IIes ASSISES DES ASSOCIATIONS DES POUVOIRS LOCAUX ET REGIONAUX DES ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE

18 septembre 2008 - Palais de l’Europe - salle 5

Discours de Jean-Claude Frécon, Vice-président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux Conseil de l’Europe

Madame la Présidente,

Excellences,

Mesdames et messieurs,

Chers collègues,

Avant tout, permettez-moi de vous dire combien c'est un honneur pour moi, et un plaisir, de m’adresser à vous dans le cadre de cette réunion qui, j’en suis sûr, va donner un nouvel élan à la coopération entre le Congrès et les associations, une coopération dont nous avons besoin des deux côtés.

Les orateurs précédents ont déjà mis en exergue l’importance du partenariat avec vous, et de votre engagement pour traduire nos propositions et nos projets en réalité sur le terrain dans vos pays respectifs. C’est dans cet esprit que je vous présente notre nouveau projet, la Charte urbaine européenne II, ce Manifeste pour une nouvelle urbanité que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté lors de sa session plénière en mai dernier.

En fait, ce projet s’inscrit dans le cadre global de nos efforts pour instaurer un nouvel environnement urbain centré sur le citoyen, un milieu englobant les différents aspects de la vie – politique, économique, sociale, culturelle, écologique –  de toutes les catégories de la population, que ce soient les enfants, les personnes âgées, les minorités, les handicapés. La nouvelle Charte urbaine encapsule nos résolutions et recommandations qui servent le même but, adoptées égaleement lors de la session plénière et de la session de printemps cette année. Je parle, par exemple, des textes sur l’enfant dans la ville, la réintégration des enfants des rues, la participation des jeunes, la consommation responsable, la protection de la biodiversité urbaine.

Cependant, l’objectif de ces efforts est de faciliter et d’instiguer la construction de collectivités durables dans l’espace européen, et nous sommes convaincus que les associations de pouvoirs locaux et régionaux ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation des acteurs concernés par ces projets et dans leur promotion active à travers vos activités. En termes pratiques, votre soutien peut se traduire par la diffusion de ces textes dans vos langues, l’échanges de vues sur leur application dans vos localités, l’argumentation auprès des gouvernements nationaux, et des mesures concrètes pour leur mise en œuvre.

Revenant à la nouvelle Charte urbaine, j’aimerais souligner que nous considérons ce document comme capital, comme un véritable manifeste pour le droit à la ville, un manifeste pour une nouvelle urbanité, pour des valeurs partagées du vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle. Face à la situation des villes en constante mutation, il pointe des défis, des méthodes, des moyens, pour agir dans le respect de nos diversités, de nos identités, de nos cultures, avec une volonté commune d'ouverture aux autres.

Déjà, en 1992, l’adoption par le Congrès d’une Charte urbaine était à l’évidence pionnière et novatrice. Elle marquait la reconnaissance du fait urbain, l'engagement des villes européennes comme "acteurs collectifs", capables de relever, avec et pour leurs citoyens, les défis de nos sociétés en mutation.

C’est dans ce contexte de transformation de nos sociétés, de nos économies, de nos cultures que les villes ont montré leurs capacités à faire face. Elles sont devenues les lieux privilégiés de l'adaptation aux nouvelles conditions économiques, sociales, environnementales, elles sont le creuset de nouvelles formes démocratiques, des lieux de solidarité, de liberté et d'émancipation, mais elles portent aussi des risques accrus de fractures, de discrimination et d'exclusion.

Il nous est apparu nécessaire de compléter la première Charte urbaine de 1992, de l’actualiser et de reformuler certains des principes pour réaffirmer que nous sommes, nous élus européens, convaincus que les villes et leurs citoyens sont au cœur des défis majeurs du XXIe siècle, que l'avenir de nos enfants s'y prépare et s'y concentre.

Notre première ambition, reflétée dans la nouvelle Charte, est avant tout celle d’une ville citoyenne, celle du droit à la ville pour chacun, d’une éthique publique forte, d’une subsidiarité active, efficace et solidaire. La ville que nous voulons est une ville où la démocratie s'y régénère sous toutes ses formes. A côté de la représentation par l'élection, on y développe différentes formes de participation, d'association et de débat, où l'interactivité des nouvelles technologies devrait nous offrir des chances supplémentaires.

C'est une ville qui recherche une proximité optimale, une relation nourrie, une relation vivante et riche avec ses citadins-citoyens. Elle développe notamment la transparence, la clarté des compétences et des moyens pour agir, notamment financiers, le contrôle et l'évaluation de l'action publique.

Notre deuxième ambition pour la ville est celle d’une ville durable et respectueuse de l'environnement. Les villes ont un rôle majeur à jouer pour une planète durablement plus habitable, parce qu’elles sont le lieu où se concentrent les populations et les activités, et également le lieu où le changement des pratiques et des comportements produit massivement des effets.

Notre préoccupation est de développer l'écologie urbaine, de réduire l'empreinte écologique de nos villes, de préserver les ressources naturelles et la biodiversité, d’économiser l'énergie, de favoriser l'accès de tous aux biens publics majeurs.

Nous prônons des villes plus denses et plus compactes qui préservent l'espace et facilitent l'accès de tous aux services et aux loisirs. Nous souhaitons développer des mobilités alternatives à l'automobile, des transports collectifs économes en énergie, le vélo et la marche à pied tant, on le sait, la régulation de l’utilisation de l'automobile est importante pour préserver la santé, diminuer les pollutions, le bruit, l'insécurité routière et préserver nos paysages.

Notre troisième ambition pour la ville est celle d’une ville solidaire, qui combat activement les fractures, les exclusions et les discriminations. C'est une ville attachée aux mixités, aux libertés et aux échanges. Elle est un espace de qualité, un espace de solidarité entre quartiers, entre catégories socioprofessionnelles, entre personnes d’origines différentes. Elle reflète notre ambition de bâtir, à travers l'Europe, une société plus inclusive, plus cohésive, plus diversifiée.

Nous devons faire de la dimension sociale le centre de nos politiques de développement durable des villes, parce que, on le sait, dans les villes se développent des phénomènes inquiétants de paupérisation, de ségrégation et d'exclusion.

Cette ville que nous voulons, c’est aussi une ville qui exprime pleinement à l’intérieur de ses murs cette préoccupation de solidarité, qui le fait à l’extérieur dans son hinterland régional par exemple, et également plus largement en étant solidaire avec le monde. C’est une ville ouverte, tournée vers le monde, car notre ambition est de bâtir avec les villes un monde plus solidaire, un monde de dialogue, d'échanges et de coopération.

Enfin, notre quatrième ambition pour la ville est celle d’une ville lieu de modernité, une ville qui catalyse les savoirs et la créativité, une ville des connaissances et des cultures.

Nos villes sont des carrefours des civilisations, des marqueurs d'identité, des lieux de culture et de mémoire. Ces expressions, loin d'être passéistes, préparent l'avenir, s'allient à de formidables capacités de création, d'innovation, de progrès et d'adaptation.

Nos villes sont des lieux d’excellence, des pôles majeurs de développement de l'économie, des connaissances, de la recherche, de l'éducation qui sont gages d’un développement vraiment durable. A l’aube de ce millénaire, les technologies de l'information et de la communication devraient, là encore, s'y développer en ce sens.

Mesdames, Messieurs,

Voici, en quelques grandes lignes, les ambitions de notre démarche. Il était nécessaire d'actualiser notre vision du rôle des villes européennes pour un développement territorial durable, au service de nos concitoyens. Nous avons voulu ce Manifeste comme le Manifeste de la ville pour notre temps, comme une déclaration politique majeure qui précise notre vision d’une nouvelle urbanité, d’un nouveau savoir-vivre ensemble, d’une nouvelle culture de la vie en ville.

Ce Manifeste est porteur d'une force de conviction et de la volonté des pouvoirs locaux en Europe, et nous souhaitons qu'il soit le plus largement possible diffusé, y compris avec l’aide des associations. Nous comptons sur votre soutien dans la propagation et l’application des principes de la nouvelle urbanité, énoncés dans la Charte, pour traduire en réalité cet ambitieux projet, qui est la construction d’une ville citoyenne, durable, solidaire et moderne.

Je vous remercie.