Conférence des Assemblées Législatives Régionales Européennes

Euskadi, Espagne, 2-4 novembre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe

Madame la Présidente,

Chers Collègues,

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de m’adresser à cette Conférence aujourd’hui, de m’adresser à vous, chers collègues, une fois de plus, et cette fois en tant que Président de l’ensemble du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

En vous remerciant de cette opportunité, et surtout vous, Madame la Présidente, de votre invitation, je voudrais profiter de cette occasion pour réaffirmer à nouveau notre engagement, l’engagement du Congrès, à poursuivre et à élargir la coopération avec votre Conférence, la CALRE. Personnellement, j’ai eu l’honneur d’intervenir devant la CALRE à plusieurs occasions dans ma capacité précédente, en tant que Président de la Chambre des Régions du Congrès, et je peux constater que notre partenariat, établi depuis des années, s’est renforcé au fil du temps.

C’est tout à fait naturel parce que nos deux organisations sont fondées sur les valeurs partagées de la démocratie territoriale, de la démocratie régionale, et sur notre conviction que la diversité régionale de notre continent est un atout majeur pour toute l’Europe, une source de richesse culturelle et un catalyseur du développement économique et social. Cette diversité est reflétée aujourd’hui dans une grande variété de modèles existants de l’autonomie régionale, dont les régions à pouvoir législatif, représentées au sein de la CALRE, constituent le modèle de la démocratie régionale le plus avancé.

Convaincu de cette importance du rôle des régions et de la régionalisation en tant qu’outil de renforcement de la démocratie, de son rapprochement aux citoyens, le Congrès a adopté, lors de sa session plénière en mai dernier, la Charte européenne de la démocratie régionale, un texte similaire à la Charte de l’autonomie locale. Cette nouvelle Charte a été élaborée en étroite coopération avec de nombreuses organisations et associations régionales, y compris la CALRE. Votre Présidente, Madame Izaskun Bilbao Barandica, a notamment participé à la table ronde sur la régionalisation en Europe, organisée par la Chambre des Régions du Congrès en novembre 2007 à Strasbourg, où cette proposition a reçu un large appui. Au nom du Congrès, je tiens à vous remercier de votre soutien à ce projet, qui est un bon exemple de notre coopération. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe est maintenant saisi de ce texte, qui figure aussi eu programme de cette Conférence, et nous comptons sur votre appui pour convaincre les gouvernements nationaux de l’utilité d’un tel instrument juridique.

Outre le fait qu’elle est le premier texte juridique énonçant la doctrine de la démocratie régionale, la Charte réaffirme le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale comme étant l’un de ses principes essentiels, et propose divers modèles d’autonomie régionale pouvant servir à régler les questions relatives au statut d’un territoire.

Au Congrès, nous sommes persuadés qu’elle peut contribuer à résoudre des questions d’ordre territorial. La récente guerre entre la Géorgie et la Russie a éclaté justement à cause de questions territoriales non résolues, et nous avons la conviction que les formules de règlement pacifique – fondées éventuellement sur des possibilités de large autonomie – n’ont pas été épuisées dans le cas de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

Or, le statut d’autonomie peut ouvrir la voie à une solution exhaustive. En ce sens, le statut de la Gagaouzie en République de Moldova que le Congrès a aidé à négocier offre un bon exemple et une preuve que l’autonomie régionale, basée sur les principes et valeurs démocratique ne peut que renforcer l’Etat souverain et son développement, et sert d’antidote au séparatisme.

Mesdames et Messieurs,

Les régions constituent à l’évidence un domaine dans lequel nos intérêts coïncident exactement. Beaucoup de parlements européens ont une représentation régionale au sein de leur deuxième chambre ; un nombre croissant de pays ont des régions dotées de pouvoirs législatifs ; d’autres encore sont en train d’établir des structures régionales. Nous sommes convaincus au Congrès que les régions peuvent et doivent jouer un rôle essentiel dans la coopération et la construction européennes, que les régions – avec les autorités locales – sont devenues plus que jamais des acteurs politiques incontournables qui peuvent contribuer à rapprocher les citoyens des institutions européennes et à renforcer leur participation aux processus démocratiques. Dans ce contexte, je suis sûr que la CALRE est en mesure d’apporter de nouvelles impulsions à la coopération européenne tant au sein de l’Union européenne que dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Comme vous le savez, au sein du Congrès du Conseil de l’Europe, la Chambre des Régions constitue une plateforme où siègent à la fois des représentants des exécutifs des régions et des délégués des parlements régionaux. Il n’existe donc pas une représentation spécifique des assemblées législatives régionales au sein du Congrès, et nous ne pouvons que saluer et soutenir le fait que CALRE offre une structure de dialogue aux parlements régionaux, ce qui sert de base pour notre coopération.

Au cours de ces dernières années, cette coopération a pris différentes formes. Je pourrais mentionner le séminaire international sur le rôle des parlements régionaux dans le processus de la prise de décision au niveau national et européen, que nous avons co-organisé à Florence en novembre 2005 ; votre participation à la table ronde sur la régionalisation en novembre 2007, dont j’ai déjà parlé, ou notre participation à vos Assemblées Générales et conférences spécialisées, comme par exemple la Conférence des Présidents des assemblées législatives régionales à Berlin en octobre 2007 ; votre soutien à nos initiatives, comme la Charte de la démocratie régionale ; la coopération entre les groupes de travails sur les régions de nos organisations ; ou encore la Conférence des parlements nationaux et régionaux et le Forum des assemblées régionales européennes, à Strasbourg en septembre 2007, que la CALRE a organisé avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et où le Congrès a pris une part active.

Ce Forum en particulier a adopté la Déclaration invitant les assemblées régionales à lancer des initiatives communes dans les domaines de la coopération transfrontalière et interrégionale, de la décentralisation et des réformes institutionnelles, de la migration, du développement durable, et du renforcement de la participation des citoyens, y compris à travers de l’utilisation de nouvelles technologies.

Ces priorités énoncées dans la Déclaration du Forum s’inscrivent parfaitement dans l’agenda politique du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, dont les commissions - institutionnelle, du développement durable, de la cohésion sociale et de la culture et de l’éducation - poursuivent leurs travaux dans ces domaines précis depuis des années. Les recommandations et les propositions du Congrès ont servi d’inspiration pour les réformes de l’organisation territoriale, de l’autonomie locale et des structures régionales dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Nos travaux sur les questions sociales et du développement durable – l’intégration des migrants, la participation des jeunes, les droits des enfants, l’adaptation au changement climatique, la cohésion territoriale, le développement urbain et rural, cette liste est longue – ont contribué à élargir l’éventail des principes, des standards et des outils pour le bénéfice de nos collectivités territoriales. Il y a juste deux semaines, les 15-17 octobre à Madrid, le Congrès a apporté sa contribution au Forum sur l’avenir de la démocratie qui s’est précisément penché sur la participation des citoyens et l’utilisation des nouvelles technologies dans le cadre de la démocratie électronique – un des domaines prioritaires établis par votre Forum en 2007.

Dans le domaine de la coopération interrégionale, par exemple, les efforts du Congrès ont abouti à la création de deux Eurorégions de nouveau type, réunissant les collectivités locales et régionales des pays membres et non-membres de l’Union européenne – je parle de l’Eurorégion adriatique, opérationnelle depuis juin 2006, et de la Mer Noire qui vient d’être lancée le 26 septembre 2008. Ces deux Eurorégions serviront de cadre de coopération et de base de lancement aux initiatives et projets multilatéraux entre régions et municipalités, en utilisant aussi des mécanismes de financement nationaux, européens et internationaux existants. En plus, l’Eurorégion de la Mer Noire viendra compléter les activités intergouvernementales conduites par l’Organisation de coopération économique de la Mer Noire. Quatorze collectivités ont déjà signé l’Acte constitutif de cette Eurorégion, qui est ouverte aux autorités locales et régionales de douze pays : Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bulgarie, Géorgie, Grèce, Moldova, Roumanie, Russie, Serbie, Turquie et Ukraine. J’espère que ces projets vont attirer l’attention de toutes les régions dans ces zones géographiques.

Mesdames et Messieurs,

Ces exemples montrent qu’il y a un large potentiel de l’élargissement et de l’approfondissement de la coopération entre nos deux institutions, et que cette coopération est opportune, utile et mutuellement avantageuse. Il est temps de joindre nos forces et formaliser notre partenariat dans un accord de coopération, qui servira de base pour son renforcement et son développement. Ceci correspond à la proposition faite par la Présidente de la CALRE et le Secrétaire Général du Congrès lors de leur rencontre le 23 juin à Strasbourg.

Cependant, une telle coopération sans la participation d’un autre acteur majeur dans les affaires régionales – à savoir les gouvernements régionaux – risque d’être bancale. C’est pourquoi nous proposons de l’élargir à un format triangulaire pour y intégrer les exécutifs régionaux représentés au sein du Groupe des Régions à pouvoir législatif, REGLEG.

Dans cet esprit, nous vous invitons à examiner la possibilité d’un tel projet de coopération tripartite qui permettrait de formaliser et développer le partenariat, tant avec les pouvoirs législatifs qui valident notre action politique par la légitimité de leur mandat populaire, qu’avec les pouvoirs exécutifs chargés de la mise en œuvre de cette action.

Nous espérons fortement que cette proposition rencontrera votre soutien et approbation, et que cet accord verra le jour très prochainement, nous permettant de créer de nouvelles synergies dans nos activités et nos efforts pour construire l’Europe des Villes et des Régions, l’Europe des collectivités.

Je vous remercie.