Conférence européenne « Exécutif élu et dirigeant territorial : un binôme à l’équilibre fragile »

Strasbourg, 17 et 18 janvier 2008

Discours de Yavuz Mildon, Président de la Chambre des Régions du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Dans une série télévisée populaire appelée « A la Maison Blanche » en français, le président américain nouvellement élu doit choisir son directeur de cabinet. Il demande de l’aide à un ami, qui lui dit : « Connais-tu quelqu’un en qui tu peux avoir confiance ? » Le président répond « oui ». « Est-il plus intelligent que toi ? » Il répond de nouveau « oui ». « Alors, ce sera ton directeur de cabinet ».

Tandis que nous nous rassemblons ici aujourd’hui pour discuter du partenariat entre représentants élus et dirigeants territoriaux, gardons présent à l’esprit le fait qu’une action politique efficace ne peut être menée que grâce à une synergie entre ces deux éléments constitutifs de la politique. D’aucuns sont nés pour être des élus, d’autres pour être des fonctionnaires efficaces qui apportent leur soutien et garantissent l’exercice politique des représentants élus. Sans doute n’est-il pas nécessaire que je vous rappelle une autre série de télévision populaire plus ancienne, « Yes, Prime Minister », pour souligner l'importance des deux parties.

Aujourd’hui, cependant, nous sommes parfois confrontés au problème de l’équilibre dans le partenariat entre les élus et les dirigeant territoriaux, problème qui peut être ramené à une notion simple – que faut-il faire pour garantir l’indépendance des fonctionnaires tout en préservant la liberté d’un représentant élu de poursuivre sa politique ?

C’est exactement le thème de notre conférence, organisée à mon avis à un moment tout à fait opportun, et je souhaite remercier les organisateurs, et avant tout l’Union des dirigeants territoriaux de l'Europe (UDITE), d’avoir pris cette initiative. Pendant ces deux jours, nous discuterons des moyens d’assurer des relations institutionnelles optimales entre l’organe exécutif politique qui prend des décisions au niveau local et régional et l’organe administratif chargé de les mettre en œuvre.

L’équilibre dans ces relations institutionnelles peut parfois être très fragile, reflétant jusqu’à un certain point la fragilité – ou plutôt, la complexité de l’interaction – qui existe entre la politique et le management. Il va de soi, naturellement, que le directeur territorial, avec ses fonctions managériales, doit rendre des comptes à l’organe élu et à l’exécutif élu, qui endosse pour sa part la légitimité du vote populaire. De même, il est par ailleurs évident qu’une situation de conflit entre les deux peut aboutir – et aboutit souvent – à une impasse politique, au détriment du bon fonctionnement du mécanisme démocratique, ce qui est exactement contraire à ce que souhaitent nos concitoyens lorsqu’ils nous élisent.

Dans quelques minutes, l’expert Jacques Bouvier du Congrès fera une présentation plus détaillée des principaux problèmes qui se posent afin d’alimenter nos discussions. Toutefois, je tiens à souligner que le Conseil de l'Europe et son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, que je représente aujourd’hui en ma qualité de Président de la Chambre des régions, suivent cette question depuis assez longtemps déjà. En 1995, le Congrès a adopté une recommandation à l’issue de la 2e conférence européenne du personnel des collectivités territoriales, qui s’est tenue à Budapest en septembre 1994. Dans cette recommandation, le Congrès soulignait la nécessité d’instaurer un service public efficace à tous les niveaux de l’administration, conforme à la répartition des responsabilités entre les différents niveaux de l’administration publique, et de garantir que les personnels des autorités locales et régionales dépendent exclusivement et respectivement de leurs autorités locales ou régionales. La recommandation abordait largement des questions comme le statut juridique et les conditions d’emploi du personnel des collectivités territoriales, leur formation et les conditions en matière de politique du personnel. Il a été en particulier souligné que le Réseau européen de centres de formation du personnel des collectivités territoriales (ENTO), que le Congrès a aidé à mettre en place et qu’il soutient activement depuis, a un rôle essentiel à jouer dans la formation du personnel des collectivités territoriales pour que celui-ci s’acquitte efficacement de ses fonctions.

En 1999, le Congrès a adopté une recommandation sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux, qui incluait le Code de conduite européen relatif à l’intégrité des élus locaux et régionaux et leurs obligations spécifiques lors de l’accès à la fonction, de l’exercice de celle-ci et de la cessation de fonctions. Selon nous, le personnel territorial est essentiel pour garantir le strict respect de ce code de conduite par les élus, ce qui souligne une fois encore la nécessité de veiller à ce que le personnel administratif local jouisse d’un certain degré d’autonomie par rapport aux élus locaux.

C’est exactement l’enjeu de cette conférence, qui s’inscrit logiquement dans le droit fil de la conférence organisée par l’UDITE à Sienne en avril 2002 et de la Déclaration de Sienne adoptée à l’époque. Cette déclaration, comme vous le savez, abordait des questions importantes comme la carrière des dirigeants locaux et le statut professionnel des dirigeants territoriaux, l’éthique du service public et une politique de formation adaptée aux nouvelles fonctions du personnel territorial, et – ce qui revêt une importance particulière – l’engagement des dirigeants des collectivités territoriales à participer – et coopérer – à l’orientation politique en tant qu’élément privilégié dans l’exercice de leurs fonctions. 

Mesdames, Messieurs,

Ce dernier point, comme je l’ai dit, revêt une importance particulière parce qu’il met en valeur la coresponsabilité de l'administration locale dans la prise de décision politique au niveau local et régional, au même titre que les représentants élus. Ce point a toujours été mis en avant par notre Congrès lors des discussions sur les fonctions du personnel local et régional, et le Congrès soutient pleinement la position de l’UDITE sur cette question. En outre, pour ce qui est de la prise de décisions au niveau du gouvernement, de même que les élus locaux et régionaux devraient jouir d’une certaine autonomie par rapport aux autorités centrales, le personnel administratif local et régional, avec à sa tête son directeur, devrait aussi jouir d’une certaine autonomie vis-à-vis des représentants élus locaux et régionaux.

Dans quelques minutes, je le répète, notre expert Jacques Bouvier fera une présentation qui se fonde sur l’élaboration d’une étude de modèle de relations entre ces deux groupes d’acteurs, et qui sera le point fondamental de nos discussions pendant ces deux jours. Tout en nous souhaitant à tous des échanges fructueux et constructifs pendant cette conférence, j’aimerais conclure en soulignant une fois encore que le Congrès vous apporte tout son soutien dans vos efforts pour garantir l’indépendance et le bon fonctionnement du personnel territorial dans l’exercice de ses fonctions, ainsi que dans les efforts visant effectivement à créer un système optimal et équilibré d’autonomie locale et régionale qui implique de manière égale à la fois des représentants élus et des managers administratifs partageant leurs compétences respectives.

Rassemblons nos efforts pour le bien de nos concitoyens, qui s’attendent à ce que nous soyons les garants d’une démocratie locale et régionale des plus efficaces.

Je souhaite que la présente conférence remporte un vif succès.

Je vous remercie.