Discours de Giovanni Di Stasi, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, à la Conférence internationale sur le bassin de la mer Noire (Constanţa, Roumanie, 30 mars 2006)

M. le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Les navigateurs grecs de l’Antiquité connaissaient la mer Noire sous le nom de Pontos Axeinos, la « mer inhospitalière ». Au fil des siècles, cependant, elle a changé de nom, devenant Pontos Euxeinos, la « mer hospitalière ». Notre conférence d’aujourd’hui vient nous rappeler à tous non seulement l’hospitalité de nos hôtes roumains, mais aussi l’hospitalité de la mer Noire elle-même, dont les rivages abritent de longues traditions historiques : échanges commerciaux et culturels, co-existence de civilisations et de religions, découvertes et explorations.

Le nom du dieu Pontos rappelle le terme latin de « pont ». Aujourd’hui, alors que nous embarquons pour un ambitieux projet de création d’une autre eurorégion de la nouvelle génération, l’Eurorégion de la mer Noire, nous aspirons à construire des ponts entre les peuples vivant sur ces rives, entre les pays, les régions et les municipalités du bassin de la mer Noire, dans les domaines politique, économique, social et culturel. Si cette conférence rassemble de si nombreux représentants de haut niveau, si vous êtes ici, c’est non seulement parce que vous soutenez cette initiative, mais aussi en raison de votre volonté politique, de la volonté de vos gouvernements de stimuler la coopération dans le bassin de la Mer Noire au niveau national, régional et local. Cela montre que vos gouvernements ont pris conscience de la nécessité d’unir nos forces pour développer cette région et lui apporter une plus grande stabilité et une plus grande cohésion économique et sociale. J’aimerais saisir l’occasion pour remercier la présidence roumaine du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de son soutien à ce projet, de son aimable proposition d’accueillir cette conférence et de son aide dans l’organisation de celle-ci.

Mesdames, Messieurs,

La proposition visant à créer des eurorégions des mers européennes, lancée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, a reçu un vaste soutien international à tous les niveaux. En février, nous avons lancé la première de ces régions, l’Eurorégion adriatique, qui a rassemblé les autorités nationales, régionales et locales des Etats membres et non membres de l’UE de l’Adriatique, notamment de l’Europe du Sud-Est. Aujourd’hui, nous engageons le processus de lancement de l’Eurorégion de la mer Noire, et la proposition en vue de créer l’Eurorégion de la mer Baltique est déjà sur les rails.

Nombreuses sont les raisons pour lesquelles ces projets revêtent tant d’importance à nos yeux. En Europe, nous assistons aujourd’hui à une accélération du rééquilibrage entre les pouvoirs nationaux et locaux. Les frontières disparaissent et la concurrence économique passe au niveau interterritorial. Pour la première fois dans l’histoire, l’Europe est unie sous un même toit au sein du Conseil de l'Europe, donnant plus particulièrement à notre Congrès des pouvoirs locaux et régionaux une chance de progresser dans sa mission de renforcer la démocratie locale et régionale sur tout le continent. Pour ce faire, la création d'eurorégions autour des mers européennes est un outil parfait. C’est pourquoi nous mettons tellement l’accent sur le soutien des différents niveaux de gouvernement : il existe déjà de nombreux organismes intergouvernementaux dans les régions de la mer Noire et de la mer Baltique, mais ils garantissent une coopération au niveau national. Nous avons besoin d’une plus grande cohésion économique et sociale au niveau le plus proche du citoyen, d’un meilleur développement de l’économie locale à travers, par exemple, les pêcheries et le tourisme.

Une autre raison pour laquelle ces projets sont si importants est que les écosystèmes des mers européennes deviennent de plus en plus fragiles. C’est pourquoi notre projet du bassin de la mer Noire va au-delà des pays qui bordent cette mer au sens géographique. Nous devons unir nos forces pour traiter les problèmes d’environnement dans les pays traversés par le Danube, par exemple ; le Dniestr se jette aussi dans la mer Noire, et les trois pays du Caucase du Sud ont tous un rôle important à jouer dans la gestion des ressources en eau du bassin.

Dans ce contexte, j’aimerais souligner l’importance que le Congrès et sa Commission du développement durable attachent à la bonne gestion des ressources en eau – ressources qui, naturellement, ne connaissent ni frontières, ni gouvernements. Je disais tout à l’heure que votre présence ici aujourd’hui montre que vous partagez et comprenez tous la nécessité de conjuguer nos efforts et nos ressources pour traiter ces questions. Les deux eurorégions (Adriatique et mer Noire) s’emploieront activement à coopérer sur des questions pratiques, comme la promotion du « Couloir 8 ». Le Centre de coopération transfrontière et interrégionale du Conseil de l'Europe à St Petersbourg, qui sera créé prochainement, renforcera la cohésion et soutiendra ces efforts et le transfert des pratiques innovantes entre les régions d’Europe. Le passage de la présidence du Comité des Ministres de la Roumanie à la Russie, en mai prochain, donnera l’élan nécessaire pour promouvoir ces initiatives, et j’aimerais remercier les gouvernements concernés pour leur soutien sans réserve.

Mesdames, Messieurs,

Vincent van Gogh a dit un jour : «  Les pêcheurs savent que la mer est dangereuse et la tempête terrible, mais ils n'ont jamais trouvé que ces dangers étaient des raisons suffisantes pour rester à terre ». Au moment d’embarquer pour cette nouvelle aventure, ne nous laissons pas effrayer par les dangers d’une mer déchaînée mais considérons-les comme un défi à relever pour atteindre notre but. Aujourd’hui, ne soyons pas des pays que la mer sépare, mais une eurorégion que la mer unit.

Je vous remercie.