28e Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe – 24-26 mars 2015

Le Congrès débat de l’Ecosse après le référendum de 2014 sur l’indépendance

Un air d’Ecosse flottait dans l’hémicycle du Conseil de l’Europe lorsque les membres de la Chambre des régions du Congrès, représentant 47 pays membres, ont débattu de « l’Ecosse après le référendum du 18 septembre 2014 » et de ses conséquences pour l’Ecosse, le Royaume-Uni et l’Europe. C’est cette tonalité particulière dans le débat politique qui a fait la réputation de l’Ecosse et de son parlement dans le reste du Royaume-Uni. On a beau avoir des vues politiques divergentes, se battre contre le parti adverse et même être ulcéré par ses positions, dès qu’il est question de l’Ecosse, les responsables politiques de tous bords semblent s’entendre sur un objectif commun : faire avancer la cause de l’Ecosse et de son peuple.

Alors qu’à Londres, Westminster résonne souvent d’éclats de voix et d’accusations lors de la séance des questions au Premier ministre à la Chambre des Communes, Holryood (le Parlement écossais, situé en face du Palais de Holyrood, résidence officielle de la reine à Edimbourg) est en général le théâtre de débats beaucoup plus civilisés, souvent émaillés de cet humour écossais réputé dans le monde entier. C’est sans doute ce qu’auront ressenti de nombreux parlementaires de toute l’Europe lors de ce débat sur l’Ecosse. Même si les responsables politiques écossais qui sont intervenus dans ce débat avaient des opinions très différentes et l’ont affiché avec un vigoureux franc-parler, ils sont unis par leur attachement à l’Ecosse.

Christina McKelvie, députée du Scottish National Party (SNP) au Parlement écossais, où elle préside la Commission des affaires européennes, soutient pleinement l’actuel gouvernement écossais formé par le SNP. « Nous avons eu le référendum pour l’indépendance et nous avons perdu, a-t-elle reconnu. Ce n’est pas la fin de l’histoire, mais plutôt le début d’une nouvelle phase. Nous avons perdu uniquement à cause des partis de Westminster. Les conservateurs et les travaillistes ont marché main dans la main et promis plus de pouvoirs pour l’Ecosse si le non l’emportait, a-t-elle poursuivi. C’est ce qui, selon elle, explique pourquoi la campagne pour le oui à l’indépendance a échoué. Le résultat a été la Commission Smith, constituée en toute hâte avec des représentants de tous les partis et qui a présenté une série de propositions claires pour renforcer la dévolution écossaise. Smith, a-t-elle expliqué aux 300 délégués du Congrès, a recommandé que le Parlement écossais ait le pouvoir de fixer les taux et tranches d’imposition, qu’il bénéficie d’autorisations d’emprunt plus importantes, qu’il puisse contrôler certaines prestations et décider de l’attribution des licences d’extraction pétrolière et gazière. » Le constat que Mme McKelvie fait du climat politique actuel en Ecosse est sans ambiguïté : « Le désir de changement est aujourd’hui très profond en Ecosse ».

À l’évidence, Lord Wallace of Tankerness, libéral-démocrate et Ecossais des Orcades, s’exprimant au nom du gouvernement britannique, et Harry McGuigan, membre du parti travailliste écossais et conseiller local, ne partagent pas les points de vue de Mme McKelvie. Il faut rappeler qu’ils étaient opposés à la création d’un nouveau Parlement écossais lors du référendum de 1998. Lors de « l’Indy Ref », comme les Ecossais appellent le référendum de 2014 sur l’indépendance, la population du conseil territorial de North Lanarkshire a voté à 51 % pour l’indépendance, tandis que le South Lanarkshire votait contre à 54%. Lord Wallace et le conseiller McGuigan ont été de fervents partisans du non et se présentent contre le SNP dans leurs circonscriptions écossaises aux prochaines législatives.

Pour Lord Wallace, qui a été ministre et vice-premier ministre du gouvernement écossais, le fait que l’Ecosse reste dans « la famille des nations britanniques » est clairement une chance pour elle d’obtenir plus de pouvoirs dans le cadre de la dévolution. « La dévolution, a-t-il déclaré, c’est le pouvoir donné au Parlement et au gouvernement écossais de prendre des décisions, et d’en être redevables, sur toute une série de questions internes, comme la santé, l’éducation ou la police, de sorte que les besoins spécifiques à l’Ecosse puissent être pris en compte. » La prochaine étape du gouvernement britannique qu’il soutient sera, s’il est réélu, de « faire adopter un nouveau Scotland Bill au Parlement de Westminster, les trois grands partis britanniques s’y étant tous engagés. Quelle que soit la composition du gouvernement après les élections de mai, ces pouvoirs seront bientôt une réalité. » 

Le conseiller Harry McGuigan, ancien professeur de collège en maths et physique dans le North Lanarkshire et qui a également travaillé dans l’industrie métallurgique et électronique locale, est allé encore plus loin. En tant que membre dirigeant de la Convention des autorités locales écossaises (COSLA), il veut, comme de nombreux autres conseillers locaux écossais, poursuivre la dévolution jusqu’au niveau local. Les conseils locaux devraient être beaucoup plus responsables de ce qu’ils font, de ce qu’ils décident et de ce qu’ils dépensent.

Harry MacGuigan veut plus de pouvoirs à la base, « pour enfin amener à la dévolution jusqu’à la population locale ». Les gens doivent sentir dans leur quotidien ce qu’est la dévolution et voir directement l’impact qu’elle peut avoir sur le fonctionnement de la collectivité. C’est à eux qu’il appartient de décider comment les choses devraient se passer.

À la grande surprise des trois représentants écossais, beaucoup de membres du Congrès ont applaudi le fait que l’Ecosse ait abaissé l’âge de voter pour le référendum sur l’indépendance. Pour la première fois en Ecosse et au Royaume-Uni, les jeunes de 16 à 18 ans ont pu aller voter. Pendant la campagne, de nombreux observateurs ont constaté une forte augmentation des jeunes votants et un regain d’intérêt pour la politique auquel personne ne s’attendait. Le droit de vote des jeunes pourrait donc être un très bon moyen de raviver à l’avenir l’intérêt pour la politique.

A l’issue du débat, Natalia Romanova, conseillère de l’arrondissement de Tcherniguiv, en Ukraine, et Vice-présidente du Congrès du Conseil de l’Europe, a invité l’Ecosse et ses responsables politiques à faire profiter l’Ukraine de leur expérience référendaire pour résoudre les problèmes de décentralisation et d’indépendance qui se posent dans son pays.

En conclusion, la Présidente de la Chambre des Régions, Gudrun Mosler-Törnström, a souligné que les discussions ont confirmé que la manière dont les autorités du Royaume-Uni et de l’Ecosse ont géré les aspirations du peuple écossais à une autonomie renforcée ou à l’indépendance peut effectivement être considérée comme un modèle d’excellence sur le plan démocratique, et une source d’inspiration pour d’autres cas similaires à travers l’Europe.