24ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (19-21 mars 2013)

Table ronde sur: “Régionalisation et décentralisation en Europe dans un contexte de crise économique” – 20 mars 2013

Intervention de Michèle Sabban, Présidente de l’Association des Régions d’Europe (ARE)

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Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C’est un plaisir pour moi d’être parmi vous aujourd’hui pour participer à cette table ronde. Le thème que nous abordons aujourd’hui est malheureusement dans l’air du temps depuis de longs mois maintenant.

La crise perdure et sa résolution est beaucoup plus lente que ce que nous avions espéré. Aux premiers symptômes apparus en 2008 avec la révélation de la crise bancaire se sont substitués ceux d’un mal plus profond. Un mal qui touche l’économie réelle et dont les régions sont les premiers témoins.

Dans ce contexte de crise qui semble être devenu un lieu commun, les Etats se trouvent accaparés par le prisme supranational, contraints qu’ils sont par l’adoption de mesures structurelles seules à même de garantir que cette crise ne se répète à l’avenir. Dans ce juste souci de réforme, les Etats laissent pourtant s’éroder le lien qu’ils ont avec leurs citoyens et laissent planer un doute quant à la santé de l’Europe.

C’est donc dans ce contexte que nos Régions peuvent pallier ces carences de dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens. Elles peuvent et doivent s’affirmer comme le premier relais entre ceux-ci. En effet, cette crise nous rappelle à chaque instant le besoin de dialogue qui subsiste.

De haut en bas, pour faire preuve de pédagogie auprès de nos concitoyens quant à la justesse des décisions qui sont prises à leur égard, mais également de bas en haut pour ne pas laisser les doléances de nos concitoyens sans réponse.

Je crois en effet que nous pouvons tirer avantage de la diversité de nos territoires pour favoriser l’innovation créatrice, pour trouver les différents moteurs de croissance dont nous avons besoin, et pour faire en sorte que la multiplicité des petites échelles s’avère plus efficace que les quelques grands plans internationaux de sortie de crise.

C’est le message que nous avons tenté de porter à l’ARE ces derniers mois, notamment au travers de notre cycle de conférences sur le thème du rôle des Régions dans la sortie de crise.

A Pescara, en Septembre, l’année dernière puis à Varsovie, il y a quelques jours, nous avons mis en avant plusieurs compétences qu’il est essentiel de pouvoir exercer au niveau local afin d’assurer le développement régional.

D’abord, les Régions doivent apporter tout leur soutien aux politiques de l’emploi et en particulier à la jeunesse, car c’est elle qui porte les promesses d’une Europe forte et équilibrée. En adaptant la formation des jeunes aux besoins des employeurs, en sécurisant leurs parcours scolaires par l’apport d’une réponse à chaque situation (jeune scolarisé, jeune en décrochage scolaire, ou jeune déscolarisé) et en faisant intervenir le bon interlocuteur à chacune de ces étapes, nous parviendrons à améliorer l’employabilité de nos jeunes.

En complément, il apparait incontournable de favoriser la mobilité de ces jeunes, ce à quoi nous avons l’occasion d’œuvrer à l’ARE par le biais du programme Eurodyssée dont le succès est croissant d’année en année.

En second lieu, l’économie verte, est un enjeu majeur dont nous devons nous saisir avant que notre infatigable déni de la réalité ne nous entraine dans une voie sans issue et sans retour possible. J’ajoute qu’elle peut être l’occasion pour nous de mettre en place des projets transfrontaliers ambitieux et économes par la mise en commun de nos moyens.

Là encore, il importe de considérer le changement de perspective que cette crise nous pousse à adopter, tout en le considérant comme une chance pour concevoir un avenir plus juste.

Depuis trop longtemps les sirènes alarmistes ont été ignorées face à l’urgence environnementale. Si nos concitoyens ont vite été imprégnés de ces revendications, force est de reconnaitre que nos pouvoirs publics ont tardé à prendre la mesure d’une nécessaire reconversion de notre mode de civilisation.

Pourtant, nous avons les outils à notre disposition pour ce faire. Orienter les financements vers des secteurs à fort potentiel de croissance verte, voilà quel pourrait être notre défi.

Enfin, et c’est le troisième axe des réflexions que nous avons entrepris pendant ces Sommets sur la crise,  comment jouer sur les spécificités des Petites et Moyennes Entreprises pour faire valoir leur efficacité dans cette voie de sortie de crise que nous souhaitons emprunter ?

Sans pour autant réfuter l’importance des grandes entreprises pourvoyeuses d’emplois et de croissance au sein de notre économie, il importe de ne pas occulter le fait que 99% des entreprises européennes sont des PME, et que 90% d’entre elles sont des micro-entreprises embauchant moins de 10 salariés. Face à cet état de fait, nous avons convenu pendant nos débats, de comparer nos expériences respectives en matière de politique de soutien à ces viviers d’emploi, d’identifier les secteurs les plus propices, et d’innover en termes d’outils de financement et de garantie.

Dans cette optique plus que dans nulle autre, il apparait nécessaire de chercher à trouver les bonnes formules d’association entre tous les acteurs en présence : pouvoirs publics, banques, réseaux associatifs, universités, afin de converger vers un nouveau mode de coopération mutuellement fructueuse.

La création de la Banque publique d’investissement en France sur le modèle de son homologue allemande n’est-elle pas la preuve du constat partagé par les pouvoirs publics que le meilleur niveau pour investir dans les petites et moyennes entreprises  passe par l’échelon local ?

Vous le voyez, les Régions ont des réponses concrètes à apporter aux problèmes auxquels est confrontée aujourd’hui l’Europe.

Mais les Régions ne peuvent agir seules. Elles ont besoin de l’appui des gouvernements nationaux et des institutions communautaires pour la mise en place de leurs politiques de croissance, dans l’esprit d’une gouvernance à multi-niveaux coordonnée.

Pour que nous parvenions à mettre en œuvre les politiques de croissance que je viens d’évoquer, il faut pouvoir nous appuyer sur les instruments mis à disposition par la Commission européenne.

Les institutions européennes ont encore trop souvent recours à des intermédiaires au lieu de s’adresser directement aux Régions sur ces problématiques. Dernièrement, le président du Parlement européen Martin Schultz soulignait lui aussi qu'il était "plus urgent que jamais de mettre en place des liens directs entre l'UE et les autorités locales et régionales".

C’est ce que nous appelons de nos vœux les plus chers à l’ARE.

Conscients de cette nécessité, plusieurs gouvernements ont entrepris de réformer leur organisation territoriale afin que leurs régions aient les capacités de mieux absorber les fonds européens.

C’est le cas en Roumanie avec la fusion des judets en régions plus grandes. Si cette réforme est toujours en préparation, elle n’en est pas moins ambitieuse. Il s’agit en effet de bâtir ces nouvelles régions en leur permettant d’atteindre une taille critique qui rejoint les niveaux statistiques de l’Union européenne.

Je reviens d’Alba Iulia, en Transylvanie et je peux vous assurer que les Présidents de Région que j’ai rencontrés attendent beaucoup de  cette réforme qui pourrait leur permettre d’améliorer l’absorption des fonds communautaires, tout en faisant des économies d’échelle.

La Hongrie aussi a fait le choix d’exercer de manière spécifique le principe de subsidiarité : elle juge que les dépenses de santé se justifient davantage, pour des questions économiques, à l’échelle nationale, mais elle a en contrepartie redonné un rôle économique moteur aux autorités régionales.

Nous avons ainsi apporté notre soutien aux collectivités hongroises, notamment auprès des institutions communautaires, pour qu’elles puissent peser davantage dans la définition de leurs stratégies économiques, en ayant un rôle clef dans la gestion des fonds structurels.

Nous considérons donc qu’il est nécessaire que les politiques économiques régionales menées par la Hongrie se fassent dans le respect des directives européennes, mais rappelons aussi que nous nous opposons fermement à toute conditionnalité macro-économique. L’accès des régions aux fonds structurels ne saurait en effet être relatif à des politiques budgétaires nationales, sur lesquelles elles n’ont pas prises.

Si la Commission européenne est réceptive à nos arguments, il importe aujourd’hui que les Etats, seuls responsables de la mise en œuvre des fonds structurels prennent les mesures nécessaires pour que les régions puissent administrer leurs fonds le plus efficacement possible.

En outre, dans le contexte de débat houleux entre le Conseil et le Parlement européens sur la politique de cohésion, les Régions d’Europe rappellent leur attachement à cette politique qu’elles considèrent comme le principal outil pour atteindre les objectifs d’une croissance inclusive, mais également intelligente et durable. Pour ce faire, le budget européen doit être l’instrument de l’unité et de la solidarité entre les régions d’Europe.

Mais cette unité ne se fera pas si nous ne prenons pas la pleine mesure de ce qui fait notre spécificité, à savoir notre proximité avec les citoyens. Osons donc nous affirmer dans notre identité de pouvoirs publics responsables mais dégagés des pièges des intérêts nationaux. Et embrassons notre vocation de lien social et économique avec nos administrés.

Je vous invite nombreux à venir à Paris au mois de mai pour le dernier sommet sur la crise qui clôturera nos travaux. Nous aurons ainsi l’occasion de présenter une déclaration des dix principes qui permettront aux régions de faire valoir leurs solutions pour