Conférence : Comment les pouvoirs locaux et régionaux peuvent-ils promouvoir une participation des jeunes qui ait un véritable impact sur la société ?

12 juin 2014, Strasbourg, France

Conclusions présentées par Ilaria Pitti (experte)

Quelques thèmes essentiels ont été repris tout au long de la conférence et dans les différentes allocutions.  Premièrement, quel sens les jeunes eux-mêmes donnent-ils à ce terme de « participation des jeunes » ? Comment les jeunes s’engagent-ils au sein des sphères civiques et politiques de nos sociétés ? Quelles sont leurs pratiques, quel sens leur donnent-ils ?  Deuxièmement, que signifie la participation des jeunes du point de vue des institutions ? Que font-elles pour promouvoir la participation des jeunes ? Quelles sont les raisons et la logique de leurs interventions ?  Enfin, les idées et les points de vue de ces deux acteurs – les jeunes et les institutions – sont-ils compatibles ?

D’une manière générale, les intervenants – qu’ils se soient intéressés à la jeunesse dans son ensemble ou aux groupes spécifiques des jeunes générations marqués par une plus grande vulnérabilité sociale (tels que les personnes LGBT ou les personnes en situation de handicap) – ont souligné de nombreuses divergences de vue souvent observées, entre les jeunes et les institutions, au sujet de la participation des jeunes.

Pour résumer leurs opinions, ces divergences portent semble-t-il principalement sur les points suivants :

-      les méthodes, les moyens et les formes de la participation des jeunes : selon les intervenants, les institutions éprouvent manifestement des difficultés à comprendre les formes de mobilisation des jeunes sortant du périmètre de la participation politique institutionnelle et formelle ;

-      les thèmes et les buts de la participation des jeunes : selon les intervenants, les institutions sont souvent incapables de comprendre quelles questions sont véritablement susceptibles d’intéresser et de mobiliser les jeunes, qui ne sont généralement pas consultés sur les thèmes qu’ils considèrent comme ayant le plus d’importance pour leur vie (tels que l’éducation, l’emploi ou l’environnement).

Les difficultés qu’éprouvent les institutions à comprendre l’engagement des jeunes semblent cacher un problème plus grave, à savoir le rôle qu’elles assignent à la jeunesse dans notre société. La vraie question est celle-ci : quel est le domaine/l’espace de la jeunesse et des jeunes dans notre société du point de vue des institutions (et des adultes) ?

Dans de nombreuses interventions institutionnelles destinées à promouvoir la participation des jeunes, deux visions opposées de la jeunesse sont présentes simultanément.  La première décrit les jeunes comme des « héros », des sauveteurs, porteurs de solutions définitives.  La seconde présente la jeunesse comme une sorte d’« espèce menacée » – à la fois précieuse et dangereuse – qu’il conviendrait de garder dans des « espaces protégés » entièrement gérés par des adultes.

Ces deux visions peuvent coexister grâce à deux distinctions importantes :

-      Une distinction entre le présent et l’avenir, qui permet de différer le moment où les jeunes seront reconnus en tant qu’acteurs civiques. Ces deux visions ne se situent pas au même niveau temporel, ce qui signifie que les jeunes ne sont pas perçus et considérés comme étant véritablement des citoyens dans le présent, mais simplement comme des citoyens potentiels dans un avenir indéterminé ;

-      Une distinction entre la jeunesse et les jeunes, qui permet d’idéaliser la jeunesse tout en se plaignant des jeunes qui « ne sont plus ce qu’ils étaient » et « ne sont pas ce qu’ils devraient être ».

Cela conduit à la « reconnaissance partielle » des jeunes en tant qu’acteurs de la participation, telle qu’on l’observe dans toutes les formes d’engagement des jeunes où la possibilité pour eux d’être entendus et d’agir par eux-mêmes n’est qu’une façade, et dans toutes les formes de participation sans véritable partage du pouvoir.

C’est là que les collectivités locales et régionales ont un rôle à jouer.  Dans les contextes locaux, le lien entre la jeunesse et les institutions est plus étroit et plus direct qu’au niveau national ou européen, de sorte que les collectivités locales et régionales peuvent représenter l’espace où l’on peut promouvoir un dialogue réel et effectif entre ces deux acteurs, le lieu où l’on peut dépasser la vision selon laquelle les jeunes ne seront des citoyens qu’à l’avenir, afin de leur permettre de s’engager de manière concrète et effective.

Les récits et les expériences présentés lors de la conférence montrent qu’au niveau local il est possible de rompre avec le cadre rigide et hiérarchisé des formes traditionnelles de participation politique, d’essayer de nouvelles solutions pour associer activement les jeunes – même les plus défavorisés – à des projets présentant une grande utilité sociale, de promouvoir leur socialisation en vue d’une citoyenneté active et de les aider à traduire leurs idées en réalisations concrètes.

Les institutions devraient non seulement promouvoir la participation des jeunes, mais aussi accorder une plus grande attention aux diverses significations que les jeunes donnent à leur engagement.  Aujourd’hui plus que jamais, nous devons nous demander non seulement comment les jeunes participent, mais aussi pourquoi ils le font, et nous interroger sur le lien qui existe entre ces deux aspects de leur participation.

Il semble que les difficultés que les jeunes rencontrent dans leur vie quotidienne et lors du passage à l’âge adulte contribuent de manière essentielle à déterminer le sens qu’ils donnent à leur engagement. 

Lorsqu’on étudie leur engagement, il semble possible de parler d’une participation « dubitative » et « prudente » (certains universitaires français ont parlé d’une « participation défective »), dans laquelle la mobilisation et le pessimisme, l’engagement et la désillusion sont en permanence présents simultanément.

Même si ce type de participation implique encore une mobilisation, il est potentiellement très risqué. En effet, du fait de la présence constante du pessimisme et de la désillusion, les frontières entre participation et non-participation et entre légalité et illégalité sont, en réalité, de moins en moins clairement délimitées dans cette forme d’engagement.