Conférence internationale sur « La démocratie locale et les jeunes »

Baku, Azerbaïdjan – 18 juin 2014

Discours de Marc Cools, Vice-Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe

La participation des jeunes dans la vie publique : engager les jeunes dans la démocratie

Trop peu de jeunes s'intéressent à la vie publique et en particulier à la politique. C'est vrai dans mon pays, la Belgique, comme dans  beaucoup d'autres. Le vote y est obligatoire. Ce qui fait que plus de 90% des belges votent effectivement. Si le vote n'était pas obligatoire beaucoup de jeunes n'iraient pas voter. Comme c'est le cas dans un pays voisin du mien, la France, où à peine un électeur sur deux va voter et où ce sont surtout les plus de 65 ans qui forment le gros bataillon des électeurs.

Il y a pourtant un adage qui dit: "Si vous ne vous intéressez pas à la politique, la politique s'intéresse à vous". C'est l'action politique qui détermine ce que sera le monde de demain, celui dans lequel les jeunes vivront. Comment susciter l'intérêt des jeunes pour la politique ? Pour leur avenir ? Il n'y a pas de recette miracle. C'est un ensemble d'initiatives qui peut contribuer à susciter cet intérêt.

Il faut tout d'abord dans un langage simple et abordable expliquer aux jeunes ce que sont nos institutions et quel est leur rôle. Des visites dans le cadre du programme scolaire ou en dehors de celui-ci de la Maison Communale où on explique comment fonctionne un conseil communal, quelles sont les missions d'une commune, des visites du Parlement où on explique également comment celui-ci fonctionne peuvent contribuer à mieux faire connaître nos institutions. Elles peuvent être couplées avec des jeux de rôle où les jeunes s'exercent eux même à des débats dans la salle du conseil communal ou dans l'hémicycle du Parlement.  Dans un autre domaine que la politique, la Croix-Rouge a beaucoup recours dans mon pays aux jeux de rôle pour montrer aux jeunes comment ils peuvent être utiles à la société. La même technique est utilisée par cette organisation caritative pour faire connaitre une institution comme la Cour Pénale Internationale. Chaque année des procès fictifs devant cette Cour sont organisés avec la participation d'étudiants des différentes universités belges et parfois étrangères.

La Semaine Européenne de la Démocratie Locale organisée chaque année au mois d'octobre à l'initiative du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe a pour thème en 2014 comme en 2013 la participation des jeunes. La ville-région, Bruxelles, dont je suis originaire est divisée en 19 communes. Plusieurs de celles-ci ont saisi l'occasion de cet évènement pour sensibiliser les jeunes à la participation citoyenne. Elles organisent des tables rondes, sur des sujets précis, entre des jeunes de 18 à 25 ans et des jeunes élus ou des représentants de l'exécutif  communal. Exemples de sujets abordés : la place des jeunes aujourd'hui dans nos communes, la mobilité, la qualité de l'enseignement, les activités des maisons de jeunes, la création d'un pôle info-jeunes, axé plus particulièrement sur l'emploi, les jobs étudiants, les offres de stages, ... C'est souvent au niveau communal que l'apprentissage de la vie démocratique est le plus facile.

Au delà du débat et de l'échange de vue, certaines tables rondes ont proposé des réalisations concrètes : l'aménagement d'un espace public répondant aux souhaits des jeunes d'un quartier, un projet humanitaire, ... L'idée est qu'il y ait un feedback et qu'un an après les jeunes qui ont formulé des propositions rencontrent les responsables communaux pour voir dans quelle mesure celles-ci ont pu être mises en œuvre. Un autre exemple d'action concrète est celle d'un centre de jeunes de la Ville de Bruxelles qui a apporté son appui à des jeunes qui ont créé une pièce de théâtre autour du thème de la multiculturalité avec la collaboration d'un metteur en scène professionnel.

Des conseils de jeunes existent, selon diverses formules, dans de nombreuses communes belges. C'est souvent pour les jeunes qui y participent un espace utile d'expression et de rencontre. Tout  comme les Maisons ou les Centres de jeunes qui existent dans environ une commune sur deux dans mon pays. Ceux-ci fonctionnent avec des moyens financiers limités. Ils offrent aux jeunes un espace utile d'expression et de rencontre. Ce sont des lieux où les jeunes qui le souhaitent peuvent par eux-mêmes concevoir des projets collectifs. Ces maisons et centres de jeunes n'ont pas pour mission de contrôler ou d'encadrer les jeunes. Ils ont pour enjeu d'imaginer avec les jeunes des actions qui correspondent à leurs envies et à leurs besoins. Ce qui compte c'est la confrontation des idées de chacun pour créer un projet collectif, modifiant peu ou prou le cours des choses ou la manière de voir développer le monde. Créer des espaces de rencontre et d'expression pour les jeunes dans les communes, les quartiers, les villages qui en sont dépourvus est essentiel.

Nous devons à l'écrivain japonais Eiji Yoshikawa cette pensée : "Si les jeunes sont incapables de caresser de grands rêves, qui en sera capable ?". A nous de favoriser l'éclosion de ces grands rêves en offrant des espaces de débat et d'expression. Ceux-ci peuvent aussi, sous certaines conditions qui garantissent la neutralité de l'enseignement, avoir lieu à l'école. Lorsque j'ai fait mes études secondaires, il existait dans mon école un "Club Unesco" du nom de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture. On y débattait de l'action de cette organisation. La participation à ce Club sous forme d' activité parascolaire ne se faisait que sur base volontaire. Cela a été pour moi une expérience très enrichissante. Tout comme la gestion participative qui existait dans mon école et qui faisait que chaque classe de l'enseignement secondaire supérieur élisait un délégué qui siégeait au Conseil de Participation de celle-ci et pouvait relayer les préoccupations des élèves. Mon élection comme délégué de classe à l'âge de 14 ans a été ma première fonction élective et m'a sans doute donnée le goût de faire plus tard de la politique.

Je crois  d'autre part qu'il est important que l'on encourage les jeunes à l'école à lire et à s'informer. A lire en particulier plusieurs journaux différents pour découvrir des opinions différentes et connaître l'actualité.

Les partis politiques ont aussi un rôle important à remplir  pour susciter l'intérêt des jeunes. Ils doivent éviter la langue de bois et expliquer aux jeunes quels sont les fondamentaux sur lesquels repose la philosophie politique qui guide l'action de ces partis. C'est plus facile lorsqu'on a entre 16 et 25 ans de discuter avec d'autres jeunes de son âge comment on veut refaire le monde. Les mouvements de jeunesse des différents partis politiques peuvent jouer un rôle utile en créant pour ces jeunes un lieu de débat et de rencontre. A condition que ces mouvements de jeunesse politique disposent d'une autonomie suffisante pour être non seulement une courroie de transmission des idées du parti auprès des jeunes mais aussi pour que les jeunes qui militent dans ces mouvements soient pour leurs partis respectifs des laboratoires d'idées. 

La démocratie nécessite des citoyens responsables qui s’intéressent à la chose publique et qui soient encouragés à le faire par des processus participatifs. Ces processus ne doivent pas s’opposer à la démocratie représentative mais compléter celle-ci. Ils ne doivent pas cultiver la méfiance vis-à-vis des élus ou entraver leur action mais contribuer à permettre aux citoyens  et notamment aux jeunes de mieux comprendre et influencer celle-ci.

Nous vivons dans une société où règne de plus en plus un individualisme exacerbé et le repli sur soi. Nos citoyens s’identifient de moins en moins à leur collectivité politique en tant que communauté. La responsabilité des mandataires politiques est importante pour changer cette situation. C’est en démontrant que l’on peut, en se mettant au service de la communauté, faire bouger les choses, que l’on peut réussir des actions communes, que les responsables politiques susciteront l'intérêt des jeunes et des moins jeunes pour leur action.