Séminaire sur le travail systématique pour les droits de l’homme – Un défi pour les politiques locales et régionales

Stockholm, Suède, 6 octobre 2008

Conclusions présentées par Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Ce séminaire a réaffirmé, une fois de plus, le rôle important joué par les pouvoirs locaux et régionaux dans la mise en œuvre dans leurs collectivités, sur le terrain donc, de l’action en faveur des droits de l’homme.  Cette action comprend tant des mesures protectrices que des mesures permettant la réalisation des droits de l’homme pour les citoyens. Cela constitue une partie indispensable de la démocratie participative que nous cherchons à créer et qui commence, comme dans toute démocratie, au niveau de base. Mais c’est aussi un défi important pour les élus locaux et régionaux parce que c’est un engagement politique qui doit être accompagné par les compétences juridiques nécessaires, les moyens financiers et la coordination des efforts avec les autres acteurs, ce qui implique un effort concerté et l’implication de tous les niveaux de gouvernance.

Les discussions durant ce séminaire ont révélé un grand potentiel pour la concertation de nos efforts, tant au niveau paneuropéen qu’au niveau national et des collectivités. Elles ont aussi révélé l’existence de problèmes et de difficultés, liés au cadre juridique, à la répartition de compétences, au  soutien politique et financier, et parfois au niveau de qualifications des élus et de leur personnel, ce qui nécessite une formation appropriée aux droits de l’homme.  

Un autre aspect que je voudrais souligner est le potentiel de notre coopération avec le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dont la participation à ce séminaire a été très appréciée et que je tiens à remercier pour son rôle actif, son enthousiasme et l’énergie qu’il investit dans son travail en faveur des droits de l’homme. Je suis convaincu qu’il y a un espace de collaboration, peut-être encore insuffisamment exploité, mais qui pourrait être le point de rencontres de synergies entre le Congrès et le Bureau du Commissaire. Je crois aussi que les commissions du Congrès peuvent s’inspirer des recommandations du Commissaire dans leurs travaux.

Ses recommandations, comme les recommandations du Congrès, ou de l’Assemblée parlementaire, ou encore du Comité des Ministres, couvrent un un large éventail de problèmes liés au respect des droits de l’homme, que ce soit dans un secteur politique, juridique, social, et qui, de près ou de loin, nous renvoie à une possible action de notre part au niveau local ou régional pour contribuer à améliorer la situation des droits de l’homme en Europe. Cela n’a rien d’étonnant car les droits de l’homme, bien que nous en parlions souvent en termes abstraits, sont très concrets – aussi concrets que le sont les responsabilités des pouvoirs locaux et régionaux. Ces droits, les droits de nos concitoyens – nos propres droits, en fait – relèvent d’une vaste gamme de domaines, les domaines politiques, économiques, sociaux, culturels, ce qui reflètent également les zones de compétences des autorités territoriales.

Pour cibler notre action, pour regrouper nos mesures en faveur de la réalisation des droits de l’homme au niveau local, les plans d’action locaux peuvent servir d’outil important et pratique, représentant un paquet de mesures, d’initiatives et de projets concrets dans un domaine précis. Pris ensemble, ces plans d’action pourraient constituer un programme d’action politique en faveur des droits de l’homme pour une municipalité ou une région.

Certes, ce n’est qu’un moyen pour relever les défis qui se présentent à nous, mais c’est un moyen de systématiser notre travail sur une base régulière – disons, annuelle ou sur la durée d’un mandat. La Déclaration finale, que nous adoptons aujourd’hui, met en exergue en particulier le besoin d’une approche systématique dans nos efforts, parce que les mécanismes de protection des droits de l’homme, qui sont regroupés dans un « système » - comme le système européen, avec la Cour européenne des droits de l’homme en son centre – ne peuvent pas être maintenus d’une manière durable sans une alimentation constante de l’action en continu, qui devient, elle aussi, une partie intégrante de ce système.

Aujourd’hui, c’est un système basé sur notre conviction solide que la démocratie effective et la bonne gouvernance à tous les niveaux sont essentielles pour créer des sociétés durables dans lesquelles les hommes peuvent bénéficier d’une bonne qualité de vie et d’une participation effective. Comme cela a été souligné par beaucoup de participants, la démocratie et les droits de l’homme sont interdépendants, et le développement de la démocratie locale, en tant que pierre angulaire de la démocratie en tant que telle, doit être considéré comme un outil et un objectif prioritaire des pays européens pour une meilleure mise en œuvre des droits de l’homme dans nos sociétés.

Un respect inconditionnel des droits fondamentaux est une condition préalable, une condition sine qua non comme je l’ai déjà souligné, pour une bonne gouvernance, et exige une action concertée entre tous les niveaux de gouvernance, y compris les niveaux local et régional, pour éliminer toute forme d’intolérance et de discrimination, et pour construire des sociétés cohésives en Europe, basées sur le respect des droits de l’homme.

Les autorités locales et régionales doivent nécessairement jouer un rôle plus important dans la réalisation des droits de l’homme dans le cadre de l’autonomie locale, telle que conçue par la Charte européenne de l’autonomie locale. Bien entendu, ce rôle doit être reconnu et soutenu par les autorités nationales, les gouvernements, dont les représentants vont se réunir dans un mois ici, à Stockholm, et à qui nous adressons nos propositions, les résultats de nos délibérations issues de ce séminaire.

Je me permets de lire ces propositions. Nous demandons aux gouvernements de :

 sensibiliser les autorités locales et régionales à leurs responsabilités en matière de mise en œuvre des droits de l’homme et des possibilités que leur offre une gouvernance basés sur ces droits ;

encourager les autorités locales et régionales à promouvoir le respect des droits de l’homme par le biais de campagnes de sensibilisation (par exemple, aux droits des personnes vulnérables – comprenant les droits des enfants- et pour l’égalité des genres), et à l’aide de plans d’actions locaux/régionaux ; 

s’assurer que les autorités locales et régionales garantissent un égal accès aux services publics pour tous, citoyens et non-citoyens, sans discrimination à l’égard de quiconque, et garantissent la préservation des droits sociaux ;

veiller à ce que les autorités locales agissent dans le plein respect des droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la protection des données ;

promouvoir et soutenir la création et le développement de médiateurs indépendants aux niveaux local et régional ;

s’assurer que, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie européenne sur l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local, adoptée par le Conseil de l’Europe, la dimension intrinsèque des droits de l’homme soit prise en compte de manière effective ;

créer des structures appropriées ou des procédures pour faciliter un suivi effectif ainsi que pour apporter des remèdes dans les cas où les droits fondamentaux ne sont pas pleinement respectés dans le cadre de la délivrance de services publics locaux ;

promouvoir le respect des droits de l’homme par la formation systématique des élus locaux et de leur personnel, ainsi que de celle des organes indépendants de suivi, et les sensibiliser à leurs responsabilités en ce qui concerne la conformité aux droits de l’homme.

J’espère  profondément que les gouvernements intègreront nos propositions lorsqu’ils élaboreront leurs futurs plans d’action.

Je remercie nos partenaires, l’Association suédoise des pouvoirs locaux et des régions, SALAR, ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme et son équipe, pour l’organisation de ce séminaire qui, j’en suis convaincu, va donner un nouvel élan à notre action en faveur des droits de l’homme aux niveaux local et régional.

Je vous remercie.