Réunion de la Commission de la cohésion sociale du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe – Linz, Autriche

Pia Bosch I Codola, rapporteur du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (Espagne, SOC)

Présentation de la résolution et des recommandations sur la prévention de la violence envers les enfants

Linz, 28 avril 2009

« Il y a besoin de toute la tribu pour élever un enfant » (proverbe africain)

« Un homme n’est jamais aussi grand que lorsqu’il est à genou pour aider un enfant »

Merci Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les congressistes.

Je veux évoquer, aujourd’hui, la cérémonie inaugurale de la Conférence de lancement du programme : « Construire une Europe pour et avec les Enfants », les 4‑5 avril 2006 à Monaco (il y a trois ans) faite pour présenter ce programme, dans le cadre duquel nous vous proposons aujourd’hui nos projets de résolution et recommandation. Le programme (mis en œuvre dans le prolongement du 3e Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l'Europe (Varsovie 2005)), répond au mandat confié à l’Organisation du Conseil de l’Europe d’assurer une approche intégrée en matière de promotion des droits de l’enfant et comprend deux volets étroitement liés : la promotion des droits de l’enfant et la protection des enfants contre la violence, et a pour principal objectif d’aider l’ensemble des décideurs et acteurs concernés à concevoir et mettre en œuvre des stratégies nationales de protection des droits de l’enfant et de prévention de la violence à l’égard des enfants.

Les concepts clés de ses méthodes de travail sont la « transversalité », «l’approche intégrée», « le partenariat » et « la communication ». Pour atteindre ces objectifs et obtenir des résultats durables, le programme s’appuie sur les ressources partagées des organes et institutions concernés du Conseil de l'Europe et de ses partenaires extérieurs.

Le Comité des Ministres a approuvé la Stratégie 2009-2011 du programme en novembre 2008.

Le premier de ses objectifs stratégiques est l’intégration et la coordination. Le programme devrait continuer de promouvoir l’approche intégrée des droits de l’enfant dans tous les domaines d’action du Conseil de l’Europe et de coordonner toutes ses activités.

Je voudrais reprendre les mots d’une collègue du Congrès, Anissa Temsamani, à l’occasion de la Conférence de lancement du programme « Construire une Europe pour et avec les Enfants », à Monaco en 2006…. :

(….) Nous, membres du Congrès du Conseil de l'Europe, considérons les pouvoirs locaux et régionaux comme la première ligne de défense des droits des enfants car la maltraitance et l’exploitation des enfants se produisent au niveau de la communauté locale qui devrait être la première à s’en apercevoir et à réagir. Il va de soi que l’Etat devrait doter les autorités locales des ressources nécessaires pour mettre en œuvre leurs programmes en faveur des enfants et notamment prendre des initiatives pour renforcer la participation de la jeunesse à la vie locale, ce qui est un moyen de prévenir la délinquance et la violence chez les jeunes

Dans les brochures descriptives du programme on peut trouver ces affirmations :

Toutes les violences à l’égard des enfants peuvent être évitées

Le programme aide les Etats à établir des stratégies de prévention de la violence à l’égard des enfants.

Les droits de l’enfant nous concernent tous

Le programme entend mobiliser tous les secteurs de la société, leur faire prendre conscience de leurs responsabilités spécifiques et renforcer leur capacité à prévenir la violence et à protéger les enfants. Il vise à améliorer l’accès des enfants à l’information et à développer des méthodes et instruments permettant d’assurer une participation réussie des enfants à tous les niveaux : local, régional et national.

C’est dans ce cadre, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les congressistes, que j’ai l’honneur de m’adresser aujourd’hui aux membres de cette commission pour vous proposer l’approbation d’une résolution et de recommandations sur la prévention de ce terrible sujet qui constitue une atteinte aux droits les plus élémentaires de nos enfants. La violence envers les enfants est une plaie sociale qui bouleverse aujourd’hui la vie des victimes, mais qui constitue en outre une menace pour leur avenir et celui de nos sociétés.

Nous vous proposons de nous unir depuis le Congrès à l’action actuellement menée par le Conseil de l’Europe avec la rédaction des « Lignes directrices européennes pour l’élaboration de stratégies nationales intégrées contre la violence infligée aux enfants ». Notre proposition vise à soutenir et à contribuer à la finalisation et à l’adoption des lignes directrices, en explorant les spécificités du rôle que les autorités régionales et locales européennes doivent jouer dans la prévention de la violence et la protection de leurs citoyennes et citoyens les plus vulnérables.

Bien que les procédures pénales et civiles relèvent normalement de la responsabilité des États, nous pouvons affirmer que les services aux citoyens relèvent de plus en plus des pouvoirs locaux et régionaux : les services sociaux, sanitaires, éducatifs, etc.…qui jouent un rôle fondamental dans l'assistance aux enfants et à leurs familles, sont de plus en plus dirigés et gérés au niveau infra-étatique. C’est pourquoi, nous proposons à cette commission d’adopter une attitude proactive dans la protection des enfants contre la violence. Nous vous proposons de débattre et d’approuver les recommandations, et de veiller à leur conférer une diffusion maximale parmi les pouvoirs locaux et régionaux européens, et de soutenir en outre, depuis le Congrès, l’approbation par le Comité des ministres des « Lignes directrices… ». Nous aimerions en outre que le Congrès tente de donner à cette action la plus haute priorité politique possible, ainsi que toute l’importance qu’elle mérite.

Dans cet esprit, la résolution que nous vous proposons d’approuver repose essentiellement, comme vous l’aurez sans doute remarqué, sur trois dimensions fondamentales :

Travail en réseau et planification participative

Réglementation et établissement d’une norme de qualité

Surveillance et évaluation

Les raisons qui nous ont portés sur ces trois piliers sont diverses mais sont basées surtout, sur deux questions : l’analyse des facteurs d’échec de nos systèmes de protection qui nous révèlent certains cas de maltraitance découverts dans différents pays européens ; et la conviction que les pouvoirs locaux et régionaux ont une position privilégiée pour agir en ce sens.

1.         Par rapport au travail en réseaux et la planification participative :

Nous demandons aux pouvoirs locaux en régionaux de faire pression pour que soient mises en place des mécanismes permanents de coordination avec l’Etat afin d’harmoniser les politiques en faveur des enfants et celles touchant leurs conditions de vie et intégrer la prévention et les droits de l’enfant dans les législations, programmes, actes administratifs et réglementaires aux niveaux national et régional ;

Il faudrait également promouvoir la coordination et la formation de réseaux analogues interinstitutionnels et multidisciplinaires au sein des niveaux décentralisés du gouvernement ;

Nous préconisons la définition d’un plan d’action au niveau local via une « planification participative » avec tous les principaux acteurs, notamment les associations professionnelles et volontaires pertinentes et les ONG ;

2.         Par rapport à la deuxième dimension – la règlementation et les normes de qualité, nous proposons, entre autres : 

la mise en œuvre d’un ensemble d’indicateurs qualitatifs visant à ce que tous les services de protection de l’enfance adoptent des systèmes de gestion de qualité dans le secteur public et dans le secteur privé;

l’élaboration de lignes directrices régionales qui exposent clairement les procédures, les rôles et objectifs des interventions pour détecter les cas ;

le développement et la promotion d’un ensemble de lignes directrices éthiques pour traiter de la divulgation des abus dans le cadre du système judiciaire, et des secteurs de l’éducation, du travail social et des soins de santé ;

la création des points de référence respectueux de l’enfant et des normes de qualité pour encourager les organisations, les industries, et les sociétés privées à adopter des politiques respectueuses de l’enfant et hostiles à la violence et à l’exploitation et exiger, par exemple dans le cas du tourisme sexuel, que les voyagistes et les agences touristiques locales adoptent un code de conduite et sensibilisent leurs clients à cette exploitation;

que toutes les mesures de protection adoptées par les services locaux répondent aux besoins spécifiques des enfants handicapés, réfugiés et autres enfants déplacés, des enfants issus de groupes minoritaires ou des mineurs non accompagnés ;

3.         La troisième dimension est celle du Suivi et l’évaluation, et nos recommandations sont :

Le suivi et l’évaluation en continu des plans et politiques de prévention;

L’institution d’un médiateur régional ou des mécanismes indépendants pour surveiller l'application des droits des enfants et des instruments ainsi que les possibilités qu’ont les enfants de faire rapport de la violence dont ils souffrent ;

 

Dans le projet de Recommandation nous affirmons que la prévention première de la violence à l’encontre des enfants et leur protection sont une responsabilité communautaire ;

Pour nous il est clair que des solides politiques de protection sociale fondées sur le développement d’un système de services local et intégré pour les enfants et les familles peuvent servir de réponse effective pour optimiser les maigres ressources dans une période de risque croissant d’exclusion sociale et de pauvreté. Les améliorations dans ces domaines portent sur certains des principaux facteurs de risques liés à la violence familiale à l’encontre des enfants et devrait donc permettre de réduire le nombre de mauvais traitements dont les enfants sont victimes ;

Le Congrès demande au Comité des Ministres, entre autres, d’inviter les Etats membres à :

s’assurer qu’un plan national d’action est institué ou, s’il existe déjà, qu’il est bien mis en œuvre, suite à un processus de coopération impliquant les administrations centrales, les régions et les collectivités locales ainsi que les représentants de la société civile conformément aux lignes directrices et en ayant dûment égard aux besoins spécifiques des enfants handicapés, des réfugiés et autres enfants déplacés, des enfants issus de groupes minoritaires ou des enfants sans parents ;

établir un mécanisme de coordination entre ministères dotés de responsabilités spécifiques;

considérer la prévention de la violence, la protection des enfants et leur traitement comme des services essentiels non temporaires et faire en sorte qu’ils fassent partie intégrale des activités normales des services socio-sanitaires ;

apporter les changements législatifs requis aux lois nationales pour que :

tous les professionnels travaillant avec les enfants soient obligés de signaler les cas présumés de violence dont les enfants sont victimes dans le secteur public et dans le secteur privé ;

des procédures judiciaires respectueuses de l’enfant soient mises en place ;

les enfants soient informés et sensibilisés à ce qui se passe par leurs contacts avec les services sociaux et les autorités judiciaires ;

les enfants soient accompagnés et soutenus tout au long de la procédure judiciaire par un médiateur représentant leurs intérêts, légaux et autres ;

définir un ensemble de normes minima au niveau national ainsi que le niveau de services afin de garantir l’uniformité des interventions visant à soutenir les familles à risque, et protéger les enfants vulnérables et les enfants victimes de violence ;

garantir un financement stable en faveur des services de protection de l’enfance, et veiller à ce que les collectivités locales et régionales disposent de ressources humaines et financières nécessaires à cet égard, en particulier en cas de transfert des responsabilités aux niveaux décentralisés ;

et finalement garantir une coordination politique et administrative permanente entre les niveaux étatiques et décentralisés de gouvernance en mettant en place un mécanisme de suivi des plans d’action nationaux/régionaux ;

L’opinion publique s’ébranle à chaque fois que l'une de ces terribles tragédies fauche la vie ou l'intégrité de l'un de nos enfants et fait la une des informations de nos sociétés avancées. Comment cela a-t-il pu se produire ? Où étaient les pouvoirs publics censés garantir que ce genre de situation ne se produise pas ? En quoi avons-nous échoué ?

Que pouvons-nous faire pour l’éviter ? Outre les réactions rationnelles, ce sont également des réactions émotionnelles collectives qui se déclenchent. « Comment cela est-il possible ? », nous sommes-nous demandés dans mon pays, en Catalogne, en 2006, lorsque la petite Alba, durant sa courte existence, à l’âge de six ans, avait vécu l’horreur d’une maltraitance qui l’avait plongée dans le coma, lui laissant de graves séquelles pour le restant de ses jours. Elle ne remarchera plus, parle à peine… Comment les services qui étaient intervenus n’ont-ils pas détecté la situation de danger extrême dans laquelle la fillette se trouvait ? Pourquoi n’avons-nous pas pu lui éviter tant de souffrance ?

Comment, en 2008, au Royaume-Uni, Baby P, un bébé de 17 mois seulement, a-t-il pu trouver la mort après avoir vécu un véritable enfer sur terre ? Pourquoi les services publics qui s’étaient chargés de son cas n’ont-ils pas pu éviter la tragique spirale de maltraitance qui l’a conduit à la mort ? Que faut-il faire pour qu’il n’y ait plus jamais d’autre Baby P ?, s’interrogeait la société britannique, horrifiée.

Et dans ce merveilleux pays qui nous accueille aujourd’hui, l’Autriche, l’émotion nationale provoquée par l’un des pires méfaits de toute son histoire criminelle – l’affaire Fritzl – subsiste encore. Comment cela a-t-il été possible ? Pourquoi n’avons-nous pas pu l’éviter ? Comment nous assurer que rien de semblable ne pourra plus jamais se reproduire ?

Ce ne sont que quelques exemples nous rappelant que nous ne nous trouvons pas devant un problème auquel notre société demeure indifférente. Bien au contraire, la violence envers les enfants préoccupe et indigne profondément nos citoyens. Notre opinion publique est sensible à cette plaie sociale et exige de nous, en tant que responsables publics, une intervention résolue et énergique pour prévenir la maltraitance et préserver les enfants de celle-ci. Et elle l'exige à tous les niveaux de l'administration.

Malgré les vingt ans passés depuis l’approbation en 1990 de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant et les progrès que celle-ci a supposés en raison du degré élevé d’adhésions dans le monde entier, la violence subsiste encore et touche une proportion alarmante de la population infantile mondiale. Les 47 pays membres du Conseil de l’Europe ont adhéré à cette Convention et se sont engagés dans la défense des droits de l’enfant. Ils se sont donc engagés à mettre en œuvre des stratégies pour lutter contre ce grave fléau qui se manifeste dans tous les États, et touche transversalement tous les mineurs, quelle que soit leur condition sociale, culturelle, économique, ethnique, éducative ou religieuse. Le travail développé par le Conseil de l’Europe à travers le programme « Construire une Europe pour et avec les enfants » est un stimulant constant pour nos pays membres dans la matérialisation des objectifs de la Convention, mais l’adoption de stratégies nationales transversales et l’engagement des autorités locales et régionales doivent constituer une importante contribution, et l’occasion de réitérer l’engagement collectif de lutte contre la violence de tout type envers les mineurs. Nous vous proposons de continuer à contribuer aux travaux du programme « Construire l’Europe pour et avec les enfants », par sa Commission de la cohésion sociale et en participant à la Plate-forme sur les droits de l'enfant qui sera lancée en juin 2009, en assumant pleinement notre rôle dans cette lutte.