Commission permanente Brdo, Slovénie

10 juin 2009

Intervention de Jean-Paul Heider (France, PPE-DC) Vice-Président du Conseil Régional d'Alsace

Les atouts de la coopération transfrontalière pour les autorités locales et régionales de l’Europe du sud-est

Monsieur le Président,

Chers collègues

C’est un honneur pour moi d’intervenir lors de cette session de la commission permanente au sujet de la coopération transfrontalière.  En ma qualité de vice-Président de la Région Alsace et vice-Président de l’Association des régions transfrontalières européennes, j’ai une longue expérience de la coopération transfrontalière.  La Région Alsace a connu une grande évolution depuis la dernière guerre – de la reprise de la coopération économique de la fin des années 40, jusqu’aux nombreuses formes et structures de coopération avec les autorités locales et régionales de l’Allemagne et de la Suisse et puis à la signature de la Convention relative à la création de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau en 2005.  Dans les Balkans, l’expérience de la coopération transfrontalière est jeune et commence à se développer.

Je souhaiterais vous donner quelques éléments d’information sur l’action du Conseil de l’Europe en matière de coopération transfrontalière dans les Balkans.

Le Conseil de l’Europe soutient la coopération transfrontalière des collectivités locales et régionales au moyen notamment de ses conventions – qui en fixent le cadre juridique – et d’actions concrètes sur le terrain.

S’agissant des conventions, il convient de rappeler en premier lieu la Convention cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités et autorités territoriales, dite convention de Madrid, du 21 mai 1980. Par cette convention, ratifiée à ce jour par 36 Etats membres, les parties s’engagent à « faciliter et promouvoir » la coopération transfrontalière de leurs collectivités territoriales avec celles d’Etats voisins. Il fallait donc une contiguïté territoriale entre les collectivités qui voulaient collaborer. Par la suite, avec le deuxième protocole à la convention de 1998, cette exigence a été levée et la coopération peut intervenir aussi entre des collectivités non contiguës, ce qu’on appelle dans le jargon du Conseil de l’Europe, la coopération interterritoriale.

Cette coopération peut prendre différentes formes. Le protocole additionnel à la convention de 1995 crée les conditions de base pour la création d’organismes de coopération, ce qu’on appelle souvent des Euroregions. La convention encadre le statut juridique et le champ d’intervention de ces « eurorégions », qui sont pour l’essentiel régies par le droit du pays dans lequel elles ont leur siège.

Cependant, la création d’un cadre juridique de référence n’est pas suffisant. Il importe aussi de voir si les obstacles qui subsistent sur la voie de relations de collaboration et partenariat ont été levées. C’est le but de la Recommandation (2005)2 du Comité des Ministres, qui incite les Etats membres à identifier et lever les obstacles d’ordre juridique, administratif, économique ou budgétaire qui limitent la possibilité des collectivités territoriales d’engager des coopérations fructueuses avec leurs voisins.

S’agissant précisement des obstacles, ils sont nombreux et il ne suffit pas d’une recommandation pour qu’ils disparaissent du jour au lendemain. Ces obstacles sont souvent aussi de caractère culturel : une diversité linguistique très marquée, une histoire d’indifférence réciproque ou d’opposition entre systèmes politiques et économiques différents, les séquelles de tensions voire de conflits ouverts.

Pour pallier ces difficultés, le dialogue a besoin de s’engager sur une base locale et a parfois besoin de facilitateurs. Le Conseil de l’Europe a contribué, notamment dans le cadre du « Pacte de Stabilité pour l’Europe du sud-est », à rétablir des conditions de bon voisinage, de dialogue et de coopération en facilitant la création d’« eurorégions » entre l’Albanie, la Grèce et « l’ex-République yougoslave de Macédoine », dans la zone des lacs de Prespa et Ohrid ; entre les villes de Skopje, Sofia et Nis, et aussi entre des villes du sud de la Serbie, le nord de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » et du Kosovo, notamment. Le Congrès a également contribué à développer la coopération entre collectivités territoriales en organisant des « forums annuels des villes et des régions de l’Europe du Sud-Est » entre 2000 et 2005 et est à l’origine de l’Euroregion Adriatique en 2006 et de l’Eurorégion de la Mer Noire en 2008.

Le Conseil de l’Europe a également organisé plusieurs conférences pour réunir tous les acteurs régionaux, comme la conférence d’Osijek de 2002, et publié des rapports sur l’état, les obstacles et les opportunités de la coopération transfrontalière dans les régions des Balkans et du Danube en 2003, et sur le fonctionnement des « eurorégions » et autres organismes de coopération en Europe du sud-est, en 2006.

Suite à la 113e session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, tenue à Chisinau le 6 novembre 2003, le Conseil de l’Europe a entrepris la rédaction de projets d’accords régionaux sur la coopération transfrontalière entre les Etats de l’Europe du sud-est et leurs voisins. Ce travail a débouché sur deux projets de conventions, l’un sur « les facilités de passage des frontières pour les résidents des zones frontalières », et l’autre sur « la coopération en cas de catastrophe naturelle survenant en zone frontalière ». Ces projets ont été approuvés par le Comité des Ministres dans la Recommandation (2007)5. Les Etats de la région sont invités à signer et ratifier ces conventions, et il serait souhaitable que l’un d’eux prenne l’initiative de convoquer une conférence diplomatique à cet effet.

Actuellement, le Comité des Ministres prépare un projet de protocole n° 3 à la Convention de Madrid, sur les groupements eurorégionaux de coopération (GEC) qui vise à consolider et préciser le cadre dans lequel peuvent être créés et agir des organismes de coopération transfrontalière ou interterritoriale, les « eurorégions ».

Je vous remercie de votre attention.