26ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Comment renforcer la démocratie par les médias électroniques ?

Séminaire organisé par la Commission de la gouvernance du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

27.03.2014

Mis au service de la démocratie locale, les médias électroniques et autres réseaux sociaux peuvent favoriser le dialogue entre tous les citoyens et leur participation à la vie publique. La Commission de la gouvernance du Congrès prépare un nouveau rapport sur l’utilisation de ces outils informatiques par les collectivités locales et régionales, et a organisé, jeudi 27 mars à Strasbourg, un séminaire destiné à présenter un certain nombre d’initiatives prises par des villes dans ce domaine : données en « open data », « compas électoral » pour aider les citoyens à voter, pétition en ligne…

Comme l’a rappelé le président de la Commission de la gouvernance, Karl-Heinz Lambertz (Belgique, SOC), en ouvrant la rencontre, les technologies numériques n’ont pas vocation à supplanter la démocratie locale traditionnelle, mais il est important de connaître et de maîtriser les liens entre le virtuel et le réel. Le Congrès avait déjà travaillé sur ces questions en 2008, mais l’évolution rapide des technologies justifie la préparation d’un nouveau document, tenant compte des bouleversements survenus depuis 6 ans. Leo Aadel (Estonie, GILD) et Annemieke Traag (Pays-Bas, GILD) ont été chargés de la rédaction de ce rapport.

Selon Mme Traag, la démocratie électronique permettra d’impliquer beaucoup plus de gens que les circuits politiques classiques, et en particulier des jeunes. Mais, tout le monde n’ayant pas accès à ces technologies, il existe un risque de fracture entre les personnes « connectées » et les autres. Par ailleurs, a ajouté Léo Aadel, « nous n’avons pas encore découvert tout le potentiel offert par les médias électroniques, appelés encore à de nombreuses évolutions ».

Première des trois orateurs invités à présenter leurs initiatives locales en matière de médias électroniques, Sian Reid, (Royaume Uni, GILD) est membre du conseil municipal de Cambridge, ville qui, comme beaucoup de communes britanniques, rend désormais publiques la plupart de ses données pour faciliter la transparence sur son mode de travail et ses prises de décisions. Elle a montré comment sa ville diffuse ses données, par exemple sur les allocations sociales, les taxes sur les entreprises, la santé ou le recyclage, et comment celles-ci peuvent être réutilisées par les citoyens, parfois dans d’autres buts : ainsi par exemple, les cartes des pistes cyclables de Cambridge sont reprises, mais aussi améliorées, par des sites spécialisés sur les itinéraires pour cyclistes. Les données en « open data » sont enrichies par les particuliers selon le principe du « crowdfunding », et Sian Reid a cité, parmi différents exemples, l’expérience menée à Boston (Etats-Unis), qui permet à des automobilistes d’éviter les bouchons en étant informés de leur formation par leur téléphone mobile. Toutefois, ont relevé des participants au séminaire, la confidentialité des données recueillies, de même que leur stockage, pose des questions « éthiques » qui doivent être clairement résolues.

Une application Web pour mieux voter

La société néerlandaise Kieskompas a développé un « compas électoral » qui permet aux électeurs de se situer par rapport aux propositions des partis politiques à l’occasion d’un scrutin. Cette application  pose des questions à ses utilisateurs, en leur demandant par exemple ce qu’ils pensent de la politique sociale, économique ou familiale de leur pays. En fonction des réponses, le « compas » indique à l’utilisateur le parti politique le plus proche de ses opinions, et lui permet de continuer à se documenter. André Krouwel, à l’origine de Kieskompas, explique qu’un électeur peu informé ou peu sûr de son choix  trouve ainsi  les candidats qui lui correspondent le mieux. Les questions posées par le « compas » portent sur tous les thèmes abordés par les candidats, sans aucune exclusion, du plus à gauche au plus à droite. L’outil a été déjà été utilisé lors d’élections nationales dans 38 pays mais, reconnaît André Krouwel, est plus délicat à mettre en place pour les scrutins locaux, car les questions posées lors de ceux-ci portent moins sur la politique générale que sur des enjeux précis et ponctuels. Il a néanmoins été utilisé lors d’élections municipales dans 8 villes turques, avec des questions portant sur des sujets de politique locale. De plus, poursuit-il, l’application n’aide pas seulement les gens à voter, mais amène aussi les partis à clarifier leur position sur tous les sujets qui intéressent les électeurs.

Réelle et numérique : une double identité politique

Le développement des technologies numériques amène les élus à vivre et travailler différemment d’autrefois, a montré Kadri Tillemann, présidente du Conseil municipal de Keila, ville estonienne de 5000 habitants. « Je suis une femme de chair et de sang, mais je suis aussi un être numérique présent sur tous les réseaux sociaux », s’amuse cette élue locale qui jongle continuellement entre ses « deux identités politiques ». Ainsi par exemple, « mes messages politiques passent mieux par voie électronique que dans la presse classique, mais je dois aussi parler avec les gens et les rencontrer, car la confiance passe par le contact réel sur le terrain ». L’Estonie est particulièrement avancée dans le domaine des nouvelles technologies, y compris en matière de vote électronique, régulièrement utilisé par un tiers des électeurs. Mais il ne faut jamais oublier les limites du numérique, poursuit Kadri Tillemann, d’autant que tout le monde ne l’utilise pas : il est complémentaire du réel mais le remplace pas. Par ailleurs, le numérique est sans doute moins utile dans les petites communes, où tout le monde se connait, que dans les grandes, même si « les élus très actifs sur le terrain sont aussi, souvent, ceux qui sont le plus actifs en ligne », comme l’ont noté plusieurs élus estoniens.

Lors des échanges qui ont suivi ces exposés, la présidente de la Chambre des Régions, Nataliya Romanova (Ukraine, GILD) a abordé la question des pétitions en ligne et de l’exploitation de ces dernières. La capitale de la Géorgie, Tbilissi, a mis sur Internet de nombreux documents officiels et administratifs, y compris des appels d’offres pour les constructions, ce qui favorise la transparence et la lutte contre la corruption, a expliqué Sevdia Ugrekhelidze (Georgie,PPE/CCE), maire par intérim de la ville. Tbilissi communique aussi avec les citoyens par le biais des réseaux sociaux.

Toutes ces expériences nourriront le futur rapport du Congrès, qui s’appuiera aussi sur les contributions faites lors du 2eme Forum Mondial de la Démocratie consacré à la démocratie électronique et tenu en novembre 2013 à Strasbourg.