24ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (19-21 mars 2013)

Table ronde sur: “Régionalisation et décentralisation en Europe dans un contexte de crise économique” – 20 mars 2013

Jean-Marie Belliard, Président de la Commission de la Coopération transfrontalière et décentralisée du Conseil régional d’Alsace, France

Embargo jusqu'à l'intervention - la version prononcée fait foi

Au  moment où l’Europe connaît des mutations fortes, dans son économie, mais également sur le plan social, culturel et environnemental, il est indispensable que l’action publique soit bien organisée, qu’elle évite la dispersion, qu’elle soit tendue vers la réalisation des objectifs prioritaires.

Au un moment où les collectivités locales sont tenues d’adapter leurs dépenses à un contexte inédit de raréfaction des recettes, il importe de rassembler les ressources pour les affecter sur les priorités ; il importe de construire plus de synergies entre les politiques publiques ; il importe aussi de créer les conditions, dans la durée, d’une bonne gestion des deniers publics.

C’est le sens du processus de création d’une Collectivité Territoriale d’Alsace.

Les Départements ont été créés à la fin du XVIIIe siècle par l’inspiration révolutionnaire pour organiser les territoires de la République et tourner le dos aux provinces de l’Ancien Régime. Les Régions ont été portées sur les fonts baptismaux à la fin du XXe siècle, quand la France a éprouvé le besoin de se décentraliser après des siècles de centralisation.

Depuis 1982 et la promulgation des lois Mauroy-Defferre, jusqu'aux lois Pasqua-Hoeffel, Chevènement et Raffarin, de nombreuses réformes nous ont permis de franchir des étapes successives. Aujourd’hui, un acte III de la décentralisation est annoncé.

L’Alsace a régulièrement désiré, dans ce domaine, avoir une longueur d’avance et voulu utiliser au mieux sa capacité d’initiative et d’expérimentation.

Dans notre région, les collectivités locales se sont toujours inscrites avec volontarisme dans les réformes et initiatives de décentralisation. Elles ont su agir sur chaque territoire, au plus près de nos concitoyens, tout en conduisant des politiques ambitieuses.

Nos collectivités ont su faire leur preuve et montrer leur pertinence et leur efficacité, chaque fois que l'Etat leur a transféré des blocs de compétences.

C'est un constat partagé par une très large majorité d'élus et de citoyens : l’Alsace a su, dans ses communes, ses regroupements communaux, ses Conseils généraux, son Conseil régional, tirer pleinement parti du processus de décentralisation. Que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la culture, de la cohésion sociale ou de l’action économique, chacun peut en mesurer les effets positifs.

Mais demain, qu’en sera-t-il ?

La crise financière, économique et sociale s'est installée en Europe. Elle affecte nos entreprises, détruit des emplois et interpelle les fondements sur lesquels les pouvoirs publics, Etats et collectivités territoriales, avaient établi, depuis des décennies, leur propre fonctionnement.

L’affirmation de blocs de compétences conçus initialement pour spécialiser les collectivités dans des domaines d'intervention réservés n'a pas évité les empiétements de compétences ou les concurrences entre les collectivités. Cette multiplication des structures et des institutions locales, le manque de lisibilité pour le citoyen mais également d’efficience de l’action publique imposent que l'on s'interroge sur une manière de clarifier les choses et de gagner en efficacité.

Dans un monde qui bouge, face à de grandes régions qui, partout en Europe, s’affirment et se développent, nous avons besoin d’une région encore plus forte pour mieux protéger nos concitoyens, leur garantir un service public de qualité et accroître la compétitivité de notre économie, tout en conservant les effets positifs de la proximité.

C’est pourquoi nous souhaitons en Alsace aller vers une nouvelle collectivité : la Collectivité Territoriale d’Alsace

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a créé une nouvelle procédure de création d’une collectivité à statut spécifique par fusion de la région et des départements la composant.

 

L’initiative en revient aux collectivités territoriales qui peuvent par délibérations concordantes demander à fusionner en une collectivité unique exerçant leurs compétences respectives.

Un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales déclenche la consultation des électeurs une fois les délibérations concordantes prises, puis les collectivités territoriales concernées organisent conjointement la consultation des citoyens.

Le gouvernement ne donne suite au projet de fusion que si la consultation sur ce projet a recueilli l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant au quart des électeurs inscrits dans tous les départements concernés.

La fusion est au final décidée par la loi qui déterminera l’organisation et les conditions de l’administration de la nouvelle collectivité.

La nouvelle collectivité pourra être mise en place lors des prochaines élections, repoussées, par décision gouvernementale, à 2015.

Se saisissant de cette opportunité de création d’une collectivité à statut spécifique par fusion de la région et des départements, le 1er décembre 2011, le Congrès d’Alsace  - réunissant l’Assemblée régionale et les deux Assemblées départementales -  a solennellement affirmé la volonté de constituer en Alsace une collectivité nouvelle : la Collectivité Territoriale d’Alsace, regroupant le Conseil Régional d’Alsace, le Conseil Général du Bas-Rhin et le Conseil Général du Haut-Rhin.

Ce projet doit répondre à plusieurs objectifs :

- garantir plus de simplicité et de lisibilité pour les citoyens ;

- renforcer la capacité de l’Alsace à être performante dans la mise en œuvre des politiques publiques ;

- obtenir plus de visibilité et d’influence au niveau national et s’inscrire pleinement dans le développement de la coopération transfrontalière au sein de l’espace rhénan ;

- simplifier les prises de décisions et les circuits administratifs ;

- éviter la concurrence entre les collectivités.

Et doit également répondre aux impératifs suivants :

- éviter la centralisation régionale tout en respectant le statut de capitale régionale de Strasbourg ;

- garantir la répartition des rôles entre Colmar, Mulhouse et Strasbourg ;

- offrir plus de proximité dans la prise en compte et la satisfaction des besoins des habitants ;

- garantir, dans la mise en œuvre des politiques publiques, l’articulation avec les territoires par déconcentration des services ;

- obtenir de l’Etat le transfert de nouvelles compétences et de nouveaux moyens – à travers la contractualisation – pour expérimenter une nouvelle phase de décentralisation.

En fait, la question se pose de savoir si nous voulons aller vers plus de transparence, plus de simplicité, plus d'efficacité. Il ne s'agit pas simplement de réfléchir à la situation actuelle, mais de penser le modèle pour les décennies qui viennent : voulons-nous garder, en Alsace, cet empilement des choses en l'état ou voulons-nous organiser l'Alsace, la plus petite des Régions françaises en termes de superficie, d'une manière plus optimale et plus efficace ?

Nous voulons créer une collectivité qui corresponde pleinement aux besoins de l’Alsace et des Alsaciens, à leurs aspirations, à leurs spécificités et à la diversité de leurs territoires. Nous voulons construire une Alsace dynamique et rayonnante en France et en Europe.

D’ici quelques jours, les électeurs alsaciens auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question : « Approuvez-vous le projet de création, en Alsace, d’une Collectivité Territoriale d’Alsace, par la fusion du Conseil Régional d’Alsace, du Conseil Général du Bas-Rhin et du Conseil Général du Haut-Rhin ? ».

C’est un moment fondateur que nous vivons pour notre région, et plus largement pour la France, car ce processus permettra d’initier une réforme sans précédent des institutions et des modes de gouvernance dans notre pays.

Il s'agit, pour nous, d'être exemplaires.

Exemplaires pour l'Alsace, dont nous voulons préparer toutes les réussites et tous les succès à venir. Exemplaires aussi pour notre pays, qui a besoin aujourd'hui d'aller plus loin dans sa décentralisation.