Rencontre internationale des Territoires de la Coresponsabilité

Mulhouse, France, 25 septembre 2009

Allocution de Valerio Prignachi, Président de la Commission de la cohésion sociale Congrès des pouvoirs locaux et régionaux Conseil de l’Europe

Monsieur le Maire,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Tout d’abord, je voudrais remercier le Maire de Mulhouse, Jean-Marie BOCKEL, pour son initiative d’organiser la première rencontre des territoires de coresponsabilité – une rencontre qui représente une excellente occasion pour nous tous de comparer et partager nos stratégies et nos pratiques en matière de développement économique et social de nos collectivités, et qui permettra aux territoires engagés dans ce même processus de se reconnaître et de pouvoir échanger sur leurs méthodes et leurs outils.

Je suis tout particulièrement reconnaissant de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui et vous faire part des travaux et des efforts du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, visant à améliorer le bien-être des collectivités européennes mais surtout, à trouver des réponses et des solutions locales et régionales communes aux défis parfois globaux. Monsieur Le maire, Jean-Marie BOCKEL, est un ancien membre du Congrès, ancien membre de la Commission de la cohésion sociale dont je suis l’actuel Président, et nous sommes particulièrement contents de le voir toujours très engagé aussi bien au niveau des collectivités qu’aux niveaux national et européen, un engagement qui se traduit, entre autres, par une coopération continue très étroite entre la ville de Mulhouse et le Congrès, dont cette rencontre en est une illustration.

Mesdames et Messieurs,

Il est clair que le concept de coresponsabilité n’est pas une notion neuve. En fait, ce concept existe au niveau individuel depuis toujours, comme quelque chose qui va de soi, qui est sous-entendu. Au niveau individuel, nous partageons tous la responsabilité du bien-être de nos familles, de nos proches, de nos enfants, la responsabilité qui touche, dans son sens le plus large, les groupes de société liés par certains traits caractéristiques– par exemple, l’appartenance au même groupe ethnique, culturel ou religieux.

La nouveauté de cette approche de coresponsabilité est l’introduction de la notion d’appartenance territoriale, d’appartenance à une collectivité et, par conséquent, la transmission au niveau des collectivités territoriales de la responsabilité – ou, plutôt, du partage de la responsabilité – pour le bien-être collectif comme individuel.

En effet, le concept de « territoire de coresponsabilité » qui nous réunit ici aujourd’hui répond parfaitement au besoin d’élargir la responsabilité sociale et environnementale aux citoyens et aux entreprises, et de trouver de nouvelles expressions de responsabilité de la fonction publique.

La globalisation et les mutations en cours induisent une complexité dans la gestion territoriale, auparavant méconnue, et exigent une reformulation des liens de proximité : d’une part comme atout, en vue d’un développement local durable et inclusif, et, d’autre part, pour la construction des solidarités et des responsabilités envers le reste de la planète. Jamais, comme aujourd’hui, les citoyens, confrontés à une multitude d’incertitudes, ont eu autant besoin de recréer un cadre de vie leur permettant de se sentir soutenus, y compris dans la prise de risques, de soutenir les autres et d’exprimer une solidarité. Par ailleurs, la régulation d’une économie sans responsabilités territoriales exige des autorités publiques et des citoyens des rôles et des choix qui intègrent des critères éthiques, solidaires et environnementaux, y compris dans leurs gestes quotidiens.     

Ces exigences sont renforcées par la crise que nous traversons aujourd’hui, et qui va bien au-delà d’une crise financière et économique. Elle touche toutes les sphères de la société en tant que crise écologique avec l’épuisement des ressources naturelles, en tant que crise sociale avec l’accroissement des écarts et l’extension des formes d’exclusion, et, au-delà, en tant que crise profonde de confiance, des valeurs et des modèles de développement qui guident les choix et les décisions.

Dans cette situation, il est devenu plus que jamais nécessaire de réexaminer notre orientation à la croissance du PIB en tant qu’indicateur qui a servi de mesure du progrès depuis la seconde guerre mondiale, et de repenser la définition du bien-être collectif et individuel, sans exclusion, en termes de partage des ressources, de cohésion sociale et de réduction des écarts sociaux, ainsi que de développement durable au sens le plus large. Cela implique de passer d’une situation où la responsabilité du progrès relève des Etats ou du marché à une approche de coresponsabilité entre tous : acteurs publics, privés, citoyens.

Selon cette approche, un territoire de coresponsabilité est basé sur la conception de cadres et structures qui assurent l’accès équitable aux droits sociaux et qui facilitent la création de liens, qui permettent la concrétisation de responsabilités individuelles et collectives de solidarité. En même temps, un territoire de coresponsabilité est un espace engagé dans l’internalisation des coûts sociaux et environnementaux par la concertation et la prise de conscience sur l’avenir de tout un chacun.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d’expliquer d’une manière plus détaillée cette approche qui est le résultat d’un processus de réflexion commune initié par la Direction de la Cohésion Sociale duConseil de l’Europe et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil il y a quelques années. Nous avons considéré le bien-être comme objectif fondamental et point de départ de ce processus

De plus, nous avons mis en avant l'idée selon laquelle la responsabilité de la définition du bien-être revient clairement aux personnes concernées, c'est-à-dire aux citoyens eux-mêmes.

Alors qu’au cours du XXème siècle on a souvent considéré que le bien-être de tous relevait de la seule responsabilité de l’Etat (d’où la notion d’Etat Providence), les problèmes économiques des dernières décennies et la globalisation ont démontré que ce modèle n’est plus suffisant et que le bien-être de tous doit être un objectif partagé par l’ensemble des acteurs de la société. Ainsi, une société cohésive est une communauté solidaire composée d’individus libres poursuivant des buts communs par des voies démocratiques, le bien-être de tous constituant une base essentielle de ces objectifs communs.

Comment alors donner corps à cette philosophie, en faire une stratégie et la rendre opérationnelle ? La construction d'objectifs et d’une responsabilité partagée entre les différentes parties prenantes de la société pour le bien-être de tous suppose en effet de pouvoir les définir et les mesurer. Elle passe donc par un dialogue entre acteurs pour établir des paramètres communs, traduits en indicateurs permettant de préciser les responsabilités de chacun et de se donner les moyens de les suivre et de les évaluer conjointement.

En ce sens, le travail accompli par notre ville hôte, Mulhouse, sur la base d’une méthodologie créée par le Conseil de l’Europe, mais aussi par plusieurs autres villes ou territoires rassemblées ici aujourd’hui, est un exemple/symbole de rapprochement entre les acteurs d'un territoire, leur permettant de partager une même vision de ce qu'ils souhaitent et de rendre cette vision opérationnelle et mesurable à tout moment.

Cette approche découle de la stratégie de cohésion sociale du Conseil de l'Europe. Selon la définition du Conseil de l'Europe, « la cohésion sociale est la capacité de la société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter les polarisation ». L’objectif de la stratégie relève de la responsabilité de toutes les parties de la société.

Mesdames et Messieurs,

On ne peut, dans cette recherche de nouvelles formes de démocratie et de cohésion sociale, qu'encourager les échanges entre municipalités et régions qui s'engagent dans cette voie.

Dans cet esprit, nous recommandons fortement de s’appuyer sur les acquis de l’expérience pilote de Mulhouse pour en promouvoir d’autres, ainsi que d’assurer une capitalisation et diffusion au niveau européen des différentes initiatives qui s’inscrivent dans cette démarche.

Nous invitons les municipalités et les régions à s’appuyer également sur les travaux du Congrès du Conseil de l’Europe qui sont complémentaires à cette expérience pilote de Mulhouse – les travaux qui ont abouti à l’adoption de la Convention sur la participation des résidents étrangers à la vie publique locale et leur droit de voter et d’être élu au niveau local, à la création des conseil consultatifs des résidents étrangers dans les villes européennes, ou encore à la proposition d’un nouveau modèle de la vie et de la gouvernance urbaines, basé sur les principes énoncés dans la Charte urbaine européenne II : Manifeste pour une nouvelle urbanité.

Je suis sûr que ma collègue, Madame Gaye DOGANOGLOU, Présidente de la Commission du développement durable du Congrès, parlera plus en détail de cette nouvelle Charte lors de notre rencontre. De mon côté, je souhaite réaffirmer que les principes de la Charte – qui reflètent nos ambitions de bâtir des collectivités solidaires et cohésives, durables et innovantes centrées sur le citoyen, – s’inscrivent parfaitement dans le cadre de notre stratégie de la cohésion sociale.

Aussi, l’initiative récente du Congrès, à savoir, la Semaine européenne de la démocratie locale, qui est organisée chaque année depuis 2007 par des municipalités à travers l’Europe, représente un outil efficace pour engager davantage nos citoyens dans le processus démocratique et la prise de décision au niveau local, établir des liens plus forts entre les autorités et les populations locales et, éventuellement, créer un environnement de coresponsabilité pour le bien-être de la collectivité.

Enfin, la Charte européenne de l’autonomie locale demeure la pierre angulaire de la démocratie territoriale et le principal point de référence dans le cadre juridique pour la répartition des compétences – et donc de la responsabilité – entre l’Etat, la région et la ville. A cet égard, je suis content de vous informer que des travaux sont en cours pour l’élaboration d’un protocole additionnel à la Charte, portant sur la participation démocratique au niveau local.     

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, je tiens à féliciter une fois encore l’initiative de la ville de Mulhouse et la remercier pour son invitation car, j’en suis persuadé, le territoire de coresponsabilité est un concept qui se construit en réseau. La mise en réseau permettrait de mettre en place des synergies et des formes de solidarités différentes entre territoires responsables, notamment entre les territoires qui ont plus de ressources et ceux qui en ont moins.

Le Congrès est naturellement convaincu du rôle primordial que jouent les pouvoirs locaux et régionaux dans le processus de concertation démocratique pour la cohésion sociale. Il est donc tout à fait naturel aussi que nous continuions de soutenir –vos différentes municipalités et régions, pour la mise en œuvre concrète de l’outil que représente le guide.

Nous sommes particulièrement contents que les Territoires de Coresponsabilité fassent écho notamment à la Stratégie de cohésion sociale et à la Charte urbaine européenne II du Congrès qui en appelle à la construction de démarches faisant le lien entre citoyenneté, durabilité, solidarité et connaissance. Par ailleurs d’autres initiatives s’inscrivent dans les mêmes lignes de préoccupation, notamment les villes en transition (Transition Towns), les pactes locaux, etc.


En organisant cette rencontre, la ville de Mulhouse, pionnière dans ce processus, et le Conseil de l’Europe, proposent à tous les acteurs, qui se retrouvent dans ces mêmes préoccupations, de venir débattre, à partir d’expériences concrètes de terrain qu’ils pourront découvrir sur place, des enseignements que l’on en tire et des nouvelles perspectives que cela ouvre. On réfléchira également à la meilleure façon de créer une mise en réseau permettant de développer des complémentarités, de faciliter des échanges et de transformer les acquis des expériences pilotes en références politiques et méthodologiques plus globales.

Je souhaite à cette rencontre beaucoup de succès.

Je vous remercie.