28ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe – 24-26 mars 2015

Décentralisation en Ukraine : les nouvelles lois doivent entrer en vigueur dès cette année

Engagée, avec le soutien du Congrès, dans un ambitieux programme de décentralisation, l’Ukraine a déjà élaboré plusieurs lois pour renforcer ses structures territoriales, en dépit du conflit dans l’est du pays, qui complique le processus de réforme. Un débat organisé dans le cadre de la 28ème Session du Congrès, mercredi 25 mars 2015, à la Chambre des régions sur « la dimension régionale du processus de décentralisation en Ukraine » a fait le point sur ces évolutions.

Introduisant les échanges, la présidente de la Chambre des régions, Gudrun Mosler-Törnström (Autriche, SOC), se réjouit des avancées de la décentralisation et de la démocratie locale en Ukraine, à l’image du développement de la subsidiarité et de l’autonomie financière, mais aussi de l’élection du maire de Kyiv ou de l’encouragement de la participation des citoyens à la vie politique locale. Vyacheslav Nehoda, vice-ministre du développement régional d’Ukraine, détaille le programme de réforme des autorités locales, en rappelant que « la décentralisation joue un rôle essentiel pour la démocratie et l’économie du pays ». Il se félicite du lancement du nouveau Plan d’Action associant  l’Ukraine et le Conseil de l’Europe pour les années 2015-2017. Il rappelle l’adoption récente, par le Parlement ukrainien, d’une loi sur l’autonomie locale dans les régions de Donetsk et Lougansk, dont l’application implique toutefois un retrait des « rebelles » et la tenue d’élections conformes à la loi ukrainienne.

Etre prêt pour les élections locales d’octobre

Le président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, dite aussi Commission de Venise du Conseil de l’Europe, Gianni Buquicchio, rappelle que la décentralisation est une alternative aux séparatismes et peut éviter l’éclatement des pays. Toutefois, il regrette que les processus menés en Ukraine soient encore trop lents, en particulier en ce qui concerne la réforme constitutionnelle. Celle-ci doit absolument être achevée cette année, d’une part, pour tenir compte des accords de Minsk 2[1] et, d’autre part, pour précéder les élections locales qui sont prévues en octobre 2015. « Cette décentralisation doit inclure des règles spécifiques pour les zones séparatistes contrôlées des régions de Donetsk et Lougansk» précise-t-il.

Oleksii Honcharenko, vice-président du Conseil régional d’Odessa et membre du parlement ukrainien, souligne que « 95% de la population soutient le changement démocratique », et présente la nouvelle loi sur la fusion des collectivités locales, qui devront passer de 10000 à 2000 afin d’être économiquement viables. Il indique que l’Ukraine a également mis en place un fonds public de développement régional et entamé un processus de décentralisation fiscale et budgétaire. Il regrette toutefois la difficulté de mener ces réformes en raison du conflit dans l’est du pays, point de vue partagé par Gianni Buquicchio qui a souligné les difficultés rencontrées par « un pays en guerre qui a été capable de mener autant de réformes ».

Le post suivi du Congrès porte ses fruits

Sergiy Chernov, président de l’association ukrainienne des conseils de districts régionaux et président du Conseil régional de Kharkiv, rappelle « le prix payé par l’Ukraine pour son adoption du modèle européen de développement », en soulignant notamment « la situation humanitaire catastrophique » dans les zones en guerre. Cela n’empêche pas le pays de se doter de nouvelles lois de décentralisation qu’il faut maintenant appliquer. « C’est aussi en instituant une nouvelle culture de la gouvernance que nous ferons de l’Ukraine un pays prospère et fort », ajoute-t-il. Nataliya Romanova (Ukraine, GILD), conseillère du district de Chemigiv et vice-présidente du Congrès, retrace le rôle du Congrès dans le cadre de son programme de coopération lancé en mai 2014, et se félicite notamment de la tenue de séminaires de formation des élus locaux et régionaux institués dans ce cadre. Elle plaide pour la poursuite des programmes, parallèlement au respect des accords de Minsk. Karl-Heinz Lambertz (Belgique, SOC), s’exprimant au nom de la commission de suivi, salue également le « succès exemplaire » du programme de post suivi qui a été mis en place pour faciliter la mise en œuvre de la recommandation du Congrès sur la démocratie locale et régionale en Ukraine.

A l’issue des interventions, plusieurs membres russes et ukrainiens du Congrès présentent leurs points de vue quant à la situation dans l’est de l’Ukraine et dans les districts frontaliers entre les deux pays. La question de la représentation des habitants des districts de Donetsk et Lougansk est soulevée par différents orateurs des deux pays, qui divergent quant aux moyens de la promouvoir. En outre, la question de la promotion des langues régionales en Ukraine, ainsi que celle des droits des Tatars de Crimée depuis l’annexion russe sont évoquées par des intervenants.

En conclusion, la présidente de la Chambre des régions souligne que le processus de décentralisation en Ukraine est en bonne voie et que ceci constitue un progrès majeur pour le pays. Le Congrès continuera à coopérer avec les autorités ukrainiennes – à tous les niveaux – pour poursuivre les réformes entreprises, avec notamment la remise au gouvernement de la feuille de route du post-monitoring et en s’appuyant sur le fait que la démocratie locale constitue une partie intégrante du nouveau Plan d’Action (2015-2017) du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine.

Discours :

Gianni Buquicchio, président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (Commission de Venise)

Natalya Romanova (Ukraine, GILD), Vice-Présidente du Congrès



[1] Ce texte négocié à Minsk en février 2015 par les dirigeants ukrainien, russe, français et allemand prévoit notamment un cessez-le-feu et une zone démilitarisée en Ukraine.