24ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe (19-21 mars 2013)

Débat sur la lutte contre l’exclusion sociale, 20 mars 2013

Intervention de Bernard Muller maire de Commercy, President du CCAS et Président de la Communauté de Communes du pays de Commercy

La version prononcée fait foi

Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs,

Lorsque l'on m'a proposé d'intervenir devant vous sur la lutte contre l'exclusion sociale j'ai immédiatement accepté car cette question touche directement mon quotidien. En tant que Maire de Commercy, commune de 6 656 habitants et Président de la communauté de communes du pays de Commercy regroupant 12 746 habitants, je suis confronté chaque jour à ces interrogations : comment puis-je maintenir l'action sociale dans ma commune dans le contexte actuel? Comment puis-je éviter la marginalisation d'une partie de la population qui ne correspond pas ou plus au modèle social dominant ?

Il est vrai que je suis au plus près du terrain en recevant quotidiennement des personnes en situation de précarité. Cette pauvreté revêt plusieurs visages : le manque d'emploi, un logement insalubre, une addiction, la monoparentalité, des problèmes de santé, l'isolement, des impayés de loyers, d'énergies, une expulsion, de la maltraitance, etc. Bien souvent ces situations sont le résultat d'un processus plus ou moins brutal de rupture parfois progressive des liens sociaux.

Premier constat : les situations sont de plus en plus complexes et nécessitent une approche professionnelle pluricompétente.

Second constat : être maire d'une commune rurale ne protège plus des problèmes que connaissent les grandes agglomérations. Je suis confronté à de nouvelles problématiques qui étaient auparavant « réservées » aux communes de strates supérieures. Prenons par exemple les problèmes liés aux drogues dures. Depuis  quelques années ce phénomène apparaît de manière significative entraînant avec lui de nouveaux problèmes pour ma commune.

Troisième constat : les maladies psychologiques et les personnes en situation de mal-être sont en recrudescence. Parallélement les réponses en terme de soins sont peu ou pas adaptées.

Enfin, quatrième et dernier constat : la paupérisation d'une partie de la population, y compris celle des retraités, et la forte émergence des travailleurs pauvres sont une réalité.

Face à ce contexte je dispose de plusieurs outils dont le principal est le Centre Communal d'Action Sociale qui, selon les termes de la législation en vigueur, « anime une action générale de prévention et de développement social » en partenariat avec les institutions publiques et privées.

Ainsi dans ma commune, le CCAS gère les aides sociales légales :

ñ    la Couverture Maladie Universelle

ñ    le Revenu de Solidarité Active (instruction et accompagnement)

ñ    la domiciliation des personnes sans hébergement fixe.

J'ai également souhaité développer les aides sociales facultatives afin d'offrir au plus grand nombre les services proposés à Commercy.

Le CCAS gère ainsi une crèche (structure multi accueil) pour la garde des enfants de 2 mois à 6 ans. Une convention (PSU – Prestation de Service Unique) nous lie avec la CAF afin que chaque famille qui le souhaite puisse bénéficier de ce service. Par exemple, un foyer bénéficiaire des minima sociaux paie 0.34€ de l'heure de garde. Il me paraît important que chaque enfant dès son plus jeune âge puisse être pris en charge par des professionnels de la petite enfance qui pourront notamment l'amener vers la socialisation, l'éveiller et détecter le cas échéant des dysfonctionnements éducatifs ou des problèmes dans son développement.

Nous accordons également des aides financières pour les élèves de maternelle et de primaire âgés de 2 à 12 ans :

ñ    pour le restaurant scolaire, des familles ont un tarif préférentiel sous conditions de ressources et selon un barême défini.

ñ    pour l'aide aux devoirs après la classe car de nombreuses familles en situation de précarité sont dans l'incapacité d'aider leurs enfants.

ñ    lors de classes découverte afin que le manque d'argent ne prive pas certains enfants de cette expérience

Le CCAS accorde également des bourses pour le Conservatoire de musique. La lutte contre l'exclusion sociale passe selon moi par l'accès pour tous à la culture et à la pratique sportive. Nous subventionnons plus de 72 associations culturelles, sportives, caritatives et de loisirs car elles participent activement à la vie locale et contribuent à créer des liens sociaux et inter-générationnels, source du bien vivre ensemble. A tout âge la vie associative est un autre espace d'expression et de reconnaissance sociale et peut favoriser dans certains cas la reconstruction du lien social.

Il me paraît essentiel de proposer des activités à nos enfants et ce notamment durant toutes les vacances scolaires.Pour ce faire la Ville de Commercy dispose d'un centre d'accueil pour mineurs (« centre aéré ») réservé aux enfants de moins de 12 ans et d'un dispositif pour adolescents (CAP Jeunes). Là aussi le CCAS est présent pour aider les familles les plus démunies.

Je tiens également dans mon propos à évoquer les personnes âgées, chez qui le facteur principal d'exclusion sociale est l'isolement qu'il soit géographique, psychologique et/ou social. Cet isolement peut être renforcé lorsqu'il s'accompagne de faibles ressources.

Depuis 35 ans le CCAS gère un foyer logements de 34 appartements de type 1 à 2 pour personnes valides et autonomes. Cette structure offre la possibilité de maintenir ou de créer des liens sociaux et de développer des conditions de vie favorisant le maintien de rôles sociaux. Pour ce faire mes services organisent dès que faire se peut des activités inter-générationnelles. L'exclusion peut également passer par la méconnaissance ou même l'absence de connaissance des nouvelles technologies. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité sensibiliser les résidents à l'informatique et à internet. Depuis plusieurs semaines les résidents, accompagnés d'un agent, « surfent sur le web » et « tchatent » avec leur famille.

Commercy dispose également de deux associations de retraités très actives que le CCAS subventionne. Enfin le CCAS se charge chaque année du plan canicule pour les plus fragiles.

Le CCAS gère et coordonne une Epicerie Sociale depuis 2006. Mon équipe utilise cet outil pour travailler sur l’insertion sociale, économique et professionnelle de personnes en situation de précarité en les aidant à se réapproprier la gestion de leur vie quotidienne et en facilitant la restauration de liens sociaux. J'ai souhaité que l’Épicerie Sociale soit un lieu ressources pour toutes les activités sociales locales. Ainsi ce dispositif comprend une partie distribution alimentaire d'une part et une partie ateliers d'insertion d'autre part. Les objectifs opérationnels étant de :

ñ    Répondre aux besoins alimentaires des personnes en grande difficulté

ñ    Respecter un certain équilibre alimentaire en apprenant à cuisiner

ñ    Favoriser l’autonomie des personnes en précarité

ñ    Lutter contre l’exclusion et l’isolement des individus

ñ    Travailler sur l’économie budgétaire et la réduction de l’endettement

ñ    Agir dans une logique d’action éducative et d’insertion sociale en favorisant la participation des usagers

ñ    Restaurer l’estime de soi, responsabiliser la personne

ñ    Développer le travail en réseau en favorisant une complémentarité d’intervention et de mutualisation des compétences entre partenaires sociaux.

Ainsi, d'avril à novembre 2012, ce sont 126 familles différentes représentant 304 personnes qui ont été aidées au niveau alimentaire. Cette aide se caractérise par une certaine liberté dans le choix des produits offerte aux usagers, par une monétarisation de l'échange (le bénéficiaire paie 10% du montant qui lui est alloué) et par la participation à des ateliers d'insertion. En effet l'Epicerie Sociale est en même temps un lieu d'informations, de rencontres, d'échanges, de soutien et de resocialisation où le rapport humain est privilégié. Pour cela, des ateliers d'insertion sont mis en place :

ñ    un atelier culinaire où l'on apprend à cuisiner de manière équilibrée à moindre coût

ñ    un atelier jardin où l'on apprend à vivre ensemble, à travailler sur un projet commun et bien sur à jardiner

ñ    un atelier brico-parole où tout en confectionnant divers objets on parle de soi

ñ    un atelier de réinsertion par l'art où l'on s'exprime par le biais de la peinture

ñ    des actions ponctuelles durant lesquelles on évoque différentes problématiques telles que la santé, le logement, la famille, les économies d'énergie, la gestion budgétaire, etc. Mon équipe organise également des sorties pédagogiques telles qu'une visite touristique guidée de la Ville ou de la maison de la truffe du village voisin ou encore de l'assemblée nationale à Paris. En 2012, 261 personnes ont assisté à au moins une de ces actions.

Pour réaliser toutes ces actions je m'appuie sur un partenariat fort avec les institutions présentes dans ma commune mais également les associations locales.

Je ne peux conclure mon propos sans aborder l'importance d'une présence médicale pluricompétente de proximité et de qualité.

En tant que Président du Conseil de Surveillance de l'hôpital de ma commune je me bats pour maintenir et développer cette offre. Je prends comme exemple la disparition de la mammographie lors du départ en retraite du radiologue qui, faute de remplaçant, a du fermer son cabinet. Pour réaliser cet examen il fallait donc se rendre à plus de 20 kms de Commercy. Cette situation a contraint des femmes âgées et/ ou en situation de précarité ne pouvant se déplacer à ignorer cette prévention. Mes démarches auprès de l'Agence Régionale de Santé étant restées vaines, j'ai obtenu un financement de la Codécom afin de restaurer ce service indispensable au sein de l'hôpital.

Faire de la politique c'est faire des choix. Avec mon Conseil Municipal nous avons choisi de différer quelques investissements, nous rénovons moins de route, nous étalons la dépense quant il s'agit de rénover le patrimoine historique de notre cité. Nous avons fait le choix de l'Homme, car ne l'oublions jamais, les plus beaux monuments de nos villes ce sont les hommes et les femmes qui les peuplent.