Atelier international « Vers une nouvelle gouvernance des risques naturels »

Istanbul, Turquie, 27-28 octobre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux Conseil de l’Europe

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Gouverneur,

Monsieur le Maire,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Un tremblement de terre, une inondation, un feu de forêt, une marée noire ou un accident nucléaire, qu’ont-ils en commun ? Ce sont les collectivités territoriales qui en souffrent au premier plan, et ce sont les autorités locales et régionales qui se trouvent en première ligne pour faire face aux conséquences immédiates des catastrophes.

Les aléas naturels ont de tout temps affecté les sociétés. Mais le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe s’inquiète vivement des dérèglements climatiques aujourd’hui inéluctables et de l’intensité et de la fréquence croissante des phénomènes météorologiques.

Nous constatons aussi que les effets du changement climatique révèlent plus particulièrement la vulnérabilité des espaces et des territoires. Aussi, nous sommes convaincus  qu’il appartient aux élus locaux et régionaux, d’anticiper sur les bouleversements annoncés et de prendre les décisions adéquates.

Nous sommes également convaincus que l'urbanisation croissante et le degré de sophistication croissant de notre société, font que les coûts humains et économiques consécutifs à ces phénomènes augmentent. C’est pourquoi la problématique de la gestion des conséquences des catastrophes naturelles et technologiques a été à l’ordre du jour des travaux du Congrès ces dernières années.

Si la gestion des catastrophes naturelles est bien de la compétence des différents niveaux de gouvernance, c’est des élus locaux et régionaux que nos citoyens attendent la première réaction, et c’est aussi de l’état de préparation et des mesures de prévention mises en œuvre par les collectivités territoriales que dépendra la gravité des conséquences matérielles et humaines.

Aussi, avons-nous intégré la question de la capacité de réponse des collectivités territoriales aux différents risques dans nos réflexions et nos propositions sur l’amélioration de la gouvernance au niveau local et régional, sur la bonne gouvernance en général, thème majeur de l’agenda politique du Congrès. Parce que pendant la crise et suite aux catastrophes, cette capacité - cachée dans les chiffres secs, dans les consignes administratives et dans le jargon bureaucratique - se traduit en une valeur, la plus précieuse, celle de la vie humaine.

Mesdames et Messieurs,

Cela n’arrive pas qu’ailleurs, cela n’arrive pas qu’aux autres !

Il revient aux autorités locales et régionales d’assumer leurs responsabilités, non seulement en tant qu’aménageurs et développeurs de l’espace urbain et rural, mais aussi en tant que fournisseurs de services publics. Il leur appartient d’intégrer la connaissance des risques, des mesures de prévention, d’adaptation et de mitigation dans leurs prises de décisions et dans leurs activités.

Bien évidemment, les pouvoirs locaux et régionaux ne peuvent pas rester seuls face aux risques naturels. La rapidité et l’efficacité de leur réponse est liée étroitement à la coordination et la concertation des efforts de tous les niveaux de gouvernance, ce qui implique l’échange rapide de toutes les informations sur la crise, mais surtout la participation des autorités locales et régionales dans les consultations et dans la prise de décision pendant toutes les phases de prévention et de gestion des catastrophes.

Les mesures proposées par le Congrès vont exactement dans le sens de l’implication directe des collectivités territoriales dans tous les aspects de la planification et la préparation d’une réponse coordonnée aux risques naturels, leur consultation sur l’aménagement de territoire dans les cas où la décision appartient au niveau national, et le partage des informations et de la connaissance des risques potentiels et leur prévention.  

Nos propositions dans ce domaine ont été rassemblées dans un manuel élaboré par le Congrès en 2005. Ce manuel, qui est toujours d’actualité, contient 40 mesures portant sur le rôle des autorités locales dans la gestion des conséquences de catastrophes, sur les actions à en mener face et suite aux événements ainsi que sur une approche et une responsabilité partagées de tous les niveaux de gouvernance.

Le Congrès est convaincu de la nécessité de développer une « culture de la prévention » qui passe par la connaissance et la surveillance des phénomènes, l’évaluation de la vulnérabilité et l’information des populations. Cette information me paraît des plus importantes car nous assistons à un phénomène nouveau, celui de l’évolution de l’opinion publique face aux événements exceptionnels et notamment la recherche d’un coupable !

En effet, les catastrophes qui affectent notre Planète alarment les populations par leur augmentation à priori. Elles ont également tendance à transférer sur les Etats et leurs collectivités territoriales une responsabilité qui autrefois relevait du fatum ou du mauvais sort ou encore d’une punition du ciel.

Ainsi, toutes les catastrophes sont souvent qualifiées de la « faute de quelqu’un d’autre » sans le souci individuel de sa propre responsabilité dans l’imprévoyance, l’absence de prévention ou le dédain de protections préalables.

Ce désir d’identifier des coupables doit-il être interprété comme le reflet d’une logique médiatique de crise qui tend à exacerber les émotions au sein de l’opinion publique ? Ou bien faut-il y voir, au contraire, une interrogation plus profonde sur l’adéquation des systèmes actuels de gouvernance et sur le développement durable des territoires ?

Aussi, dans ses recommandations, le Congrès a demandé aux Etats membres du Conseil de l’Europe de mettre en place des programmes de sensibilisation du public, afin de contribuer à l’instauration d’une « culture du risque », ainsi que de programmes de formation à l’intention des élus territoriaux sur la gestion des situations d’urgence.

Nous pensons également qu’une approche multidisciplinaire et multi-niveaux est nécessaire à tous les stades d’intervention ou de préparation.  Les catastrophes dans le monde et en Europe ces dernières années, comme par exemple les inondations en 2002 ou la canicule en 2003, nous rappellent que le bon niveau de préparation et de coordination est un impératif constant quand il s’agit des risques majeurs.

Un autre aspect de la gouvernance des risques naturels réside dans  l’importance de la coordination internationale de notre action, des réseaux internationaux d’échange d’information et d’expérience, et de notre solidarité face aux désastres. Car les catastrophes naturelles ne connaissent pas de frontières.

L’intervention internationale a été cruciale dans un nombre de cas d’inondations, comme dans le bassin de Danube, ou de séismes, comme par exemple en Arménie ou ici en Turquie. Un autre exemple, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl dont les conséquences ont pratiquement bouleversé l’ensemble du continent, continue de nous hanter aujourd’hui encore.

En 2006, la Conférence internationale à l’occasion du 20e anniversaire de Tchernobyl, a lancé « l’Appel de Slavutych » proposé par le Congrès, qui établit cinq principes pour guider les autorités dans les questions de la sureté nucléaire : le rôle central des gouvernements, le rôle essentiel des pouvoirs locaux et régionaux, la solidarité de voisinage, la transparence et l’information, et l’association et la consultation des populations. Nous sommes convaincus que l’application de ces principes constitue une part importante de la nouvelle gouvernance des risques majeurs, qui est le thème de cet atelier.

L’importance de l’internationalisation de notre action en matière de gestion des risques naturels est aussi liée à l’évolution de ces risques, et aux conséquences du réchauffement  climatique. Le changement climatique n’est plus une menace lointaine, mais un phénomène très réel qui a une incidence sur notre environnement et notre bien-être social et économique. Je suis convaincu qu’il ne crée pas de phénomènes réellement nouveaux mais exacerbe les disfonctionnements existants. C’est pourquoi il exige une action publique résolue pour renforcer la capacité d’adaptation des pouvoirs locaux et régionaux, assurer la protection des populations, des biens et des ressources et, d’une manière générale, réduire la vulnérabilité.

Je crois que les politiques climatiques illustrent la nécessité de « penser global, agir local » et je me félicite de voir qu’elles sont actuellement en pleine émergence à tous les niveaux de gouvernance, et tout particulièrement aux plans local et régional.

Le Congrès a adopté en mars dernier des recommandations appelant à l’élaboration des stratégies climatiques à tous les niveaux de gouvernance qui mettent l’accent sur l’évaluation des risques et l’adaptation, et qui soient nécessairement combinées à des politiques d’atténuation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’adaptation est une approche progressive qui vise à anticiper les changements futurs : elle en appelle à un renouvellement des pratiques, à une approche transversale plutôt que sectorielle et à des stratégies qui doivent s’appuyer sur une évaluation de la vulnérabilité, une identification des zones et des secteurs à risque. .

Nous entendrons au cours de ces deux journées des présentations qui nous montreront combien les régions européennes seront affectées différemment par le changement climatique. Si l’action publique en matière de climat est conditionnée par la répartition des compétences, il n’en reste pas moins que l’ampleur du défi oblige les décideurs locaux à innover, à déplacer les limites des compétences et les frontières sectorielles, à établir des partenariats extérieurs et à introduire une nouvelle culture du risque.

Les accidents dits naturels ne sont pas indépendants de l’activité humaine, nous le savons tous. C’est pourquoi, je souhaite mettre en exergue le rôle des pouvoirs locaux et régionaux en tant qu’animateur et coordinateur d’une dynamique territoriale, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, et également en tant que niveau de gouvernance qui s’engage et sensibilise les citoyens. Ce rôle est essentiel pour une bonne gouvernance et gestion des risques majeurs, et doit être reconnu comme tel par tous les acteurs dans ce domaine.

Mesdames et Messieurs,

Voici les composantes principales de notre vision de cette nouvelle gouvernance des risques naturels que nous appelons de nos vœux. Elle ne saura être efficace qu’avec les efforts concertés de tous les acteurs – internationaux, nationaux, territoriaux – et l’implication réelle de la société civile, tout comme des représentants du secteur économique.

L’Accord partiel EUR-OPA du Conseil de l’Europe joue, à cet égard, un rôle important de coordinateur et il est aussi un partenaire fidèle du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux dans notre action pour améliorer le bien-être et la qualité de vie de nos concitoyens, notamment au travers d’une meilleure gouvernance centrée sur, le citoyen.

La sécurité du citoyen est un élément clé pour le développement durable de nos sociétés et donc de notre mandat et de notre responsabilité d’élus locaux et régionaux. C’est bien cette sécurité qui est compromise par les catastrophes naturelles et c’est pourquoi la gouvernance des risques reste au centre de nos préoccupations. C’est notre capacité de prévenir et de répondre aux situations d’urgence qui se traduira concrètement en vies sauvées.

Je vous remercie.