire, au niveau des compétences ou niveau de l’autonomie, et enfin les pays à régionalisation forte.

Mme la Présidente, Chers collègues,

En rédigeant ce rapport, nous avons constaté que depuis 2007 il n’y a pas eu de mouvement général vers une affirmation ou vers un affaiblissement de la régionalisation. Dans tous les cas, il n’y a pas de reconnaissance générale d’«un»  seul et unique fait régional en Europe mais une grande variété de situations juridiques, politiques, et administratives. Les développements concernant la régionalisation en Europe surviennent essentiellement en fonction des contextes nationaux spécifiques.

Cependant ces dernières années, la régionalisation semble être en panne. Aucune nouvelle institution régionale, même partielle, n’a été créée et de manière générale, il n’y a pas de remise en cause des niveaux régionaux existants, bien que plusieurs experts nous aient signalé des processus de « recentralisation », ceux-ci prenant surtout la forme de restrictions budgétaires et d’une limitation de l’autonomie financière des institutions régionales.

Certains cas particuliers illustrent une évolution nouvelle qui s’éloigne du processus de régionalisation. En Ecosse et en Catalogne notamment, la demande d’une autonomie s’est transformée en revendication d’indépendance ou de « souveraineté ». Cette évolution pourrait être lourde de conséquences sur le système institutionnel des nations concernées.

Les changements observés sont fortement liés aux défis économiques. La crise semble imposer une réduction des dépenses publiques des collectivités territoriales. Certaines des poussées les plus fortes de régionalisation, qui prennent la forme d’une revendication pour l’indépendance, ont également été affectées par la crise, celle-ci ayant joué un rôle d’accélérateur.

Mme la Présidente, Chers collègues,

La régionalisation peut apporter des bénéfices certains en matière de qualité des services publics, de croissance et de développement économique, quand des pouvoirs et des ressources substantielles sont attribués à des autorités régionales responsables politiquement devant la population.

Pourtant, depuis quelques années le mouvement de décentralisation en Europe semble marquer une pause, à l’exception de l’introduction de nouvelles autorités métropolitaines dans certains pays. De plus, la crise économique et financière a conduit les autorités publiques à une réflexion sur leur organisation territoriale, y compris au niveau régional et que des tendances à la recentralisation des compétences se sont développées dans certains pays.

Dans le projet de résolution nous recommandons aux autorités régionales de poursuivre les politiques de régionalisation, en gardant à l’esprit la nécessité d’une solidarité territoriale. 

Nous réaffirmons que les régions doivent disposer d’un statut juridique et de compétences clairement définies. L’encadrement ou la limitation de ces compétences doit se fonder sur la loi. Cela évitera que celles-ci souvent restreintes, ne soient encore érodées de façon arbitraire.

Mais nous avons surtout le sentiment que ces dernières années, plus qu’une limitation formelle des compétences des régions, c’est leur capacité effective à mener des politiques publiques autonomes qui se voit réduite, et qui prennent surtout la forme de restrictions budgétaires et d’une limitation de leur autonomie financière des institutions régionales. Nous affirmons donc que les régions doivent disposer de ressources leur permettant la mise en œuvre efficace et effective de leurs compétences.

Enfin, afin de mieux orienter les travaux du Congrès en matière de régionalisation contemporaine, nous invitons la Commission de la gouvernance à poursuivre sa réflexion en la matière et nous invitons le Bureau du Congrès à prendre en compte cette résolution et son exposé des motifs dans sa réflexion concernant la composition de la Chambre des régions.

Chers collègues,

C’est à la lumière de ces conclusions que je vous demande aujourd’hui d’adopter le projet de résolution suivant :

Je vous remercie pour votre attention.