Vérification à l’écoute

Strasbourg, 20 mars 2012

Allocution de M. Mircea COSMA, Président du Conseil départemental de Prahova (Roumanie), représentant de l’UNCJR et membre du Comité des Régions

« Niveaux intermédiaires de gouvernement et bonne gouvernance »

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis d’être ici aujourd’hui pour évoquer avec vous la place et le rôle des pouvoirs locaux intermédiaires au niveau national ainsi que de vous présenter les opinions du Comité des Régions sur le rôle des autorités intermédiaires dans la gouvernance à multi-niveaux et l'initiative "mieux légiférer" ou "réglementation intelligente".

Conformément à l'accord de coopération entre le Comité des régions et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe révisé en 2009, l'objectif principal de cette coopération est d'assurer le soutien réciproque des deux institutions dans leurs efforts en faveur du progrès de la démocratie locale et régionale, de la décentralisation et l'autonomie locale en Europe, de garantir le respect par les autorités nationales et européennes des compétences locales et régionales instituées ainsi que de promouvoir et renforcer conjointement la concrétisation de la bonne gouvernance à plusieurs niveaux en Europe et au-delà.

La gouvernance à multi-niveaux est un mode de gouvernance flexible et participatif qui conforte les valeurs de l'Union européenne et son éthique de responsabilité et de solidarité pour faire face aux réalités d'un monde globalisé de plus en plus interdépendant et compétitif. Elle pourrait être considérée comme la meilleure façon de faire prévaloir l'intérêt général européen, des États membres et des collectivités territoriales.

Dans un contexte Européen et international la gouvernance à multi-niveaux doit être étroitement associée au principe de la subsidiarité. La subsidiarité a trait aux compétences des différents niveaux de pouvoir, quand la gouvernance à multi-niveaux met l'accent sur leur interaction.

Une réglementation intelligente devrait aller de pair avec un allégement de la bureaucratie et des charges administratives non seulement pour les citoyens et les parties prenantes, mais aussi pour les collectivités locales et régionales, rejetant, par contre, une approche uniquement quantitative de la réglementation.

Pour le CdR c'est très important que la Commission européenne, les organes législatives et les gouvernements nationaux accordent davantage d'attention aux pouvoirs locaux et régionaux lorsqu'elles conçoivent la législation, évaluent ses incidences ou élaborent des moyens de mettre en œuvre les priorités et les objectifs politiques dans le contexte national et européen.

Le CdR vise à faciliter la participation active des autorités locales et régionales dans le processus législatif et politique européen: dans une phase ex ante d'une proposition législative ou politique via la participation dans des exercices d'évaluation d'impact, via la participation dans des consultations des parties prenantes, mais aussi dans la phase décisionnelle elle-même à travers le rôle consultatif du CdR. Ces dispositions-ci s'expriment dans le cadre de l'accord de coopération entre le CdR et la Commission Européenne.

Ce qui est important pour le CdR dans cet égard c'est de mettre en exergue la contribution que les niveaux intermédiaires pourraient apporter dans la bonne gouvernance tant au niveau national qu'niveau européen.

D’ailleurs, le CdR a l'intention de faire une sorte de "monitorage" ou évaluation sur base annuelle de l'état de la régionalisation et de la décentralisation au sein de l'Union européenne afin de produire un baromètre de la dynamique constatée vis-à-vis de l'autonomie politique, juridique et fiscale des autorités locales et régionales. Celui-ci est un travail qui peut être fait en partenariat avec le Congrès. Le CdR a déjà commencé à étudier la répartition des compétences dans les états membres de l'UE et dans les pays de l'élargissement et ceci pourrait être une première étape de ce travail plus général.

En plus le CdR a l'intention d'élaborer une Charte de l'Union européenne de la gouvernance à multiniveaux, qui devra conduire à une plus grande participation des autorités locales et régionales dans l'exercice de la démocratie européenne ; basé sur un concept inclusif et participatif son processus d'élaboration devra favoriser son appropriation par les élus locaux et régionaux.

C’était le message du CdR, que j’ai eu l’honneur de vous transmettre, et je suis persuadé que seulement en partenariat avec toutes les institutions européennes la construction européenne aura la chance de progresser.

Mesdames et Messieurs,

Les pouvoirs locaux intermédiaires, là où ils se trouvent, ont un rôle extrêmement important à jouer dans la résolution de la multitude des défis qui touchent les citoyens, ayant aussi les compétences nécessaires pour répondre à leurs besoins : l’intervention économique génératrice d’emploi, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, l’aménagement des territoires, la gestion des fonds structurels, etc.

La Confédération Européenne des Pouvoirs Locaux Intermédiaires tient à souligner le fait que, lorsqu’on parle de réformes administratives il faut prendre en compte les situations différentes sur le terrain et de l'environnement économique et politique. Ces éléments ne peuvent être évalués à leur juste valeur qu’au niveau local, là où les besoins des citoyens et les aspirations de développement local sont les mieux connus.

J’aimerais rappeler juste deux articles de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale, ratifiée jusqu’à présent par 44 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment l’article 4 (sur la portée de l’autonomie locale) et l’article 5 (sur la protection des limites territoriales des collectivités locales) :

« Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement. … Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi ».

« Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet ».

Nous estimons que les reformes administratives prévues ou en cours dans certains Etats membres de l’Union européenne ne prennent pas en compte ces principes de démocratie statués par la Charte, même si ces Etats l’ont ratifiée.

La CEPLI exprime sa préoccupation en relation avec l'avenir des pouvoirs locaux intermédiaires, tenant compte de la manière dans laquelle les réformes institutionnelles sont prévues dans certains pays européens membres de la CEPLI, des réformes qui remettent en question le rôle des provinces, c’est-à-dire du niveau intermédiaire, dans l'architecture institutionnelle des États membres.

Dans ce contexte, la CEPLI se réjouit de l’opportunité qui lui est offerte par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de discuter, au sein de cette importante assemblée politique, la proposition de résolution sur le rôle des Autorités Locales Intermédiaires en Europe.

La CEPLI est certaine que les résultats d'un tel débat offrira une réponse et un message fort concernant les questions liées au développement à une échelle territoriale appropriée, fondée sur le principe de subsidiarité, une approche intégrée combinant la solidarité avec la compétitivité, afin de créer la meilleure cohésion économique et sociale aussi bien à l’intérieur des territoires qu’entre les territoires, ainsi que d'une qualité de la gouvernance basée sur des partenariats responsables, qui pourraient renforcer la cohérence et la cohésion des projets territoriaux à différents niveaux.

L’objectif de la CEPLI est d'être la voix des Pouvoirs Locaux Intermédiaires au niveau européen et souhaite donc mettre l'accent sur l'importance et la valeur ajoutée générée par ce niveau administratif local à travers la richesse économique et les emplois créés par les services publics locaux. La CEPLI souhaite également réaffirmer le rôle fondamental que ces autorités locales jouent en tant que fournisseurs de services, en soutenant la mise en œuvre des mesures et d’initiatives pour leurs citoyens qui contribuent à surmonter la crise économique. Les pouvoirs locaux intermédiaires assurent une gestion forte et visible au niveau local, une responsabilité accrue pour les décisions locales, en améliorant, en même temps, le niveau de vie dans leurs territoires et en maximisant le potentiel de croissance économique locale.

Nous sommes d’avis que chaque territoire est unique et qu’il se confronte avec des défis et opportunités façonnés par son histoire et son emplacement, le meilleur moyen d’assurer son développement durable étant d'assurer que les responsabilités et les pouvoirs correspondent aux circonstances locales.

Malgré les différences entre les systèmes d’organisation des pays européens, les pouvoirs locaux intermédiaires apportent partout des réponses concrètes aux besoins les plus urgents des citoyens dans des domaines tels que les politiques sociales et de l'emploi, l'environnement, l'énergie, la mobilité, les transports, l'éducation, la promotion des territoires. Ils sont souvent directement responsable pour les services liés aux soins de santé, l'éducation, le logement, l'approvisionnement en eau, les situations d’urgence, etc. Par conséquent, nous sommes d'avis que ce niveau d'administration devrait même être renforcé, au lieu d’être éliminé, pour faire face à ces questions pressantes.

Par conséquent, les pouvoirs locaux intermédiaires représentent une partie vitale de la gouvernance européenne, ayant à la fois la capacité et la légitimité pour organiser les processus de gouvernance horizontale qui mobilisent les différents acteurs locaux autour d'objectifs communs de développement. De même, ils sont essentiels dans la mise en pratique du principe de subsidiarité, en jouant un rôle fondamental dans la promotion de la plus large concertation entre les niveaux local, régional, national et européen.

Plutôt que de simplement chercher à imposer une approche «taille unique" nous sommes d’avis que les autorités locales elles-mêmes devraient avoir un fort mot à dire sur la façon dont ils voient leur avenir et comment ils envisagent le développement de leurs territoires.

J’aimerais aussi souligner l'importance cruciale des pouvoirs locaux intermédiaires en terme de lien entre l'administration centrale et les citoyens, ayant une connaissance incomparable des défis auxquels ils sont confrontés et du contexte spécifique dans lequel ils travaillent.

En Roumanie, les 41 Conseils départementaux sont les autorités de l'administration publique locale constituée au niveau départemental ayant comme rôle principal la coordination de l'activité des conseils des communes et des villes, visant l'exécution des services publics d'intérêt départemental, comme l'infrastructure et les transports, la culture et l'éducation, la santé, l’enseignement, la protection des enfants et des personnes âgées ou en difficulté, l'inclusion sociale, la protection de l'environnement, l’urbanisme et l'aménagement paysager, etc.

Les 8 régions de développement de Roumanie ont été mises en place en 1998 dans le but de coordonner le développement régional nécessaire à l'intégration à l'Union européenne. Elles correspondent aux divisions de niveau NUTS 2 de l'UE, mais, même si leur importance est significative dans le domaine du développement régional, ces régions n'ont aucun statut administratif.

En 2011 le président de la Roumanie a demandé le lancement d'une réorganisation administrative et territoriale de la Roumanie, mais cette proposition ne s’est pas encore concrétisée dans un débat avec les acteurs concernés. Nous estimons que toute réforme administrative et territoriale doit s’appuyer sur une consultation publique préalable, sur des études d'impact et de faisabilité, présentant les incidences d'une éventuelle réorganisation.

Le projet de réforme présenté par le président de la Roumanie vise tout simplement de remplacer les 41 départements roumains par seulement 8 unités territoriales, donc de créer des unités territoriales NUTS 2 en éliminant complètement le niveau intermédiaire.

Nous ne mettons pas en question la nécessité d’une amélioration de l’organisation administrative pour autant qu’elle s’avère bénéfique au développement des territoires et qu’elle soit fondée sur des évaluations et des objectifs concrets. Nous insistons sur le devoir de chaque gouvernement d’entamer d’amples consultations avec les acteurs concernés et la population avant de décider de leur avenir.

La Roumanie n'a pas réussi à réduire les disparités entre les régions, disparités qui se sont même approfondies ces dernières années, le découplage économique par rapport aux autres régions géographiques étant évident dans le Nord-Est, le Sud-est, Sud et Sud-Ouest, où le développement, la médiocrité des infrastructures, la faible compétitivité, la faible capacité administrative et qualité des ressources humaines se combinent avec l'incapacité des gouvernements à utiliser efficacement et dans l’intérêt de la population les possibilités offertes par les programmes post-adhésion.

Par ailleurs, à l’intérieur de ces régions, il n’y a pas de changements majeurs dans les tendances de développement, les provinces développées ne réussissant pas à secourir les provinces moins avancées.

Un nouveau projet de réforme administrative doit avoir l'appui de la majorité de la classe politique, de la société civile et de la population. En effet, si on analyse l’organisation territoriale des Etats européens on constate, tout simplement, que leur structure administrative est caractérisée par la diversité, chaque État ayant organisé son territoire en fonction de ses spécificités nationales, historiques, politiques et économiques. Il est évident que les systèmes démocratiques déterminent l'organisation administrative, qui est subordonnée au principe de la démocratie locale, chaque communauté, grande ou petite, devant avoir les mécanismes nécessaires pour prendre des décisions concernant son propre développement.

En conséquence, l’Union Nationale des Conseils Départementaux de Roumanie est prête à s’investir dans les débats concernant la réforme administrative en Roumanie, considérant que les pouvoirs locaux intermédiaires forment un maillon essentiel de l’organisation territoriale nationale en raison de la coordination verticale des pouvoirs locaux infra-étatiques qu’ils assurent de fait et qui garantit la cohésion territoriale, sociale et économique. De plus, les départements sont des autorités légitimes, ayant la responsabilité et l’efficience en termes d’utilisation des ressources financières, la connaissance due à la proximité et la capacité de répondre aux besoins de la population, l’expérience en termes de gestion des services et des programmes, l’engagement dans toutes les politiques locales ainsi que la mise en œuvre de politiques de cohésion sociale et territoriale à l’appui des programmes européens. Pour toutes ces raisons, l’UNCJR est d’avis que ces structures administratives ne doivent pas disparaitre, mais que, par contre, le débat doit se concentrer sur un projet de réforme visant la transformation des 8 régions de développement qui existent déjà en régions administratives en les dotant avec une structure politique, notamment un Conseil régional élu. Ainsi, les Conseils régionaux auront la légitimité de représenter les intérêts régionaux, et d’être, d’un côté, la voix conjuguée des départements qui la composent devant les autorités centrales, et d’autre côté, l’autorité qui réunit les départements et les aide à coopérer au niveau local dans des domaines qui dépassent leurs frontières.

Je vous remercie pour votre attention.