Abaissement de l’âge du vote à 16 ans : un moyen de renforcer la participation démocratique des jeunes ?

En 2007, l’Autriche a été le premier pays européen à abaisser, pour toutes les élections, le droit de vote de 18 à 16 ans. Soucieux d’améliorer la participation active des jeunes à la vie politique, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a organisé, le 27 mars, un débat pour évaluer les avantages et les inconvénients de cette mesur qui reste extrêmement discutée au sein de ses membres.

Gregor Wenda, directeur adjoint du département de l’administration électorale au ministère de l’intérieur autrichien, a rappelé que c’est une région d’Autriche, le Burgenland, qui fut dès 2002 la première à accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans lors des élections locales et régionales. Cinq ans plus tard, la mesure était élargie à toute l’Autriche, pour tous les scrutins et, en 2008, les jeunes de 16 et 17 ans ont pris part, pour la première fois, aux élections législatives fédérales. Ils ont montré un vif intérêt pour ce scrutin, intérêt qui a toutefois décru lors du scrutin fédéral suivant, en 2013. A l’inverse, les 16-17 sont plus motivés par les scrutins locaux, a poursuivi  M. Wenda.

Voter tôt, c’est voter longtemps !

Thomas Leys, ancien membre du Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe, a présenté seize bonnes raisons d’accorder le droit de vote aux jeunes dès 16 ans, les plus importantes étant le droit à la participation de tous à la vie démocratique, mais aussi le fait que ces jeunes sont aujourd’hui plus matures et mieux informés que par le passé. « Dans la plupart des pays, ils ont le droit de se marier et de fonder une famille, mais ils sont aussi pénalement responsables, payent des impôts s’ils travaillent et sont susceptibles d’être enrôlés dans l’armée : pourquoi, dès lors n’auraient-ils pas le droit de vote ? » a-t-il demandé  en rappelant que « les jeunes ne sont pas plus réceptifs aux extrémismes et aux populismes que les électeurs plus âgés ». De plus, alors que la population vieillit, élargir le nombre de jeunes votants permet de rééquilibrer les votes et d’éviter que les classes les plus âgées ne dominent dans les isoloirs. Enfin, il semble que plus les électeurs commencent à voter tôt dans leur vie, et moins ils risquent de se désintéresser des scrutins par la suite.

Toutefois, le sujet est loin de faire l’unanimité parmi les membres du Congrès. Mikhaïl Gulevskiy (Russie, GILD) juge les jeunes de 16 ans « trop peu mûrs » et préfère les initier à la vie politique via les conseils de jeunes et les contacts avec les élus, rappelant même que certains responsables russes plaident pour un relèvement de l’âge du vote. Jolanta Barska (Pologne, NI-NR) se dit « très sceptique » face à cette idée et pense qu’un abaissement de l’âge du vote aurait surtout pour effet d’augmenter l’abstention.  Charikleia Ousoultzoglou (Grèce, SOC) estime quant à elle que les jeunes ont d’autres préoccupations, en premier lieu le chômage et la pauvreté.

Vote à 16 ans : Brême et Glarus aussi

A l’inverse, Manuela Mahnke (Allemagne, SOC), élue de la ville-région de Brême, rappelle que celle-ci est, depuis 2009, le seul Land  allemand à accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans pour les scrutins locaux et régionaux. Les jeunes ont largement profité de ce droit  et sont nombreux à voter, sans glisser vers les extrémismes. Pour elle, « il est de notre intérêt de faire participer très tôt les jeunes à la vie politique, et il faudrait abaisser l’âge du droit de vote dans tout le pays ». Actuellement, outre l’Autriche et Brême, seul le canton suisse de Glarus accorde le droit de vote aux jeunes de 16 ans pour les élections locales. Des expériences ont été menées en Norvège et Malte envisage aussi d’abaisser le droit de vote à 16 ans.

Répondant aux membres du Congrès à l’issue du débat, Thomas Leys a relevé que les arguments des opposants au droit de vote à 16 ans, notamment la « maturité » et la capacité des jeunes à voter sont les mêmes que ceux qu’on utilisait autrefois pour maintenir le droit de vote à un âge beaucoup plus élevé, 21 ans voire 25 ans, ou même pour le refuser aux femmes, « alors qu’une fois que ce droit a été élargi, il n’a plus fait l’objet d’aucune critique ni discussion ».