8e Conférence des ministres européens responsables des questions de migration

Kiev, Ukraine, 4-5 septembre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les ministres et leurs représentants,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Le processus de l’intégration européenne a placé les questions liées aux migrations et à leur gestion au premier plan de nos préoccupations politiques. D’une part, les migrations à l’intérieur de l’Europe sont facilitées par l’élargissement de l’Union européenne, la disparition des frontières politiques et la création de marchés communs de main-d’œuvre. D’autre part, l’Europe d’aujourd’hui a besoin d’immigrés en provenance d’autres continents pour faire face au vieillissement de la population et à l’accroissement des charges de la protection sociale.

Cette conférence a distingué à juste titre les trois aspects des problèmes de migrations – développement, gestion et cohésion sociale – ainsi que la nécessité d’une approche intégrée, tant au niveau national, où il s’agit de regrouper ces trois aspects sous un seul « programme », qu’au niveau international entre les pays d’Europe et les pays non européens, où l’approche intégrée concerne les pays d’origine, de transit et de destination.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe accorde une très grande importance aux migrations et à leur gestion. Les collectivités locales et régionales sont directement affectées de manière très concrète par les flux migratoires et, à ce titre, peuvent et doivent contribuer à l’élaboration des politiques nationales et internationales en matière de migrations. Les collectivités territoriales sont les premières confrontées, dans la pratique, à l’afflux des immigrants, car elles doivent leur fournir ainsi qu’à leurs familles le gite et le couvert avant de s’occuper de leur emploi et de leur intégration dans la société locale. Toute action des pouvoirs publics en matière de migrations doit donc nécessairement prendre en compte l’expérience locale et régionale.

En tant que dirigeants et gestionnaires de leurs communautés, les pouvoirs locaux et régionaux ont un rôle essentiel à jouer pour faciliter l’intégration des immigrés et leur interaction avec les autres membres de la communauté locale. Leur expérience concrète concernant les mesures qui réussissent peut se traduire en action concrète aux niveaux national et international et constituer leur contribution à l’élaboration d’une approche intégrée et d’une politique commune au niveau national.

Nous mettons tout particulièrement l’accent sur l’intégration des immigrés aux niveaux local et régional ; je dirais qu’il s’agit d’une « intégration par la participation et le traitement sur un pied d’égalité ». C’est dans cet esprit que le Congrès a participé – avec la Ville de Stuttgart et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de la vie et du travail, basée à Dublin –   à la fondation d’un réseau européen de villes pour une politique d’intégration locale des immigrés, CLIP, qui a été lancé en 2006 et implique maintenant plus de trente villes. CLIP, ce qui signifie en anglais Cities for Local Integration Policy, fournit aux pouvoirs locaux un forum leur permettant d’échanger des idées et des bonnes pratiques, de comparer les approches adoptées dans les différents pays et de présenter aux gouvernements nationaux des propositions améliorées, ce qui leur permet de participer à l’élaboration des politiques nationales. Nous sommes persuadés que d’autres villes rejoindront ce réseau, notamment des villes d’Europe centrale et orientale, étant donné l’importance de l’axe Est-Ouest dans les flux migratoires.

S’il va de soi que les collectivités locales et régionales appliquent les politiques et la législation nationales concernant les immigrés, elles apportent également leurs propres idées, propositions et approches novatrices permettant de gérer les problèmes de migration avec souplesse et pragmatisme. Nous croyons fermement que les immigrés doivent être considérés comme des atouts, et que le fait de les aider constitue un investissement qui portera ses fruits grâce à leur contribution à l’économie locale. L’immigré, qu’il soit ou non citoyen du pays d’accueil, participe de fait à la collectivité, est un usager des services publics et en tant que tel, un acteur de la vie économique.

C’est pourquoi les autorités locales et régionales, avec le soutien des gouvernements nationaux, doivent mettre en œuvre des mesures visant à faciliter la pleine implication des immigrés dans la vie des communautés – concernant notamment l’enseignement de la langue locale, la promotion du dialogue interculturel, la fourniture d’une formation professionnelle pour mettre à niveau ou améliorer les qualifications des immigrés, en particulier pour les métiers souffrant d’un manque de main-d’œuvre. Les collectivités locales et régionales, qui sont souvent les premiers employeurs d’une région, doivent également introduire des mesures favorisant l’emploi des immigrés – par exemple en reformulant leurs propres exigences restrictives en matière d’emploi – et en encourageant les immigrés à développer leurs qualités d’entrepreneurs, en leur permettant de créer de petites et moyennes entreprises.

Nous croyons qu’il devrait y avoir davantage de réseaux comme CLIP, impliquant des collectivités locales et régionales des pays d’origine, de transit et de destination. Un autre exemple de bonne pratique pourrait être l’établissement de réseaux entre les régions, concernant les collectivités à la fois des pays d’origine et de transit et des pays de transit et de destination. A cet égard, les Eurorégions du Congrès pourraient servir de modèles. Une approche commune dans le cadre de tels réseaux pourrait permettre à des immigrés potentiels de recevoir la formation et les qualifications professionnelles acceptées dans le pays de transit ou des pays de destination. Elle pourrait également faciliter la réintégration éventuelle des immigrés dans leur pays d’origine.

En conclusion, j’aimerais souligner que les gouvernements nationaux doivent reconnaître le rôle et les responsabilités des pouvoirs locaux et régionaux dans la gestion des migrations selon le principe de subsidiarité énoncé dans la Charte européenne de l'autonomie locale, et leur accorder par conséquent les ressources humaines et financières nécessaires.

J’espère que cette conférence examinera attentivement cette question.

Je vous remercie de votre attention.