24ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (19-21 mars 2013)

Intervention de M. Gilbert SABOYA SUNYE, Président du Comité des Ministres, Ministre des Affaires étrangères de l’Andorre

21 mars 2013

Monsieur le Président,

Eminents membres du Congrès,

Mesdames et Messieurs,

Comme vous le savez, l’Andorre a déjà eu le plaisir d’accueillir le Bureau du Congrès à Andorra la Vella le 11 février dernier. Toutefois, c’est avec un plaisir particulier que j’interviens aujourd’hui, à l’occasion de votre session plénière, au nom de la présidence andorrane qui, avec les prochaines présidences de l’Arménie et de l’Autriche, a choisi d’inscrire la promotion de la démocratie locale et régionale au nombre de ses priorités.

Un large éventail de questions relève de la compétence des autorités locales et régionales, et l’Andorre, malgré ou justement grâce à sa petite dimension, en fait l’expérience au jour le jour. En effet, l’Andorre est divisée en 7 circonscriptions (appelées paroisses) et un titre de la Constitution (le titre VI) est réservé aux pouvoirs locaux.

Permettez-moi tout d’abord de vous informer des initiatives les plus récentes du Comité des Ministres qui intéressent le Congrès directement. Je souhaite notamment mentionner les décisions que les Délégués des Ministres ont prises en novembre dernier, dans le prolongement de la 17e session de la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des collectivités locales et régionales.

Dans ce contexte, le Comité européen sur la démocratie locale et régionale a été chargé de mener à bien quatre tâches concrètes. Premièrement, analyser l’impact des aléas économiques sur les budgets des collectivités locales et élaborer des réponses politiques sur la base des « Lignes directrices de Kiev ».

Deuxièmement, formuler des propositions pour renforcer la sensibilisation à la dimension « droits de l'homme » de la gouvernance locale et régionale, en concertation avec l’Assemblée parlementaire, le Congrès et la Conférence des OING. Troisièmement, étudier comment les principes de la bonne gouvernance démocratique aux niveaux local et régional peuvent être promus et enracinés dans les pratiques des collectivités locales et régionales ; et enfin, concevoir des activités pour surmonter les obstacles à la coopération transfrontalière.

Le CDLR a été chargé de mettre en œuvre ces activités en assurant une coordination et en développant des synergies avec le Congrès et les autres organes compétents du Conseil de l'Europe.

Le Comité des Ministres a par ailleurs adopté récemment plusieurs réponses à des recommandations de votre Congrès, dont celles concernant « Les changements en cours dans les pays arabes – une chance pour la démocratie locale et régionale » « Le droit de consultation des collectivités locales par les autres niveaux de gouvernement », « La gouvernance des macro-régions en Europe » et « Le deuxième niveau des collectivités locales – la gouvernance intermédiaire en Europe ».

Mesdames et Messieurs les membres du Congrès,

« L’Europe en crise – les défis de la démocratie locale et régionale », est le thème que vous avez choisi pour 2013.

Il est manifeste que la crise à laquelle l’Europe doit faire face actuellement engendre de nombreux défis à relever par tous et à tous les niveaux de gouvernement. Cette situation suscite énormément d’incertitude et dans plusieurs pays, la crise économique a provoqué, est en train de provoquer, ou risque de le faire, une grave crise sociale.

La récente Conférence « Pauvreté et inégalité dans les sociétés de droits de l’Homme : le paradoxe des démocraties » illustre parfaitement cette réalité. Cette conférence a permis de renforcer la prise de conscience concernant les conséquences négatives des restrictions de l’accès aux droits sociaux sur l’exercice des droits civils et politiques.

Il en est clairement ressorti que ce processus affecte les valeurs constitutives de l’Europe. Une des principales conclusions de la conférence est qu’il est indispensable de renforcer les capacités locales pour réduire la pauvreté et les inégalités dans les villes européennes et cela ne peut se faire sans la participation des citoyens.

Comme on le dit à juste titre, « c’est dans les moments difficiles que l’on reconnaît les hommes et les femmes de courage ». C’est précisément ce courage qui doit tous nous animer dans l’intérêt de ceux qui nous ont fait confiance en nous choisissant pour les représenter et agir en leur nom. A tous les échelons, les élus doivent démontrer qu’ils sont à la hauteur des défis à relever. Il nous incombe tout particulièrement de veiller à préserver la vie démocratique et la cohésion sociale, sachant que l’une et l’autre peuvent être victimes des conséquences négatives du climat économique actuel.

L’histoire de l’Andorre, sa diversité culturelle et linguistique ont inspiré les priorités andorranes du Comité des Ministres. Nous prenons en effet toute la mesure de la nécessité d’apprendre et renforcer le vivre ensemble, la défense de la diversité et du respect de la différence. Ainsi, dans le cadre de l’action visant à faire progresser la vie démocratique, la présidence andorrane s’est fixée comme première priorité de promouvoir l’éducation à la citoyenneté démocratique, c'est-à-dire aux principes des droits de l'homme, de la démocratie et de la primauté du droit qui sont les valeurs essentielles du Conseil de l'Europe.

Nous estimons en effet qu’il faut intensifier les efforts en la matière dans une société où la promotion de la tolérance, de la non-discrimination, du respect de l’autre, est essentielle. Cette éducation est également nécessaire pour susciter un intérêt pour le fonctionnement des institutions démocratiques et pour répondre à une tendance grandissante à la passivité parmi nos concitoyens, voire au désenchantement et à la perte de confiance dans ces institutions.

Un certain nombre d’activités ont été menées, et le seront encore prochainement, pour promouvoir l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme, en mettant tout particulièrement l’accent sur la jeunesse. Trois conférences figurent au nombre de ces activités : la première, tenue en novembre dernier, concernait l’impact de la Charte européenne sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme ; la deuxième, qui a eu lieu à Andorra la Vella les 7 et 8 février derniers, portait sur les compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel ; la troisième enfin est la 24e Conférence des ministres de l’Education, à Helsinki, les 26 et 27 avril prochains, qui aura pour thème « Gouvernance et éducation de qualité ».

Ce même fil conducteur concernant la formation et l’éducation de la jeunesse nous a poussé à organiser avec le Conseil de l’Europe et les mairies d’Andorre les rencontres des Jeunes Ambassadeurs pour la Paix en Andorre au mois d’avril prochain. Cet événement sera accompagné d’une formation sur la médiation destinée à de jeunes andorrans travaillant avec des jeunes.

A l’appui de ce travail d’éducation aux Droits de l’Homme, la présidence vient de lancer une campagne de promotion de la Convention européenne des droits de l'homme dans le but de mobiliser la société civile, en particulier la jeunesse mais pas uniquement, en recourant aux réseaux sociaux en ligne et en coopérant avec des organisations de jeunesse, afin de mieux sensibiliser l’opinion à la protection des droits de l'homme. Faire connaître la Convention nous semble indispensable pour en assurer la reconnaissance et l'application universelle et effective des droits qui y sont énoncés.

La présidence andorrane s’est proposé d'en promouvoir la lecture auprès du grand public à travers une campagne reposant sur la création d'une page web au sein du site du Conseil de l’Europe. Il est demandé aux participants de s'engager à faire la lecture d'au moins un article du texte et de faire connaître la Convention autour de soi.

Nous pensons que la responsabilité de faire « grandir les Droits de l’Homme» incombe à chacun d'entre nous, à chacun des 800 millions d'individus de l'espace paneuropéen du Conseil de l'Europe. Je vous invite à être actifs, participatifs en vous joignant à cette campagne dès aujourd'hui.

Effectivement, pour que ces initiatives aient des chances de succès, l’engagement et la participation de tous est indispensable, mais aussi à tous les niveaux, gouvernement, élus locaux et régionaux. Le thème de votre débat d’actualité de mardi, consacré à la promotion de la participation active des citoyens témoigne du rôle important que le Congrès peut jouer dans la sensibilisation et l’éducation à la citoyenneté démocratique au niveau local.

J’invite d’ores et déjà tous les membres du Congrès présents ici aujourd’hui à soutenir l’Andorre et le Conseil de l’Europe dans la poursuite de ses objectifs en menant des actions dans leurs communautés respectives et en participant à la promotion de la Campagne en ligne. Je tiens à saisir cette occasion pour mentionner l’intérêt croissant suscité par la conception de villes intelligentes, sujet que vous avez examiné plus tôt dans la semaine et qui englobe la promotion de la participation des citoyens à la gouvernance des villes.

Mesdames et Messieurs les membres du Congrès,

Le risque accru d’exclusion sociale est une autre conséquence du climat économique actuel. Cette question qui continuera probablement de figurer, un certain temps encore, en bonne place parmi nos priorités communes était aussi, hier, le thème d’un de vos débats. Nous conviendrons tous que notre but commun est d’assurer l’instauration d’une société solidaire. A cet égard, la lutte contre les inégalités et l’exclusion est primordiale. Cet objectif doit rester une priorité quand bien même les ressources se font plus rares.

Nous avons le devoir de continuer à protéger les personnes les plus vulnérables dans nos sociétés. Je pense en particulier aux jeunes, dont beaucoup sont fragilisés par la situation économique actuelle, ainsi qu’à d’autres groupes sociaux victimes de discriminations et confrontés à des difficultés particulières d’intégration dans la société.

A cet égard, je tiens à saisir cette occasion pour féliciter le Congrès de son engagement à améliorer les conditions de vie des communautés Roms dans toute l’Europe. Le Comité des Ministres se réjouit du lancement officiel, plus tard dans la matinée, de l’Alliance européenne des villes et régions pour l’inclusion des Roms, qui a déjà entrepris des activités d’envergure.

Cette Alliance est un excellent exemple de la valeur des initiatives concrètes menées au niveau local. Je ne peux qu’encourager le plus grand nombre possible de municipalités et régions à s’y associer.

Le dernier point que je mentionnerai concerne la promotion de l’éthique et la prévention de la corruption, sujet que vous examinerez plus tard dans la matinée. C’est un défi auquel sont confrontés tous les pays européens et qui est étroitement lié à  la responsabilité des représentants politiques vis-à-vis de leur électorat. L’intégrité et l’engagement à maintenir scrupuleusement l’Etat de droit sont essentiels si l’on veut maintenir la confiance de nos concitoyens dans les institutions démocratiques et ceux qu’ils ont élu pour les représenter.

Mesdames et Messieurs,

En cette période troublée de l’histoire européenne, il nous faut, plus que jamais, défendre et promouvoir, dans nos Etats membres, les valeurs de cette Organisation. Nous devons, à cette fin, non seulement conjuguer nos énergies et nous mobiliser ensemble mais aussi savoir faire preuve d’innovation dans notre action.

Je suis convaincu que, grâce à nos efforts communs, le Conseil de l’Europe continuera de remplir sa mission fondamentale qui est de protéger les droits de l'homme, la démocratie et l’Etat de droit sur l’ensemble du continent. Tous ensemble, nous avons un rôle clé à jouer à cet égard et je tiens à saluer l’action que vous menez pour atteindre cet objectif.

Je vous remercie de votre attention.