Session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe - Strasbourg, 29 septembre 2008

Discours prononcé par Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire,

Vos Excellences,

Mesdames et Messieurs,

« Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es ». Cette phrase me vient à l’esprit au moment de prendre la parole devant vous – qui êtes mes pairs en représentation élective – pour la première fois depuis mon élection comme Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Le Congrès a toujours été un bon ami et un partenaire fiable de l’Assemblée parlementaire dans la défense et le développement de la démocratie sur notre continent, et c’est un grand honneur pour moi de m’exprimer devant vous aujourd’hui pour réaffirmer notre attachement à cette relation aussi étroite que fructueuse.

Notre partenariat est parfaitement naturel, parce que nous sommes deux assemblées de représentants élus par le peuple, à différents niveaux de gouvernance, pour être les gardiens de la volonté populaire et des valeurs démocratiques auxquelles adhèrent nos concitoyens. C’est dans l’esprit de ce partenariat que le Congrès dispose d’un siège permanent durant les sessions de l’Assemblée, également symbolique de la permanence de nos relations.

Notre partenariat est naturel aussi parce que le prédécesseur du Congrès doit sa création (en 1957) à l’Assemblée parlementaire, qui avait préconisé la convocation de la Conférence Européenne des Pouvoirs Locaux en vue de soutenir les efforts démocratiques accomplis au niveau local. Cette origine avantageuse fait de nous le fruit de votre initiative, filiation se traduisant par la complémentarité de nos activités respectives, qui est une constante de notre coopération. Si nous sommes là, en effet, c’est afin de veiller à ce que l’action politique menée aux niveaux paneuropéen et national repose sur le socle solide de la démocratie locale et régionale, que notre effort pour construire la démocratie participative commence et retentisse dans nos collectivités, que les citoyens participent de plus en plus aux processus démocratiques et qu’il soit répondu à leurs aspiration dans nos villes comme dans nos régions.

La nécessité d’une synergie entre nos deux assemblée est devenue encore plus évidente depuis le Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l'Europe qui s’est tenu à Varsovie en mai 2005, dans la mesure où ce sommet a réaffirmé la démocratie comme étant la valeur primordiale de cette Organisation, non sans souligner à cet égard l’importance du développement de cette même démocratie aux niveaux local et régional.

Il n’est pas surprenant qu’étant les deux piliers démocratiques du Conseil de l'Europe, l’Assemblée parlementaire et le Congrès se tiennent à l’avant-garde pour ce qui est de suivre l’évolution de la démocratie sur notre continent et de veiller au respect des engagements pris par les États membres.

En tant qu’organe d’expression de plus de deux cent mille collectivités territoriales d’Europe, le Congrès a beaucoup à apporter aux activités de l’Assemblée en puisant dans l’expérience, les démarches novatrices et les pratiques optimales des pouvoirs locaux et régionaux. Nos actions et acquis respectifs se complètent mutuellement dans un très large éventail de domaines ; en effet :

les rapports de suivi du Congrès et les missions d’enquête viennent se rajouter aux activités de suivi de l’Assemblée en ce qui concerne la démocratie locale et régionale, et il en va de même de l’observation des élections locales et régionales ;

les outils et mécanismes dont nous disposons pour évaluer l’état et l’évolution de l’autonomie locale et régionale, et que le Congrès a élaborés en tant qu’unique organe européen chargé d’assurer la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale, sont à votre disposition pour vous donner une idée exhaustive des situations nationales ;

notre expertise juridique des lois nationales relatives à la démocratie locale et régionale contribue à mettre la pratique législative en conformité avec les normes européennes.

Encore cela ne couvre-t-il par les activités conduites dans d’autres domaines, dont certains, qui relevaient traditionnellement des compétences des gouvernements nationaux, sont de plus en plus dévolus aux collectivités locales et régionales ou partagés avec elles. Je veux parler du développement durable, de la cohésion sociale, de la culture et de l’éducation, de la consommation d’énergie, de la gestion des ressources en eau, de la protection de l’environnement, etc. : la liste est longue. Cette extension des compétences des collectivités territoriales entraîne celle de la coopération potentielle entre nos deux assemblées.

Mesdames et Messieurs,

Le Comité des Ministres a reconnu le renforcement de notre rôle politique et la position du Congrès dans l’équilibre institutionnel du Conseil de l'Europe en adoptant, au mois de mai 2007, notre nouvelle Charte. La dernière session plénière du Congrès, en mai dernier, a été organisée pour la première fois conformément à cette nouvelle Charte. Elle a été en fait, pour le Congrès, la session du renouveau – renouveau de sa composition et de sa direction – et la dernière session qui se soit tenue avant que le Congrès commence à tenir deux sessions plénières par an, ce qui se produira en 2009.

Ce fut aussi la session au cours de laquelle est entrée en vigueur une nouvelle obligation faite à toutes les délégations au Congrès par la nouvelle Charte : celle d’assurer la présence de 30% au moins de personnes du sexe sous-représenté – les femmes, manifestement – au sein de chaque délégation nationale. Là encore, nos efforts sont synchrones avec ceux de l’Assemblée pour accroître la représentation des femmes dans nos institutions, et je suis fier de pouvoir dire que toutes les délégations au Congrès se sont conformées à cette nouvelle disposition. Notre prochain objectif devra être de nous rapprocher d’une représentation égale des femmes et des hommes.

Mesdames et Messieurs,

La coopération entre le Congrès et l’Assemblée parlementaire s’est intensifiée au fil des années, à mesure qu’augmentait le nombre de nos préoccupations communes. Cette coopération revêt différentes formes : concertations en vue d’aligner nos positions, soutien mutuel de nos actions respectives, participation commune aux campagnes du Conseil de l'Europe – par exemple la campagne de lutte contre la violence à l’égard des femmes – ou activités communes tels que les conférences sur la coopération transfrontalière et interrégionale. A cet égard, je tiens à mettre en exergue deux réussites récentes du Congrès – la création de l’Eurorégion adriatique en 2006 et le lancement, ce vendredi dernier, de l’Eurorégion de la mer Noire. Ces deux Eurorégions vont servir de plate-forme de coopération entres les villes et les régions dans les bassins de ces mers, réunissant les pays membres et non membres de l’Union Européenne.

Je me dois de signaler en particulier, s’agissant de la régionalisation en Europe, notre étroite collaboration avec Lluís Maria de Puig, bon ami du Congrès et rapporteur de l’Assemblée pour cette question, qui est aujourd’hui votre nouveau Président. Je compte fermement poursuivre cette collaboration avec vous, Monsieur le Président, ainsi qu’avec d’autres membres de l’Assemblée ; je songe, par exemple, à Luc van den Brande, avec qui nous entretenons des relations particulièrement étroites et qui préside à l’heure actuelle le Comité des régions de l’Union européenne, partenaire et ami du Congrès au sein de l’Union.

Les régions constituent à l’évidence un domaine dans lequel nos intérêts coïncident exactement. Beaucoup de parlements européens ont une représentation régionale au sein de leur deuxième chambre ; un nombre croissant de pays ont des régions dotées de pouvoirs législatifs ; d’autres encore sont en train d’établir des structures régionales. Depuis 1975, année où la dimension régionale a été ajoutée aux activités de la Conférence des Pouvoirs Locaux, notre prédécesseur, faisant de cette dernière la Conférence des Pouvoirs Locaux et Régionaux, la régionalisation occupe une place de choix sur notre ordre du jour politique, ce qui traduit l’importance et le pouvoir croissants des régions dans nombre d’États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que le renforcement de la démocratie régionale sur notre continent.

Les travaux du Congrès dans ce domaine ont abouti à la Charte européenne de la démocratie régionale, adoptée lors de la session plénière de mai 2008 au terme d’une longue période d’élaboration et de concertation. Au nom du Congrès, je tiens à remercier l’Assemblée parlementaire, et en particulier le Président, Lluís Maria de Puig, pour le soutien que vous avez apporté à ce projet, dont est maintenant saisi le Comité des Ministres. Nous comptons sur votre appui pour convaincre les gouvernements nationaux de l’utilité d’un tel instrument juridique.

Outre qu’elle est le premier texte juridique énonçant la doctrine de la démocratie régionale, la Charte réaffirme le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale comme étant l’un de ses principes essentiels et propose divers modèles d’autonomie régionale pouvant servir à régler les questions relatives au statut d’un territoire. L’un des principaux débats de votre session de cette semaine a pour thème les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, qui a éclaté à cause, justement, de statuts territoriaux non réglés. Nous sommes persuadés, au Congrès, que les voies de règlement pacifique ; – y compris celle passant par l’option d’une large autonomie régionale ; – n’ont pas été épuisées dans le cas de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Le Bureau du Congrès a discuté le 19 septembre de la situation actuelle dans la zone de conflit, et nous reviendrons sur cette question le 2 décembre, durant notre session d’automne et suite à ma visite dans la région. Entre autres choses, le Bureau a appelé à l’ouverture de négociations sur le statut des territoires concernés, ce qui correspond d’ailleurs à un engagement pris par la Géorgie devant votre Assemblée au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe.

Nous avons la conviction que des modèles souples d’autonomie régionale offrent une bonne formule de substitution au conflit, et je puis invoquer à cet égard l’exemple du statut de la Gagaouzie, en République de Moldova, que le Congrès a aidé à négocier. À cet égard, je me félicite des discussions prévues au cours de la présente session avec le Président de Chypre et le chef de la Communauté chypriote turque, dans l’espoir que ce sera là un nouveau pas vers une véritable solution du problème de Chypre, et l’expérience du Congrès pourrait être mise au profit. L’exemple de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud est là pour montrer que des conflits « gelés » doivent un jour trouver une solution négociée et pacifique.

Mesdames et Messieurs,

Le temps limité dont je dispose ne me permet pas d’évoquer tous les domaines dans lesquels notre coopération a été constructive et fructueuse, pas plus que les défis du moment auxquelles nos sociétés doivent faire face et qui exigent notre réponse coordonnée. Je suis cependant persuadé qu’ensemble, nous trouverons des solutions tenant compte des préoccupations de tous les citoyens, en commençant par la base. Je puis vous assurer que durant mon mandat de Président du Congrès, je chercherai à élargie et à approfondir notre coopération, qui est une coopération entre deux assemblées élues pour travailler en faveur de la démocratie, de nos citoyens et de l’Europe.

L’élargissement du Conseil de l’Europe, et l’extension des valeurs démocratiques au sein de la Grande Europe qui en découle, signifie aussi l’élargissement de notre potentiel de coopération, qui sert d’excellent exemple pour d’autres organisations internationales. Le Congrès est la première institution européenne à la présidence de laquelle ait été élu un ressortissant turc, et croyez-moi : je ne me suis jamais senti plus européen.

Je vous remercie.