Congrès sur la sécurité routière organisé par l’Assemblée interparlementaire du Conseil de la Communauté des Etats Indépendants

St-Petersbourg, 1er novembre 2007

Discours de Willy Borsus, Membre du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Le citoyen est au cœur de notre démocratie et de notre action publique. Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans son article 3, tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. La sécurité du citoyen, que ce soit la sécurité urbaine, sociale ou routière, doit être au centre des préoccupations des pouvoirs locaux et régionaux.

C’est un grand honneur pour moi de représenter aujourd’hui le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, organisation paneuropéenne représentant les 200 000 collectivités territoriales de 47 états membres du continent européen, de Reykjavik à Ankara, de Lisbonne à Vladivostok.

Permettez-moi de féliciter la Présidence et nos hôtes d’avoir pris l’initiative d’une telle rencontre car le contexte de la mobilité a considérablement changé en Europe depuis les bouleversements historiques des années 1990 et avec l’élargissement de l’Union européenne. 

La sécurité routière est un sujet éminemment d’actualité tant dans les pays de la CEI que dans les autres pays européens. La mondialisation de l’économie est également en train de changer la géographie industrielle de notre continent avec une nouvelle donne sur les flux de marchandises.

La sécurité routière, avec un nombre de tués croissant sur les routes,  est une composante clé de la qualité de la vie dans nos collectivités. Il en est de même de tous les aspects de sûreté et notamment ceux liés à l’ensemble des modes de transport.

À l'heure actuelle, les constructeurs produisent des voitures et des camions toujours plus sûrs, l'ingénierie routière construit des routes elles aussi plus sûres, et nous prenons de plus en plus conscience de la nécessité d'agir de manière responsable sur la route, afin de protéger notre vie et celle d'autrui. La sécurité routière est devenue, à juste titre, un véritable enjeu de société en Europe et dans le monde d’autant que l’ampleur du trafic routier ne cesse de croître.

Ainsi elle doit être inscrite à l’agenda politique de l’ensemble des pouvoirs publics en Europe, des niveaux national, régional et local. En effet, tout citoyen a le droit de vivre et de travailler en sécurité. Ainsi, dans nos activités quotidiennes, lorsque nous nous déplaçons à pied, lors que nous circulons à vélo ou à moto ou lorsque nous conduisons une voiture ou un camion, ces déplacements doivent se faire avec un minimum de risques d'être blessé ou tué. De même, la participation de chacun à la circulation routière ne doit pas nuire aux autres usagers de la route.

Des actions importantes sont menées dans les différents pays et nous en avons un large témoignage au cours de la matinée. Cependant, les disparités de situations sont importantes entre les pays européens. Par exemple, nous savons que l’insécurité routière en France reste malheureusement nettement plus élevée que dans les pays scandinaves, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni.

Si les situations sont très variées et justifient certainement des solutions différenciées, il y a toutefois un point sur lequel il me semble difficile de tergiverser : c’est le prix en vies humaines que nous devons payer pour la mobilité. Ceci nous oblige à une mobilisation sans pareille de toutes les parties prenantes que sont les pouvoirs publics, les milieux économiques, les associations, les médias...

Il me paraît aussi important de soutenir la mobilité alternative : transports en commun, mobilité douce, covoiturage, voiture partagée…

À cet égard, la Charte européenne de la sécurité routière me paraît fondamentale. Elle invite chaque membre de la société, qu'il s'agisse, par exemple, d'une petite école, d'une association rurale ou d'une grande entreprise multinationale, à apporter sa propre contribution tangible à l'amélioration de la sécurité routière.

La dimension européenne apporte une valeur ajoutée importante aux politiques nationales et locales en matière de sécurité routière. Elle permet notamment d’aller dans le sens d’une harmonisation des législations, de pratiquer l’échange d’expériences qui nous est cher au Congrès et d’aller en plus loin en termes d’échanges de données et d’évaluation et de comparaison avec l’aide d’outils dits de « Benchmarking ». Je voudrais ici saluer l’initiative de la Commission européenne d’une journée européenne de la sécurité routière.

L’action au niveau européen doit également aller dans le sens de l’application transfrontalière, comme par exemple des amendes dues aux infractions au code de la route, qui est actuellement limitée et dépendante de la diversité des règles nationales de protection des données.

Au Congrès, nous pensons qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics, chacun dans ses compétences, de faire en sorte que la mobilité croissante de nos concitoyens puisse se dérouler sans danger. Au-delà de toutes les rhétoriques institutionnelles, chacun a un rôle à jouer pour rendre la route plus sûre en Europe, et la méthode à adopter pour accroître la sécurité routière repose sur le principe de la «responsabilité partagée» entre l’ensemble des niveaux de gouvernance. Les trois composantes des déplacements sont les comportements, les véhicules et les infrastructures.

Les initiatives sont nombreuses et diverses en matière de sécurité routière. Elles devraient se fonder sur des données statistiques solides relatives notamment aux causes des accidents. La collecte et l'analyse des données, sont essentielles pour concevoir des mesures efficaces et proportionnées destinées à améliorer la sécurité routière. Ces données doivent pouvoir être accessibles à tous les acteurs et particulier aux collectivités territoriales.

Les pouvoirs territoriaux doivent également pouvoir exercer plus d’influence sur, et être impliqués davantage dans la prise de décision sur l’aménagement du territoire, y compris sur les décisions relatives au réseau routier.

La sécurité routière ne dépend pas exclusivement du comportement des automobilistes, chauffeurs routiers, motards ou piétons. Il s’agit de proposer des infrastructures de qualité capables de supporter la croissance des trafics, une signalisation adaptée ainsi que des outils et services techniques d’information et de confort qui permettent à chacun de gérer leurs trajets dans les conditions satisfaisantes. Les techniques modernes de contrôle permettant une répression appropriée doivent aussi être utilisées (radar automatique, appareil modulable de contrôle…).

La question de la qualité de l’infrastructure est particulièrement actuelle dans l’espace de la CEI qui a souffert pendant longtemps du manque du développement infrastructurel.

Nous sommes là aussi dans les compétences des pouvoirs locaux et régionaux et j’aimerais souligner, à cet égard, le potentiel des nouvelles technologies et des systèmes de transports intelligents qui, par ailleurs, peuvent servir d’autres objectifs d’une politique publique de transport comme le transfert modal et la gestion efficace d’un réseau.

Un autre domaine où les pouvoirs locaux et régionaux ont un rôle important est celui des campagnes de sensibilisation des populations aux dangers sur la route et au comportement sur la route. Les jeunes et les enfants constituent une cible toute particulière qu’il s’agisse de l’enseignement du code de la route dès le plus jeune âge ou de la sensibilisation aux effets de l’alcool et de la drogue. Ces campagnes peuvent inclure l’affichage sur les routes, y compris aux endroits d’accidents, des rappels à respecter la limitation de vitesse, à garder la distance, à ne pas conduire en état d’ébriété, et faire l’objet de toutes sortes de produits de communication.

S’il est bien du ressort des autorités nationales de favoriser le développement de véhicules plus sûrs, de fixer des règles concernant le port de la ceinture, ou l’usage des feux sur la route en journée, ou encore de fixer les limitations de vitesse, les maires ont, dans de nombreux pays européens, un pouvoir de police qui leur permet outre l’aménagement spécifique des rues, de limiter certaines circulations à des vitesses très faibles (par exemple les zones 30) dans certains quartiers d’habitation.

Les pouvoirs locaux peuvent mener toutes sortes d’initiatives. Je citerai par exemple celle d’organiser à des heures tardives de la nuit des services de bus ou encore de s’associer aux restaurateurs et aux bars pour qu’ils offrent gratuitement au « chauffeur désigné » des boissons sans alcool. On peut aussi imaginer comme à Strasbourg, ville siège du Conseil de l’Europe, des opérations « nez rouge » les soirs de Noël et de Nouvel an, un service de volontaires pour reconduire les familles chez elles.

J’insisterai également sur les synergies entre la sécurité routière et la protection de l’environnement. Je suis convaincu qu’une bonne politique de la mobilité contribue à limiter les gaz à effets de serre mais également à juguler l’insécurité routière. Mettre en place des transports en commun diversifiés et des intermodalités performantes, favoriser l’usage des modes de déplacements doux que sont la marche ou le vélo, sont autant de moyens qui permettent la réduction de l’usage du transport en voiture et contribue à la fois à la sécurité routière et à la protection de l’environnement.