Conférence sur la démocratie participative au niveau local

Erevan (Arménie), le 19 juin 2013

Conclusions générales, Herwig Van Staa (Autriche, PPE/CCE), Président du Congrès

1. Cette conférence d’une journée, organisée par la Présidence arménienne du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Organisation, a été une occasion unique, pour les participants, de mener une réflexion sur les évolutions récentes en matière de démocratie directe et participative et sur les opportunités qu’elles représentent pour renouveler et moderniser les processus démocratiques locaux dans nos pays.

2. Nous avons pu analyser en profondeur l’évolution de la démocratie au niveau local et débattre longuement des défis qu’elle représente pour la démocratie représentative et des manières dont les formes nouvelles et plus anciennes de démocratie peuvent interagir et s’enrichir mutuellement.

3. Les travaux ont été organisés en trois sessions, ou ateliers. La première session a porté sur la participation directe. Ces dernières années, on a observé un essor rapide des nouvelles formes de démocratie et un recours accru aux référendums, aux pétitions en ligne et aux panels de citoyens participant directement à l’élaboration des politiques et de la législation. Des pays tels que l’Islande et l’Estonie lancent des initiatives audacieuses qui sont de plus en plus populaires et prennent de l’ampleur dans notre vie démocratique. Elles génèrent de bonnes pratiques, et quelques enseignements importants ont pu en être tirés.

4. La deuxième session a consisté à étudier de façon détaillée comment combiner la démocratie directe et la démocratie représentative. La démocratie représentative n’est pas morte. Au contraire, nous pensons qu’elle a de beaux jours devant elle. Mais il faut qu’elle s’adapte, qu’elle soit souple et évolue avec son temps. Les élus qui représentent les pouvoirs locaux et régionaux dans les instances exécutives et législatives doivent collaborer plus que jamais avec la société civile. Ils doivent tester de nouveaux modes de consultation des citoyens, apprendre à faire bon usage des nouvelles formes de démocratie directe et, dernier point mais non le moindre, s’ouvrir aux nouveaux médias. Les formes traditionnelles de participation représentative doivent coexister, vivre et interagir avec les formes nouvelles et directes de participation, et en tirer des enseignements.

5. La troisième session thématique était axée sur les nouvelles formes de participation citoyenne associées aux nouveaux médias, qui constituent ce que l’on appelle souvent la « démocratie électronique ». Bien qu’elles soient encore émergentes, il est clair qu’elles sont appelées à durer. Internet et les nouveaux médias sont en train de démocratiser profondément nos sociétés, à tous les niveaux. Ils posent également des défis aux autorités locales et régionales, que certaines tentent de relever, tandis que d’autres, se sentant menacées, cherchent à discréditer, voire à censurer, les nouveaux médias. Ceci, nous semble-t-il, n’est pas la bonne attitude à adopter. La démocratie modifie la forme de la politique, les partis politiques traditionnels étant de plus en plus concurrencés par des groupes d’intérêts spéciaux et des citoyens qui organisent des mobilisations instantanées sur des questions précises.

6. Ces évolutions dans la réactivité et l’interaction en matière de communication peuvent renforcer la démocratie – et, de fait, elles la renforcent. Parallèlement, de nouvelles normes, garanties et lois sont nécessaires pour prévenir les abus. Dans ce contexte, il convient d’ancrer la gouvernance de l’Internet sur les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, à savoir la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, et de mettre en place des garde-fous pertinents pour protéger la vie privée de chacun et prévenir la manipulation.

7. Les nouveaux médias sont en train de modifier rapidement la forme de la démocratie car ils renforcent les attentes des citoyens vis-à-vis des gouvernements en matière de réactivité, de responsabilité et de transparence. Il serait dangereux pour ces derniers d’ignorer ces tendances, ou d’en faire fi. Les libertés de parole et d’expression sont essentielles aux processus participatifs. Les nouveaux supports tels que les réseaux sociaux et les messageries instantanées occupent déjà une place de choix dans les modes de communication, et ils représentent désormais un mode d’expression politique privilégié. Il faut s’y intéresser, les accepter et les utiliser. Sans toutefois oublier qu’il existe des limites à la liberté d’expression, et que les normes qui les fixent restent applicables.

8. L’importance que prennent ces modes d’expression et leur vigueur traduisent un manque de confiance envers les médias traditionnels ; le public a l’impression que ces derniers ne sont pas suffisamment réactifs et qu’ils ne reflètent pas toujours toute la palette des sentiments et des opinions politiques des citoyens.

9. Les nouvelles formes de participation et les nouveaux médias ont également montré qu’ils pouvaient offrir une nouvelle tribune d’expression aux différents groupes minoritaires présents dans nos sociétés, qui englobent non seulement les groupes culturels et linguistiques, mais aussi les personnes ayant des besoins physiques particuliers. La multiplicité des modes de participation contribue à ouvrir le processus politique à une tranche plus large de la population, ce qui ne peut être que bénéfique.

10. Les nouvelles formes de vie démocratique nécessitent un environnement favorable, ce qui implique une société civile « forte », dans laquelle les associations jouent un rôle fondamental dans les initiatives visant à renforcer la transparence, la dignité et la liberté d’expression. La sensibilisation aux droits de l’homme au niveau local fait désormais partie des priorités du Congrès. Nous sommes convaincus de l’importance, pour la démocratie locale, de la liberté d’expression, de l’existence de médias pluralistes « forts », et de la liberté de réunion et d’association au niveau local. Nous devons d’ailleurs encourager la vie associative. Les associations doivent être considérées comme des partenaires naturels de l’autonomie locale car elles jouent un rôle fondamental dans la sauvegarde et la promotion de nos valeurs, en rassemblant les citoyens autour de questions d’intérêt commun et en encourageant le débat public.

11. Il ne s’agira pas, pour nous, de réinventer la roue. Nous disposons déjà de certains outils importants pour développer la démocratie participative et nous devons donner vie à nos normes et textes de référence. Nous pouvons ainsi nous appuyer sur le Protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales, par exemple. Nous félicitons d’ailleurs l’Arménie d’avoir récemment ratifié cet important traité et appelons d’autres gouvernements à en faire de même.

12. Les droits politiques des étrangers sont également importants et fondamentaux pour l’intégration de ces personnes dans la vie locale. Nous devons réaffirmer l’importance de la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local et exprimer notre préoccupation quant au fait qu’à ce jour, ce traité n’ait été ratifié que par huit Etats.

13. Pour continuer à soutenir et encourager la participation politique des jeunes, nous poursuivrons nos actions de promotion de la Charte européenne révisée de la participation des jeunes à la vie locale et régionale du Conseil de l’Europe.

14. Autre outil dont nous disposons : la Semaine européenne de la démocratie locale, une occasion unique de sensibiliser les citoyens aux questions dont nous avons débattu ici, à Erevan.

15. Pour résumer, nous pouvons conclure des discussions que nous avons eues aujourd’hui que la démocratie participative est promise à un bel avenir. On observe chez tous les citoyens, quel que soit leur milieu, une motivation politique croissante. Notre tâche consiste à garantir les meilleures conditions possibles pour un débat démocratique libre au niveau local, et à veiller à ce que nos citoyens soient encouragés à participer aux grands débats et décisions politiques.

16. Il est clair, cependant, que nos élus locaux et régionaux ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers. En effet, parallèlement à ces nouvelles tendances, on observe une certaine méfiance générale envers nos responsables politiques, et de plus en plus de personnes sont séduites par des idées politiques qui sont loin d’être démocratiques. Nos dirigeants doivent tenir compte de ces nouvelles formes de participation et faire en sorte qu’elles deviennent une composante à part entière de notre vie politique. Autrement, ils risquent d’être rapidement dépassés.