Véronique Moreira : « Observer une élection commence bien avant le jour du scrutin »

Véronique Moreira (France) a effectué de nombreuses missions d’observation des élections locales et régionales avec le Congrès. Forte de cette expérience, elle considère que cette activité constitue un réel moyen de promouvoir la démocratie locale et régionale, et dépasse largement la seule organisation de scrutins équitables.

Interview – 19.07.2010

Question : L’observation des élections locales et régionales constitue l’un des points forts du Congrès. Au-delà de l’intérêt des pays « observés », comment peut-elle faire progresser la démocratie locale et régionale dans l’ensemble de l’Europe ?

Véronique Moreira : Le fait que des élus de toutes origines participent à des observations bénéficie en effet à toute l’Europe, car cela favorise des approches ouvertes et diverses de l’élection… qui nous serviront ensuite une fois revenus chez nous. Un élu serbe ou polonais, par exemple, ne va pas observer une élection locale avec le même regard qu’un Français ou un Allemand, parce que nos propres expériences sont différentes. Inversement, le fait que nous soyons tous élus territoriaux et que nous observions des scrutins aux enjeux locaux ou régionaux nous permet de réfléchir aux questions identiques qui se posent chez nous. Les élus locaux et régionaux ont tous les mêmes défis  à relever. Enfin, observer les élections, c’est bien sûr aider le pays concerné à passer une étape supérieure vers la démocratie.

Question : Avez-vous l’impression que les élections locales et régionales sont mieux organisées, et plus équitables, qu’elles ne l’étaient en général il y a quelques années ?

Véronique Moreira : Je dirais que le problème est moins le déroulement du scrutin, que sa préparation et ses enjeux. Vous pouvez avoir des élections parfaitement régulières et équitables, mais qui amèneront au pouvoir des élus sans aucun pouvoir effectif, ou sans réelle représentativité. Pour moi, une observation d’élection commence bien avant le scrutin, avec l’observation des compétences dévolues aux échelons locaux et régionaux, le respect du pluralisme, l’étude des médias et plus globalement de l’ensemble des structures du pays concerné. C’est là que l’on voit vraiment comment on peut faire progresser la démocratie territoriale, et cet enseignement est très utile pour tous les pays. Je pense que tous les élus locaux et régionaux doivent s’ouvrir à l’Europe, et que promouvoir la démocratie de proximité en Europe, c’est aussi le faire pour son propre pays. C’est pourquoi, je reste persuadée que la décentralisation est la clé de l’avenir de ce continent.

Question : Vous êtes particulièrement préoccupée par la place des femmes en politique : quelles recommandations feriez-vous dans ce domaine, pour les élections locales et régionales ?

Véronique Moreira : Dans de nombreux pays, les femmes élues locales sont trop peu nombreuses, soit par manque de candidates, soit parce qu’elles étaient mal placées sur les listes. La solution passe par des listes paritaires, un homme une femme, comme c’est le cas en France. C’est le seul moyen d’assurer une représentation équitable, dans toutes les assemblées, de ce qu’est l’humanité, c'est-à-dire une moitié d’hommes et une moitié de femmes ! Par ailleurs, dans un certain nombre de pays, les femmes sont encore trop peu nombreuses à voter, en subissant le poids de la « tradition familiale », mais aussi les conséquences de l’illettrisme et du manque d’éducation dont elles furent autrefois plus souvent victimes que les hommes. Ce sont là aussi des situations qui devront évoluer.