1064e réunion des Délégués des Ministres

Strasbourg, 9 septembre 2009

Déclaration du Président a.i. Ian Micallef, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Madame la Présidente,

Excellences,

Mesdames et messieurs,

Je suis très heureux de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui de m’adresser à vous, car un dialogue constructif et des relations de travail plus étroites entre le Congrès et le Comité des Ministres nous aideront, j’en suis convaincu, à avancer sur la voie des objectifs communs à l’ensemble de cette Organisation.

J’aborderai nos relations sous l’angle de la situation de la démocratie locale et régionale dans l’Europe d’aujourd’hui.

Depuis la création du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, il y a 15 ans, cette situation s’est considérablement améliorée. Avec le processus de décentralisation, les gouvernements d’Europe ont reconnu d’abord la légitimité, ensuite l’utilité de la gouvernance locale et régionale. La démocratie locale est aujourd’hui un fait admis, une composante essentielle de tout système démocratique et l’objet d’un solide consensus dans nos Etats membres.

Néanmoins, chacun peut le constater, la santé de la démocratie locale et la qualité de la gouvernance locale présentent encore des disparités en Europe et ne sont pas toujours satisfaisantes. En maints endroits, la démocratie locale n’a pas encore été complètement déployée ou son potentiel n’est pas pleinement exploité. Dans certains pays, les collectivités locales et régionales sont handicapées par une délégation insuffisante de compétences ou par un manque de ressources. Il existe encore des cas où l’autonomie des collectivités locales n’est pas intégralement respectée. En d’autres termes, les motifs de préoccupation sont nombreux et nous rappellent que, malgré la progression spectaculaire de la démocratie locale depuis quelques décennies, il reste encore beaucoup à faire.

A cet égard, il nous apparaît que le Congrès a pour rôle d’offrir une analyse de la situation nationale de la démocratie locale et régionale dans nos Etats membres, d’amener les gouvernements nationaux à engager le dialogue, de susciter une action conjointe pour améliorer la situation. Les outils dont nous disposons à cette fin sont le suivi régulier de la démocratie locale et l’observation des élections locales et régionales, dans le cadre d’un processus interactif associant les collectivités locales, les autorités nationales et l’ensemble du Conseil de l’Europe.

Par suivi régulier, j’entends un suivi constant, un processus permanent, et non une visite tous les 10 ou 15 ans, suivie par une déclaration faisant ressortir les problèmes et les violations de la Charte, puis par un silence assourdissant pendant 10 autres années. Ce travail, ce dialogue doivent être continus, car ils sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie. De même, ce travail doit être mené partout en Europe, à l’est comme à l’ouest, au nord comme au sud.

Il n’existe pas de paradis sur notre continent. On ne peut diviser l’Europe en deux camps : les saints d’un côté et les pécheurs de l’autre. Nous devons protéger la démocratie locale dans tous nos Etats membres, car aucun n’est à l’abri des problèmes.

La crise économique et financière actuelle a montré que, dans tout Etat membre, les collectivités locales peuvent être victimes de réductions budgétaires arbitraires. C’est pourquoi nos activités de suivi de la Charte sont si importantes pour la démocratie locale sur notre continent.

Or ces activités de suivi sont loin d’être conformes à nos vœux. Je serai honnête avec vous : en tant que Président du Congrès par intérim, je ne puis me satisfaire de cet état de fait. Il importe que nous assurions un suivi régulier dans chaque pays et que nous maintenions le dialogue entre les visites pour entretenir la dynamique de cet exercice.

La régularité est indispensable. Au Congrès, nous estimons qu’en règle générale chaque Etat membre devrait faire l’objet d’un exercice de suivi tous les cinq ans. Cela veut dire une dizaine de missions de suivi par an. A quoi il faut ajouter les missions d’information sur des questions spécifiques, menées à la demande du Bureau du Congrès.

Selon cette estimation, le Congrès aurait besoin de 30 à 35 missions supplémentaires pour dresser un tableau complet de la situation de la démocratie territoriale en Europe.

Cette situation me paraît pour le moins préoccupante.

Elle est préoccupante parce que, comme mes collègues du Congrès, je suis convaincu que cette activité est notre contribution la plus importante aux activités du Conseil de l’Europe, à la réalisation des objectifs prioritaires de cette Organisation. La démocratie n’est pas figée, c’est un processus qui évolue en même temps que nos connaissances et nos pratiques. Et le Congrès agit pour mettre en application ces connaissances et améliorer ces pratiques dans nos collectivités. Je dirais que c’est là notre valeur ajoutée – dans la perspective des objectifs du Conseil de l’Europe. Comme le Comité des Ministres le fait aux niveaux national et européen, le Congrès agit au niveau des villages, des villes et des régions.

Il faut en tenir compte dans nos discussions budgétaires, tant au sein du Congrès que du Comité des Ministres.

Je comprends la nécessité des restrictions budgétaires. Mais je suis également persuadé que, dans ces circonstances, le Congrès, comme toutes les instances de notre Organisation, doit être jugé à l’aune de sa contribution aux objectifs généraux du Conseil de l’Europe. Nous sommes tous dans le même bateau : la démocratie locale, la gouvernance locale et les politiques locales ne sont ni en contradiction ni en concurrence avec les politiques et les priorités nationales – elles sont complémentaires.

Dans cet esprit, je vous lance aujourd’hui un appel. Si le suivi de la démocratie locale et régionale vous paraît utile, alors parlons des moyens de le mettre en œuvre. Le Congrès a soumis à votre examen une recommandation sur les ressources budgétaires. C’est la première fois que nous faisons cela, afin de nouer avec vous un dialogue politique constructif, pour que nous réfléchissions ensemble à la façon dont le Congrès peut contribuer aux objectifs de cette Organisation. C’est à vous, Comité des Ministres, qu’incombe la responsabilité de fixer la politique du Conseil de l’Europe et de procéder à des choix budgétaires difficiles. J’ajouterai que nous recherchons d’autres formes de financement, y compris des contributions volontaires des Etats membres qui portent un intérêt particulier à nos travaux.

De même, si vous considérez que le dialogue entre le Comité des Ministres et le Congrès est utile, réfléchissons aux possibilités de le maintenir et de le renforcer. A cette fin, je propose de créer un groupe mixte associant nos deux organes. Nous pouvons comprendre que vous ne soyez pas enthousiasmés par l’idée d’une structure institutionnelle supplémentaire. Ce groupe ne serait toutefois pas aussi « ambitieux » que le Comité mixte avec l’Assemblée parlementaire. Il  s’agirait d’un petit groupe représentatif qui pourrait se réunir à intervalles réguliers. Bien entendu, nous devrons nous mettre d’accord sur sa composition et ses modalités de fonctionnement, et je suis prêt à en discuter avec vous.

Plus généralement, le Congrès souhaite poursuivre sa coopération avec toutes les instances de l’Organisation, avec votre Comité, avec le CDLR et avec la Conférence des ministres européens responsables des collectivités locales et régionales. Nous abordons cette coopération dans un esprit constructif, en gardant à l’esprit notre rôle spécifique tout en faisant nôtres les buts communs de l’Organisation.

Je voulais aujourd’hui être franc avec vous et aussi pragmatique que possible. Le Congrès, j’en suis convaincu, peut contribuer aux objectifs de cette Organisation en coopérant avec vous, Comité des Ministres, comme nous le faisons déjà avec l’Assemblée parlementaire.

Je vous remercie de votre attention.