2e Semaine de la Solidarité Européenne pour l’eau, « Un assainissement adapté pour un développement humain, économique, social et durable »

1er – 5 octobre 2007, République de Moldova

Intervention de Myriam Constantin, membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, Adjointe au Maire de Paris

Présidence de la séance du 3 octobre en matinée, thème :

« De quels outils financiers, administratifs, législatifs et d’expertises techniques et de communication doit disposer l’élu local pour que le droit à l’eau soit effectif ? »

C’est un honneur pour moi, et un plaisir, de représenter aujourd’hui, ici en République de Moldova, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, organisation paneuropéenne réunissant les 200 000 collectivités territoriales des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe dans toute leur diversité.

Au Conseil de l’Europe, nous pensons que l’accès à l’eau (et à l’assainissement) doit être considéré comme un droit humain fondamental. L’eau est par nature un bien public. Elle n’est ni une marchandise, ni une denrée illimitée, et elle est fragile. Sa valeur sociale, environnementale, économique et culturelle exige de notre part une approche nouvelle, je dirais une nouvelle culture de l’eau, qui établisse un équilibre entre les préoccupations économiques, écologiques, sociales, et reste
avant tout une affaire de démocratie, un enjeu démocratique pour nous et nos enfants. Le droit à l’eau est un impératif éthique en même temps que vital.

Le Congrès porte une grande attention à la question de l’eau. Nous avons adopté récemment plusieurs recommandations sur l’eau potable, les ressources hydrologiques transfrontalières, la nécessaire gestion intégrée de l’eau par bassins versants hydrographiques, sur les responsabilités partagées pour y arriver et sur l’éducation au développement durable en général.

Comme rapporteur, je prépare actuellement un rapport de recommandations sur la question des services publics d’eau et d’assainissement pour un développement durable, c’est-à-dire partagé par tous, accessible à tous et respectueux d’un environnement préservé. Ce rapport sera examiné par le Congrès en sa session plénière de mai 2008.

L’atelier d’aujourd’hui, « Conditions pour un droit à l’eau effectif » me paraît important à cet égard mais aussi en regard de mes préoccupations d’élue locale, adjointe au Maire de Paris, chargée de l’eau. Car je crois que les questions de l’eau, le droit à l’eau et les conditions pour qu’il soit vraiment effectif constituent des défis pour l’élu local, quel que soit le contexte dans lequel il ou elle agit. Car pour que le droit à l’eau soit effectif, il faut me semble-t-il, nous allons en parler, qu’il soit d’abord reconnu, qu’il y ait une volonté partagée de le mettre en œuvre à partir d’un contexte local et que cette mise en œuvre se fasse avec performance, solidarité et éthique publique dans la gestion du service. Il faut qu’il y ait de l’eau, dans la nature, mais aussi que soit efficace, que se construise une capacité réelle à amener l’eau nécessaire aux besoins, localement, selon les besoins et le contexte local.

Sur la reconnaissance, nous sommes sur un long chemin : l’ONU, les engagements du millénaire en portent marque. Cette seconde semaine de la solidarité européenne pour l’eau fait suite à une première édition que nous avions tenue à Strasbourg, en 2005, dans la perspective de la préparation du dernier sommet mondial de l’eau de Mexico. Nous avions avec Solidarité Eau Europe et d’autres partenaires, (notamment les grands réseaux européens et mondiaux des collectivités locales) milité pour une reconnaissance, par la communauté internationale, de l’implication des collectivités territoriales aux côtés des Etats et de tous les acteurs pour relever les défis de l’eau dans le monde : le droit à l’eau pour tous, la gestion de l’eau au plus près des populations, pour un service public accessible et efficace.

Le droit à l’eau et le rôle des collectivités locales en ce sens et pour une gestion de l’eau durable a été ainsi formellement reconnu par les Ministres lors de leur déclaration finale, à Mexico en mars 2006. Les pays l’adoptent comme ils l’entendent. En France une nouvelle loi sur l’eau vient de le reconnaître à tous, comme une obligation partagée de l’Etat et des collectivités locales. Il y a encore cependant du travail pour en faire un droit humain incontestable et effectif.

Le droit à l’eau effectif suppose la libre disposition d’une ressource en eau pure et épurée (assainissement), adaptée aux besoins, vitaux et de développement agricole et économique. Dans de nombreux endroits de la planète et dans certains pays de notre continent, l’eau est au cœur d’une lutte quotidienne pour la survie.

Pénurie : en Europe, la ressource en eau devrait diminuer d’ici à 2030 de plus de 10 %, en particulier dans le Sud et le Sud-Est, fort inégalement, le changement climatique accentuant encore le phénomène.

Pollution : dans d’autres pays, notamment les pays développés, mais partout, assez généralement, et quelquefois en même temps c’est le risque de pollution des eaux qui est le plus grave, mobilise les énergies et la dépense (publique et des usagers). Le financement des coûts et des investissements, le prix des services d’eau, partout dans le monde et ici en Europe devient, est, un gros problème, pointé par tous. Le prix du service d’eau peut devenir une barrière tangible à un droit à l’eau effectif. Nous en parlerons.

Une autre condition du droit à l’eau effectif, c’est la gouvernance, la volonté de coopération des différents acteurs. Les Etats ne sont pas les seuls garants d’un droit à l’eau effectif, durable, équilibré entre les priorités économiques et agricoles et les impératifs sociaux et environnementaux. Les collectivités locales doivent prendre, prennent les choses en main. Notre atelier pourrait s’attacher à discuter des modes de coopération entre les différents niveaux de gouvernance, entre les différents partenaires, entre les Etats et les territoires… Nous savons bien qu’il n’y a pas de modèle unique. Sur notre continent, en fonction de l’organisation des pays, les collectivités locales, territoires de vie des populations, ont des rôles variables dans la gestion de l’eau et donc du droit à l’eau. Mais l’association des populations et de leurs représentants, élus et services, aux côtés des Etats, des régions et des bassins versants (lorsqu’ils existent) apparaît souhaitable pour un meilleur service public, adapté aux besoins, accessible et efficace.

Il y a la question des compétences et des responsabilités fixées par les lois des pays, ou par les pratiques, et puis il y a la volonté d’agir ensemble, de poser ensemble un diagnostic de la situation, des moyens disponibles pour agir. Cette mobilisation des énergies, y compris ONG, entreprises, population, est sûrement un grand facteur de réussite.

Un droit à l’eau effectif c’est aussi une bonne gestion locale, une efficacité qui s’organise pour fournir, financer, réaliser les raccordements et les points d’eau, éviter les coupures d’eau par des dispositifs d’accompagnement social et d’aides aux plus démunis, maîtriser les prix, financer les investissements et les réparations. C’est rendre compte aux citoyens, mobiliser dans la durée leur participation et leur accord aux modes de gestion de l’eau. C’est un défi démocratique et social, une solidarité territoriale qui repose sur une efficacité technique, des savoirs faire, des moyens de gestion et de financement adaptés au contexte. Seule la construction d’une maîtrise publique du service de l’eau, émanation des populations et de leurs représentants (élus et services) peut assurer dans la durée, démocratiquement, un accès à l’eau à des conditions économiques, sociales, environnementales techniques acceptables pour tous. Parce qu’elle est légitime, représente l’intérêt général, et est responsable devant les citoyens.

Cette maîtrise publique, responsable, s’appuie cependant sur de nombreux moyens, privés ou publics, des expertises, des ressources variées : le libre choix d’organisation est primordial, et facteur d’efficacité. Nous en parlerons mais je voudrais souligner que cette maîtrise se construit pas à pas.

Un droit à l’eau effectif c’est enfin le partage des expériences et des solidarités à travers le monde, et la mise en place de financements performants, localisés. J’ai parlé des réseaux de villes et de gouvernements locaux. Nous avons un besoin croissant de synergies entre tous les acteurs et j’y inclus la société civile et les organisations non gouvernementales. Je salue et je remercie tout particulièrement Solidarité Eau Europe pour cette initiative de nous réunir ici, à Invancea en Moldova, à l’occasion de cette seconde Semaine de la solidarité européenne pour l’eau.

Nous allons commencer nos débats… Je vous remercie de votre attention.