29ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 20-22 octobre 2015)

Le combat contre la radicalisation: le Congrès adopte des lignes directrices

20 octobre 2015

Lors de sa 29ème Session, à Strasbourg, France, le 20 octobre 2015, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté des lignes directrices à l’intention des collectivités locales et régionales sur la prévention de la radicalisation et des manifestations de haine au niveau local. Ces lignes directrices adoptées par le Bureau du Congrès le 2 février 2015, font partie d’une stratégie de lutte contre la radicalisation qui propose un ensemble d’activités à mener aux niveaux local et régional à court, moyen et long terme. Adoptées à la quasi-unanimité, elles recommandent aux autorités locales et régionales de concevoir des stratégies pour associer la société civile à leur action contre la radicalisation et l’extrémisme dans toutes leurs manifestations, y compris le discours de haine, l’antisémitisme et l’islamophobie.

Les attentats terroristes perpetrés, depuis le début de cette année, à Paris, Copenhague, et tout récemment à Ankara, ainsi que la menace de l’extrémisme véhiculé par les partis d’extrême droite ont mis en lumière le fait que les villes devaient prendre davantage d’initiatives pour lutter efficacement contre l’extrémisme. De nos jours, de nombreuses villes d’Europe comptentdes habitants de nationalités et de cultures différentes. Les collectivités locales ont une responsabilité envers ceux de leurs citoyens qui souffrent des conséquences de la radicalisation qui peut se traduire non seulement par un recours à la violence mais également par des propos et des actes qui portent atteinte à la liberté d’expression et de religion.

Préparée et présentée par le rapporteur Leen Verbeek (Pays-Bas, SOC), la résolution adoptée souligne que les raisons susceptibles de pousser des personnes à se radicaliser sont multiples, et le contexte local, culturel et social influe sur le processus de radicalisation. La lutte contre la radicalisation exige de prendre des mesures préventives qui, sur le long terme, s’avèrent bien plus rationnelles et efficaces que le fait de traiter les symptômes ou d’intervenir au moment des crises. “Face à la radicalisation et à l’extrémisme violent, les réponses répressives ne suffisent pas. Afin de lutter contre ces phénomènes, il est indispensable d’agir de manière préventive. Ce domaine d’action est celui des collectivités locales par excellence”, a souligné le rapporteur.

Une idée partagée par Guilherme Pinto, Président du Forum européen pour la sécurité urbaine (FESU) qui, dans son allocution lors du débat, a précisé qu’“il est impossible de choisir entre liberté et sécurité, car elles dépendent l'une de l’autre, il est donc nécessaire d’assurer les deux à la fois”. Rappelant que la radicalisation n’est pas la seule forme d’extrémisme, il a cité comme exemple l’attaque dont a été victime, juste avant les élections locales, la candidate à la mairie de Cologne en Allemagne. Elue maire de Cologne sur son lit d’hôpital, Henriette Reker avait été agressée au couteau quelques jours avant l’élection par un homme en lien avec l’extrême droite en raison de sa politique d’accueil des réfugiés.

Pour Guilherme Pinto, “les autorités locales sont en charge de beaucoup de politiques qui doivent être mobilisées pour prévenir la radicalisation. En plus d’impliquer leurs propres services, ils forment le lien entre les autres acteurs du terrain, du travail social et de l’engagement auprès des jeunes, les organisations de praticiens, différentes associations, de la société civile, des écoles, de la police, des gouvernements nationaux”.

Cette plus-value que représente les collectivités locales a également été évoquée par le Président du Conseil départemental du Val d'Oise en France, Arnaud Bazin. Chargé en France de l’action sociale, le Conseil départemental accompagne et prend en charge les personnes vulnérables, notamment les enfants en danger ou en risque de l’être, ou les personnes en rupture, confrontées à des dificultés de tout ordre. Pour Arnaud Bazin, “la prévention passe par des actions essentielles telles que la formation, la connaissance et l’échange entre collectivités, l’interdisciplinarité”. Tout en rappelant cette exception française que constitue la République laïque, il a indiqué qu’ “il s’agit aujourd’hui de se positionner face au défi inédit d’une résurgence de l’expression de l’Islam dans notre société laïque, développée et post coloniale, une société qui connait également depuis plus de 30 ans une lourde problématique de chômage et de ghettos urbains”.

Rapporteur général sur les pouvoirs locaux et régionaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Jeffrey Donaldson, a rappelé le conflit d’Irlande du nord “où les gens de tout âge ont rejoint les rangs des extrémistes et se sont radicalisés” avant de préciser que “les mouvements extrémistes, quels que soient leurs camps, menacent les démocraties et les sociétés pacifiques”.

Une dizaine d’orateurs se sont succédés lors des échanges avec les intervenants. Josef Neumann (Allemagne, SOC) s’est interrogé sur les raisons qui poussent les gens à se rallier aux “discours anti-démocratiques”, tout en soulignant que les “extrémistes utilisent, de manière très habile, les nouveaux medias”. Irene Dourou (Grece, NI-NR) et Tracey Simpson-Laing (Royaume-Uni, SOC) ont, quant à elles, qualifié le texte de “bonne base pour le travail à accomplir”. Elles ont néanmoins demandé qu’il soit approfondi, notamment en s’attaquant aux véritables causes de l’extrémisme et de la radicalisation.

Lutter contre la radicalisation sera sans aucun doute un combat de longue haleine. Il sera nécessaire d’y associer la société civile et de soutenir les programmes de déradicalisation avec des financements stables et durables. Dans ce contexte, une première “Conférence des autorités locales sur la prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent” organisée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et le Forum européen de la sécurité urbaine (EFUS), avec les villes de Aarhus (Danemark) et de Rotterdam (Pays-Bas) se tiendra le 18 novembre prochain à Aarhus. Une ville où un programme de réinsertion pour les individus radicalisés (et repentis) a déjà été mis en place, et qui est souvent citée en exemple comme modèle à suivre.