28ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe – 24-26 mars 2015

Débat : La démocratie locale et régionale en Norvège

Présentation par Xavier Cadoret, (France, L, SOC), co-rapporteur du Congrès

Chers collègues,

Mon co-rapporteur M. PINTO et moi-même avons effectué une visite de suivi en Norvège en septembre de l’année dernière  Notre délégation était composée de M.PINTO  en tant que rapporteur régional, Professeur André ROUX comme consultant, et moi-même en tant que rapporteur local.

La Commission de suivi s’est réunie le mois dernier au Portugal dans la municipalité de Matoshinos près de Porto qui est précisément la ville dont mon co-rapporteur est le maire.

Nous avons examiné la proposition de recommandation sur la Norvège qui a donné lieu à des échanges vifs et fructueux. Le texte que vous allez voter toute à l’heure a été approuvé à l’unanimité après avoir été, à mon sens, enrichi de nos discussions en Commission.

J’aimerais faire quelques remarques concernant la mission de monitoring elle-même:

Pendant la visite du 9 à 11 septembre 2014, nous avons rencontré les maires et les conseillers municipaux des villes d’Oslo, Nome et Bergen, ainsi que les représentants des comtés de Telemark et Hordaland. Nous avons été reçu par le Ministre des Finances ainsi que le Ministre des Collectivités locales et de la Modernisation  (et  je salue la présence ici dans notre hémicycle de son collègue,  Jardar Jensen – « State Secretary » de ce beau pays).  Nous avons rencontré les membres de deux commissions permanentes du Parlement norvégien, la Commission des collectivités locales et de l’Administration publique et la Commission des Finances et des Affaires économiques. Nous avons aussi eu l’occasion de rencontrer le Ombudsman parlementaire et l’auditeur du district de Follo.

Je voudrais vous rappeler que la dernière visite de suivi en Norvège avait eu lieu en 2003 et qu’elle ne concernait alors que l’aspect de la démocratie régionale. Et en 2006, à la demande de la délégation norvégienne, le Congrès avait adopté une recommandation adressé aux autorités norvégiennes en les demandant de mettre en conformité leur législation et la pratique juridictionnelle avec l’article 11 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Ceci pour garantir aux collectivités locales le droit et l’exercice réel du droit à un recours juridictionnel à l’encontre des décisions prises par l’administration de l’Etat.

Je voudrais maintenant vous faire part de nos impressions en ce qui concerne la situation de la démocratie locale en Norvège.

Premièrement, il faut dire que deux aspects très importants de l’autonomie locale, la consultation et les finances - y compris la péréquation financière - fonctionnent bien en Norvège, et cela malgré la crise économique. Les associations de tous les niveaux de gouvernance, que cela soit municipale, régionale, ou de comtés, nous ont indiqué qu’il existe des canaux de communication et des moyens  pour transmettre leurs avis.  Quant aux finances, la Norvège est un des rares pays où  le gouvernement est intervenu, au moment où la crise financière a éclaté, en injectant des fonds, ce qui a permis aux collectivités locales de survivre à la crise quasiment sans problèmes.

Il faut avouer que cette situation est exceptionnelle et je pense qu’il y aura un grand nombre de collègues ici présent, venant des autres 46 pays de notre organisation, qui vont tant envier nos collègues norvégiens.  Voilà une bonne pratique qu’on aimerait bien importer dans nos pays !  Vous allez entendre, dans quelques instants, mon collègue et co-rapporteur, M PINTO, énumérer nos recommandations à la suite de notre visite et, ce qui est étonnant, il n’y figure aucune demande sur l’article 9(5) - qui concerne les procédures de péréquation – un souci, je dirai, qui figure dans autour de 90% de nos rapports de suivi ces dernières années. En fait sur l’article 9 nous signalons seulement un risque – qui concerne le point 2 : la proportionnalité des ressources – et ceci  vis-à-vis les éventuelles nouvelles compétences prévues pour les collectivités locales et régionales.  Car, en Norvège actuellement, comme dans beaucoup de nos pays, y compris le mien, nous sommes dans un contexte de réforme territoriale. (D’ailleurs, nous demandons l’aide de notre délégation, de nous tenir informer des actualités en cet égard.)

Je félicite nos collègues norvégiens aussi du fait qu’ils n’ont aucun problème  apparemment avec les mécanismes de consultation – une préoccupation qui apparait régulièrement dans nos recommandations récentes – ici ni l’article 4(6), ni l’article 9(6) n’est évoqué. Bravo !

Néanmoins, nous ne vivons pas dans un monde parfait – ni même, après tous que je viens de dire,  en Norvège – et je dois évoquer ici  2 principes de la Charte, extrêmement importants, qui constituent des éléments fondamentales de notre projet de recommandation:

Concernant l’article 11 – le droit  à un recours juridictionnel contre les décisions prises par l’administration de l’Etat – il faut dire qu’il y a eu peu d’évolution depuis la Recommandation 203 (2006) du Congrès. La Cour suprême a traité cela en 2007 en indiquant clairement qu’il n’y a pas de droit de recours sauf en cas de mauvaise application de la loi ou d’abus de pouvoir.

Deuxièmement, et c’est peut-être le plus important - concernant l’article 8 – contrôle administratif - les collectivités locales se plaignent d’un fort contrôle par le biais des règlements, les lois et les circulaires, surtout à travers les gouverneurs qui parfois vont au-delà des contrôles de légalité et annulent les décisions des municipalités, et les municipalités n’ont aucun recours juridique contre de telles pratiques.  En fait c’est un sujet sensible et qui demande, à notre avis, une reconsidération profonde des relations entre l’administration et les élus.  Ici je fais encore appel à nos collègues de la délégation de la Norvège, de nous tenir informé de l’évolution de ces pratiques. C’est un sujet que nous tenons au cœur.

Pour compléter mes remarques, je vous rappelle que la réforme administrative de 2010 en Norvège a certes transféré des compétences aux communes mais le principe de subsidiarité ne figure toujours pas dans la Constitution.

L’autonomie locale n’est toujours pas, non plus, ancré dans la législation (ni d’ailleurs dans la Constitution). C’est-à-dire que les compétences et les relations entre l’Etat et les communes ne sont pas réglementés par la loi. Puisque les principes d’autonomie locale sont déjà bien pratiqués sur le terrain, nous pensons qu’il serait assez simple de les garantir dans la législation. 

Collègues, merci pour votre attention . Mon co-rapporteur sur la démocratie régional, M. PINTO va maintenant compléter nos remarques sur la Norvège.