Séminaire sur le travail systématique en faveur des  droits de l’homme – Un défi pour les politiques locales et régionales

Stockholm, Suède, 6 octobre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président de SALAR,

Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur et un grand plaisir pour moi d’ouvrir ce séminaire et de vous souhaiter à mon tour la bienvenue. Symboliquement, ce séminaire s’inscrit parfaitement dans un contexte calendaire d’anniversaires cette année, des anniversaires qui servent de repères dans notre action démocratique publique – ceux de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte européenne de l’autonomie locale.

Il y aura soixante ans en décembre que les nations libres réunies à New York eu siège de l’ONU ont affirmé avec force leur conviction commune, leur conviction, renforcée par les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale – que les droits de l’homme et leur respect portent la valeur universelle primordiale pour l’existence même des sociétés démocratique. La Déclaration universelle des droits de l’homme a déclenché l’essor inouï de la démocratie à l’échelle mondiale mais surtout en Europe - continent qui a le plus souffert des deux guerres les plus sanglantes de l’histoire de l’Humanité.

Et c’est tout à fait logique que ce soit en Europe que ce fondement de la démocratie soit joint par un autre repère en matière de respect des droits – des droits des collectivités. Avec la Charte européenne de l’autonomie locale, la défense des droits de nos concitoyens par nous, élus locaux et régionaux, dans nos propres communes, a reçu une base juridique et est devenu une norme du droit international. Le Préambule de la Charte rappelle que « les collectivités locales sont l’un des principaux fondements de tout régime démocratique ».

Son entrée en vigueur il y a vingt ans, le 1er septembre 1988, a amorcé une nouvelle phase de l’évolution démocratique de notre continent, qui a conduit à une démocratie davantage tournée vers le citoyen, une démocratie plus participative et donc plus efficace.

Au-delà de la reconnaissance de la nécessité d’une décentralisation, la Charte représentait un progrès de notre conception de la démocratie, marquant ainsi la conviction que la démocratie locale était un élément constitutif de la démocratie elle-même, et pas seulement le tribut payé à la montée en puissance des pouvoirs locaux. Les Nations Unies nous ont donné la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais aujourd’hui ce sont les Nations Unies qui ont été inspirées par notre Charte de l’autonomie locale pour élaborer les lignes directrices globales de la décentralisation.

Ce cercle, ce lien entre les deux anniversaires est autant symbolique que logique, parce qu’il représente un lien incassable entre la démocratie, qui se repose sur le socle solide de l’autonomie locale et régionale, et les droits de l’homme, dont les pouvoirs locaux et régionaux sont en première ligne de défense.

Dans ce contexte, il faut mentionner encore deux autres repères importants :

le Sommet de Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe, à Varsovie en mai 2005, qui a confirmé la prééminence de la démocratie dans la mission de notre Organisation, en mettant en exergue l’importance de la démocratie locale et régionale, et qui a établi le Forum sur l’avenir de la démocratie ;

et ce Forum, lancé suite au Sommet, qui a affirmé, ici à Stockholm et à Sigtuna, en juin 2007, l’interdépendance entre la démocratie et les droits de l’homme.

Cette interdépendance découle du postulat que le citoyen est au centre du système démocratique, et de la protection de ses droits et de ses libertés, cette interdépendante qui est la condition sine qua non de son existence même et de son développement  et qui constitue le préalable pour le développement de la société. Il s’ensuit que le respect des droits de l’homme est le fondement de nos collectivités autant que la démocratie locale et régionale est la fondation de l’édifice démocratique.  

En marquant le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ce texte fondamental qui constitue la référence mondiale en matière de droits de l’homme, en ce qu’il incarne la valeur suprême de l’être humain qui a des droits et des libertés, il convient de se rappeler qu’en Europe, c’est la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui est venue institutionnaliser, d’une certaine manière, les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle. Elle a mis en place un dispositif visant à garantir les responsabilités des Etats contractants des obligations assumées par eux.

Comme je viens de le préciser, les droits de l’homme et la démocratie sont interdépendants, ils se renforcent mutuellement, et c’est par une action à tous les niveaux de gouvernance, guidée par des valeurs communes des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’une conception commune de ces valeurs, que l’on peut parvenir à créer des sociétés cohésives.

Les pouvoirs locaux et régionaux, qui se trouvent par définition aux niveaux de gouvernance les plus proches aux citoyens, sont donc les mieux placés pour prendre en compte des problèmes de mise en œuvre des droits de l’homme et influer sur leurs politiques, pour faire en sorte d’y remédier.

Les municipalités et les régions sont en première ligne pour ce qui concerne la promotion, la mise en oeuvre et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. C’est à elles que revient la tâche de s’engager pour effectuer un travail systématique en faveur des droits de l’homme dans le cadre de l’élaboration de leurs politiques.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a une mission claire, celle d’apporter une dimension locale et régionale à la protection des droits de l’homme et au développement de la démocratie en passant par les niveaux de base. La voix des territoires d’Europe, le Congrès représente une plate-forme paneuropéenne de coopération pour plus que 200,000 collectivités territoriales des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Il engage dans son action tant les élus locaux et régionaux que leurs associations nationales et internationales et – à travers ses recommandations et d’autres textes juridiques – les gouvernements nationaux. Le Congrès entretient donc un dialogue privilégié avec les décideurs politiques au niveau local et régional et dispose d’un vaste réseau européen de contacts de ce niveau, pour faire évoluer la situation des droits de l’homme dans nos collectivités.

Le Congrès contribue donc concrètement à la prise en compte des droits de l’homme dans l’élaboration des politiques des élus à travers ses échanges au sein des travaux en commissions, en session, dans le cadre de forum, d’assises ou de conférences. Il s’implique dans les campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme conduites par des autorités locales ou régionale – il s’est beaucoup investi, par exemple, dans la campagne de lutte contre la traite des êtres humains, de même que dans la campagne de lutte contre la violence domestique. Mais le plus important est évidemment son rôle du gardien des valeurs démocratiques et des droits de l’homme aux niveaux local et régional, qui se traduit dans ses activités de monitoring, la veille au respect des principes démocratiques que ce soient les rapports réguliers sur l’état de la démocratie locale et régionale dans un pays précisé, l’observation des élections ou les missions d’enquête.

A son tour, ces activités font partie de la contribution du Congrès à la mise en œuvre d’une bonne gouvernance aux niveaux local et régional. Nous sommes convaincus que la bonne gouvernance est un outil indispensable pour promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et le respect de ces droits. C’est pourquoi, le Congrès a lancé ou s’est impliqué d’une manière active dans un nombre des initiatives du Conseil de l’Europe, telles que la Semaine européenne de la démocratie locale, le Forum sur l’avenir de la démocratie que j’ai déjà mentionné, les agences de la démocratie locale, ou la Stratégie européenne pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local, pour en donner quelques exemples.

Mesdames et Messieurs,

L’extension de la dimension droits de l’homme dans les activités du Congrès fait partie de ses objectifs. Notre action toute récente s’inscrit dans nos efforts d’instaurer un espace de droits de l’homme dans nos collectivités, par la création d’un environnement durable et cohésif, centré sur le citoyen et prenant compte de toute la gamme des aspects de la vie au quotidien – politique, économique, sociale, écologique, culturelle. C’est dans cet esprit que le Congrès a adopté, lors de sa session plénière en mai dernier, la nouvelle Charte urbaine et la Charte européenne de la démocratie régionale, ainsi que les recommandations sur la réintégration des enfants de la rue et sur la participation des jeunes dans la vie publique au niveau local et régional, ou encore la recommandation « L’enfant dans la ville ». C’est aussi dans cet esprit que le Congrès s’est beaucoup investi, en septembre dernier, dans la Conférence sur les droits des enfants, tenue ici à Stockholm, et la Conférence ministérielle sur la migration. L’intégration des migrants, pour nous, fait une partie indispensable pour assurer la cohésion sociale dans nos villes et nos régions et, avec les mesures contre la discrimination et pour l’égalité, fait partie de notre travail en faveur des droits de l’homme.

Parmi des exemples d’activités prévues sur notre agenda dans un futur proche figure notamment un projet de rapport, actuellement en cours d’élaboration à la commission institutionnelle du Congrès, sur la question de l’institution du médiateur et de ses fonctions aux niveaux local et régional en Europe. Le but de ce rapport est de donner une vue d’ensemble de l’institution et des fonctions aux niveaux local et régional, du médiateur - de «l’ombudsman »- au niveau national ou infranational dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe.

Il me semble nécessaire de rappeler qu’à travers certains principes qui gouvernent la gestion d’une collectivité, les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont omniprésents. L’égalité d’accès aux services publics que sous-tend un principe général d’interdiction de toute discrimination implique une attention et une responsabilité de chaque élu ; la question de la protection des données, la protection de la vie privée et la liberté d’expression, ainsi que la protection des droits sociaux sont des aspects récurrents des droits de l’homme qui doivent gouverner la gestion d’une collectivité territoriale.

C’est pourquoi, il me semble qu’une formation adéquate et une sensibilisation aux droits de l’homme des élus territoriaux européens et de leur personnel est tout à fait indispensable, de même que la possibilité pour les administrés de pouvoir se tourner vers un organe indépendant, tel qu’un médiateur, lorsqu’ils rencontrent un problème avec l’administration, doit être généralisée.

Le Congrès est donc tout à fait partie prenante dans le processus d’action systématique en faveur de la réalisation des droits de l’Homme, et s’est associé pleinement à l’objet de ce séminaire qui s’apparente à un « brainstorming » collectif pour émettre des propositions nouvelles, innovantes peut-être (et je l’espère), pour améliorer ce travail de mise en œuvre et de renforcement du respect des droits de l’homme à travers les politiques locales et régionales.

Dans un mois, les 6 et 7 novembre 2008, se tiendra ici même à Stockholm, la Conférence internationale sur les droits de l’homme organisée dans le cadre de la présidence suédoise du Conseil de l’Europe. Ce sera l’occasion pour nous de présenter des propositions concrètes de l’action qui peut être menée sur le plan local et régional en faveur de la mise en œuvre des droits de l’homme. C’est pourquoi, à l’issue de ce séminaire - à la fin de cette journée - nous conclurons nos travaux par l’adoption d’une déclaration conjointe de l’Association suédoise des pouvoirs locaux et régionaux et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en collaboration avec le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Cette déclaration sera présentée lors de la conférence internationale et rendra compte de nos propositions.

En attendant, je vous remercie pour votre attention, et je vous souhaite de bons et de fructueux travaux.