Confédération européenne des pouvoirs locaux intermédiaires

Discours de Antonella Cagnolati, Directrice du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

15-16 juillet 2008 - Avignon, France

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Un jour de naissance est toujours un événement solennel, plein de joie et de rêves sur ce que va devenir le bébé, sur ce que seront ses objectifs, ses ambitions et ses réussites. Cette conférence aujourd’hui marque la naissance d’une nouvelle instance pour une meilleure cohésion territoriale et politique en Europe – la Confédération Européenne des Pouvoirs Locaux Intermédiaires, la CEPLI.

Cette Confédération a pour objectif d’institutionnaliser et de renforcer la légitimité du niveau souvent ignoré dans l’architecture politique européenne – le niveau dit intermédiaire, représenté par les départements, provinces, kreis, judets, etc., et leurs associations nationales. Or, les pouvoirs intermédiaires occupent un créneau important, jouant un rôle d’interface entre les collectivités territoriales et les autorités centrales.

C’est un honneur pour moi d’intervenir devant vous au nom du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, organe représentatif de 200 000 collectivités territoriales de notre continent. C’est un honneur parce que l’objectif de cette conférence s'inscrit parfaitement dans le cadre des travaux et des buts du Conseil de l’Europe et de notre Congrès, qui œuvrent, depuis des décennies, pour le développement et le renforcement  de la démocratie sur notre continent, dont la démocratie locale et régionale est l’essence même.

En effet, les instances locales et régionales sont le ciment de l’édifice démocratique. L’action publique démocratique trouve ses racines dans la démocratie territoriale car les autorités locales et régionales aujourd’hui sont au carrefour de toute activité, que ce soit la sécurité nationale ou urbaine, la protection de l’environnement, l’intégration des migrants, la lutte contre la traite des êtres humains, ou l’aménagement du territoire, par exemple. Etant au niveau le plus proche des citoyens, les autorités territoriales légitiment l’action nationale pour faire adhérer la population. Cela n’est pas étonnant car les citoyens font plus confiance aux autorités dans leurs collectivités qu’à celles qui représentent un niveau plus éloigné.

Cette omniprésence politique des pouvoirs territoriaux nécessite leur intégration à plein temps dans les processus aux niveaux national et international, pour une meilleure cohésion démocratique au sein de nos sociétés et entre les différentes strates du gouvernement, ainsi que pour une gouvernance démocratique plus efficace.

C’est dans cet esprit qu’au Congrès, nous défendons avec vigueur le droit des pouvoirs locaux et régionaux d’être consultés et impliqués dans l’élaboration des politiques publiques et des stratégies dans le domaine de l’organisation territoriale et de la gestion des villes et régions. C’est d’autant plus important qu’il est clair aujourd’hui que l’Etat ne peut s’exprimer aux citoyens, à la société civile de façon générale, sans passer par le niveau plus proche à leurs collectivités. D’un autre côté, les pouvoirs territoriaux ne peuvent pas s’adresser aux niveaux national et international sans passer par les institutions intermédiaires les représentant.

C’est pourquoi le Congrès, qui lui-même offre une plate-forme de coopération paneuropéenne des pouvoirs territoriaux, ne peut que saluer l’initiative de créer la CEPLI et donner un plein soutien à la nouvelle confédération. D’ailleurs, nous espérons pouvoir compter sur une coopération constructive et fructueuse avec la CEPLI dans l’avenir, de la même façon que nous avons établi une bonne coopération avec de nombreuses organisations et associations des pouvoirs territoriaux en Europe.

Mesdames et messieurs,

Notre continent connaît une véritable hétérogénéité de l’organisation territoriale, que ce soit les communes, les villes, les provinces, les départements ou encore les régions. Le seul point commun, c’est au fond qu’elles se situent au niveau intermédiaire dans l’Etat. Or, chaque niveau des collectivités a sa propre pertinence dans le paysage territorial, avec des atouts et un rôle qu’il faut exploiter d’une manière spécifique à chaque pays d’Europe. Ca veut dire, par exemple, que l’importance reconnue des collectivités d’une certaine taille, comme les régions, ne doit pas être au détriment des collectivités d’un taille inférieure comme celles dites « coincées » entre les communes et les régions : je parle de départements en France, de provinces en Italie, de kreis en Allemagne. Dans certains pays, les pouvoirs intermédiaires sont parfois mieux placés que les régions pour assurer l’application efficace de la Charte européenne de l’autonomie locale, renforcer la démocratie de proximité, ou organiser les investissements dans l’économie locale.  

Pour nous, la diversité des territoires en Europe est synonyme de richesse, une richesse d’une valeur incommensurable due à la pluralité d’ethnicités, de langues, de cultures, et de traditions qui sont enracinées dans nos collectivités. En même temps, cette diversité, qui repose sur des valeurs démocratiques communes, nécessite une cohésion politique, économique et sociale impliquant tous les niveaux de gouvernance, une cohésion permettant de tenir ensemble le tissu de nos diverses sociétés.

Aujourd’hui, nos collectivités territoriales se trouvent face à un double défi. car nous assistons à un mouvement de mondialisation mais aussi à un phénomène de localisation et de territorialisation. D’un côté, l’intégration européenne et le processus de décentralisation qui l’accompagne ramène le transfert de compétences au niveau territorial, ce qui ouvre la porte à une coopération plus approfondie entre les collectivités et leur participation croissante à la prise de décisions au niveau national voire international. D’un autre côté, les défis posés par la mondialisation exigent des réponses novatrices et communes des collectivités et de leurs groupements – exigent un échange d’expériences et de bonnes pratiques au sein de réseaux de coopération – exigent enfin, une voix réunie des collectivités vis-à-vis des gouvernements.

C’est dans ce cadre-là que nous voyons l’utilité et le rôle des pouvoirs intermédiaires qui sont les interlocuteurs légitimes et reconnus des Etats. Les niveaux intermédiaires ont pour vocation d’exercer un rôle de coordination, de mise en commun et d’orientation de différentes autorités existant sur un territoire plus vaste. Ces niveaux ont de plus des atouts précieux dans l’architecture institutionnelle d’un pays, dans  la mesure où ils représentent une passerelle vers une meilleure démocratie de proximité.

Ces divisions territoriales bénéficient parfois aussi de compétences particulières. Ainsi, le département français possèdent des compétences et des responsabilités dans des domaines qui sont loin d‘être anodins, à savoir, dans le domaine de l’action sociale et sanitaire, l’aménagement de l’espace et de l’équipement, l’éducation, la culture et le patrimoine, ainsi qu’un certain nombre de responsabilité dans le champ de l’action économique. L’on peut citer à titre d’exemple la province de Aland en Finlande qui est une province autonome, dotée d'un gouvernement autonome (Landskapsstyrelse), d'une administration et d'une assemblée législative (Lagting) élue au suffrage universel. Ses compétences incluent l'enseignement et la culture, la police, l'administration locale, la santé publique, les affaires sociales, l'emploi.

Dans ce contexte, les pouvoirs intermédiaires s’engagent à favoriser le principe de subsidiarité en promouvant les activités menées au niveau territorial le plus efficace. La naissance de la CEPLI concrétise une fois encore la mise en œuvre de ce principe, énoncé dans la Charte européenne de l’autonomie locale du Conseil de l’Europe et considéré comme la pierre d’achoppement d’une démocratie véritable. 

Cette coordination de l’action constitue aussi le flambeau porté par le Congrès depuis sa création. Notre Organisation se réjouit d’être dorénavant épaulée par la CEPLI dans cette tâche. C’est finalement une suite logique parce que nous concevons le niveau intermédiaire comme un très bon relais pour transmettre les initiatives et les projets à caractère international de notre Congrès vers les niveaux local et régional ; comme un très bon vecteur pour favoriser l’application des principes fondamentaux énoncés dans la Charte de l’autonomie locale. Les niveaux intermédiaires sont le véhicule utilisé par les pouvoirs territoriaux vis-à-vis, d’une part, des gouvernements nationaux et, d’autre part, des institutions internationales telles que le Congrès du Conseil de l’Europe. En tant que tel, vous êtes nos partenaires naturels.

C’est précisément la raison pour laquelle le Congrès attache une importance particulière à la coopération avec les pouvoirs intermédiaires et leurs associations, leur implication dans nos activités, le maintien d’un dialogue permanent avec eux, tout en leur offrant son expertise et son acquis. Au Congrès, nous possédons une expérience considérable d’interaction avec les autorités territoriales ; en fait, nous avons développé une véritable culture de coopération avec les associations des pouvoirs locaux et régionaux dans nos activités quotidiennes.

Nous comptons y inclure une coopération future avec la CEPLI, qui, en tant qu’interlocuteur politique, portera la voix des pouvoirs intermédiaires, acteurs clés d’une dynamique locale européenne. Avec la CEPLI, les collectivités qui se trouvent entre les communes et les régions obtiennent une représentation politique comme l’ARE pour les régions ou le CCRE pour les communes. Comme ces deux assoications, la CEPLI doit aussi bénéficier de la coopération avec le Congrès, qui pourra prendre des formes variées, incluant les consultations, la participation à nos réunions, ou encore l’organisation d’événements conjoints..

Afin de définir les modalités d’une telle coopération, le Congrès a convoqué, en septembre 2006, la première réunion des assises des associations nationales, qui sera suivie par la deuxième réunion dans deux mois, en septembre cette année. En septembre 2007, le Congrès et la présidence serbe du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont organisé une conférence internationale à Novi Sad, Serbie, sur le thème « Associer les collectivités territoriales pour plus de cohésion démocratique » - un thème qui, je trouve, reflète parfaitement l’objectif de la CEPLI.

Ainsi donc, nous apparaît-il nécessaire d’établir dès maintenant une synergie entre la CEPLI et le Congrès. La CEPLI, qui peut ainsi compter sur l’expertise et le soutien paneuropéen offert par notre Congrès, et le Congrès qui, lui aussi, s’appuie dans son action sur les pouvoirs intermédiaires à travers de nombreuses formes de partenariat  au sein du triangle « collectivités territoriales – pouvoirs intermédiaires – gouvernements nationaux ».

Je formule donc des vœux pour cette naissance, des vœux de réussite bien sûr, dans l’ambition de la CEPLI, mais aussi des vœux pour une future coopération étroite avec le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe qui se félicite de pouvoir, d’une certaine manière, parrainer les premiers pas de cette nouvelle Confédération, au niveau international.

Je vous remercie.